Faut-il effectuer un remplissage
après ponction d’ascite évacuatrice ?
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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002
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ascite est la complication la plus fréquente de la cir-
rhose ; environ 50% des patients atteints de cirrhose
non décompensée développeront cette complication dans les
10années à venir. La survenue d’une ascite marque un tournant
évolutif, puisque 50% des patients vont décéder dans les 2ans
qui suivent. La paracentèse évacuatrice constitue le traitement de
première intention de l’ascite tendue. Sa supériorité, comparati-
vement aux traitements diurétiques en termes d’efficacité (réduc-
tion de la durée d’hospitalisation), de coût et de tolérance (inci-
dence plus faible d’encéphalopahie hépatique, d’insuffisance
rénale et d’hyponatrémie), a été clairement démontrée par quatre
essais randomisés.
Cependant, en l’absence de remplissage vasculaire, la paracen-
tèse évacuatrice induit une hypovolémie dans 75% des cas, carac-
térisée biologiquement par une élévation de l’activité rénine plas-
matique de plus de 50% (1). Ces modifications hémodynamiques
sont consécutives à une accentuation de la vasodilatation arté-
rielle périphérique, déjà présente chez les cirrhotiques. L’hypo-
volémie postparacentèse débute dans les 24 heures qui suivent la
ponction, pour atteindre son maximum au sixième jour (2). Elle
est d’autant plus marquée que le volume d’ascite soustrait est
important. Les conséquences à court terme de l’hypovolémie post-
paracentèse sont l’hyponatrémie, constatée chez 26% des patients
développant une hypovolémie contre 15% des patients sans hypo-
volémie, et l’insuffisance rénale (20 %) (2). À moyen terme, les
conséquences de l’hypovolémie ont été mises en évidence plus
récemment, grâce à une étude randomisée multicentrique,
incluant 289 patients traités par paracentèse totalement évacua-
trice, et comparant trois modalités différentes de remplissage vas-
culaire (albumine, dextran 70 et polygéline). La survenue d’une
hypovolémie postparacentèse, malgré un remplissage vasculaire,
était associée à une reconstitution plus rapide de l’ascite, avec un
délai médian de réadmission de 1,3 mois, significativement infé-
rieur à celui des patients sans hypovolémie postparacentèse
(3,5 mois) (2). De plus, la médiane de survie était de 9,3 mois
en cas d’hypovolémie postparacentèse, significativement plus
courte que celle des patients sans hypovolémie postparacentèse
(16,5mois). L’hypovolémie postparacentèse persistait durant les
6 mois de suivi de l’étude. Ces résultats soulignent clairement les
Niveau de preuve
2
2
L’hypovolémie induite par la paracentèse
doit être traitée! car elle persiste au moins
"mois! augmentant le risque de récidive de
l’ascite et la mortalité à long terme# En cas
de ponction de plus de $l! la supériorité de
l’albumine sur les macromolécules de syn%
thèse! en termes de prévention de l’hypovo%
lémie postparacentèse! est bien établie et!
malgré l’absence de bénéfice démontré sur
la survie! l’albumine est recommandée#
Pour les ponctions de moins de $l! l’efficaci%
té des différentes solutions de remplissage
est similaire#
Ce qu’il f
Ce qu’il fa
aut retenir
ut retenir
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Hépatologie
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conséquences potentielles de l’hypovolémie postparacentèse, en
termes de morbidité et mortalité, justifiant le recours logique à
un remplissage vasculaire postparacentèse préventif.
Différents solutés de remplissage ont été étudiés : albumine
humaine à 20% ou macromolécules de synthèse de coût moindre
(polygéline, dextran 70, hydroxyéthylamidons) à la dose habi-
tuelle de 8g de macromolécules par litre d’ascite évacué, 50%
de la dose étant perfusée dans les 2 heures qui suivent la para-
centèse et 50% dans les 6 heures suivantes. Plusieurs études ont
comparé l’albumine humaine à 20% au dextran 70 (deux études),
à la polygéline (une étude) ou à l’hydroxyéthylamidon (une
étude). Aucune différence statistiquement significative n’a pu être
mise en évidence concernant la survenue de complications au
cours de l’hospitalisation, que les patients aient reçu l’albumine
ou un autre soluté de remplissage. En l’absence de suivi à dis-
tance de l’hospitalisation, aucune conclusion sur les conséquences
à long terme de ces différents traitements n’a pu être apportée.
Un essai clinique randomisé, ayant inclus un grand nombre de
patients cirrhotiques (289), a mis en évidence une incidence
moindre d’hypovolémie postparacentèse chez les patients rece-
vant de l’albumine (18,5%) comparativement aux patients trai-
tés par dextran 70(34,4% ; p=0,018) ou polygéline (37,8% ;
p=0,004) (2). La différence d’efficacité entre albumine et macro-
molécules de synthèse variait avec le volume d’ascite prélevé :
pas de différence pour une ponction inférieure à 5l, 17 versus
31% pour une ponction de 5 à 9l, 24 versus 56% pour une ponc-
tion supérieure à 9l. Cependant, la récidive de l’ascite et la sur-
vie des patients à 6 mois étaient comparables entre les trois moda-
lités de remplissage vasculaire.
Une méta-analyse de quatre essais randomisés, rassemblant les
résultats obtenus sur 500patients pendant l’hospitalisation ini-
tiale, a montré une moindre incidence de l’hyponatrémie (12 ver-
sus 18%) après administration d’albumine (3). Aucune différence
significative n’a été mise en évidence entre les malades traités
par albumine ou un autre colloïde concernant la survenue d’une
insuffisance rénale ou la mortalité.
Ainsi, bien que la supériorité de l’albumine humaine à 20% dans
la prévention de l’hypovolémie postparacentèse soit clairement
établie, son intérêt dans le remplissage vasculaire postparacen-
tèse reste controversé, et ne fait pas l’objet d’un consensus en rai-
son de son absence d’efficacité démontrée sur la survie des
patients à long terme (4).
En pratique, les experts européens recommandent l’utilisation de
l’albumine humaine à 20% pour les paracentèses, de plus de 5l
(5). Pour des ponctions de moins de 5l, les macromolécules de
synthèse peuvent être utilisées pour des raisons de coût. Le choix
se fera entre la polygéline et le dextran 70, l’hydroxyéthylami-
don n’étant plus commercialisé, en raison de cas rapportés d’ag-
gravation des fonctions hépatiques et rénales.
1.
Rutz-Del-Arbol L, Monoeschillo A et al. Paracentesis-induced circulatory dys-
function : mechanism and effect on hepatic hemodynamics in cirrhoris.
Gastroenterology 1997 ; 113 : 579-86.
2.
Ginès A, Fernandez-Esparrach G et al. Randomized trial comparing albumin,
dextran 70 and polygeline in cirrhotic patients with ascites treated by paracente-
sis. Gastroenterol 1996 ; 111 : 1002-10.
3.
Bernard B, Moreau R et al. Albumin versus synthetic plasma expanders in cir-
rhotic patients with ascites treated by paracentes: a meta-analysis. Hepatology
1997 : 26 (4) : 363A.
4.
Runyon BA. Care of patients with ascites. N Engl J Med 1994; 330 : 337-42.
5.
Moreau R. Faut-il prévenir l’hypovolémie efficace induite par la paracentèse
chez les malades atteints de cirrhose? Gastroenterol Clin Biol 1997 : 21 646-47.
En dehors du volume d’ascite évacué,
quels sont les facteurs prédictifs de la survenue
d’une hypovolémie postparacentèse?
Quels sont les mécanismes pathogéniques
expliquant la diminution de la survie en cas
d’hypovolémie postparacentèse ?
Comment obtenir une expansion volémique
plus importante que celle obtenue dans les études
publiées ?
Quelle est la place des traitements
vasoconstricteurs dans la prévention
de l’hypovolémie postparacentèse ?
?
?
uestions non résolues
Autres
RÉFÉRENCES
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