brèves… Brèves… Traitement du cancer du sein : vers une autre pharmacologie ? La grande hétérogénéité cellulaire et moléculaire des tumeurs du sein et le grand nombre de gènes potentiellement impliqués dans la tumorigenèse (1) sont à l’origine de la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques pour le traitement de cette pathologie (N. de Roux. L’intérêt de la génomique fonctionelle dans le pronostic et la stratégie thérapeutique des cancers du sein. MHN 2002 ; 1(6) : 39). C’est dans ce contexte que deux articles indépendants ont été publiés à la fin de l’année 2001 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of USA. Le premier de ces articles démontre l’importance du récepteur ß des estrogènes (ERß) dans cette pathologie (2). Dans cette étude, les auteurs ont recherché, par immunohistochimie, la présence des récepteurs ERα, ERß, ainsi que les marqueurs de prolifération Ki67 et cycline A, dans 5 tumeurs bénignes, 29 cancers primaires du sein et 6 cancers récurrents locaux. Les résultats montrent que dans les tumeurs bénignes, la plupart des cellules épithéliales expriment ERß alors que ERα est quasiment indétectable. Dans les cancers primaires, les deux récepteurs sont présents : le taux de ERß étant corrélé à de fortes expressions de Ki67 et de cycline A, alors que la présence de ERα est associée à de faibles niveaux d’expression de ces mêmes marqueurs. Les taux les plus importants de marqueurs de prolifération sont observés dans les cancers qui sont ERα- ERß+. Dans les cancers locaux récurrents, ERα, ERß et Ki67 sont plus exprimés que dans les tumeurs primaires correspondantes, et de nombreuses cellules exprimant ERß expriment également Ki67. En revanche, très peu de cellules expriment à la fois ERα et Ki67. Si l’efficacité du tamoxifène est parfaitement corrélée à la présence de ERα dans les cellules cancéreuses, la démonstration de l’existence de tumeurs exprimant peu ERα, mais exprimant ERβ et les marqueurs de prolifération, révèle l’existence d’une nouvelle population de cellules proliférantes vraisemblablement insensibles aux traitements antiestrogéniques. L’utilisation de molécules spécifiques anti-ERß, en association avec le tamoxifène, pourrait renforcer l’efficacité des traitements actuels des cancers du sein. Dans le second article, une très élégante étude in vivo et in vitro révèle l’implication du facteur de transcription NF-κB (nuclear factor kappa B) dans la tumorigenèse des cellules épithéliales mammaires n’exprimant pas de récepteurs estrogéniques ER(3). Dans ces tumeurs, une étude antérieure a révélé l’existence de forts taux d’expression de NF-κB (4). Par ailleurs, le rôle du facteur de transcription NF-κB dans le contrôle de la prolifération cellulaire, la différenciation et la régulation du cycle cellulaire ont été démontrés dans plusieurs modèles cellulaires. Dans ce nouveau travail (3), le modèle expérimental utilisé in vivo était des souris chez lesquelles les auteurs ont implanté des cellules tumorales ER-. Ils ont montré que le blocage pharmacologique sélectif de protéines-kinases s’accompagnait d’un arrêt de la croissance et d’une régression de la tumeur stimulée par l’EGF (epidermal growth factor) sans effets détectables sur le foie et les poumons. In vitro, l’invalidation de gènes codant des activateurs de NF-κB s’accompagne d’une perte ou d’une réduction du potentiel tumorigénique des cellules suggérant un rôle important de ce facteur de transcription dans la tumorigenèse. Au vu de l’ensemble des résultats, les auteurs proposent donc que le blocage de l’activation de NF-κB inhibe la prolifération cellulaire et représente de ce fait une cible thérapeutique potentielle pour le traitement des cancers du sein EGF-R+ ER-. V. Contesse, institut fédératif de recherches multidisciplinaires sur les peptides (IFRMP 23), laboratoire de neuroendocrinologie cellulaire et moléculaire, INSERM U413, UA CNRS, université de Rouen. 1. Sorlie T, Perou CM, Tibshirani R et al. Gene expression patterns of breast carcinomas distinguish tumor subclasses with clinical implications. Proc Natl Acad Sci USA 2001 ; 98 : 10869-74. 2. Jensen EV, Cheng G, Palmieri C et al. Estrogen receptors and proliferation markers in primary and recurrent breast cancer. Proc Natl Acad Sci USA 2001 ; 98 : 15197-202. 3. Biswas DK, Dai SC, Cruz A et al. The nuclear factor kappa B (NF-κB) : a potential therapeutic target for estrogen receptor negati- ve breast cancers. Proc Natl Acad Sci USA 2001 ; 98 : 10386-91. 4. Biswas DK, Cruz AP, Gansberger E et al. Epidermal growth factor-induced nuclear factor kappa B activation : a major pathway of cell-cycle progression in estrogen-receptor negative breast cancer cells. Proc Natl Acad Sci USA 2000 ; 97 : 8542-7. Un nouvel essor dans la compréhension de la physiologie surrénalienne Le maintien de la croissance de la glande surrénale est sous le contrôle constant des hormones hypophysaires dérivées d’un précurseur de haut poids moléculaire, la proopiomélonocortine (POMC). Il est en effet bien documenté qu’une hypophysectomie, ou un blocage de l’axe corticotrope par la déxaméthasone, s’accompagne d’une atrophie du tissu surrénalien. Parmi les différents peptides issus du clivage protéolytique de la POMC, l’ACTH a longtemps été considérée comme étant la seule molécule possédant des propriétés trophiques. Cependant, de nombreuses données expérimentales suggèrent que d’autres fragments issus de la POMC, tels que le fragment proγ-MSH (figure 1), peuvent également être mitogènes. Rapidement, il a été démontré que le fragment pro-γ-MSH entier, de même que le fragment γ-MSH, sont sans effet sur la prolifération des cellules surrénaliennes. En revanche, des fragments peptidiques plus courts, issus du clivage enzymatique de la pro-γ-MSH du côté N-terminal (N-POMC), possèdent un effet mitogène. Le fait que ces peptides soient indétectables dans le plasma posait la question du mécanisme à partir duquel pouvaient être générées ces molécules bioactives. Une récente étude, publiée dans Cell, rapporte le clonage et la caractérisation d’une protéase exclusivement localisée dans la glande surrénale, responsable du clivage de la pro-γ-MSH et baptisée AsP pour Adrenal secretory Protease. Il s’agit d’une protéine de 28 kDa qui possède le triplet catalytique classique His/AsP/Ser. Des études de localisation effectuées à l’aide de la technique d’hybridation in situ révèlent que les ARNm codant AsP sont présents dans la partie supérieure du cortex, à savoir les zones glomérulée et fasciculée. L’expression d’AsP est également retrouvée dans des cellules tumorales de surré- 90 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002 brèves… Brèves… genèse surrénalienne, une hypothèse étayée par la présence de AsP dans les cellules tumorales de souris Y1. V. Contesse, institut fédératif de recherches multidisciplinaires sur les peptides (IFRMP 23), laboratoire de neuroendocrinologie cellulaire et moléculaire, INSERM U413, UA CNRS, université de Rouen 1. Bicknell AB, Lomthaisong K, Woods RJ, et al. Characterization of a serine protease that cleaves Pro-γ-Melanotropin at the adrenal to stimulate growth. Cell 2001 ; 105 : 903-12. Relaxine et récepteur couplé aux protéines G : un couple inattendu Figure 1. Représentation schématique des effets des dérivés de la POMC sur le cortex surrénalien. ps : peptide signal ; jp : joining peptide ; γ-MSH: [Des-Tyr 1, Des-Val 2]-γ 3-MSH ; AsP : Adrenal secretory Protease. nales de souris Y1. Dans ce modèle, l’invalidation du gène codant AsP s’accompagne d’une diminution du taux de prolifération cellulaire. Les auteurs de ce travail ont également produit des anticorps dirigés contre AsP et ils ont démontré, par une approche immunohistochimique, que la protéine est exprimée à la membrane. La recherche du site de clivage de la pro-γ-MSH par la protéase AsP purifiée a révélé que la coupure ne se fait pas classiquement au niveau d’un doublet basique, mais entre les valine 52 et méthionine 53. L’ensemble de ces résultats suggère donc que le peptide N-POMC (152) puisse être le facteur hypophysaire mitogène. Le récepteur surrénalien impliqué reste cependant à identifier (figure 1). Le clivage du fragment pro-γ-MSH par AsP s’accompagne également de la production du peptide [Des-Tyr 1, Des-Val 2]γ 3-MSH, peptide qui potentialise les effets de l’ACTH sur la stéroïdogenèse, via un récepteur qui reste également à identifier formellement (figure 1). Le clivage protéolytique au niveau surrénalien du fragment pro-γ-MSH par la protéine AsP laisse entrevoir l’existence d’une relative autonomie de la glande vis-à-vis du contrôle hypophysaire. De ce fait, cette nouvelle protéine AsP apparaît comme potentiellement importante dans la tumori- La relaxine a été, dans un premier temps, considérée comme une hormone de la grossesse, synthétisée par le corps jaune de l’ovaire. Les principales actions décrites sont l’inhibition des contractions du myomètre, la dilatation du col utérin, le remodelage des tissus conjonctifs. Récemment, il a été démontré que la relaxine possède également un effet sur le développement de la glande mammaire, un effet vasodilateur, un effet chronotrope et inotrope positif et un rôle sur la régulation de la soif au sein du système nerveux central. Cette hormone, essentiellement une hormone de la femme, est également retrouvée chez l’homme dont la prostate est la principale source de synthèse. Actuellement, deux gènes, localisés sur le chromosome 9, sont connus. Les protéines diffèrent dans la partie C-terminale. La relaxine est un dimère de 6 kDa synthétisé sous la forme d’une préprohormone appartenant à la famille IGF1/insuline. Cette hormone est composée de deux sous-chaînes reliées par des ponts disulfures. Plusieurs sites de liaison de la relaxine étaient connus depuis plusieurs années mais la structure du récepteur restait un mystère. La séquence du génome humain a permis à Hsu et al. de cloner un récepteur stimulé par la relaxine dans des cellules hétérologues. Ce groupe s’intéresse depuis plusieurs années aux récepteurs des hormones glycoprotéiques hypophysaires LH, FSH et TSH. Ils ont également cloné plusieurs récepteurs homologues à ces trois récepteurs, ce qui a permis de définir une sousfamille de récepteurs couplés aux protéines G : les récepteurs contenant des répétitions riches en leucine dans leur domaine extracellulaire. En utilisant un de ces récepteurs (LGR7) comme sonde d’homologie, Hsu et al. ont cloné in silico un nouveau récepteur (LGR8) couplé aux protéines G. Ce récepteur est l’orthologue du récepteur GREAT chez la souris. La fonction du récepteur GREAT était inconnue. Toutefois, son invalidation chez la souris est responsable de la survenue d’une cryptorchidie bilatérale, phénotype comparable à celui observé pour l’invalidation du gène INSL3. Ce dernier appartenant à la famille IGF1/insuline comme la relaxine. Par analogie avec ces résultats, ce groupe a considéré que la relaxine était un ligand candidat pour le récepteur orphelin LGR8 et son homologue LGR7. Pour confirmer cette hypothèse, Hsu et al. ont étudié les caractéristiques fonctionnelles des récepteurs LGR7 et LGR8 dans des cellules épithéliales de rein humain. La stimulation de LGR8 et LGR7 dans ces cellules a permis l’obtention d’une courbe dose réponse de la production d’AMPc. Les profils d’expression des gènes de ces deux récepteurs sont compatibles avec celui attendu pour un récepteur de la relaxine. Ce groupe a également montré que la relaxine peut se lier sur un domaine extracellulaire soluble de LGR7. Finalement, Hsu et al. ont injecté à des souris gestantes pendant quatre jours le domaine extracellulaire soluble de LGR7. Ce traitement a retardé la mise bas de 27 heures, ce qui est compatible avec un effet inhibiteur de ce domaine sur l’action de la relaxine. Ce résultat était inattendu car les récepteurs des IGFs et de l’insuline, actuellement décrits, sont des récepteurs tyrosine-kinase dont les mécanismes moléculaires sont très différents de ceux connus pour les récepteurs couplés aux protéines G. Ce travail impose une confirmation. Il faudra rapidement définir les constantes d’affinité de la relaxine pour le LGR7 et LGR8, ce qui manque dans cet article. Il sera alors possible d’affirmer que LGR7 et LGR8 sont bien les récepteurs de la relaxine. Nicolas de Roux, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre. Hsu SY, Nakabayashi K, Nishi S et al. Activation of orphan receptors by the hormone relaxin. Science 2002 ; 295 : 671-4. 91 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002