Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
Traitement du cancer du sein :
vers une autre pharmacologie ?
La grande hétérogénéité cellulaire et molé-
culaire des tumeurs du sein et le grand
nombre de gènes potentiellement impli-
qués dans la tumorigenèse (1) sont à l’ori-
gine de la recherche de nouvelles cibles
thérapeutiques pour le traitement de cette
pathologie (N. de Roux. L’intérêt de la
génomique fonctionelle dans le pronostic et
la stratégie thérapeutique des cancers du
sein. MHN 2002 ; 1(6) : 39). C’est dans ce
contexte que deux articles indépendants
ont été publiés à la fin de l’année 2001 dans
la revue Proceedings of the National
Academy of Sciences of USA.
Le premier de ces articles démontre l’im-
portance du récepteur ß des estrogènes
(ERß) dans cette pathologie (2). Dans cette
étude, les auteurs ont recherché, par immu-
nohistochimie, la présence des récepteurs
ERα,ERß, ainsi que les marqueurs de pro-
lifération Ki67 et cycline A, dans 5 tumeurs
bénignes, 29 cancers primaires du sein et
6cancers récurrents locaux. Les résultats
montrent que dans les tumeurs bénignes, la
plupart des cellules épithéliales expriment
ERß alors que ERαest quasiment indétec-
table. Dans les cancers primaires, les deux
récepteurs sont présents : le taux de ERß
étant corrélé à de fortes expressions de
Ki67 et de cycline A, alors que la présence
de ERαest associée à de faibles niveaux
d’expression de ces mêmes marqueurs. Les
taux les plus importants de marqueurs de
prolifération sont observés dans les cancers
qui sont ERα-ERß+. Dans les cancers
locaux récurrents, ERα,ERß et Ki67 sont
plus exprimés que dans les tumeurs pri-
maires correspondantes, et de nombreuses
cellules exprimant ERß expriment égale-
ment Ki67. En revanche, très peu de cel-
lules expriment à la fois ERαet Ki67. Si
l’efficacité du tamoxifène est parfaitement
corrélée à la présence de ERαdans les cel-
lules cancéreuses, la démonstration de
l’existence de tumeurs exprimant peu ERα,
mais exprimant ERβet les marqueurs de
prolifération, révèle l’existence d’une nou-
velle population de cellules proliférantes
vraisemblablement insensibles aux traite-
ments antiestrogéniques. L’utilisation de
molécules spécifiques anti-ERß, en asso-
ciation avec le tamoxifène, pourrait renfor-
cer l’efficacité des traitements actuels des
cancers du sein.
Dans le second article, une très élégante
étude in vivo et in vitro révèle l’implication
du facteur de transcription NF-κB (nuclear
factor kappa B) dans la tumorigenèse des
cellules épithéliales mammaires n’expri-
mant pas de récepteurs estrogéniques ER-
(3). Dans ces tumeurs, une étude antérieu-
re a révélé l’existence de forts taux d’ex-
pression de NF-κB (4). Par ailleurs, le rôle
du facteur de transcription NF-κB dans le
contrôle de la prolifération cellulaire, la
différenciation et la régulation du cycle cel-
lulaire ont été démontrés dans plusieurs
modèles cellulaires. Dans ce nouveau tra-
vail (3),le modèle expérimental utilisé in
vivo était des souris chez lesquelles les
auteurs ont implanté des cellules tumorales
ER-. Ils ont montré que le blocage pharma-
cologique sélectif de protéines-kinases
s’accompagnait d’un arrêt de la croissance
et d’une régression de la tumeur stimulée
par l’EGF (epidermal growth factor) sans
effets détectables sur le foie et les pou-
mons. In vitro, l’invalidation de gènes
codant des activateurs de NF-κB s’accom-
pagne d’une perte ou d’une réduction du
potentiel tumorigénique des cellules suggé-
rant un rôle important de ce facteur de
transcription dans la tumorigenèse. Au vu
de l’ensemble des résultats, les auteurs pro-
posent donc que le blocage de l’activation
de NF-κB inhibe la prolifération cellulaire
et représente de ce fait une cible thérapeu-
tique potentielle pour le traitement des can-
cers du sein EGF-R+ER-.
V. Contesse,
institut fédératif de recherches multidisciplinaires
sur les peptides (IFRMP 23),
laboratoire de neuroendocrinologie cellulaire
et moléculaire,
INSERM U413, UA CNRS, université de Rouen.
Un nouvel essor dans la compréhension
de la physiologie surrénalienne
Le maintien de la croissance de la glande
surrénale est sous le contrôle constant des
hormones hypophysaires dérivées d’un pré-
curseur de haut poids moléculaire, la pro-
opiomélonocortine (POMC). Il est en effet
bien documenté qu’une hypophysectomie,
ou un blocage de l’axe corticotrope par la
déxaméthasone, s’accompagne d’une atro-
phie du tissu surrénalien. Parmi les diffé-
rents peptides issus du clivage protéolytique
de la POMC, l’ACTH a longtemps été
considérée comme étant la seule molécule
possédant des propriétés trophiques.
Cependant, de nombreuses données expéri-
mentales suggèrent que d’autres fragments
issus de la POMC, tels que le fragment pro-
γ-MSH (figure 1),peuvent également être
mitogènes. Rapidement, il a été démontré
que le fragment pro-γ-MSH entier, de
même que le fragment γ-MSH, sont sans
effet sur la prolifération des cellules surré-
naliennes. En revanche, des fragments pep-
tidiques plus courts, issus du clivage enzy-
matique de la pro-γ-MSH du côté N-termi-
nal (N-POMC), possèdent un effet mitogè-
ne. Le fait que ces peptides soient indétec-
tables dans le plasma posait la question du
mécanisme à partir duquel pouvaient être
générées ces molécules bioactives.
Une récente étude, publiée dans Cell,rap-
porte le clonage et la caractérisation d’une
protéase exclusivement localisée dans la
glande surrénale, responsable du clivage de
la pro-γ-MSH et baptisée AsP pour Adrenal
secretory Protease. Il s’agit d’une protéine
de 28 kDa qui possède le triplet catalytique
classique His/AsP/Ser. Des études de loca-
lisation effectuées à l’aide de la technique
d’hybridation in situ révèlent que les
ARNm codant AsP sont présents dans la
partie supérieure du cortex, à savoir les
zones glomérulée et fasciculée.
L’expression d’AsP est également retrou-
vée dans des cellules tumorales de surré-
90
1. Sorlie T, Perou CM, Tibshirani R et al. Gene
expression patterns of breast carcinomas dis-
tinguish tumor subclasses with clinical impli-
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nuclear factor kappa B (NF-
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4. Biswas DK, Cruz AP, Gansberger E et al.
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brèves…
Brèves…