SENTINELLE Volume 10, numéro 6 — Décembre 2004 ISSN # 2-89342-027-7 CLOSTRIDIUM DIFFICILE : QU’EN EST-IL? CONTEXTE INFORMATIONS CLINIQUES POUR UNE UTILISATION JUDICIEUSE DES ANTIBIOTIQUES AIDE-MÉMOIRE POUR L’ÉVALUATION ET LA PRISE EN CHARGE D’UN PATIENT ATTEINT DE DIARRHÉE ASSOCIÉE AU C. DIFFICILE TRAITEMENT DE LA COLITE À CLOSTRIDIUM DIFFICILE 1 sur 1 04-12-23 13:47 Volume 10, numéro 6 — Décembre 2004 ISSN # 2-89342-027-7 E ÉM NT m iu d i SU ostr icile Cl diff L PP CLOSTRIDIUM DIFFICILE : QU’EN EST-IL? Au cours de l’année 2003, certains microbiologistes de la région de Montréal et d’autres régions périphériques, dont la Montérégie, ont observé une augmentation de la fréquence et de la sévérité des infections nosocomiales à Clostridium difficile. La situation a été signalée aux autorités de la santé publique en avril 2004. En juin 2004, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a mandaté le Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) pour élaborer des lignes directrices provinciales sur la prévention et le contrôle du C. difficile et pour mettre en place un système de surveillance obligatoire du C. difficile par les centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés (CHSGS). CONTEXTE Les lignes directrices intérimaires ont été diffusées en novembre dernier aux CHSGS ainsi qu’aux centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD). La version finale de ce document est attendue pour la fin décembre 2004. L’infection à C. difficile ne remplit pas tous les critères pour être incluse dans la liste des maladies à déclaration obligatoire (MADO). Toutefois, le nouveau système de surveillance couvre l’ensemble du territoire québécois et permettra de mieux documenter la situation émergente au Québec sans nécessiter la collecte d’information nominative. Tous les hôpitaux du Québec participent au système de surveillance. Un portrait provincial est attendu au début de 2005. Parmi les autres actions entreprises pour cette problématique, une table régionale de prévention des infections nosocomiales a été formée à partir du comité régional sur les bactéries multirésistantes qui existait déjà en Montérégie. Cette table regroupe les microbiologistes et les professionnels en prévention des infections des CHSGS ainsi que des représentants des CLSC, des CHSLD, de l’Agence (Direction de santé publique et Direction des affaires hospitalières et médicales) et des directeurs des services professionnels hospitaliers. Son mandat est de faciliter les actions régionales et d’harmoniser les pratiques. À la demande du ministre Couillard, une tournée des CHSGS a été complétée en Montérégie le 22 novembre dernier pour obtenir un portrait de l’implantation des lignes directrices provinciales et les difficultés rencontrées. Un portrait de la situation en CHSLD a également été obtenu par des entrevues téléphoniques. Enfin, des dépliants sur le C. difficile s’adressant à la population ont été distribués en novembre aux établissements du réseau ainsi qu’aux médecins et aux pharmaciens du territoire. La diarrhée associée au C. difficile (DACD) n’est pas une source d’infection fréquente dans la communauté mais elle constitue la cause infectieuse la plus fréquente de diarrhée acquise dans un milieu de soins pour adultes. informations cliniques Moins de 5 % de la population est porteur de la bactérie. La majorité des personnes colonisées demeurent asymptomatiques étant donné l’équilibre qui s’établit avec les autres bactéries intestinales. La rupture de cet équilibre, principalement par la prise d’antibiotiques, permet au C. difficile de se multiplier. On a émis l’hypothèse que pour un patient hospitalisé, une antibiothérapie à large spectre perturberait la flore intestinale favorisant ainsi la colonisation par voie orale avec le C.difficile présent dans l’environnement. Selon cette étude, de 20 à 50 % des patients hospitalisés seraient susceptible d’acquérir la bactérie. La production de toxine par la bactérie et la capacité de l’hôte à développer des anticorps dirigés contre cette toxine sont déterminants pour le développement ou non de la maladie. L’infection à C. difficile se manifeste par une diarrhée aqueuse ayant une odeur caractéristique avec ou sans symptômes accompagnateurs tels une fièvre et des douleurs abdominales diffuses. La sévérité de l’infection est variable allant de simples diarrhées transitoires qui guérissent avec le traitement approprié (majorité des cas) à des formes Ce bulletin d’information est produit par la Direction de santé publique de l’Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de la Montérégie graves. Ces formes graves peuvent entraîner différentes complications dont le mégacôlon toxique pouvant mener à la perforation colique et au choc septique chez les personnes les plus vulnérables. Une étude réalisée par Dre Loo et collaborateurs, de janvier à juin 2004 dans 12 centres hospitaliers particulièrement touchés, indique une mortalité plus élevée que précédemment rapportée, pouvant atteindre 8,6 %. L’hypothèse de la circulation d’une souche plus virulente est actuellement retenue. Le C. difficile se transmet à partir des mains ou de l’environnement contaminés de la personne souffrant de diarrhée. Le personnel et les visiteurs peuvent se contaminer les mains lors de leurs contacts avec la personne malade ou en touchant à certains objets de son environnement. Le patient est contagieux lorsqu’il présente de la diarrhée. Plus la diarrhée est sévère, plus le risque de contamination de l’environnement est élevé. Le C. difficile est une bactérie produisant des spores qui persistent dans l’environnement pour de longues périodes. C’est pourquoi le lavage des mains ainsi que les mesures de prévention des infections sont primordiales pour briser la chaîne de transmission. Dans la vaste majorité des cas, la prise d’un antibiotique est le facteur précipitant l’émergence clinique de l’infection à C. difficile. Plusieurs classes d’antibiotiques ont été impliquées comme facteurs de risque, mais la relation causale avec une classe en particulier reste difficile à établir compte tenu de la présence de nombreux facteurs confondants rendant ces études non comparables. Néanmoins, certains antibiotiques dont la clindamycine, l’ampicilline, l’amoxicilline-acide clavulanique, les céphalosporines de 2e et 3e génération et les fluoroquinolones, en particulier les C-8-méthoxy-fluoroquinolones, semblent présenter un risque accru. La prise d’une combinaison d’antibiotiques et la durée de l’antibiothérapie augmentent également le risque d’acquisition de l’infection. Les conditions sous-jacentes de l’hôte (âge avancé, maladie sous-jacente sévère, chirurgie, en particulier digestive) et les facteurs épidémiologiques locaux constituent d’autres facteurs de risque importants. Plus récemment, des études ont démontré une association entre les traitements contre l’acidité gastrique et le risque de DACD, en particulier pour les inhibiteurs de la pompe à protons. Le traitement de 1re ligne demeure le métronidazole. Sauf pour les cas sévères, la vancomycine constitue une 2e ligne, car une surutilisation pourrait mener à l’émergence d’infections à entérocoques résistant à la vancomycine (ERV). Une version modifiée de la section des lignes directrices qui aborde le traitement de la colite à C. difficile se trouve au verso de l’aide-mémoire ci-joint. Les lignes directrices pour la prévention et le contrôle de la diarrhée nosocomiale associée au C. difficile recommandent l’application des pratiques de base et de précautions additionnelles pour la DACD (voir aide-mémoire ci-joint). Elles recommandent également : d’utiliser les antibiotiques de façon appropriée et de former un comité de surveillance responsable de la surveillance quantitative et qualitative des antibiotiques dans chaque centre hospitalier; de respecter le ratio minimal d’un professionnel en prévention des infections (PPI) par 133 lits de courte durée et d’un PPI par 250 lits de longue durée; de mettre en place un système de surveillance de l’infection. POUR UNE UTILISATION JUDICIEUSE DES ANTIBIOTIQUES ½ Confirmer le diagnostic d’infection bactérienne. ½ Prélever les cultures appropriées avant d’initier l’antibiothérapie. ½ Choisir l’antibiothérapie initiale selon le guide thérapeutique local. ½ Cibler l’antibiothérapie en fonction des résultats de la culture. ½ Passer à la voie orale dès que possible. ½ Réduire la durée de l’antibiothérapie au minimum. ½ Éviter de traiter la colonisation, les bactériuries asymptomatiques (sauf chez les femmes enceintes ou avant une manipulation urologique majeure) et les infections virales des voies respiratoires. Nous remercions Dre Nathalie Lussier et Dr Charles Frenette, microbiologistes-infectiologues à l’Hôpital Charles-LeMoyne, pour leur collaboration à la rédaction de cet article. Références Comité sur les infections nosocomiales du Québec. 2004. Prévention et contrôle de la diarrhée nosocomiale associée au Clostridium difficile au Québec - Lignes directrices intérimaires pour les centres hospitaliers. 2e édition. Institut national de santé publique du Québec, 43 pages + annexes. 2004. “Hospital-Acquired Infection. C. difficile : by the numbers”. CMAJ, 171(11) : 1331-1332. Johnson S., Gerding DN. 1998. “ Clostridium difficile – Associated Diarrhea ”. Clin Infect Dis, 26 :1027-1036. AIDE-MÉMOIRE POUR L’ÉVALUATION ET LA PRISE EN CHARGE D’UN PATIENT ATTEINT DE DIARRHÉE ASSOCIÉE AU C. DIFFICILE QUAND SOUPÇONNER UNE DIARRHÉE ASSOCIÉE AU CLOSTRIDIUM DIFFICILE (DACD)? Prise récente d’antibiotiques (4-8 semaines). Contact étroit avec des personnes atteintes de DACD. Hospitalisation en cours ou récente. Histoire récente de DACD (rechutes fréquentes). LORSQU’ON SOUPÇONNE UNE DACD Éliminer les autres causes de diarrhée (laxatifs, médicaments, reprise du transit après une chirurgie, maladies inflammatoires, nutrition entérale par tube nasogastrique, colite ischémique, fécalome). Appliquer des précautions additionnelles pour la DACD (en milieu de soins) : ½ port de gants et d’une blouse à manches longues dès l’entrée dans la chambre d’un patient atteint; ½ information au patient, au personnel et aux visiteurs des précautions recommandées; ½ lavage des mains au lavabo avec un savon antiseptique pour le patient, le personnel et les visiteurs; ½ isolement des patients atteints (chambre privée ou cohorte) et utilisation de matériel dédié (stéthoscope, sphygmomanomètre, thermomètre, saturomètre, etc.); ½ désinfection du matériel réutilisable et de l’environnement du patient atteint à l’aide de produits à base de chlore, comme l’eau de Javel : 1 partie d’eau de Javel (concentration 5 à 6 %) diluée dans 9 parties d’eau; ½ signalement de la situation à l’établissement qui reçoit un patient atteint lors des transferts. Confirmer le diagnostic ½ Recherche de toxine du C. difficile dans les selles. ½ Sigmoïdoscopie à envisager lorsque : un diagnostic rapide est nécessaire en l’absence d’autres options; le patient n’a pas de selles (i.e. iléus); d’autres étiologies sont suspectées; la recherche de toxine est négative et le diagnostic est fortement suspecté. LORSQUE LE DIAGNOSTIC EST CONFIRMÉ ½ Maintenir l’application des précautions additionnelles pour la DACD au moins 72 heures après l’arrêt de la diarrhée (en milieu de soins). ½ Choisir le traitement approprié (algorithme au verso). IL N’EST PAS RECOMMANDÉ DE FAIRE UN TEST DE CONTRÔLE À LA FIN D’UN TRAITEMENT DE DACD DACD. NI DE DÉPISTER LES PERSONNES ASYMPTOMATIQUES, MÊME POUR LES CONTACTS DES CAS DE TRAITEMENT DE LA COLITE À CLOSTRIDIUM DIFFICILE* Reconsidérer l’indication de l’antibiothérapie. Réévaluer l’usage des narcotiques. Éviter les antipéristaltiques tels que lopéramide/ImodiumMD et diphénoxylate/LomotilMD. En présence d’une antibiothérapie concomitante, considérer de prolonger le traitement antibiotique contre le C. difficile d’une semaine après l’arrêt de celle-ci. Premier épisode Cas de sévérité légère à modérée Cas sévères ou contre-indication au métronidazole(1) Métronidazole (MTZ) 500 mg PO TID (ou 250 mg QID) pour 7-14 jours Vancomycine 125- 500 mg PO QID via TNG (tube nasogastrique) et métronidazole 500 mg IV TID Si détérioration ou non-réponse après 3 à 5 jours Envisager une consultation en chirurgie générale ainsi qu’en gastro-entérologie ou microbiologie-infectiologie Vancomycine 125 mg PO QID pour 14 jours Si détérioration ou non-réponse après 3 à 5 jours : Consultation en gastro-entérologie ou microbiologie-infectiologie Récidive(s)(2) > 1 Récidive Première récidive Si réponse au MTZ lors du premier épisode Cas très sévères Présence d’un iléus, d’un mégacôlon Si échec au MTZ lors du premier épisode Vancomycine 125 mg PO QID pour 7 jours 125 mg PO BID pour 7 jours 125 mg PO DIE pour 7 jours Métronidazole 500 mg PO TID pour 10-14 jours Vancomycine 125 mg PO QID pour 10-14 jours 125 mg q 2 jours pour 7 jours 125 mg q 3 jours pour 14 jours 1. Une maladie sévère est définie en présence de l'un ou l'autre des critères suivants : > 8 selles/ 24 heures, hémorragie digestive basse instable, To > 38.6o C, leucocytose > 20,000, perforation colique, sepsis secondaire à la colite. 2. Toujours reconfirmer le diagnostic. *Adapté par le Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) à partir du Protocole de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (Collaboration : services de gastroentérologie et de médecine interne; départements de microbiologie-infectiologie et de pharmacie) Ce bulletin d’information est produit avec la collaboration de l’équipe maladies transmissibles de la Direction de santé publique de la Montérégie Coordonnatrice : Yolaine Rioux Directrice : Docteure Jocelyne Sauvé