L'incidence observée au Québec en 2003 était de
13,1 cas pour 1000 admissions comparativement à
5,7 cas pour 1000 admissions entre les années 1999 et
2001. Récemment, plusieurs hôpitaux de la région de
Montréal et de l'Estrie rapportaient une incidence
moyenne de 28,1 cas pour 1000 admissions soit 4 à 5 fois
le taux identifié deux ans plus tôt3. Plus spécifiquement,
au Centre hospitalier de Sherbrooke, l'incidence annuelle
était de 35,6 cas pour 100 000 habitants en 1991 et a
atteint 156,3 cas pour 100 000 en 2003. Le nombre de
patients ayant eu des complications graves ou étant décé-
dés dans les 30 jours suivant le diagnostic de DACD a
considérablement augmenté de 6 à 10 cas par an entre les
années 1991 et 1998, s’élevant à 71 cas en 20034. L'épi-
démie semble liée à l'émergence d'une nouvelle souche
bactérienne ayant des caractéristiques particulières de
virulence. L'évaluation de plusieurs spécimens isolés
montre une hyperproduction de toxines A et B de plus
de 20 fois supérieures aux souches non épidémiques5,6.
Pour développer une DACD, un patient doit être
initialement exposé à la bactérie, généralement pendant
l'hospitalisation. Après une semaine d'hospitalisation,
20 % des patients seront colonisés. Après 4 semaines
50 % des patients le sont, et ce, sans égard à la prise d'an-
tibiotiques. De ces patients colonisés 30 % à 60 % déve-
lopperont une DACD, généralement après la prise d'un
antibiotique. Les symptômes apparaissent souvent deux
jours après la colonisation, mais la durée peut varier selon
le moment d'exposition à un facteur déclenchant tel que
les antibiotiques. La proportion de la population com-
munautaire colonisée est évaluée à moins de 5 %7.
Le spectre de présentation est large. La plupart des
patients ont une diarrhée sans colite et sans complica-
tions. Ils se présentent, en général, avec une diarrhée
liquide et profuse avec une odeur caractéristique, souvent
avec une douleur abdominale, et parfois avec une fièvre
et une leucocytose. La déshydratation y est souvent asso-
ciée. Certains développent une colite avec ou sans
pseudomembranes. Toutefois, 3 à 5 % des patients déve-
loppent une colite grave avec complications. Ce taux est
en changement dans le contexte de l'épidémie actuelle4.
Les deux facteurs les plus importants dans le déve-
loppement d'une DACD sont l'exposition au micro-
organisme dans l'environnement et la prise d'antibio-
tiques (tableau II)8,9. Plusieurs classes d'antibiotiques ont
été pointés du doigt comme facteur de risque de
DACD. Selon les observations de Pépin et coll., les anti-
biotiques associés à un haut risque de DACD sont les
macrolides, les céphalosporines de deuxième génération
et de troisième génération, la clindamycine et les qui-
nolones4. Dans une étude précédente, on avait déjà obs-
ervé une augmentation de cas de DACD avec l'utilisa-
tion des céphalosporines de deuxième et de troisième
générations10-12. D'autre part, la DACD peut survenir
aussi rapidement qu'après la prise d'une seule dose d'an-
tibiotiques. La chimiothérapie, les inhibiteurs de la
pompe à protons (controversé), les procédures invasives
du tractus gastro-intestinal, l'âge (plus de 65 ans), la
durée du séjour, une mauvaise hygiène environnemen-
tale, les comorbidités telles que le diabète, les maladies
cardiovasculaires et l'état du système immunitaire ont
aussi été identifiés comme des facteurs de risque13,14.
Imputabilité
Il est important de déterminer la relation entre l'utilisa-
tion d'antibiotiques et le risque de DACD afin d'identi-
fier la démarche thérapeutique adéquate pour la patiente.
Ainsi, pour Mme C.D., lors du premier épisode de diar-
rhée en mai, elle avait pris des antibiotiques au cours des
six dernières semaines et reçu une prophylaxie de céfazo-
line lors de la chirurgie cardiaque. D'autre part, l'hospi-
talisation de 10 jours au cours du dernier mois a proba-
blement permis un contact étroit avec la bactérie. De
plus, les personnes âgées de plus de 65 ans ont une plus
grande vulnérabilité à développer une DACD. Tous ces
éléments, d'un point de vue chronologique, permettent
de suspecter une infection à C. difficile. Dans le cas pré-
senté ci-dessus, l'utilisation de l'amoxicilline-acide clavu-
lanique pour la pneumopathie et de la céfazoline pour la
prophylaxie d'infection des plaies de la chirurgie car-
diaque est une association probable entre les antibiotiques
et la diarrhée d'après l'algorithme de Naranjo15.
Selon la documentation médicale, on n'a rapporté
aucune association avec les autres médicaments de la
patiente soit : la lévothyroxine, le métoprolol, l'aspirine,
la pravastatine, la spironolactone, le furosémide et la sur-
venue d'une DACD. Par contre, le pantoprazole pourrait
faire partie des facteurs de risque de la DACD16.
Traitement
Mme C.D. a reçu initialement du métronidazole
500 mg per os trois fois par jour pour sa diarrhée du jour
-25 à -15. Pour sa récidive, le métronidazole a été réintro-
duit du jour 0 à 2, puis changé pour du métronidazole par
voie intraveineuse en association avec de la vancomycine
250 mg per os aux six heures. Le métronidazole est, avec la
vancomycine, un antibiotique de choix pour cette indica-
tion17. Aucune étude adéquate n'a clairement montré la
supériorité de l'un ou de l'autre. En raison du coût et du
Figure 1 : Chronologie des événements
J-56 J-35 J-25 J-15 J-12 J0 J2 J4
ABCDE FGH
Légende :
A. Infection des voies respiratoires supérieures traitée en milieu communautaire
avec amoxicilline-acide clavulanique pour 7 jours
B. Chirurgie cardiaque avec antibioprophylaxie à la céfazoline pour 3 doses
C. Sortie de l'hôpital, début de la diarrhée et instauration du métronidazole pour une durée de 10 jours
D. Cessation du métronidazole
E. Reprise de la diarrhée
F. Visite au CLSC puis prise en charge par un centre hospitalier où mise en évidence de la toxine B
du
C. difficile
et début de métronidazole 500 mg PO TID
G. Transfert aux soins intensifs et modification du traitement : Vancomycine 250 mg PO QID
et métronidazole 500 mg IV aux 8 heures
H. Décès à la suite d’une défaillance généralisée des organes cible due à des complications
infectieuses du
C. difficile
580 Québec Pharmacie vol. 53, n° 10, novembre-décembre 2006
pharmacoVIGILANCE
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