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Actualité Profession
Gestion des établissements publics
Les limites de l’externalisation
La santé considérée comme un coût a toujours été l’objet de
recherches de solutions permettant d’assurer les meilleurs
soins à moindre frais pour la communauté. Plusieurs expériences ont été tentées concernant la construction et le fonctionnement des établissements de soins.
P
armi les expériences tentées,
une approche appelée Public
Private Partnership in Health
(PPP) consiste en un partenariat entre
les entreprises privées et l’État qui a
rarement été étudié sous un angle
pragmatique, mais le plus souvent
idéologique. Il n’est pas impossible
que l’engouement dont ont fait l’objet
les PPP en Grande-Bretagne est dû à
la victoire des Travaillistes dans les
années 90, alors que Madame
Thatcher avait refusé ce type de financement parce que trop “populiste”. En
Australie, par contre, c’est un gouvernement libéral qui a misé sur les PPP.
La logique étant alors de favoriser une
plus grande privatisation d’un système
déjà très libéral, à 30 % de sa capacité.
Les Travaillistes qui ont succédé au
gouvernement libéral de Brisbane se
sont empressés de se désengager de
ce système “inégalitaire” !… Dans un
cas comme dans l’autre, les PPP se
sont révélés mal adaptés aux exigences d’un programme de santé.
Le système PPP a, à son arc, plusieurs
cordes : il apporte des solutions aussi
variées que BOOT1, BOO2, LOO3,
DBO4, O & M5, D & C6… et dans le cas
des hôpitaux britanniques PFI7. Le principe part du partenariat d’entreprises
privées avec l’État sur une base de prix
établis à l’avance, pour pallier tout
débordement. Les modalités accompagnent généralement un système de
location vente, et/ou permettent un
paiement différé par l’État client.
Ordinairement, l’État assume la charge
financière du système, et la société privée, la gestion du bien pendant une
période prédéterminée. Le PPP s’inspire du financement des grands projets étatiques dans la réalisation
d’œuvres d’utilité publique tels les
autoroutes, les ponts, les aéroports, les
stades sportifs… en partant du principe qu’un investissement réalisé par
une entreprise privée se devant d’être
rentable, celle-ci est capable d’une
meilleure maîtrise des coûts que l’État
avec une plus grande souplesse
qu’une subvention d’État. Cet avantage, selon les partisans des PPP, comblerait les frais supplémentaires que
représente le coût de l’argent sur les
marchés, par apport aux subsides d’État généralement plafonnés (3,5 % en
Grande-Bretagne). Une étude d’Arthur
Andersen (qui ne portait pas sur le
secteur santé) avait, en effet, évalué
dans les années 90, pour le Trésor britannique, un gain de productivité de
17 % dans le cas d’une politique de
sous-traitance avec le secteur privé, par
rapport à des projets uniquement
financés par l’État.
Cent hôpitaux britanniques
Ce type de raisonnement a incité
l’Australie à se lancer dans un programme PPP. Malheureusement, très
vite, l’offre de soins est apparue mal
adaptée aux besoins de la population.
En effet, les économies espérées étant
plus modestes que prévues, la tarification des soins fut relevée. Ce qui eut
pour conséquence d’exclure de l’accès
aux soins une partie non négligeable
de la population. Cet échec en termes
de Santé publique a conduit le Parti travailliste britanique, succédant au parti
libéral, à supprimer ce mode de financement. La mission des PPP concernait seulement les projets immobiliers
et devait répondre aux critiques les plus
fréquemment émises à l’encontre du
NHS7 : inadaptation des structures aux
besoins, mauvaise gestion et retards
dans la livraison des projets. Le lancement à partir de 1992 des PPP a porté
sur la construction de 100 hôpitaux.
Mais l’expérience qui doit se terminer
en 2006, n’est pas vraiment
concluante. D’ores et déjà on peut
constater que bien que la maîtrise
d’œuvre confiée au privé a permis une
meilleure utilisation du capital en réalisant une économie globale de 4 % sur
l’ensemble des projets, les coûts d’exploitation se sont envolés à plus de 2 à
3 % d’une gestion plus classique.
Un système rigide
Le rapport coût/efficacité des PPP n’a
donc pas pu être démontré malgré
certains avantages. En effet, l’adéquation des structures aux nouvelles technologies a été notoirement insuffisante. Le manque de prévision dans
le cahier des charges des projets a
sans doute été la source de frais supplémentaires importants pour s’adapter à l’évolution des soins.
D’un point de vue purement macroéconomique, il semble aussi que l’ouverture de ce marché à l’initiative privée a été biaisée par l’importance des
capacités d’autofinancement qu’exigeait le système d’appels d’offre – le
ratio de projets retenus étant de 1/5.
Le Trésor anglais avait poussé la barre
très haut en fixant un plancher de
20 millions de livres pour tout projet
PPP. Les remaniements constants
imposés par l’évolution des technologies médicales et les aménagements
que celle-ci exigeait excluaient toute
entreprise à faible taux de capitalisation.
En conclusion, le choix de PPP dans le
financement du secteur hospitalier ne
s’est pas révélé – loin s’en faut – une
solution miracle. La faute en revient,
sans doute au manque de préparation initial des projets, mais aussi à
une trop grande exigence de productivité par rapport aux besoins strictement sanitaires.
François Engel
1/Built Own Operate and Transfert ; 2/Built
Own Operate ; 3/Lease Own Operate ;
4/Design Built Operate ; 5/Operate &
Maintain ; 6/Design & Construct ;
7/National Health Service (service de soins
britannique).
Focus
...
Coût ou service ?
Paradoxalement, il
semble bien que c’est
la rigidité du système
(le prima du profit et
de la productivité sur
la qualité) qui est à
l’origine de l’échec de
la maîtrise des coûts.
Le conflit entre les
besoins
d’investissements à
long terme et le
fonctionnement d’un
secteur extrêmement
évolutif, tant d’un point
de vue technologique
que nosologique, a un
effet délétère sur toute
logique de profit. Sans
doute faudrait-il ne
plus considérer la
santé comme un coût,
mais comme un
service qui serait aussi
une source de profit.
Ce renversement, qui
ne dépend que d’un
jeu d’écritures, pourrait
avoir une influence en
profondeur sur la
façon de considérer et
de gérer les soins. Un
nombre croissant
d’économistes de la
santé commencent à
défendre cette thèse.
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 65 • août-septembre 2005
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