Éditorial La vasopressine, une nouvelle première Pr M. Thibonnier* D epuis plus d’un siècle, la vasopressine est liée à nombre de découvertes fondamentales et originales, incluant la démonstration d’un effet presseur en 1895 et de l’action antidiurétique en 1921, la synthèse de cette hormone peptidique en 1953, rapidement complétée par le radiomarquage, et la description de messagers secondaires intracellulaires fondamentaux dans les années 1960-1970. Durant les deux dernières décennies, les nouvelles découvertes ont surtout concerné à d’autres hormones vasoactives telles que les catécholamines et l’angiotensine. Cependant, le clonage récent des récepteurs vasopressinergiques et l’isolation d’antagonistes non peptidiques par “screening” systématique de composés clés ont ramené la vasopressine à l’avant-scène scientifique. Ces nouveaux outils ont produit des résultats fascinants rapportés dans trois articles de cette revue. G. Guillon et C. Barberis décrivent en détail les propriétés physiologiques et pharmacologiques des trois sous-types de récepteurs vasopressinergiques et soulignent leurs différences en termes de structure, messagers secondaires et profils pharmacologiques. De nouvelles actions de la vasopressine ont été découvertes : elles ont conduit à des indications thérapeutiques, dont la libération de facteurs de coagulation. De nouveaux tissus cibles pour la vasopressine ont été identifiés et un rôle autocrine et/ou paracrine de la vasopressine dans ces tissus est maintenant établi. D. Morin et C. Barberis utilisent les progrès récents du clonage de récepteur V2 et de l’aquaporine-2 pour disséquer la physiopathologie du diabète insipide néphrogénique. En particulier, le récepteur V2 est l’exemple le mieux étudié des récepteurs couplés aux protéines G, dont l’altération phénotypique (diabète insipide) a pu être liée à plus de 150 mutations distinctes, affectant les différents domaines du récepteur (boucles intracellulaires, domaines transmembranaires, boucles extracellulaires, ou segment terminal intracytoplasmique). L’addition de sondes fluorescentes a permis d’illustrer le trafic intracellulaire des récepteurs intacts ou mutés. La description du travail de J.P. Morello et al. est encore plus fascinante : ces chercheurs ont découvert que les antagonistes non peptidiques du récepteur V2 (dont la fonction initiale est de bloquer l’activation du récepteur V2 intact) permettent la stabilisation des récepteurs V2 mutés et leur expression à la surface des cellules conduisant à la restauration du signal fonctionnel (production d’AMP cyclique et réabsorption d’eau). Ces petites molécules agiraient en tant que “chaperonnes” pharmacologiques, facilitant la maturation et la conformation des récepteurs mutés, ainsi que leur insertion intramembranaire. Ce travail très original ouvre un nouveau champ d’application thérapeutique pour les petits ligands non peptidiques, à savoir la réactivation de récepteurs mutés inactifs (un objectif complètement opposé à l’inactivation des récepteurs normaux). Il semblerait qu’une approche similaire permettrait la réactivation des mutants de l’aquaporine-2. Finalement, V. Baudouin revoit en détail la démarche diagnostique et thérapeutique des diabètes insipides néphrogéniques en incluant les études pharmacogénétiques des familles atteintes. En conclusion, cette revue sur la vasopressine illustre parfaitement le fait que l’application de technologies modernes à un sujet bien établi permette de répondre à des questions jusqu’alors inexpliquées et de faire progresser de façon efficace un sujet scientifique, dans des directions inattendues et excitantes. * Case Western Reserve, University School for Medicine, Cleveland, États-Unis. Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 223