Brèves…B On sait aujourd’hui que 5 à 10 % des cancers du sein seraient dus à une prédisposition génétique majeure. Ainsi, la présence d’une mutation dans le gène BRCA1 (ou BRCA2), pour BReast CAncer, expose la femme à un risque plus élevé d’avoir un cancer du sein et/ou de l’ovaire. Ce gène dit “suppresseur de tumeur” est impliqué à l’état normal dans le contrôle de la prolifération cellulaire, la réparation de l’ADN et la régulation de la transcription. Paradoxalement, BRCA1 est exprimé dans toutes les cellules ; toutefois, il protège particulièrement contre le cancer les tissus hormonauxdépendants tels que le sein et l’ovaire. Le traitement hormonal substitutif de la ménopause, qui combine les estrogènes avec la progestérone, augmente le risque de développer un cancer du sein chez la femme ménopausée, ce qui n’est pas observé lors d’un traitement substitutif à base d’estrogènes. Par ailleurs, des études ont montré que, chez la souris, les récepteurs de la progestérone (PR) sont indispensables au développement complet de la glande mammaire et que la surexpression d’une des isoformes du PR (PR-A) entraîne un développement anormal de la glande mammaire associé à une hyperplasie canalaire. L’ensemble de ces observations indique fortement l’implication des PR dans le développement du cancer du sein. Jusqu’à ce jour, les interactions entre les gènes BRCA1 et PR n’étaient pas élucidées. Dans un article récent, Poole et al. (2006) suggèrent que la spécificité cellulaire de l’effet antitumoral de BRCA1 résulte d’une action sur la voie de signalisation de la progestérone. Ils étudient un modèle murin qui présente la double inactivation des gènes BRCA1 et p53 ciblée dans les cellules mammaires, reproduisant ce qui est observé dans la majorité des tumeurs mammaires associées à des mutations de BRCA1 chez la femme. Le phénotype des animaux invalidés ressemble à celui de souris sauvages gestantes, et se trouve lié, par conséquent, à une hyperplasie de la glande mammaire avec augmentation des ramifications canalaires et prolifération des cellules épithéliales mammaires (MEC, pour Mammary Epithelial Cells). Les chercheurs montrent que les estrogènes et la progestérone, administrés seuls ou en combinaison, présentent un effet mitogène puissant sur les cellules MEC des souris déficientes en BRCA1 et p53, alors que les deux hormones n’ont aucun effet sur les souris normales ou invalidées uniquement pour p53. Cette prolifération cellulaire pourrait mettre en jeu la protéine PR-A, dont les taux sont augmentés par un mécanisme de régulation post-transcriptionnelle. En effet, dans des conditions normales, l’exposition à la progestérone entraîne la polyubiquitination de PR, puis sa dégradation dans le protéasome. En revanche, la dégradation de PR-A en réponse à la progestérone n’est pas observée dans les cellules MEC provenant de souris invalidées pour p53 et BRCA1. Les auteurs suggèrent donc que BCRA1 orienterait la protéine PR vers le protéasome afin qu’elle y soit dégradée. Les chercheurs du groupe californien ont également étudié le rôle de BRCA1 sur des cellules épithéliales cancéreuses humaines déplétées en BRCA1 à l’aide d’un ARN interférant anti-BRCA1. Ce traitement entraîne une augmentation des concentrations de protéines PR mais n’affecte pas les taux de récepteurs α des estrogènes. En outre, la quantité de PR ubiquitinées est réduite dans les cellules humaines MEC déplétées en BRCA1. Inversement, la surexpression de BRCA1 provoque une augmentation de la quantité de PR ubiquitinées. Poole et al. montrent que cet effet de BRCA1 est lié à son activité E3-ubiquitine ligase, une enzyme qui catalyse le transfert de résidus ubiquitine sur les protéines destinées à être dégradées. Ainsi, comme chez la souris, la protéine BRCA1 pourrait être impliquée dans la stabilité du récepteur PR dans les cellules épithéliales mammaires humaines. Étant donné que la progestérone se révèle être un puissant agent mitogène chez les souris invalidées pour BRCA1 et p53, les auteurs ont ensuite recherché les conséquences du blocage de la protéine PR par un antagoniste de la progestérone (RU 486) sur le développement de tumeurs mammaires. De façon intéressante, la présence d’un patch libérant du RU 486 pendant 60 jours a prévenu, ou tout du moins retardé, le développement de tumeurs chez ces souris. En conclusion, ces travaux apportent des éléments nouveaux sur la fonction du gène BRCA1 et permettent d’expliquer pourquoi sa mutation est responsable de l’apparition de tumeurs, spécifiquement dans la glande mammaire et les ovaires. Par ailleurs, ils ouvrent une piste thérapeutique pharmacologique prometteuse pour l’utilisation d’antiprogestérone dans l’optique d’une stratégie préventive chez les femmes à risque. rèves… Nouvel espoir dans la prévention du cancer du sein I. Lihrmann INSERM U413, IFRMP23, Université de Rouen. ✓ Poole AJ et al. Science 2006;314:1467-70. Les articles publiés dans “Métabolismes-Hormones-Diabètes et Nutrition” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © octobre 1997 - DaTeBe SAS Imprimé en France - Differdange S.A.S. - 95100 Sannois - Dépôt légal à parution Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007 41