
264 | La Lettre du Neurologue Nerf & Muscle • Vol. XIII - n° 9 - octobre 2009
La polyneuropathie
du syndrome POEMS
MISE AU POINT
la biopsie de nerf paraît rarement indiquée. En effet,
la recherche systématique d’une gammapathie
monoclonale associée à la neuropathie conduira
en cas de positivité à un bilan systémique permettant
le plus souvent de remplir les critères diagnostiques
de syndrome POEMS. Il existe cependant des cas
complexes où la confirmation d’une prolifération
lymphoplasmocytaire indispensable au diagnostic de
syndrome POEMS peut initialement faire défaut (26).
La biopsie nerveuse, si elle comprend une étude en
microscopie électronique, peut contribuer dans ces
circonstances à orienter le diagnostic.
Histoire naturelle
de la polyneuropathie
En l’absence de traitement, la neuropathie du
syndrome POEMS se caractérise chez la majorité des
patients par une évolutivité en deux phases. Au cours
de la première phase, dont la durée très variable peut
aller jusqu’à plusieurs mois, la sympto matologie
est dominée par un trouble sensitif peu évolutif.
Si l’examen électrophysiologique est effectué dans
cette période, il met en évidence une polyneuropa-
thie démyélinisante pure ou associée à une perte
axonale limitée avec peu de dénervation active
en détection, et les signes extraneurologiques de
syndrome POEMS apparaissent peu nombreux. La
seconde phase est caractérisée par une “acutisa-
tion” avec installation rapide d’un déficit sensitivo-
moteur ascendant couplé sur le plan électrique à
une perte axonale sévère et franchement évolutive.
Parallèlement, les manifestations systémiques du
syndrome POEMS se multiplient. Pour un certain
nombre de patients, la première phase est “absente”
avec l’installation d’emblée, rapide et linéaire du
trouble neurologique qui rend le retard diagnostique
et thérapeutique d’autant plus préjudiciable.
Pathogénie
de la polyneuropathie
La pathogénie du syndrome POEMS reste mysté-
rieuse. Son association aux pathologies lympho-
prolifératives et sa possible disparition après
traitement radical d’un plasmocytome font évoquer
l’hypothèse d’un phénomène paranéoplasique médié
par un agent produit par des plasmocytes anormaux.
Il en découlerait une élévation de cytokines pro-
inflammatoires (IL-1b, TNFα et IL-6) conduisant à
une activation du VEGF. Ce dernier est un facteur
de prolifération angiogénique et d’augmentation de
la perméabilité vasculaire, actuellement considéré
comme le principal facteur pathogène de l’affec-
tion. En 1998, O. Watanabe rapportait ainsi l’élé-
vation spécifique du VEGF dans le sérum de 7 des
10 patients atteints de syndrome POEMS versus
aucun des sujets contrôles qu’il s’agisse de sujets
sains, atteints de PIDC, d’un syndrome de Guillain-
Barré ou d’autres pathologies neurologiques (27).
Par la suite, son augmentation était retrouvée dans
la quasi totalité des 74 observations publiées dans
lesquelles le dosage avait été effectué. Il est vrai-
semblable que l’élévation du VEGF rende compte
de la survenue de l’organomégalie, du syndrome
œdémateux, des hémangiomes gloméruloïdes, et
qu’il constitue également un régulateur de diffé-
renciation ostéoblastique (28).
La polyneuropathie dans le syndrome POEMS décou-
lerait, elle aussi, directement des propriétés du VEGF.
En effet, une altération de la barrière sang-nerf –
conséquence de l’hyperperméabilité microvasculaire
– et un trouble de coagulation microvasculaire, tous
deux induits par l’élévation du VEGF, seraient à l’ori-
gine de l’atteinte neurologique. Récemment, M. Scar-
lato et al. ont pu démontrer, à partir de l’étude
histologique de nerfs de 11 patients, un lien entre
le taux sérique de VEGF et son expression sur le nerf
au niveau de l’endothélium vasculaire, mais égale-
ment des cellules de Schwann, ne participant pas à
la formation de myéline (29). L’élévation du VEGF
était également corrélée à l’importance de la proli-
fération et de l’hypertrophie des cellules endothé-
liales des vaisseaux de l’endonèvre, conduisant à leur
occlusion et ainsi à l’aggravation neurologique. Dans
cette étude, le VEGF constituait un facteur pronos-
tique, puisqu’un taux inférieur à 1 500 pg/ml avant
traitement était associé à une meilleure réponse
thérapeutique. Il existait également une corrélation
inverse entre les taux de VEGF et d’érythropoïétine
(EPO). La production de VEGF est sous la dépendance
d’un facteur de transcription dont une sous-unité α
est induite par l’hypoxie (30). Il est plausible que,
au-delà d’un certain seuil d’occlusion vasculaire,
l’hypoxie induite provoque un “emballement” de
la production de VEGF et contribue localement à
l’exacerbation de l’œdème endoneural et à l’aggra-
vation rapide des lésions neurologiques.
Le mécanisme de l’atteinte neurologique n’est cepen-
dant peut-être pas univoque et, s’il est vraisemblable
que des taux élevés de VEGF conduisent systéma-
tiquement à une micro-angiopathie thrombotique
endoneurale responsable de la gravité du tableau
neurologique, il n’est pas exclu que d’autres méca-