A S H 2 0 0 6 Actualités biologiques Biology 2007: a glimpse M.C. Béné* Protéomique * Laboratoire d’immunologie du CHU, faculté de médecine de Nancy, 54505 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex. (Session mitigée sur une thématique pourtant en plein développement) La première présentation (A. Whetton, Manchester, Royaume-Uni) était la plus technique et aussi la plus intéressante, orientée sur la “protéomique de découverte”. Le protéome est bien plus complexe que le génome ou le transcriptome et bien plus sujet à des régulations fonctionnelles qui augmentent encore sa diversité. À la variation apportée au transcriptome par les variants d’épissage, s’ajoutent pour les protéines les notions d’isoformes et de régulation fonctionnelle (altérations résultant des interactions protéines/protéines, modifications post-transcriptionnelles, turnover, localisation subcellulaire…). Les 23 710 protéines non redondantes identifiées donnent ainsi lieu à plus de dix millions de combinaisons possibles. L’idée de “protéomique de découverte” a émergé après l’ère des puces de capture (capture arrays) fondées sur des anticorps et donc orientant subjectivement la recherche des protéines dans un échantillon, de la même manière que les nucléotides sur une puce génomique. Cette approche subjective disparaît lorsque les techniques s’affranchissent de prérequis, mais nécessite de fractionner les échantillons, puisque 12 protéines représentent plus de 90 % du protéome sérique ! Il en est de même pour les échantillons cellulaires qui nécessitent aussi un fractionnement, voire un enrichissement fondé sur des étapes post-translationnelles comme l’isolement des protéines phosphorylées. Il faut encore de la séparation au niveau peptidique (notion de peptidome !), par passage sur des colonnes cationiques et augmentation de l’hydrophobicité avant de passer à l’électrospray en spectrométrie de masse et les analyses bioinformatiques subséquentes au séquençage. Le temps de vol (time of flight [TOF]) donne la Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 masse des différentes protéines ou des peptides. En le combinant à la technique ITRAQ (isobaric tags for relative quantification), qui associe des groupes de protéines réactives identiques à tous les échantillons (protéines “reporter”), on peut avoir une appréciation quantitative permettant de comparer différents spécimens. L’analyse simultanée des protéines et du génome permet de détecter et de quantifier des facteurs de transcription, ce qui a par exemple été fait dans des cellules ES, avec une confirmation en Western-Blot des variations des protéines d’intérêt identifiées par ce moyen et suspectées par les modifications des signaux en micro array. Un autre moyen de quantification est la technique SILAC (stable isotope labelling by amino acids), applicable seulement à des cellules en culture qui incorporent les acides aminés marqués et non marqués ajoutés au milieu. En oncologie, il est intéressant d’utiliser des techniques de protéomique après enrichissement en phosphoprotéines pour identifier de nouveaux sites de phosphorylation sur les oncoprotéines transformées. B. Sheshi (Torronce, États-Unis) avait une approche plus orientée vers le diagnostic, posant la question de savoir où on en est de l’application de la protéomique au laboratoire de biologie. Il a insisté lui aussi sur la grande taille du protéome et l’image unique que donne le plasma de toutes les importations et exportations cellulaires de l’organisme. Il a cité à nouveau les 12 protéines qui représentent 99 % de la masse protéique du plasma, et y a ajouté la notion que 11 % des protéines plasmatiques sont à l’origine de 50 % des peptides générés dans le peptidome. Il a abordé ensuite les techniques déjà anciennes d’électrophorèse bidimensionnelle séparant les protéines selon leur masse puis leur point isoélectrique. Appliquées à la comparaison de cellules normales et cancéreuses, ces métho- A S H des lourdes et longues ont toutefois permis d’identifier certaines différences. Il a évoqué l’ITRAQ, qu’il trouve lourd, et souligné que 92 % des protéines stromales sont aussi détectées en analyse du transcriptome. Plus joli, il a montré des images de spectrométrie de masse couplée à du MALDI sur des coupes de tissus. Il est ensuite revenu aux techniques moins “découvreuses” fondées sur des micro arrays de protéines et a parlé de la chimie NAPPA (nucleic acid performable protein array) ; il a aussi mentionné le projet HUPO, qui prévoit de générer des anticorps monoclonaux contre toutes les protéines humaines et a déjà une base de plus de 2 700 anticorps. L’application de ce projet à l’analyse du peptidome est de combiner un enrichissement des peptides par des anticorps, qui reconnaissent un épitope indépendamment du degré de fractionnement de la protéine, à une analyse en spectrométrie de masse qui différencie par leur taille les molécules clivées à divers degrés. La troisième présentation (P.J. Utz, Stanford, États-Unis) couvrait de façon peu crédible l’autoimmunité, l’allergie, les modèles expérimentaux d’EAE, les vaccinations ADN, dans un panorama bien éloigné de ce qu’il est convenu de considérer comme de la protéomique. Un élément intéressant toutefois, la technique de micro arrays protéomiques en phase inverse. L’idée consiste à dissocier des cellules ou utiliser des lignées cellulaires, les activer, les “lyser” et réaliser un micro array des protéines du lysat testé ensuite avec des anticorps antiphosphoprotéines donnant une image de l’activation cellulaire. Cellules présentatrices d’antigène et tumeurs D. Munn (Augusta, États-Unis) présentait une série de travaux focalisée sur les cellules dendritiques (DC) exprimant l’indoléamine 2,3 dioxygénase (IDO). Ces cellules sont présentes physiologiquement dans les territoires muqueux. Elles sont aussi présentes dans le microenvironnement tumoral ou dans les ganglions de drainage des tumeurs et ont un rôle essentiellement tolérogène et immunosuppresseur, favorisant donc dans ce cas la croissance tumorale. Dans une série de 40 patients atteints de mélanome, la présence de cellules IDO+ dans le ganglion sentinelle au diagnostic apparaît significativement corrélée à l’évolution défavorable de la maladie. 10 2 0 0 6 L’effet de l’IDO peut être inhibé chimiquement par le 1-méthyltryptophane (1MT), qui restaure les capacités des DC à induire une MLR (mixed lymphocyte reaction). Les souris IDO KO ont des DC particulièrement efficaces en MLR. Les cellules exprimant IDO dans les ganglions de drainage des tumeurs sont B220/CD11C/CD19 et semblent avoir un réarrangement DJ. Ces cellules de phénotype particulier peuvent aussi être identifiées dans le ganglion controlatéral, mais n’expriment alors pas IDO. L’expression de l’enzyme pourrait résulter de l’interaction des DC avec CTLA4 sur les lymphocytes T régulateurs (Tregs), comme le suggèrent les images de synapse avec cette molécule. L’IDO dégrade le tryptophane libre des lymphocytes T et les métabolites du tryptophane seraient impliqués dans l’apoptose et/ou l’arrêt de la prolifération cellulaire. In vivo, les pDC exprimant IDO induisent une anergie spécifique d’antigène, qui peut être transmise par transfert adoptif dans des modèles allogéniques, et inhibée par l’administration de 1MT pendant la période où les DC présentent l’antigène. Dans les modèles tumoraux, l’expression d’IDO supprime la réponse aux antigènes tumoraux, en inhibant la prolifération T. Là encore, l’effet est annulé par l’administration de 1MT. La prolifération spécifique en présence de Tregs issus d’un ganglion de drainage tumoral est diminuée par rapport à celle observée en présence de Tregs du ganglion controlatéral, suggérant que les DC exprimant IDO influencent l’activité des Tregs. Dans les modèles murins, l’association de 1MT à un traitement radio- ou chimiothérapique induit une synergie dans la diminution de la masse tumorale, mais il ne semble pas y avoir pour l’instant d’applications chez l’homme. La niche des cellules souches Le concept d’un microenvironnement spatio-temporel spécialisé dans le maintien et l’expansion des cellules souches hématopoïétiques date d’une trentaine d’années. Ce système est caractérisé par la parenté et l’étroite collaboration entre les progéniteurs hématopoïétiques et vasculaires. M. Yoder (Indianapolis, États-Unis), le premier orateur de cette séance, se penche sur l’ontogénie de cette niche et surtout sur la maturation et les propriétés des cellules endothéliales, issues, comme les précurseurs hématopoïétiques, d’un hémangioblaste. Le modèle initial part du feuillet mésodermique, qui donne des masses mésodermiques, puis Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 Actualités biologiques les cordons angioblastiques et les îlots sanguins qui émergent d’une blood band et sont dépourvus de cellules endothéliales. Cela est particulièrement bien visible en imagerie 3D, qui démontre dans la suite du développement l’enrobement progressif des îlots par l’endothélium. Les cellules endothéliales primitives isolées du sac vitellin et de la splanchno-plèvre (mésoderme intraembryonnaire) para-aortique entretiennent l’expansion de cellules souches médullaires d’adultes in vitro, ce qui infère que les cellules endothéliales régulent effectivement les fonctions des cellules souches hématopoïétiques. Les progéniteurs endothéliaux primaires et définitifs expriment CD41, les premiers capillaires flk-1. La vasculogenèse dépend d’angioblastes, précurseurs des cellules endothéliales. L’angiogenèse est suivie par l’artériogenèse puis la vasculogenèse postnatale, qui induit la formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de cellules endothéliales circulantes. Ce sont des cellules adhérentes, capables d’ingérer des LDL acétylés, qui fixent la lectine de Ulex europeanus après 4 à 9 jours de culture in vitro dans un milieu spécifique. Par des techniques de dilution limite et de marquage à la protéine verte fluorescente (GFP), il a été montré que ces cellules peuvent donner divers types de colonies endothéliales avec des potentiels de croissance variés. Environ 12 % des cellules endothéliales se divisent au moins une fois si elles proviennent d’un adulte, alors que ce chiffre est de près de 50 % si elles sont issues de sang de cordon. Un tiers des colonies issues de cellules de sang de cordon comportent plus de 2 000 cellules et peuvent être repiquées. On parle d’endopoïèse, du précurseur le plus immature jusqu’à des cellules matures qui ne se divisent plus. Il existe un certain turnover à bas bruit des cellules endothéliales, lié à la présence de cellules présentant des potentiels de prolifération différents. On distingue en fait deux types de précurseurs de cellules endothéliales, les CFU-EC et les ECFC (endothelial colony forming cells). Les premières expriment CD14, CD45 et CD115, pas les secondes. Elles ne possèdent pas d’estérases non spécifiques. Les CFU-EC sont seules capables d’ingérer des bactéries, et prolifèrent peu, à la différence des ECFC qui ont un fort potentiel de prolifération et d’autorenouvellement. Les ECFC peuvent donner naissance à de nouveaux vaisseaux sanguins exprimant CD31. L’étude de ces deux types cellulaires à partir de patients présentant une mutation de Jak2 a permis de mettre en évidence la mutation dans 100 % des CFU-EC, qui sont donc effectivement liées au système hématopoïétique, Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 mais pratiquement jamais dans les ECFC, qui en seraient donc distinctes. Les CFU-EC seraient des cellules myéloïdes capables de se transformer en macrophages angiogéniques, alors que les ECFC seraient les véritables précurseurs endothéliaux. Ces deux types cellulaires sont capables de collaborer dans la formation des bourgeons vasculaires. Les ECFC représentent environ 50 % des cellules endothéliales, mais sont aussi capables de recirculer. On en trouve environ une par millilitre dans le sang de cordon. Les ECFC de sang de cordon induisent in vitro l’expansion de cellules souches médullaires CD34+, et contribueraient donc au maintien des cellules souches hématopoïétiques. L. Li (Kansas City, États-Unis), retournait à l’hématopoïèse, extraembryonnaire dans la membrane allantoïque et le placenta, mais aussi embryonnaire avec la séquence mésoderme, splanchno-plèvre péri-aortique, mésonéphros aorto-gonadique, foie fœtal, moelle osseuse. Les cellules souches ne quittent normalement pas la moelle osseuse, elles le font seulement dans des circonstances de stress. Elles résident dans un microenvironnement stromal physiquement limité qui assure l’homéostasie du nombre de cellules souches. Cette niche est une structure symétrique formée de cellules spécialisées, bordée par une couche d’ostéoblastes. Les cellules souches quiescentes sont au contact direct des ostéoblastes. Les cellules souches actives en sont plus distantes, au contact de cellules stromales. Au fur et à mesure de la prolifération et de la différenciation des progéniteurs, les cellules se rapprochent des vaisseaux sanguins médullaires. La niche fonctionne comme un port d’attache auquel les cellules souches sont physiquement fixées, avec des interactions VCAM/VLA6 et des liaisons homotypiques du complexe bêta-caténine/ N-cadhérine exprimé par les deux types de cellules. De nombreuses autres interactions régulent l’autorenouvellement de ces cellules souches : Jag/Notch, Ang/Tie2, SDF1/CXCR4, SCF/c-Kit. Les molécules BMP (bone morphogenic protein) et Wnt (wingless-related MMTV integration site) exprimées par les ostéoblastes, mais dont le ligand n’est pas connu, joueraient aussi un rôle important. Les voies d’activation intracellulaires, via AKT et mTOR, régulent l’expression de la bêta-caténine et de la cycline D1. PTEN (phosphatase and tensin homolog) joue un rôle crucial pour maintenir les cellules souches hématopoïétiques normales et éliminer les cellules leucémiques, comme le montrent les modèles murins de PTEN mutés qui développent des leucémies. 11 A S H À côté de cette niche ostéoblastique, il existe également une niche vasculaire. Les cellules souches hématopoïétiques peuvent se déplacer entre ces deux compartiments, notamment en fonction des variations d’oxygénation, l’hypoxie favorisant une localisation dans la niche ostéoblastique. Ces deux territoires conditionnent la physiologie des cellules souches, la niche ostéoblastique favorisant l’entretien des cellules souches et la niche vasculaire leur expansion. La niche vasculaire faisait l’objet de la présentation de S. Rafii (New York, États-Unis), partant du principe que cette niche est essentielle pour le maintien, la différenciation et le déplacement des cellules souches ainsi que pour la reconstitution de l’hématopoïèse. Les progéniteurs hématopoïétiques produisent des facteurs angiogéniques comme le VEGF A, favorisant le recrutement de cellules endothéliales qui, à leur tour, génèrent du SDF-1 et du c-kit soluble et membranaire favorisant la survie des cellules souches. L’activation du récepteur au VEGF induit la production de MMP9 et de c-kit soluble qui modulent les déplacements des cellules souches entre la niche ostéoblastique et la niche vasculaire. Les sinusoïdes médullaires sont des vaisseaux fenêtrés en contact direct avec des cellules souches, des cellules plus différenciées et des mégakaryocytes. La niche vasculaire est très altérée par la chimiothérapie mais se régénère au cours de la reconstitution hématopoïétique. La VE cadhérine est une molécule essentielle pour l’assemblage fonctionnel des néovaisseaux pendant cette régénération, et l’administration d’anticorps anti-VE cadhérine dissocie les sinusoïdes et empêche la reconstitution hématopoïétique. De la même manière, l’inhibition du récepteur au VEGF altère les sinusoïdes médullaires et l’hématopoïèse. Les cellules souches hématopoïétiques participent au remodelage des sinusoïdes à partir de précurseurs endothéliaux par la libération de VEGF A, de SDF1 et des angiopoïétines actives sur Tie2. Des modèles murins ont montré que cette tyrosine kinase est pratiquement restreinte à la niche vasculaire en cours de reconstitution, et qu’elle n’est pas exprimée dans la moelle normale homéostatique. Ces mécanismes ont aussi été mis en évidence dans un modèle élégant de nécrose de la patte après ligature de l’artère fémorale de souris MMP9-/- incapables de néovascularisation. L’injection de cellules souches VEGFR+ et CXCR4+ dans le membre abîmé permet d’induire la formation de néovaisseaux stabilisés par VEGF A. 12 2 0 0 6 Les angiopoïétines sont également capables de stimuler la formation de néovaisseaux Tie2+ et de régénérer la thrombopoïèse de souris KO pour la thrombopoïétine. À l’inverse, les facteurs anti­ angiogéniques comme les thrombospondines 1&2 sont restreints aux mégakaryocytes (localisés à proximité des sinusoïdes) et aux plaquettes. Il faut noter que les souris KO pour la thrombospondine présentent des taux très élevés de SDF-1. Il semble ainsi exister un équilibre entre les progéniteurs hématopoïétiques produisant des facteurs proangiogéniques et les mégakaryocytes antiangiogéniques. Le rôle de CXCR4 est également souligné par l’absence de néoangiogenèse dans les modèles CXCR4-/- et l’abrogation de la mobilisation de cellules souches hématopoïétiques en présence d’une inhibition chronique de CXCR4. Quant à la double localisation ostéoblastique ou vasculaire des cellules souches hématopoïétiques, S. Rafii la voit comme un double compartiment, respectivement accessible et hibernant de cellules proangiogéniques. CSF-1 dans le développement et en pathologie (E. Donnal Thomas Lecture) Cette conférence de prestige était donnée par l’Australien E.R. Stanley (New York, États-Unis), prix Nobel pour ses travaux sur cette molécule. Plus qu’une conférence, c’était un voyage dans le temps, jalonné par les publications et les visages de ses collaborateurs, de 1968 à aujourd’hui, sur près de 40 ans d’une carrière consacrée au Colony Stimulating Factor 1 (CSF-1). Cette activité a été initialement identifiée dans un milieu conditionné contenant du sérum de souris. Ce milieu favorisait la formation de colonies à partir de cellules isolées de moelle osseuse cultivées en agar. Les cellules issues de ces colonies étaient capables de phagocyter des billes métalliques, suggérant leur nature macrophagique. La première quête de Stanley et de ses collaborateurs a été de rechercher la molécule dans un autre liquide présentant cette activité de différenciation, l’urine humaine. Un travail titanesque, reposant sur un panneau incitant les membres de l’institut à utiliser le seau proposé plutôt que les urinoirs (sauf le vendredi où la bière diluait trop l’activité biologique !), aboutissait en 1970 à l’isolement de 0,15 mg de CSF à partir de 176,2 litres d’urine, au terme de six étapes de purification ! Poursuivant sa quête dans les maisons de retraite, Stanley démontrait ensuite que le taux de CSF augmente avec l’âge Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 Actualités biologiques chez environ 30 % des sujets, suggérant une production par les cellules épithéliales des tubules rénaux. Les objectifs dans les années 1970 étaient de purifier la molécule et de l’étudier in vivo, de produire des formes radio-iodées pour rechercher ses cibles, de disséquer ses fonctions et d’obtenir sa séquence protéique. Les travaux menés pendant cette décennie devaient effectivement permettre de montrer l’identité de CSF avec le facteur de croissance des macrophages qui avait été identifié mais pas purifié, d’obtenir 75 mg de protéine à partir de milieu conditionné de cellules L de souris (5 litres), de montrer le rôle de CSF dans la régulation de la production des macrophages et de définir la sous-classe CSF-1. Dans les années 1980, c’est la régulation de l’activité des macrophages qui préoccupe les chercheurs. Le CSF-1 induit la survie des macrophages, est détruit par les cellules différenciées, et les macrophages régulent leur propre concentration de CSF-1. D’autres cellules sont identifiées comme capables de produire CSF-1 car les taux de cette molécule varient pendant la grossesse, ce qui ouvre le vaste sujet du rôle de CSF-1 dans la régulation placentaire. Le progrès des technologies permet de produire des anticorps monoclonaux, de séquencer la molécule et de la cloner en 1985. La poursuite des travaux avec les molécules radio-iodées permet d’identifier et de purifier le récepteur CSF-1R et de démontrer son activité tyrosine kinase. La biologie du CSF-1 peut maintenant être décrite en détail. Il est produit par les cellules endothéliales, dégradé par les cellules de Kupffer et a de nombreux effets dans la moelle osseuse, le sang périphérique et les tissus. Il intervient dans la régulation du métabolisme osseux et est important dans le tractus génito-urinaire féminin. Le rôle de CSF-1 dans le métabolisme osseux a été beaucoup étudié dans un modèle murin d’ostéopétrose. Les souris Csf1op/Csf1op n’ont pas de dents ; elles présentent des anomalies de la reproduction, un nombre diminué de macrophages et de cellules de Langerhans, des anomalies sensorielles et, bien sûr, une ostéopétrose. Le CSF-1 est une glycoprotéine à deux chaînes, produite sous deux formes, une forme longue soluble, associée ou non à un protéoglycane, et une forme tronquée membranaire. La transfection de transgènes de ces différentes formes a montré que l’absence de production de CSF-1 soluble avec maintien de la forme membranaire conduit à des animaux présentant une ostéopétrose partielle et Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 des anomalies de l’hématopoïèse des fonctions macrophagiques tissulaires. De même, l’absence de forme membranaire en présence de forme soluble donne des animaux présentant un retard de croissance, un retard dans l’éruption dentaire et dans l’ouverture des paupières, associés à une ostéopétrose partielle. Dans le modèle Csf1op/ Csf1op, la transfection du gène complet restaure un phénotype sauvage. Le rôle important de CSF-1 en physiologie est souligné par son implication dans de nombreuses pathologies. Le CSF-1 intervient dans la résistance aux infections virales à germes intracellulaires et aux champignons, régule la formation des cellules spumeuses par l’incorporation de LDL et de cholestérol dans les artères, facilite la survie des allogreffes cutanées, stimule la prolifération et l’activation de la microglie et la phagocytose de la protéine bêta-amyloïde et intervient dans la régulation des trophoblastes. En pathologie, CSF-1 est directement impliqué dans la prolifération des cellules synoviales au cours de la polyarthrite rhumatoïde, dans l’ostéoporose, dans la glomérulonéphrite lupique et dans la métastasie tumorale. C’est un marqueur tumoral dans les carcinomes de l’ovaire, du sein et de l’endomètre. Son rôle dans le cancer a été étudié chez l’animal. Du CSF-1 antisens ou des anticorps anti-CSF-1 augmentent la survie de souris xénogreffées en diminuant la vascularisation de la tumeur et la production de métalloprotéases. Il existe une boucle paracrine entre les cellules tumorales et les macrophages, par l’intermédiaire d’interactions CSF-1/EGF, induisant une comigration et la génération des métastases. L’inhibition de l’un ou l’autre de ces signaux permet de bloquer les capacités invasives et l’intravasation des cellules tumorales. Le récepteur de CSF-1 est une kinase appartenant à la superfamille des immunoglobulines, qui présente plusieurs sites de phosphorylation dont les fonctions ont été étudiées grâce à des formes mutées. L’activation du récepteur de CSF-1 passe par sa dimérisation, d’abord non covalente, qui induit sa phosphorylation, puis sa dimérisation covalente et son ubiquitinylation. Le récepteur est ensuite internalisé et dégradé dans les lysosomes. Il n’est pas recyclé. L’activation cellulaire induite par CSF-1 a été étudiée par des techniques protéomiques. Les interactions moléculaires complexes qui ont été observées impliquent très largement les molécules liées à la phagocytose et à la mobilité cellulaire, notamment les molécules du cytosquelette 13 A S H et la myosine. MAYP joue un rôle central dans ces fonctions en coordonnant la polymérisation de l’actine. Sa mutation (Lupo) conduit à une maladie inflammatoire autoentretenue avec psoriasis et ostéomyélite. MAYP/PSTPIP2 est sélectivement exprimée dans les macrophages, les ostéoclastes et les mastocytes. Elle pourrait aussi avoir un rôle anti-inflammatoire. Les animaux KO pour le récepteur de CSF-1 développent des pathologies plus sévères que celles présentées par les souris CSF-1-/-, ce qui suggère l’existence d’un second ligand à CSF-1R. CSF-1 et CSF-1R pourraient évidemment constituer des cibles thérapeutiques pour limiter la progression tumorale et traiter les maladies inflammatoires, mais cela n’est pas encore développé. Le système protéolytique de l’ubiquitine (H. Wassermann Lecture) Deuxième prix Nobel, A. Ciechanover (Haïfa, Israël), père du protéasome, recevait un accueil enthousiaste pour cette présentation d’une pédagogie limpide. Les systèmes protéolytiques ont une grande diversité topologique. Ils peuvent être extracorporels et extracellulaires, dans le tractus gastro-intestinal, intracorporels et extracellulaires, dans le sang (systèmes de la coagulation ou du complément), ou encore intracorporels et intracellulaires, dans les organelles comme le lysozyme, ou libres dans le cytosol, et c’est le cas du protéasome. La dégradation des protéines a un rôle de contrôle de qualité et de contrôle des process différent de celui de la morphogenèse. Environ 7 % de nos protéines sont dégradées chaque jour et le stock protéique est renouvelé complètement tous les mois, sauf pour l’hémoglobine et la myoglobine, qui ont une durée de vie plus longue. Historiquement, c’est vers le début des années 1940 qu’on a commencé à aborder la dynamique des constituants, par l’administration d’acides aminés isotopiques dans l’alimentation de rats permettant d’évaluer leur absorption et leur élimination, notion cependant mise en doute par Monod. L’étude de tranches de foie a permis de constater la dégradation des protéines en oxygène et en azote, mais ce n’est que vers les années 1960 que la notion d’une consommation d’énergie nécessaire pour la dégradation des protéines a commencé à se faire jour. À la même époque, De Duve découvrait le lysosome, et les phénomènes de dégradation intracellulaire suivant la phagocytose semblaient 14 2 0 0 6 devoir tous suivre ce chemin. Cependant, dans les années 1970, une période de doute sur le rôle du lysosome résultait d’une part de la mise en évidence de demi-vies différentes pour certaines protéines et, d’autre part, de l’utilisation de chloroquine dans la malaria qui bloquait la dégradation des protéines du parasite. Il semblait donc que le lysosome n’intervenait pas dans la dégradation des protéines intracellulaires, mais seulement dans celle des protéines phagocytées par la cellule, et qu’il devait exister un autre système. C’est à cette époque que Ciechanover a commencé ses travaux, en utilisant le réticulocyte, une cellule qui s’est débarrassée de ses lysosomes et qui poursuit pourtant la dégradation de protéines cytosoliques. En 1978, il mettait en évidence une dégradation protéique ATP-dépendante dans les réticulocytes et entreprenait le fractionnement du contenu de ces cellules pour aboutir à une disparition de l’activité protéasique lorsque deux fractions étaient séparées, et à sa restauration lorsqu’elles étaient réassociées. C’était le paradigme enzyme/substrat et la première identification du protéasome. Au XXIe siècle, la complexité du système est patente, et on sait que les 1 500 éléments entrant en jeu dans le fonctionnement du système ubiquitine représentent la mobilisation de 7 % du génome. Trois étapes principales gouvernent l’ubiquitinylation, E1 et ses enzymes d’activation, E2 et ses enzymes de conjugaison et E3 et ses nombreuses ligases. Ces trois étapes, de diversité croissante, aboutissent à la fixation d’une polyubiquitine guidant la protéine vers le protéasome avant d’être recyclée. La spécificité de l’ubiquitinylation dépend des enzymes, les 1 000 ligases du système. Si la voie principale est la destruction de protéines cytosoliques conduites vers le protéasome, il faut noter que les protéines membranaires et extracellulaires peuvent aussi être ubiquitinylées, et que l’ubiquitine peut diriger certaines protéines vers le lysosome. L’ubiquitinylation peut également servir à cibler des molécules vers les foyers nucléaires ou les systèmes de transcription. Il existe par ailleurs de petites protéines ressemblant à l’ubiquitine, les SUMO (small ubiquitin-like molecules). Pour Ciechanover, plus qu’un facteur de protéolyse, l’ubiquitinylation représente un passeport permettant aux protéines de circuler dans les compartiments cellulaires. L’homéostasie protéique – l’état d’équilibre – implique la dégradation physiologique de nombreuses protéines. En pathologie, les anomalies Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 Actualités biologiques de cette dégradation peuvent conduire soit à une trop forte dégradation des substrats, soit à leur accumulation. Un exemple est celui de maladies neurodégénératives caractérisées par l’accumulation de protéines qui auraient dû être éliminées. Le syndrome d’Angelman, caractérisé par un retard mental, est ainsi directement lié à un défaut de la ligase E6AP (E6 oncogene associated protein). Dans le cancer, l’accumulation d’oncoprotéines ou la dégradation de suppresseurs de tumeur peuvent être observées. Le ciblage du système ubiquitine par des agents thérapeutiques doit idéalement se focaliser sur les ligases ou les substrats, qui représentent le plus grand niveau de diversité, fournissant ainsi la plus grande spécificité et probablement le moins de risque d’effets indésirables. Quelques exemples : le bortézomib dans le myélome, qui permet de faire baisser le taux d’IgA myélomateuses, le ciblage des chaperonnes pour les détacher de leur protéine, qui devient alors accessible à l’ubiquitinylation, ou encore la ligase de p53, Hdm2, “uprégulée” dans de nombreux cancers et responsable d’une diminution importante des taux de p53. Dans ce dernier système, la Nutlin, qui agit comme compétiteur de p53 pour sa fixation à Hdm2, pourrait être un complément utile de la chimiothérapie. Le projet MILE (Micro array Innovations in LEukemia) [T. Haferlach et al., Munich, Allemagne. Abstract 103] Cette initiative développée par le Workpackage 13 de l’European LeukemiaNet a démarré au printemps 2005. Elle comporte deux phases. La première, qui vient de s’achever, visait à examiner rétrospectivement le profil des ARN de 2 200 leucémies, sur la puce Affymétrix® HG-U133 Plus 2.0, dans 11 centres (7 en Europe partenaires ELN, 3 aux États-Unis et 1 à Singapour). La seconde, prospective, vient de débuter et utilise une nouvelle puce, conçue à partir des résultats de la phase I. L’objectif est de classer les cellules d’une leucémie dans l’une des 18 catégories, essentiellement définies par des critères cytogénétiques, initialement déterminées en monocentrique. La phase I a été précédée d’une préphase ayant démontré la faisabilité du projet et une très bonne reproductibilité intercentre. Actuellement, en combinant la série initiale et les patients de la phase I (n = 2916), la capacité de la puce HG-U133 Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 Plus 2.0 à discriminer les 18 catégories par rapport aux gold standards du diagnostic est d’une précision de 91,88 %. Si l’on retire de cette série les myélodysplasies (identifiées pour moitié en moelle normale ou LAM), la précision est de 95 %, avec une spécificité de 98,4 % et une sensibilité de 97,2 % . Plasticité des cellules souches (Deux exemples, dans les voies respiratoires et le rein) ✔ Des cellules médullaires dans la trachée (N.B. Gomperts et al., Los Angeles, États-Unis. Abstract 281) Les cellules épithéliales progénitrices des rongeurs expriment la cytokératine 5 CK5. Des cellules mâles peuvent être mises en évidence dans le poumon de souris femelles ayant reçu une greffe de moelle osseuse de souris mâles. Cela suggère que la moelle contient des progéniteurs épithéliaux capables de réparer les voies aériennes. Ces cellules expriment CK5, CD45 et CXCR4. Elles sont également présentes dans la moelle et le sang périphérique humain. Leur rôle a été mis en évidence dans un modèle de greffe de trachée de souris sauvages femelles à des mâles GFP. L’hypoxie du tissu induit une abrasion de l’épithélium trachéal, suivie d’une néoangiogenèse et d’une reconstitution à J21. Les cellules qui reconstituent l’épithélium sont CK5 et GFP, donc issues du receveur. Ces cellules peuvent être mobilisées dans le sang périphérique par le KGF. Ces travaux pourraient expliquer le rôle bénéfique du KGF dans le traitement des lésions des voies aériennes que représentent notamment les mucites. ✔ Du sang de cordon dans le rein (V. Lo Cicero et al., Milan, Italie. Abstract 282) Dans ce modèle, l’idée était de favoriser la reconstitution de l’épithélium tubulaire à l’aide de cellules mésenchymateuses dérivées de sang de cordon humain. Ces cellules ont été préparées par déplétion magnétique des cellules lin+ sans lyse, puis cultivées jusqu’à la différenciation de cellules mésenchymateuses dont la nature a été vérifiée par immunophénotypage (CD44+, CD90+, classe I+, CD31-, CD45-, CD34- DR-) et différenciation en cartilage ou os. Les cellules mésenchymateuses ont ensuite été administrées à des souris NOD-SCID mises en insuffisance rénale par du cisplatine. L’injection de 5 x 105 cellules à J1 après 15 A S H le cisplatine permettait de protéger les souris de l’insuffisance rénale, et l’examen des reins à 4 jours mettait en évidence des lésions tubulaires nettement moins marquées chez les souris traitées. La présence d’une sous-population de cellules mésenchymateuses exprimant CD146 dans les préparations suggère que des cellules de type péricytaire/périvasculaire pourraient être à l’origine de cette différenciation rapide en cellules épithéliales. biologie de l’allogreffe de cellules souches hématopoÏétiques ✔ Reconstitution immunitaire post-greffe de moelle Reconstitution immunitaire post-greffe de moelle, cellules TK (C. Bonini et al., Milan, Italie. Abstract 307). L’utilisation de cellules T porteuses d’un gène suicide (cellules TK) permet depuis plusieurs années de faciliter la reconstitution immunitaire post-allogreffe tout en pouvant moduler l’apparition d’une GVH en activant la mort cellulaire par l’administration de ganciclovir. Dans l’étude présentée de greffe haplo-identique, l’administration de telles cellules promeut la reconstitution précoce d’effecteurs activés, progressivement remplacés par un phénotype complet, suggérant un double rôle direct (reconstitution immédiate d’un pool de cellules T matures) et homéostatique (disparition progressive des cellules greffées remplacées progressivement par des cellules normales). L’identification des quatre compartiments définis par double marquage CCR7/CD45RA permet de suivre la reconstitution, complète en un an. Le répertoire peut se reconstituer en 6 mois en présence de tels lymphocytes T, avec des réponses efficaces au CMV et à l’EBV. L’idéal est que cette reconstitution immunitaire soit achevée avant d’être obligé de détruire les cellules. Chez des patients en CR2, l’effet GVL est majeur. Enfin, la reconstitution fonctionne quel que soit l’âge des patients, avec un bénéfice majeur chez les sujets les plus âgés. Reconstitution immunitaire post-greffe de moelle, déplétion sélective en cellules CD25+ (S. Mielke et al., Bethesda, États-Unis. Abstract 308). L’élimination de cellules T activées spécifiques du receveur peut être réalisée dans des greffons à l’aide d’une immunotoxine CD25 après activation avec des APC irradiées du receveur. Cette méthode 16 2 0 0 6 peut toutefois également éliminer des Tregs. Les auteurs ont donc examiné la reconstitution des Tregs chez 16 patients ayant reçu un tel greffon. Ils ont observé la présence d’un compartiment CD3+CD25-foxp3+ dans les greffons, puis l’augmentation progressive de Tregs classiques CD25+ après la greffe (suivi de 150 jours). Le nombre de Tregs CD25- dans le greffon était inversement corrélé à la sévérité de la GVH, suggérant qu’ils jouent un rôle dans le contrôle de cette complication ainsi que dans la reconstitution du pool de Tregs chez le receveur. Reconstitution immunitaire après déplétion des DLI alloréactifs post-greffe de cellules souches en mismatch (D.C. Roy et al., Montréal, Canada. Abstract 309). Il s’agit d’une étude de phase I portant sur 9 patients atteints de pathologies hématologiques malignes diverses à très haut risque et ne disposant pas de donneur de moelle osseuse. L’idée est de réaliser une greffe de cellules CD34 après déplétion T du receveur tout en aidant à la reconstitution immunitaire par l’administration d’une préparation de cellules T du donneur (donor lymphocyte infusion [DLI]) dont ont été exclues les cellules alloréactives. Pour ce faire, des cellules mononucléées du donneur sont incubées pendant quatre jours en présence de cellules mononucléées du receveur. Les cellules T activées par la réponse allogénique sont alors éliminées par photothérapie dynamique après adjonction d’un dérivé de la dibromorhodamine, le T9402, et la suspension de DLI ainsi déplétée (dans laquelle 90 % des cellules CD25+ ont été éliminées) est congelée. Le patient reçoit alors un conditionnement myéloablatif puis une greffe de cellules CD34 du donneur, sans prophylaxie de la GVHD. À J35, les DLI sont administrés (3 doses testées, 104, 5 x 104 et 105 CD3/kg). Sur 7 évaluables, aucun patient n’a présenté de GVHD aiguë, deux ont une GVHD chronique, deux sont décédés (lymphome et rechute). Les sujets vivants sont en rémission complète. Une reconstitution T progressive est observée et aucune des 6 infections notées n’a été létale. La médiane de suivi est actuellement de 9,4 mois. Un trio autour de la reconstitution T. Trois présentations, présentant des points communs mais aussi beaucoup de différences, pointant néanmoins toutes les trois vers le rôle crucial du thymus pour la réappropriation d’un répertoire T après greffe de cellules hématopoïétiques. Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 Actualités biologiques Différences importantes d’âge, de conditionnement et de type de greffe (sans parler de la pathologie initiale). Approches voisines pour évaluer la reconstitution des sous-populations lymphocytaires et leur caractère naïf ou mémoire. Reconstitution rapide de lymphocytes T naïfs postthymiques post-allogreffe pédiatrique (T.J. Fry et al., Bethesda, États-Unis. Abstract 310). Une cohorte d’une vingtaine d’enfants atteints de pathologies malignes, hématologiques ou non, ont reçu une allogreffe compatible (5-6/6) de cellules souches, après conditionnement atténué, conduisant à une restauration rapide de la leucocytose avec un chimérisme démontré. L’étude rapportée a consisté en la recherche de lymphocytes T périphériques issus des cellules souches transplantées et ayant physiologiquement achevé leur maturation dans le thymus. Ces cellules sont identifiables d’une part par leur phénotype de cellules naïves, d’autre part par les fragments d’ADN résultant de l’épissage associé au réarrangement des gènes du TCR (T-cell receptor excision circles [TREC]) qu’elles contiennent. La reconstitution T a été rapide chez tous les enfants, avec 30 à 50 % de cellules naïves (CD45RA+, CD62L+) dès J28, et persistant ensuite à ce niveau. Des TREC, CD4 mais aussi CD8, étaient détectables à 3 mois, et augmentaient ensuite progressivement sur les 12 mois de suivi. Parallèlement à cette reconstitution, les taux plasmatiques très élevés d’IL-7 diminuaient progressivement. Ce travail indique l’intérêt de préserver la fonction thymique chez les enfants nécessitant une transplantation médullaire. Reconstitution immunitaire après double greffe de sang de cordon et de cellules souches (E. Magro et al., Madrid, Espagne. Abstract 311). Ce type particulier de greffe associe une unité de sang de cordon (cord blood [CB]) et une petite quantité de cellules CD34+, CD133+ mobilisées chez un autre donneur (third party donor [TPD]). Le deuxième transplant a surtout pour but d’accélérer la reconstitution granuleuse, le sang de cordon étant responsable de la reconstitution hématopoïétique et immunitaire. L’attention s’est donc portée, chez 19 adultes, sur les paramètres cellulaires. Les patients présentent d’abord un double chimérisme CB/TPD, qui devient ensuite seulement CB. Les premières cellules à atteindre des taux normaux sont les NK, à deux mois, puis les cellules B à trois mois. La reconstitution T est plus lente et comporte d’abord des cellules naïves Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 CD45RO-/CD27+ ; les cellules CD8 sont largement prédominantes et des TREC sont détectables à partir de 3 mois. Les cellules mémoires se développent doucement et sont mises en évidence vers 8-9 mois. Le taux de Tregs est normalisé à 12 mois. Reconstitution immunitaire après greffe de sang de cordon (V. Krishna et al., Houston, États-Unis. Abstract 312). Cette fois, c’est une série de 32 adultes (médiane 33 ans) ayant reçu une (n = 10) ou deux (n = 22) unités de sang de cordon. Les pathologies initiales et les traitements ne sont pas précisés, les compatibilités HLA sont de 4-5/6, mais la quantité de cellules CD34 administrée est très faible (0,12 x 106/kg). Comme précédemment, les cellules B et NK se normalisent en deux mois, mais la reconstitution T est beaucoup plus lente. Les fonctions immunitaires sont comparées à celles de deux cohortes de patients ayant reçu des greffes de cellules souches périphériques, respectivement autologues ou allogéniques. Elles sont mesurées par la production d’interféron gamma en réponse à une stimulation par un super-antigène ou par le CMV. Seules les cellules CD8 spécifiques du CMV présentent un niveau de réponse significatif, d’à peu près la moitié de ce qui est observé dans les contrôles. La recherche de TREC montre des taux significatifs chez les contrôles, alors que ces cellules sont absentes chez les receveurs de CB. Un immunophénotypage plus approfondi des sous-populations naïves, mémoire et effectrices, par la combinaison des marqueurs CCR7 et CD45RA montre des taux plus élevés de cellules mémoire CCR7- effectrices précoces (CD45RA-) et tardives (CD45RA+) chez les receveurs de CB et, par conséquent, des taux plus bas de cellules naïves par comparaison à des sujets sains. De plus, les patients présentant les taux les plus élevés de cellules CCR7+ ont une meilleure survie. ✔ Physiopathologie de la GVHD Les snipers du mismatch ! (A. Mullally et al., Boston, États-Unis. Abstract 447). En dehors du MHC et des antigènes mineurs d’histocompatibilité, de subtiles variations peuvent exister entre les protéines homologues d’un receveur et de son donneur. De telles différences peuvent être mises en évidence en comparant les profils de SNP (single nucleotide polymorphism). Cette étude a été réali- 17 A S H sée à partir de 20 000 SNP d’ADN génomique de 97 receveurs en rémission, prélevés avant leur allogreffe, et d’ADN génomique de leurs donneurs. Les comparaisons ont porté séparément sur les couples dont le receveur avait développé ou non une GVH, aiguë ou chronique. Deux signatures sortent fortement associées respectivement à ces deux conditions : le polymorphisme d’OMA1, qui code pour une métallo­ protéinase de la membrane mitochondriale, semble associé à la GVH aiguë (13 paires sur 41 cas de GVH contre 2 sur 56 sans GVH), tandis que celui de GEMIN4, qui fait partie d’un complexe multimoléculaire cytoplasmique, semble associé à la GVH chronique (10 sur 26 versus 1 sur 39). L’étape suivante est le séquençage de ces protéines chez les patients… mTOR et Tregs, les souris à la rescousse (R. Zeiser et al., Stanford, États-Unis. Abstract 448). Les cellules T régulatrices pourraient diminuer, voire abroger la GVHD, à condition de pouvoir préserver l’activité de ces cellules. La voie mTOR (mammalian target of rapamycin), précisément accessible à travers l’administration de rapamycine, semble être activée différemment dans les Tregs par rapport aux cellules T conventionnelles (Tconv). In vitro, la phosphorylation des protéines de la voie mTOR peut être mesurée dans des cellules T stimulées par des anticorps anti-CD3 et CD28. En présence de rapamycine, cette phosphorylation est significativement plus fortement inhibée dans des Tconv que dans des Tregs, qui restent ainsi plus fonctionnels. Cette hypothèse a été vérifiée dans des modèles murins de greffe de moelle allogénique. Le transfert de cellules T avec un rapport suboptimal de Tconv/Treg (4:1 ou 8:1), ou l’administration d’une dose de rapamycine non protectrice, diminuent peu la GVHD expérimentale. En revanche, la combinaison de ces deux conditions a un effet synergique hautement protecteur diminuant significativement la mortalité liée à la GVHD. La rapamycine pourrait ainsi agir, soit en limitant la prolifération des Tconv, soit en induisant la formation de Tregs. Pour le vérifier, un second modèle a été développé, qui repose sur l’injection de cellules Tconv ou Treg purifiées, marquées à la luciférase, combinée à la mesure de la bioluminescence sur animal entier. Cela a permis de confirmer que la rapamycine induit une forte diminution de la prolifération des Tconv sans presque modifier celle des Tregs. Les applications thérapeutiques potentielles restent à vérifier… 18 2 0 0 6 Physiopathologie de la GVHD : les cellules bougent-elles ? (S. Dutt et al., Stanford, États-Unis. Abstract 449). FTY720 (FTY) est un agoniste du récepteur de la sphingosine-1 phosphate, doué de propriétés immunosuppressives peut-être liées à sa capacité à limiter la recirculation des lymphocytes. Il peut être administré dans l’eau de boisson des souris, mais son rôle est variable selon les modèles murins d’allogreffe et de GVH ou de rejet de greffe. Les résultats présentés montraient que son efficacité est potentialisée par l’administration concomitante de Tregs. Pour vérifier si cette synergie était liée à la capacité du FTY à séquestrer les Tregs dans les organes lymphoïdes, augmentant ainsi leurs contacts potentiels avec les cellules alloréactives, des Tregs ou des T effecteurs marqués à la GFP ont été utilisés, puis recherchés sur des coupes des tissus lymphoïdes de souris traitées de la même manière mais ayant bu de l’eau avec ou sans FTY. Les mouvements cellulaires ont aussi été appréciés en comparant des animaux sacrifiés à J4 ou J7. Dans les plaques de Peyer et l’iléon, les cellules GFP étaient en nombre similaire, voire étaient un peu augmentées en présence de FTY, surtout abondantes à J4. Dans la rate et les ganglions, les cellules GFP étaient nettement moins nombreuses et s’accumulaient moins, alors qu’elles étaient plus nombreuses dans le poumon et le foie, en présence de FTY. Ce modèle infirme l’hypothèse initiale de séquestration. FTY reste cependant une molécule d’intérêt pour la prévention de la GVHD, favorisant peut-être même le chimérisme dans certains modèles. Un petit tour du côté des myélodysplasies ✔ Réponses T cytotoxiques contre WT-1 (E.M. Sloand et al., Bethesda, États-Unis. Abstract 849) La protéine de la tumeur de Wilms (WT-1) est un antigène cible de réponses CD8 restreintes par V-bêta 6.7. Ces réponses se caractérisent par la production d’interféron gamma et une destruction des cellules présentant une trisomie 8. Ces cellules expriment effectivement des taux élevés de transcrits d’ARN et de protéine WT-1. Des tétramères A2 chargés de peptides de WT-1 permettent de confirmer l’augmentation de fréquence de cellules CD8 spécifiques chez les patients présentant une trisomie 8. Ces observations sont compatibles Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 Actualités biologiques avec l’efficacité des traitements immunosuppresseurs dans les myélodysplasies, permettant de restaurer l’hématopoïèse. La détection des CD8 spécifiques pourrait être un prédicteur de l’efficacité de tels traitements. ✔ Cellules endothéliales circulantes et néoangiogenèse (M.G. Della Porta et al., Pavie, Italie. Abstract 850) Des modifications de la néoangiogenèse ont été montrées dans la littérature au cours des MDS. Ce travail portant sur 128 patients a recherché les cellules endothéliales circulantes (CEC) en cytométrie de flux, en les identifiant par leur immunophénotype CD45-/CD34+/CD146+. Cette détection d’événements rares a été réalisée en analysant 400 000 cellules. La fréquence des CEC est d’environ 1,8 x 106/l chez les sujets sains. Cette valeur est significativement augmentée chez les patients atteints de MDS. Les valeurs les plus élevées (médiane 6 x 106/l) sont observées dans les formes les moins sévères, les AREB2 présentant des taux seulement légèrement supérieurs à la normale. Le taux de CEC diminue avec l’évolution de la maladie. Leur maturité, évaluée par la perte de CD133, est plus grande dans les formes les plus sévères. Ces CEC de MDS sont moins efficaces que les CEC normales pour former des CFU-endothéliales. De plus, une grande partie d’entre elles porte les anomalies cytogénétiques des cellules hématopoïétiques du malade. ✔ Réponses T et lénalidomide (J. Xiang-Zou et al., Tampa, États-Unis. Abstract 851) Les anomalies des réponses T observées dans les MDS qui peuvent être liées à l’âge, ou spécifiques de ces maladies, sont en partie responsables des défauts de l’hématopoïèse observés. Parmi ces anomalies, il existe une moindre réponse aux stimulations antigéniques, une diminution de la production des cytokines TH1 et une contraction du répertoire. Ces défauts pourraient être améliorés par le lénalidomide, un immunostimulant apparenté au thalidomide, efficace dans les MDS. Dans ce travail, les caractéristiques des lymphocytes T de 11 patients atteints de MDS et de 12 contrôles du même âge ont été examinées, confirmant l’existence d’un déficit T non lié à l’âge. In vitro, le lénalidomide restaure les capacités de prolifération après stimulation antigénique et la production de cytokines TH1. In vivo, les mêmes effets sont constatés après 16 semaines de traitement. De plus, la répartition anormale des sous-populations T caractérisée par une dimi- Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007 nution des CD4 naïfs CD45RA+/CD62L+ retrouve un profil plus proche de sujets sains, avec une augmentation des cellules mémoire centrales et une diminution des effecteurs mémoire parmi les CD4, tandis que pour les CD8, on constate une augmentation des cellules naïves et mémoire centrales et une diminution des deux autres sous-populations. Ce travail conforte les approches d’immunomodulation dans le traitement des MDS. ✔ Micro arrays : un gradient dans les MDS de la moelle normale aux LAM ? (K.I. Mills et al., Munich, Allemagne. Abstract 852) Dans ce travail inclus dans l’étude multicentrique MILE, les signatures en micro array ont été examinées dans une cohorte de 175 cas de MDS. L’analyse en bio-informatique de 774 gènes a identifié correctement 49,1 % des cas, mais a classé 24 % des cas en “non leucémiques” et 24,6 % en LAM. Cette stratification des patients est fortement corrélée avec la classification OMS et avec le score IPSS, ainsi qu’avec les caractéristiques cytogénétiques et les cytopénies. De plus, la comparaison des courbes de survie des patients classés en LAM avec une cohorte comparable de LAM montre une superposition presque parfaite. L’analyse des signatures ARN pourrait apporter des éléments complémentaires de subdivision des MDS. Un peu de signalisation T pour terminer… ✔ L’acquisition de foxp3 est une conséquence de la reconnaissance de l’antigène (J.J. Melenhorst et al., Bethesda, États-Unis. Abstract 870) Démonstration in vitro en cultivant 6 à 7 jours des cellules T normales marquées au CFDA-SE avec des antigènes (CMV, toxine tétanique, PPD). Les cellules les moins marquées (celles qui ont le moins de CFDA-SE après culture) sont aussi celles qui sont foxp3+. Mêmes résultats avec les cellules de sujets âgés n’ayant pas de Tregs foxp3+ périphériques détectables, ce qui suggère qu’il ne s’agit pas de la prolifération de cellules foxp3+, mais bien de l’activation des Tregs en cours de réponse immune. Pour les repérer, outre foxp3, on peut utiliser leur négativité pour CD127 ou leur expression élevée de neuropiline 1 ou de PD1 (programmed cell death 1). Cette génération en cours de réponse immune pourrait être un moyen d’autoréguler une prolifération spécifique. 19 A S H ✔ IL-7 in vivo (C. Sportes et al., Bethesda, ÉtatsUnis. Abstract 871) Une utilisation thérapeutique de l’IL-7 pourrait être envisagée pour augmenter la lymphocytose et générer des cellules naïves à moindre seuil d’activation, donc de façon plus efficace. Une étude d’escalade de dose chez des patients en phase terminale de cancer a montré une bonne tolérance jusqu’à la dose maximale testée de 60 µg/kg en sous-cutané un jour sur deux pendant deux semaines. La dose maximale tolérée, qui se situe au-delà de ce chiffre, n’a pas été atteinte. Il n’a pas été observé de fièvre, pas de toxicité de grade IV et seulement quelques toxicités de grade I à III. La réponse est dose-dépendante, avec une augmentation des valeurs absolues de CD4 et CD8, liée essentiellement à une prolifération périphérique, mais n’excluant pas une participation thymique car il n’a pas été observé de dilution des TREC. Toutes les sous-populations (identifiées par le couple CD45RA/CD27) augmentent, pour les CD4 avec + 500 % de naïves, + 300 % de mémoire, + 100 % d’effectrices, alors que seules les CD8 naïves aug- 20 2 0 0 6 mentent. En revanche, une diminution importante des Tregs est observée (- 80 %). ✔ Régulation de l’homéostasie des cellules T naïves par l’IL-7 (S. Li et al., Cincinnati, ÉtatsUnis. Abstract 872) Le modèle murin des souris RhoH-/- est caractérisé par l’inactivation de la GTPase RhoH, impliquée dans la croissance et la recirculation des lymphocytes et fortement exprimée dans le thymus et les cellules T. Ces souris présentent une lymphopénie marquée, portant essentiellement sur les cellules naïves CD44/CD62L, et leurs splénocytes ont une apoptose spontanée augmentée. Les CD4 de ces animaux ne répondent pas à l’IL-7, le taux d’expression et la downregulation du récepteur à l’IL-7 sont défectueux et l’expression de bcl2 est diminuée dans les CD4 et les CD8 présents. Dans un modèle de repopulation par des cellules de souris RhoH-/- marquées en CFSE, le nombre de cellules spléniques est diminué, suggérant une altération des capacités de migration des cellules spontanément ainsi qu’en réponse au SDF-1. ■ Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007