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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007
ASH 2006
Actualités biologiques
Biology 2007: a glimpse
M.C. Béné*
PRoTéomIque
(Session mitigée sur une thématique pourtant
en plein développement)
La premre présentation (A. Whetton, Manchester,
Royaume-Uni) était la plus technique et aussi la
plus intéressante, orientée sur la “proomique de
découverte”. Le protéome est bien plus complexe
que le génome ou le transcriptome et bien plus
sujet à des régulations fonctionnelles qui aug-
mentent encore sa diversité. À la variation appor-
tée au transcriptome par les variants d’épissage,
s’ajoutent pour les protéines les notions d’iso-
formes et de régulation fonctionnelle (altérations
résultant des interactions protéines/protéines,
modications post-transcriptionnelles, turnover,
localisation subcellulaire…). Les 23 710 protéines
non redondantes identiées donnent ainsi lieu à
plus de dix millions de combinaisons possibles.
L’idée de “protéomique de découvertea émer
après l’ère des puces de capture (capture arrays)
fondées sur des anticorps et donc orientant sub-
jectivement la recherche des protéines dans un
échantillon, de la même manière que les nucléo-
tides sur une puce génomique. Cette approche
subjective disparaît lorsque les techniques s’af-
franchissent de prérequis, mais nécessite de frac-
tionner les échantillons, puisque 12 protéines
représentent plus de 90 % du protéome rique !
Il en est de même pour les échantillons cellulaires
qui nécessitent aussi un fractionnement, voire un
enrichissement fondé sur des étapes post-trans-
lationnelles comme l’isolement des protéines
phosphorylées.
Il faut encore de la séparation au niveau pepti-
dique (notion de peptidome !), par passage sur
des colonnes cationiques et augmentation de
l’hydrophobiciavant de passer à l’électrospray
en spectrométrie de masse et les analyses bio-
informatiques subséquentes au séquençage.
Le temps de vol (time of ight [TOF]) donne la
masse des différentes protéines ou des peptides.
En le combinant à la technique ITRAQ (isobaric
tags for relative quantication), qui associe des
groupes de protéines réactives identiques à tous
les échantillons (protéines “reporter”), on peut
avoir une appréciation quantitative permettant
de comparer différents spécimens.
L’analyse simultanée des protéines et du nome
permet de détecter et de quantier des facteurs
de transcription, ce qui a par exemple été fait
dans des cellules ES, avec une conrmation en
Western-Blot des variations des protéines d’inté-
rêt identiées par ce moyen et suspectées par les
modications des signaux en micro array.
Un autre moyen de quantication est la technique
SILAC (stable isotope labelling by amino acids),
applicable seulement à des cellules en culture
qui incorporent les acides aminés marqués et
non marqués ajoutés au milieu.
En oncologie, il est intéressant d’utiliser des tech-
niques de protéomique après enrichissement en
phosphoprotéines pour identier de nouveaux
sites de phosphorylation sur les oncoprotéines
transformées.
B.Sheshi (Torronce, États-Unis) avait une appro-
che plus orientée vers le diagnostic, posant la
question de savoir où on en est de l’application
de la protéomique au laboratoire de biologie. Il a
insisté lui aussi sur la grande taille du protéome
et l’image unique que donne le plasma de toutes
les importations et exportations cellulaires de
l’organisme. Il a cité à nouveau les 12 protéines
qui représentent 99 % de la masse protéique
du plasma, et y a ajouté la notion que 11 % des
protéines plasmatiques sont à l’origine de 50 %
des peptides générés dans le peptidome. Il a
abordé ensuite les techniques déjà anciennes
d’électrophorèse bidimensionnelle séparant
les protéines selon leur masse puis leur point
isoélectrique. Appliquées à la comparaison de
cellules normales et cancéreuses, ces métho-
* Laboratoire d’immunologie du CHU,
faculté de médecine de Nancy,
54505 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex.
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des lourdes et longues ont toutefois permis
d’identier certaines différences. Il a évoqué
l’ITRAQ, qu’il trouve lourd, et souligné que 92 %
des protéines stromales sont aussi détectées
en analyse du transcriptome.
Plus joli, il a montré des images de spectrométrie
de masse couplée à du MALDI sur des coupes
de tissus. Il est ensuite revenu aux techniques
moins “découvreuses” fondées sur des micro
arrays de protéines et a parlé de la chimie NAPPA
(nucleic acid performable protein array) ; il a aussi
mentionné le projet HUPO, qui prévoit de géné-
rer des anticorps monoclonaux contre toutes les
protéines humaines et a déjà une base de plus
de 2 700 anticorps. L’application de ce projet à
l’analyse du peptidome est de combiner un enri-
chissement des peptides par des anticorps, qui
reconnaissent un épitope indépendamment du
degré de fractionnement de la protéine, à une
analyse en spectrométrie de masse qui différen-
cie par leur taille les molécules clivées à divers
degrés.
La troisième présentation (P.J. Utz, Stanford,
États-Unis) couvrait de façon peu crédible l’auto-
immunité, l’allergie, les modèles expérimentaux
d’EAE, les vaccinations ADN, dans un panorama
bien éloigné de ce qu’il est convenu de considé-
rer comme de la protéomique. Un élément inté-
ressant toutefois, la technique de micro arrays
protéomiques en phase inverse. L’idée consiste
à dissocier des cellules ou utiliser des lignées
cellulaires, les activer, les “lyser” et réaliser un
micro array des protéines du lysat testé ensuite
avec des anticorps antiphosphoprotéines donnant
une image de l’activation cellulaire.
CelluleS PRéSeNTATRICeS D’ANTIgèNe
eT TumeuRS
D.Munn (Augusta, États-Unis) présentait une
série de travaux focalisée sur les cellules den-
dritiques (DC) exprimant l’indoléamine 2,3
dioxygénase (IDO). Ces cellules sont présentes
physiologiquement dans les territoires muqueux.
Elles sont aussi présentes dans le microenvironne-
ment tumoral ou dans les ganglions de drainage
des tumeurs et ont un rôle essentiellement tolé-
rogène et immunosuppresseur, favorisant donc
dans ce cas la croissance tumorale. Dans une série
de 40 patients atteints de lanome, la présence
de cellules IDO+ dans le ganglion sentinelle au
diagnostic apparaît signicativement corrélée à
l’évolution défavorable de la maladie.
L’effet de l’IDO peut être inhibé chimiquement par
le 1-thyltryptophane (1MT), qui restaure les capa-
cités des DC à induire une MLR (mixed lymphocyte
reaction). Les souris IDO KO ont des DC particulière-
ment efcaces en MLR. Les cellules exprimant IDO
dans les ganglions de drainage des tumeurs sont
B220/CD11C/CD19 et semblent avoir un réarran-
gement DJ. Ces cellules de phénotype particulier
peuvent aussi être identifiées dans le ganglion
controlatéral, mais n’expriment alors pas IDO.
L’expression de l’enzyme pourrait résulter de
l’interaction des DC avec CTLA4 sur les lympho-
cytes T régulateurs (Tregs), comme le suggèrent
les images de synapse avec cette molécule. L’IDO
dégrade le tryptophane libre des lymphocytes T et
les métabolites du tryptophane seraient impliqués
dans l’apoptose et/ou l’arrêt de la prolifération
cellulaire.
In vivo, les pDC exprimant IDO induisent une aner-
gie spécique d’antigène, qui peut être transmise
par transfert adoptif dans des modèles allogéni-
ques, et inhibée par l’administration de 1MT pen-
dant la période où les DC présentent l’antigène.
Dans les modèles tumoraux, l’expression d’IDO
supprime la réponse aux antigènes tumoraux, en
inhibant la prolifération T. Là encore, l’effet est
annulé par l’administration de 1MT. La proliféra-
tion spécique en présence de Tregs issus d’un
ganglion de drainage tumoral est diminuée par
rapport à celle observée en présence de Tregs
du ganglion controlatéral, suggérant que les DC
exprimant IDO inuencent l’activité des Tregs.
Dans les modèles murins, l’association de 1MT à
un traitement radio- ou chimiothérapique induit
une synergie dans la diminution de la masse
tumorale, mais il ne semble pas y avoir pour
l’instant d’applications chez l’homme.
lA NIChe DeS CelluleS SouCheS
Le concept d’un microenvironnement spatio-tem-
porel spécialisé dans le maintien et l’expansion
des cellules souches hématopoïétiques date d’une
trentaine d’anes. Ce système est caracri par
la parenté et l’étroite collaboration entre les pro-
géniteurs hématopoïétiques et vasculaires.
M.Yoder (Indianapolis, États-Unis), le premier ora-
teur de cette séance, se penche sur l’ontonie de
cette niche et surtout sur la maturation et les pro-
prs des cellules endothéliales, issues, comme
les précurseurs matopoïétiques, d’un hémangio-
blaste. Le mole initial part du feuillet sodermi-
que, qui donne des masses mésodermiques, puis
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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007
Actualités biologiques
les cordons angioblastiques et les îlots sanguins
qui émergent d’une blood band et sont dépourvus
de cellules endothéliales. Cela est particulièrement
bien visible en imagerie 3D, qui démontre dans
la suite du développement l’enrobement pro-
gressif des îlots par l’endothélium. Les cellules
endothéliales primitives isolées du sac vitellin et
de la splanchno-plèvre (soderme intraembryon-
naire) para-aortique entretiennent l’expansion de
cellules souches médullaires d’adultes in vitro, ce
qui infère que les cellules endothéliales régulent
effectivement les fonctions des cellules souches
matopétiques. Les progéniteurs endotliaux
primaires et nitifs expriment CD41, les premiers
capillaires k-1. La vasculogese pend d’angio-
blastes, précurseurs des cellules endothéliales.
L’angiogenèse est suivie par l’artériogenèse puis la
vasculogese postnatale, qui induit la formation
de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de cellu-
les endothéliales circulantes. Ce sont des cellules
adhérentes, capables d’ingérer des LDL atylés,
qui xent la lectine de Ulex europeanus après 4
à 9 jours de culture in vitro dans un milieu spéci-
que. Par des techniques de dilution limite et de
marquage à la protéine verte uorescente (GFP),
il a été montré que ces cellules peuvent donner
divers types de colonies endothéliales avec des
potentiels de croissance variés. Environ 12 % des
cellules endothéliales se divisent au moins une fois
si elles proviennent d’un adulte, alors que ce chiffre
est de ps de 50 % si elles sont issues de sang de
cordon. Un tiers des colonies issues de cellules de
sang de cordon comportent plus de 2 000 cellules
et peuvent être repiquées. On parle d’endopoïèse,
du précurseur le plus immature jusqu’à des cellules
matures qui ne se divisent plus. Il existe un certain
turnover à bas bruit des cellules endothéliales, l
à la présence de cellules présentant des potentiels
de prolifération différents.
On distingue en fait deux types de précurseurs
de cellules endothéliales, les CFU-EC et les ECFC
(endothelial colony forming cells). Les premières
expriment CD14, CD45 et CD115, pas les secondes.
Elles ne possèdent pas d’estérases non spéci-
ques. Les CFU-EC sont seules capables d’ingérer
des bactéries, et prolifèrent peu, à la différence
des ECFC qui ont un fort potentiel de proliféra-
tion et d’autorenouvellement. Les ECFC peuvent
donner naissance à de nouveaux vaisseaux san-
guins exprimant CD31. L’étude de ces deux types
cellulaires à partir de patients présentant une
mutation de Jak2 a permis de mettre en évidence
la mutation dans 100 % des CFU-EC, qui sont donc
effectivement liées au système hématopoïétique,
mais pratiquement jamais dans les ECFC, qui en
seraient donc distinctes. Les CFU-EC seraient des
cellules myéloïdes capables de se transformer
en macrophages angiogéniques, alors que les
ECFC seraient les véritables précurseurs endo-
théliaux. Ces deux types cellulaires sont capables
de collaborer dans la formation des bourgeons
vasculaires. Les ECFC représentent environ 50 %
des cellules endothéliales, mais sont aussi capa-
bles de recirculer. On en trouve environ une par
millilitre dans le sang de cordon.
Les ECFC de sang de cordon induisent in vitro
l’expansion de cellules souches médullaires
CD34+, et contribueraient donc au maintien des
cellules souches hématopoïétiques.
L.Li (Kansas City, États-Unis), retournait à l’héma-
topoïèse, extraembryonnaire dans la membrane
allantque et le placenta, mais aussi embryonnaire
avec la séquence mésoderme, splanchno-plèvre
ri-aortique, sonéphros aorto-gonadique, foie
fœtal, moelle osseuse. Les cellules souches ne
quittent normalement pas la moelle osseuse, elles
le font seulement dans des circonstances de stress.
Elles résident dans un microenvironnement stromal
physiquement limi qui assure l’homéostasie du
nombre de cellules souches. Cette niche est une
structure symétrique formée de cellules spéciali-
sées, bordée par une couche d’ostéoblastes. Les
cellules souches quiescentes sont au contact direct
des osoblastes. Les cellules souches actives en
sont plus distantes, au contact de cellules stroma-
les. Au fur et à mesure de la prolifération et de la
différenciation des progéniteurs, les cellules se
rapprochent des vaisseaux sanguins médullai-
res. La niche fonctionne comme un port d’attache
auquel les cellules souches sont physiquement
xées, avec des interactions VCAM/VLA6 et des
liaisons homotypiques du complexe ta-canine/
N-cadhérine expripar les deux types de cellu-
les. De nombreuses autres interactions régulent
l’autorenouvellement de ces cellules souches :
Jag/Notch, Ang/Tie2, SDF1/CXCR4, SCF/c-Kit.
Les molécules BMP (bone morphogenic protein)
et Wnt (wingless-related MMTV integration site)
exprimées par les osoblastes, mais dont le ligand
n’est pas connu, joueraient aussi un rôle important.
Les voies d’activation intracellulaires, via AKT et
mTOR, régulent l’expression de la bêta-caténine
et de la cycline D1. PTEN (phosphatase and ten-
sin homolog) joue un rôle crucial pour maintenir
les cellules souches hématopoïétiques normales
et éliminer les cellules leucémiques, comme le
montrent les modèles murins de PTEN mutés qui
développent des leucémies.
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007
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À côté de cette niche ostéoblastique, il existe éga-
lement une niche vasculaire. Les cellules souches
hématopoïétiques peuvent se déplacer entre ces
deux compartiments, notamment en fonction des
variations d’oxygénation, l’hypoxie favorisant
une localisation dans la niche ostéoblastique.
Ces deux territoires conditionnent la physiologie
des cellules souches, la niche ostéoblastique
favorisant l’entretien des cellules souches et la
niche vasculaire leur expansion.
La niche vasculaire faisait l’objet de la présenta-
tion de S.Rai (New York, États-Unis), partant du
principe que cette niche est essentielle pour le
maintien, la différenciation et le déplacement des
cellules souches ainsi que pour la reconstitution
de l’hématopoïèse. Les progéniteurs hématopoïé-
tiques produisent des facteurs angiogéniques
comme le VEGF A, favorisant le recrutement de
cellules endothéliales qui, à leur tour, nèrent du
SDF-1 et du c-kit soluble et membranaire favori-
sant la survie des cellules souches. L’activation du
récepteur au VEGF induit la production de MMP9
et de c-kit soluble qui modulent les placements
des cellules souches entre la niche ostéoblastique
et la niche vasculaire.
Les sinusoïdes médullaires sont des vaisseaux
fenêtrés en contact direct avec des cellules
souches, des cellules plus différenciées et des
mégakaryocytes.
La niche vasculaire est très altérée par la chimio-
thérapie mais se génère au cours de la reconsti-
tution hématopoïétique. La VE cadhérine est une
molécule essentielle pour l’assemblage fonction-
nel des néovaisseaux pendant cette régénération,
et l’administration d’anticorps anti-VE cadhérine
dissocie les sinusoïdes et empêche la reconsti-
tution hématopoïétique. De la même manière,
l’inhibition du récepteur au VEGF altère les sinu-
soïdes médullaires et l’hématopoïèse.
Les cellules souches hématopoïétiques partici-
pent au remodelage des sinusoïdes à partir de
précurseurs endothéliaux par la libération de
VEGF A, de SDF1 et des angiopoïétines actives
sur Tie2. Des modèles murins ont montré que
cette tyrosine kinase est pratiquement restreinte
à la niche vasculaire en cours de reconstitution, et
qu’elle n’est pas exprimée dans la moelle normale
hoostatique. Ces mécanismes ont aussi été mis
en évidence dans un modèle élégant de nécrose
de la patte après ligature de l’artère fémorale de
souris MMP9-/- incapables de néovascularisation.
L’injection de cellules souches VEGFR+ et CXCR4+
dans le membre abîmé permet d’induire la for-
mation de néovaisseaux stabilisés par VEGF A.
Les angiopoïétines sont également capables de
stimuler la formation de néovaisseaux Tie2+ et
de régénérer la thrombopèse de souris KO pour
la thrombopoïétine. À l’inverse, les facteurs anti-
angioniques comme les thrombospondines 1&2
sont restreints aux mégakaryocytes (localisés à
proximité des sinusoïdes) et aux plaquettes. Il faut
noter que les souris KO pour la thrombospondine
présentent des taux ts élevés de SDF-1. Il semble
ainsi exister un équilibre entre les progéniteurs
hématopoïétiques produisant des facteurs proan-
giogéniques et les mégakaryocytes antiangioni-
ques. Le rôle de CXCR4 est également souligné par
l’absence de néoangiogenèse dans les modèles
CXCR4
-/-
et l’abrogation de la mobilisation de cel-
lules souches hématopoïétiques en présence
d’une inhibition chronique de CXCR4.
Quant à la double localisation ostéoblastique
ou vasculaire des cellules souches hématopoïé-
tiques, S. Rai la voit comme un double compar-
timent, respectivement accessible et hibernant
de cellules proangiogéniques.
CSF-1 DANS le DéVeloPPemeNT eT eN
PAThologIe (E. Donnal Thomas Lecture)
Cette conférence de prestige était donnée par
l’Australien E.R.Stanley (New York, États-Unis),
prix Nobel pour ses travaux sur cette molécule.
Plus qu’une conférence, c’était un voyage dans le
temps, jalonné par les publications et les visages
de ses collaborateurs, de 1968 à aujourd’hui, sur
près de 40 ans d’une carrre consacrée au Colony
Stimulating Factor 1 (CSF-1). Cette activité a été
initialement identiée dans un milieu condition
contenant du sérum de souris. Ce milieu favori-
sait la formation de colonies à partir de cellules
isolées de moelle osseuse cultivées en agar. Les
cellules issues de ces colonies étaient capables
de phagocyter des billes métalliques, suggérant
leur nature macrophagique. La première quête de
Stanley et de ses collaborateurs a été de recher-
cher la molécule dans un autre liquide présentant
cette activité de différenciation, l’urine humaine.
Un travail titanesque, reposant sur un panneau
incitant les membres de l’institut à utiliser le seau
proposé plutôt que les urinoirs (sauf le vendredi
où la bière diluait trop l’activité biologique !),
aboutissait en 1970 à l’isolement de 0,15 mg de
CSF à partir de 176,2 litres d’urine, au terme de
six étapes de purication ! Poursuivant sa quête
dans les maisons de retraite, Stanley démontrait
ensuite que le taux de CSF augmente avec l’âge
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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2007
Actualités biologiques
chez environ 30 % des sujets, suggérant une pro-
duction par les cellules épithéliales des tubules
rénaux.
Les objectifs dans les années 1970 étaient de
purier la molécule et de l’étudier in vivo, de pro-
duire des formes radio-iodées pour rechercher ses
cibles, de disséquer ses fonctions et d’obtenir sa
séquence protéique. Les travaux menés pendant
cette décennie devaient effectivement permettre
de montrer l’identité de CSF avec le facteur de
croissance des macrophages qui avait été identié
mais pas purié, d’obtenir 75 mg de protéine
à partir de milieu conditionné de cellules L de
souris (5 litres), de montrer le rôle de CSF dans
la régulation de la production des macrophages
et de dénir la sous-classe CSF-1.
Dans les années 1980, c’est la régulation de l’ac-
tivité des macrophages qui préoccupe les cher-
cheurs. Le CSF-1 induit la survie des macrophages,
est détruit par les cellules différenciées, et les
macrophages régulent leur propre concentra-
tion de CSF-1. D’autres cellules sont identiées
comme capables de produire CSF-1 car les taux
de cette molécule varient pendant la grossesse,
ce qui ouvre le vaste sujet du rôle de CSF-1
dans la régulation placentaire. Le progrès des
technologies permet de produire des anticorps
monoclonaux, de séquencer la molécule et de la
cloner en 1985. La poursuite des travaux avec les
molécules radio-iodées permet d’identier et de
purier le récepteur CSF-1R et de démontrer son
activité tyrosine kinase.
La biologie du CSF-1 peut maintenant être décrite
en détail. Il est produit par les cellules endothé-
liales, dégradé par les cellules de Kupffer et a de
nombreux effets dans la moelle osseuse, le sang
périphérique et les tissus. Il intervient dans la
régulation du métabolisme osseux et est impor-
tant dans le tractus génito-urinaire féminin.
Le rôle de CSF-1 dans le métabolisme osseux
a été beaucoup étudié dans un modèle murin
d’ostéopétrose. Les souris Csf1
op
/Csf1
op
n’ont pas
de dents ; elles présentent des anomalies de la
reproduction, un nombre diminué de macropha-
ges et de cellules de Langerhans, des anomalies
sensorielles et, bien sûr, une ostéopétrose.
Le CSF-1 est une glycoprotéine à deux chaînes,
produite sous deux formes, une forme longue
soluble, associée ou non à un protéoglycane, et
une forme tronquée membranaire. La transfection
de transgènes de ces différentes formes a montré
que l’absence de production de CSF-1 soluble avec
maintien de la forme membranaire conduit à des
animaux présentant une ostéopétrose partielle et
des anomalies de l’hématopoïèse des fonctions
macrophagiques tissulaires. De même, l’absence
de forme membranaire en présence de forme solu-
ble donne des animaux présentant un retard de
croissance, un retard dans l’éruption dentaire et
dans l’ouverture des paupières, associés à une
ostéopétrose partielle. Dans le modèle Csf1
op
/
Csf1op, la transfection du gène complet restaure
un phénotype sauvage.
Le rôle important de CSF-1 en physiologie est sou-
ligné par son implication dans de nombreuses
pathologies. Le CSF-1 intervient dans la résistance
aux infections virales à germes intracellulaires et
aux champignons, régule la formation des cel
-
lules spumeuses par l’incorporation de LDL et
de cholestérol dans les artères, facilite la survie
des allogreffes cutanées, stimule la prolifération
et l’activation de la microglie et la phagocytose
de la protéine bêta-amyloïde et intervient dans
la régulation des trophoblastes. En pathologie,
CSF-1 est directement impliqué dans la proliféra-
tion des cellules synoviales au cours de la poly-
arthrite rhumatoïde, dans l’ostéoporose, dans la
glomérulonéphrite lupique et dans la métastasie
tumorale. C’est un marqueur tumoral dans les
carcinomes de l’ovaire, du sein et de l’endomètre.
Son le dans le cancer a é étudié chez l’animal.
Du CSF-1 antisens ou des anticorps anti-CSF-1
augmentent la survie de souris xénogreffées en
diminuant la vascularisation de la tumeur et la
production de métalloprotéases. Il existe une
boucle paracrine entre les cellules tumorales et
les macrophages, par l’intermédiaire d’interac-
tions CSF-1/EGF, induisant une comigration et la
génération des métastases. L’inhibition de l’un
ou l’autre de ces signaux permet de bloquer les
capacités invasives et l’intravasation des cellules
tumorales.
Le récepteur de CSF-1 est une kinase apparte-
nant à la superfamille des immunoglobulines,
qui présente plusieurs sites de phosphorylation
dont les fonctions ont été étudiées grâce à des
formes mutées.
L’activation du récepteur de CSF-1 passe par sa
dimérisation, d’abord non covalente, qui induit sa
phosphorylation, puis sa dimérisation covalente
et son ubiquitinylation. Le récepteur est ensuite
internaliet dégradé dans les lysosomes. Il n’est
pas recyclé. L’activation cellulaire induite par CSF-1
a été étudiée par des techniques protéomiques.
Les interactions moléculaires complexes qui ont
été observées impliquent très largement les mo-
cules liées à la phagocytose et à la mobilité cellu-
laire, notamment les molécules du cytosquelette
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