C Juliette, Hodgkin, Sternberg et Reed… raconté à Juliette

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Juliette, Hodgkin, Sternberg et Reed…
M.C. Béné*
C
e numéro est consacré au lymphome de Hodgkin, Juliette, une
maladie décrite pour la première
fois par un médecin anglais, Thomas
Hodgkin, en 1832.
Cet activiste qui a beaucoup milité en
faveur d’une amélioration des conditions socio-économiques des plus défavorisés, était aussi un globe-trotter qui
a énormément voyagé et embrassé de
nombreuses causes humanitaires. Féru
opérateur d’autopsies, il a rapporté en
janvier 1832 devant la Medical and
Chirurgical Society, 7 cas remarquables
par la présence d’une rate volumineuse
et de nombreux ganglions.
La publication de cette description
macroscopique a été retrouvée 33 ans
plus tard par un autre médecin londonien, Samuel Wilks, qui s’apprêtait
à décrire lui-même cette maladie,
également observée sur ses critères
morphologiques, et qu’il pensait avoir
découvert. Il lui donna alors le nom de
maladie de Hodgkin, plus tard transformée en lymphome de Hodgkin.
Étant le premier décrit, il est à noter
que tous les autres lymphomes sont
depuis désignés comme “non hodgkiniens”. Bien que Hodgkin ait un peu plus
tard examiné les cellules du sang, il est
intéressant de remarquer que tant lui
que Wilks n’ont réalisé aucune description histologique. Pourtant cette entité
clinique se distingue essentiellement par
ses caractéristiques microscopiques, bien
décrites par 2 autres personnages, Carl
Sternberg et Dorothy Reed Mendenhall.
*Laboratoire
d’hématologie,
CHU de Nantes.
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Carl Sternberg était un anatomopathologiste autrichien et c’est en 1898
qu’il publie une description des grandes
cellules caractéristiques des patients
atteints d’un lymphome de Hodgkin,
qui avaient pourtant déjà été vues par
plusieurs scientifiques. Ses 13 patients
présentaient également une tuberculose, et il n’a pas réellement associé
les cellules observées à la seule maladie de Hodgkin, pensant que l’atteinte
ganglionnaire était liée à l’infection.
Dorothy Reed Mendenhall était une
femme médecin qui fit un passage au
prestigieux Massachusetts Institute of
Technology avant de faire ses études
de médecine. Lauréate d’une bourse
d’internat, elle part travailler chez
William Osler, puis exerce en anatomopathologie et décrit les cellules
du Hodgkin, en 1902, en démontrant
clairement qu’elles ne sont pas liées
à la tuberculose. Cette expérience en
laboratoire ne préjugeait pas de sa carrière ultérieure de pédiatre, consacrée
à la santé de la mère et de l’enfant,
aux États-Unis mais aussi en France, en
Belgique, en Angleterre au Danemark
puis en Amérique Centrale.
L e s ce llu le s d e H o d g k i n - R e e d Sternberg, qu’on peut abréger en “HRS”,
ne représentent qu’environ 1 à 10 % des
cellules des ganglions tumoraux qui
contiennent un infiltrat cellulaire mixte
de divers types de cellules immunitaires (ou granulome). Des cellules lympho-histiocytaires, proches des cellules
de Reed-Sternberg, sont présentes dans
la variante du lymphome de Hodgkin à
prédominance lymphocytaire. Dans les
2 cas, ce sont des cellules tumorales de
la lignée lymphocytaire B. On pense que
les cellules HRS sont des lymphocytes B
du centre germinatif ayant subi des
réarrangements délétères des gènes
des immunoglobulines qui auraient dû
conduire à leur apoptose. À côté de leur
grande taille, elles ont un aspect particulier lié à leur caractère multinucléé
ou à leur noyau bilobé. Elles se caractérisent par l’expression de nombreux
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 1 - Janvier-février 2013
Juliette, Hodgkin, Sternberg et Reed…
antigènes de différenciation présents
normalement sur les lymphocytes T ou
NK, les cellules dendritiques ou des
cellules myéloïdes tout en ayant perdu
leurs marqueurs B. Elles peuvent contenir du granzyme B ce qui suggère un
potentiel cytotoxique. Une constante
est la présence de l’antigène CD30 qui
est utile pour poser le diagnostic, en
conjonction avec la morphologie et
le petit nombre de ces cellules dans
les tissus atteints, qui expriment également souvent le carbohydrate CD15.
CD30 est aussi connu sous le nom
de TNFRSF8. C’est un membre de la
famille des récepteurs au TNF qui est
capable d’activer la voie de NF-kB. On
a effectivement montré qu’il existe une
activation constitutive des voies classique et non canonique de signalisation
de NF-kB dans les cellules HRS. Cette
activation peut être en relation avec
différents systèmes de signalisation
présents sur ou dans les cellules, dont
le virus d’Epstein-Barr, détecté dans
environ 40 % des maladies de Hodgkin.
Le petit nombre des cellules HRS dans
les tissus malades a rendu leur étude
difficile mais les mécanismes moléculaires dérégulés dans ces cellules sont
de mieux en mieux décrits. Il existe
une interaction importante entre les
cellules HRS et leur microenvironnement, à la source de nombreux signaux
de stimulation paracrines en plus de
l’auto-activation générée par autocrine.
Les cellules HRS recrutent ainsi autour
d’elles les nombreux types cellulaires
caractéristiques de l’image histologique
de ces lymphomes, et génèrent une
inflammation chronique qui les stimule
et empêche le système immunitaire de
les éliminer.
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