La prise en charge des toxico-
manes aux urgences est tou-
jours difficile et sujette à ten-
sions pour le personnel d’ac-
cueil, faute d’une formation
adaptée aux besoins multiples
et souvent simultanés que pré-
sentent les patients.
Depuis septembre 1998, une
équipe mobile, composée d’un
médecin psychiatre, de deux
médecins généralistes, d’une
infirmière, d’une assistante
sociale et d’une sage-femme,
intervient au SAU de l’hôpital
Cochin pour tout patient toxi-
comane se présentant entre
10 h 30 et 18 h 30, du lundi au
vendredi, ainsi que dans les ser-
vices médico-chirurgicaux, en
maternité et au SAMU social à
la demande du service.
Après 18 h 30 et pendant le
week-end, c’est le psychiatre de
garde qui prend le relais.
Après dix mois de fonctionne-
ment, 155 toxicomanes ont été
vus par l’équipe dont 68 dans le
cadre du SAU.
Caractéristiques des
patients vus au SAU
La moyenne d’âge était de 32,6
ans (âge minimal : 21 ans, âge
maximal : 50 ans). On notait une
prédominance d’hommes (70 %).
État sanitaire des
patients consultant
au SAU
Le plus souvent, les patients
étaient en bon état général en
dehors de quelques patients
cachectiques dans un contexte
d’œnolisme et de marginalisa-
tion sociale.
Deux patients, VIH positif, avaient
une pneumonie considérée
comme infection opportuniste.
En règle générale, c’est la souf-
france psychique plus ou moins
aiguë qui est au premier plan et
motive la venue aux urgences.
* Poursuite de traite-
ment : relais de bupré-
norphine haut dosage
pour des patients déjà
suivis par un médecin
généraliste ou un centre
spécialisé.
** Sevrage : 18 sevra-
ges des opiacés et 4
d’autres produits.
* Chiffre sous-évalué,
car la consommation de
cannabis n’est pas évo-
quée spontanément par
le patient, qui la banalise
souvent par rapport à
son usage d’héroïne ou de
cocaïne. L’interrogatoire
révèle souvent une consom-
mation importante de
l’ordre de six “joints”
par jour pouvant rendre
plus difficile le sevrage à
d’autres produits ou
perturber une hospitali-
sation pour problème
somatique. La même re-
marque peut être faite
pour l’alcool. Le total des consommations est nettement supérieur à 68
en raison des polyusages.
** Survector®, Gardénal®, amphétamines.
71
Bilan de l’activité d’un super-Ecimud au service des urgences de l’hôpital
Cochin, à Paris, qui a eu à répondre essentiellement à quatre motifs de
consultation particulièrement fréquents : les demandes de dépannage en
médicaments de substitution, les syndromes de manque, les demandes de
sevrage en urgence et les troubles psychiatriques.
Aknine X*, Granier F*, Peyrefort E*, Tellier G*, Ferrand I*, Boissonnas A*
Une expérience nouvelle de
prise en charge des toxico-
manes dans un SAU parisien
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* FAMA toxicomanie, centre hos-
pitalier universitaire Cochin Port-
Royal – La Roche-Guyon – Saint-
Vincent-de-Paul.
13 %
19 %
67 %
Ne travaille pas (alloc. diverses)
Emploi
Pas d'information
Figure 1
27 %
16 % 13 %
43 %
Logement stable
Vivent chez leurs parents
SDF
Logement précaire
Figure 2
Situation socioprofessionnelle
Hébergement
Il est à noter que 43 % sont en
situation précaire.
Figure 3
Figure 4
Produits d’addiction
Nature de la demande
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Dépannage*
Sevrage**
Hébergement,
demande sociale
Plainte
somatique
Héroïne
Cocaïne
BZD
Cannabis*
Alcool
Autres**
0 10 20 30 40 50
0 5 10 15 20 25 30 35
Nature de la réponse
apportée
Un entretien en binôme (médecin
+ infirmière ou assistante sociale)
a été assuré aux urgences. Il a
permis d’évaluer la situation
médico-psycho-sociale du patient
et la demande formulée.
1. En cas de problème social
urgent : hébergement, accès aux
soins, l’assistante sociale de
l’équipe a été sollicitée pour
effectuer une évaluation sociale
afin de répondre en urgence et
d’orienter le patient vers la struc-
ture la plus adaptée. Les
démarches ont été faites soit
auprès du centre de sécurité
sociale (pour récupérer les
droits), soit auprès de l’organis-
me compétent pour une aide
médicale d’État. Une orienta-
tion sur la consultation de pré-
carité a été proposée, si aucun
autre moyen de couverture
sociale n’était envisageable.
L’ héberge-ment d’urgence pou-
vait se résumer par l’appel au
Samu social ou aux diverses
associations d’aide aux toxico-
manes (selon l’heure à laquelle
ils se présentaient).
2. Concernant la demande mé-
dico-psychologique, la réponse a
été diversifiée en fonction de la
situation.
Pour une demande de sevrage
qui était souvent une demande
implicite de prise en charge
médicale, des explications ont
été fournies au patient sur les
modalités possibles (en hospi-
talisation et en ambulatoire), en
rappelant qu’il est exclu d’envi-
sager un sevrage en urgence.
En règle générale, il était pro-
posé, après un contact télépho-
nique, une orientation vers un
centre de soins spécialisé ou un
médecin généraliste pour le
préparer. Le patient repartait
avec un protocole de sevrage (6
Antalvic®+ 6 Seresta®50 +
6 Viscéralgine®simple).
Pour une demande de poursuite
de traitement par buprénorphine
haut dosage d’un patient déjà
suivi en ville, un contact était pris
avec le médecin traitant, et, en
accord avec lui, une prescription
de relais était généralement effec-
tuée aux urgences jusqu’au pro-
chain rendez-vous de consulta-
tion. L’entretien permettait alors
d’analyser les motifs de la
“panne” (augmentation des
doses, détérioration de la situa-
tion socio-familiale, installation
d’un syndrome dépressif, injec-
tion de la buprénorphine haut
dosage) et de “raccrocher” éven-
tuellement un suivi médical qui
s’était interrompu ou distendu.
Concernant les cas de syndro-
me de manque et les demandes
de traitement de substitution aux
opiacés, les patients étaient, le
plus souvent, non intégrés à un
circuit de soins et consommaient
de la buprénorphine haut dosage
achetée au marché noir. Dans ces
situations, on a pu observer, pour
ce produit, toutes les voies d’ad-
ministration (“sniff”, intravei-
neuse, per os, sublinguale) par
manque d’information initiale.
On leur dispensait donc les expli-
cations sur la voie d’administra-
tion correcte et les dangers des
mésusages – injections et mé-
langes (injection environ 60 %,
sniff environ 10 %, per os environ
10 %).
Ces patients étaient en général
très demandeurs de prise en char-
ge, car ils avaient déjà fait une
démarche personnelle pour arrê-
ter l’héroïne.
La souffrance psychique pou-
vait être le seul motif de venue
aux urgences, avec une fréquence
plus importante le vendredi
après-midi. Cela pouvait aller
d’une banale variation de l’hu-
meur à un véritable état suicidai-
re. D’ailleurs, deux cas de tentati-
ve de suicide ont été identifiés et
hospitalisés en service de psy-
chiatrie. Une prescription d’Oxa-
zépam®, avec ou sans Aliméma-
zine®, était faite si nécessaire au
SAU jusqu’au rendez-vous de
consultation.
Conclusion
Comme dans l’enquête du
Réseau sentinelle urgence, les
complications somatiques étaient
rares (*). Près de 10 % des sujets
avaient consulté pour une urgen-
ce sociale et 43 % étaient dans
une situation de précarité, ce qui
diffère sensiblement des files
actives des centres spécialisés et
des médecins généralistes dans
lesquelles la marginalisation varie
de 19 à 50 % selon les modalités
de recrutement et l’implantation
du centre ou du cabinet. Chaque
situation, traitée de façon spéci-
fique au cas par cas, a permis à
l’équipe mobile soit d’assurer la
continuité des soins, soit d’aider
certains patients à intégrer ou
réintégrer un réseau de soins.
Nos constatations vont dans le
sens de la nécessité de créer, dans
tous les hôpitaux disposant d’un
SAU, une équipe pluridiscipli-
naire incluant médecins somati-
ciens et psychiatres et assistantes
sociales, afin de prendre en char-
ge, de façon simultanée et dans le
minimum de temps, les pro-
blèmes médicaux, psycholo-
giques et sociaux qui motivent la
consultation aux urgences des
toxicomanes. L’intervention, pour
chaque patient, d’un binôme
médecin-infirmière était apparu
déterminant pour évaluer plus
finement la demande et la situa-
tion. Il a permis une relation tri-
angulaire très utile pour éviter les
pièges de la relation duale (jeu de
séduction ou agressivité).
Enfin la présence, sur une par-
tie de la journée, d’une telle
équipe à proximité du SAU a
permis de rassurer le personnel
médical et non médical et de lui
assurer une formation théo-
rique et pratique adaptée aux
situations les plus fréquemment
rencontrées.
* Réseau sentinelle urgence, col-
loque européen – Paris Cité des
Sciences et de l’Industrie 24 et
25 septembre 1998.
72
EN PRATIQUE
Le Courrier des addictions (2), n° 2, juin 2000
Hépatites Info Service
08 00 84 58 00
Un nouveau dispositif téléphonique vient
de voir le jour : Hépatites Info Service
met à la disposition du public 80 écou-
tants de formation médicale, psycholo-
gique et sociale, disponibles à ce numéro
de téléphone, appels anonymes et gra-
tuits, 7 jours sur 7, de 9h à 13 h.
Ce service téléphonique, créé avec le
soutien financier de la direction générale
de la Santé et la Caisse nationale d’assu-
rance maladie, se propose d’écouter, in-
former,orienter et soutenir les personnes
qui, à un moment de leur vie, s’interro-
gent sur leur risque d’être contaminées
par les hépatites, sur les modalités de vie
au quotidien avec ces maladies. Le comi-
té de pilotage de ce nouveau service
d’appel téléphonique est composé de
représentants des institutions (Dr J.C.
Desenclos, de l’Institut de la veille sani-
taire, J.J. Guay, chef de projet AP-HP,
Dr Houette, de la Mairie de Paris,
Dr F. Meyer, de l’Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé,
B. Sachs, de la direction générale de la
Santé) ; des professionnels de santé (Prs
P. Couzigou, Marcellin, J.P. Pascal, S. Pol,
Zarsky, Drs P. Chossegros, Y. Gerosa) ;
des associations (Mme Cierco, prési-
dente de l’Association nationale d’infor-
mation sur l’hépatite C,Y.F. Ferrarini, pré-
sident de Sida Info Service, Dr A.J. Mbodje,
coordinatrice de Hépatite Info Service,
Dr P. Melin, président de SOS-Hépatites
Fédération nationale, B. Tanche, de
l’Association méditerranééenne de pré-
vention des toxicomanies). Un premier
bilan des 1 800 premiers appels reçus
confirment le besoin d’écoute des per-
sonnes atteintes par les hépatites (46 %
des appelants), soucieuses d’être infor-
mées sur les traitements, les modalités
de transmission et la recherche. Ainsi,
52 % des premiers appelants ont été des
femmes et 62 % de ceux qui ont déclaré
avoir une hépatite C au téléphone
étaient aussi des femmes.Les jeunes (20-
39 ans) désirent surtout des informa-
tions sur l’hépatite B, tandis que les 40-
60 ans s’intéressent surtout à l’hépatite
C. Un tiers des appels proviennent d’un
proche qui demande essentiellement des
informations complémentaires et une
réassurance sur l’évolution de la patho-
logie. Rappelons l’ampleur de l’enjeu de
santé publique : on estime à 600 000 le
nombre des personnes infectées par
l’hépatite C et à 900 000 par l’hépatite B.
Hépatites Info Service : 190,Bd de Charonne
75020 Paris.Tél. : 01 44 93 16 30.
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