Quoi de neuf E en hormonothérapie ?

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2001-2003
Quoi de neuf
en hormonothérapie ?
● F. Dalenc (Institut Claudius-Regaud, Toulouse)
n 2001 et 2002, l’hormonothérapie des cancers
du sein a été essentiellement marquée par les
premiers résultats obtenus avec les inhibiteurs
de l’aromatase (AA) en adjuvant. Nous allons également
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voir que ceux-ci menacent la place de leader du tamoxifène en néoadjuvant. Enfin, une nouvelle classe thérapeutique s’est annoncée : celle des antiestrogènes purs
(Faslodex®).
L’hormonothérapie en situation adjuvante
chez la femme ménopausée
La dernière méta-analyse d’Oxford confirmait le bénéfice du
tamoxifène (20 mg/j) chez toutes les patientes (ménopausées ou
non) présentant une tumeur infiltrante exprimant les récepteurs
hormonaux (RH). Cette position de leader du tamoxifène risque
d’être sérieusement remise en question chez les femmes ménopausées suite à la présentation des résultats de l’étude ATAC
conduite avec l’anastrozole. Les premiers résultats, communiqués en 2001 après un recul médian de 33 mois, sont maintenant
publiés (1) et ont été actualisés en décembre 2002. Cette étude
multicentrique et randomisée à trois bras (tamoxifène 20 mg/j
pendant 5 ans versus anastrozole 1 mg/j pendant 5 ans versus
tamoxifène 20 mg/j + anastrozole 1 mg/j pendant 5 ans) a été
menée dans 21 pays et a inclus 9 366 patientes. L’objectif principal est la survie sans rechute. Il faut retenir que plus de 50 %
des patientes présentent des tumeurs de bon pronostic (N–, T1),
que presque la moitié des tumeurs sont de grade II et que 83 à
84 % d’entre elles expriment les RH. Après une médiane de
suivi de 47 mois, l’analyse confirme un bénéfice significatif en
faveur de l’anastrozole en termes de rechute si l’on considère
l’ensemble de la population. Cette supériorité s’accroît pour le
sous-groupe des patientes ayant une tumeur RH+, puisque, dans
ce cas, l’AA diminue de 22 % le risque de rechute par rapport
au tamoxifène. Ce bénéfice se confirme pour le sous-groupe des
patientes n’ayant pas reçu de chimiothérapie adjuvante et N–.
En revanche, l’AA ne paraît pas supérieur à l’antiestrogène pour
celles qui ont reçu une chimiothérapie adjuvante ou qui présen-
La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
tent un envahissement ganglionnaire axillaire. D’autre part, il
réduit de 58 % (p = 0,042) par rapport au tamoxifène le risque
de survenue d’un cancer du sein controlatéral dans la population
RH+. Enfin, curieusement, l’association (tamoxifène + anastrozole) n’apporte aucun bénéfice par rapport au tamoxifène seul,
pour des raisons mal élucidées. Les données en survie ne sont
pas encore connues. En termes d’effets secondaires, retenons
que l’AA offre un profil de tolérance équivalent à celui du
tamoxifène, voire meilleur (moins de bouffées de chaleur, de
prises de poids > 10 %, de pertes vaginales, de cancers de
l’endomètre et d’accidents thromboemboliques). En revanche,
il est plus souvent responsable de douleurs articulaires et/ou
musculaires invalidantes, et il semble être à l’origine d’une
déminéralisation osseuse majorant le risque fracturaire (219
fractures dans le bras anastrozole versus 137 dans le bras
tamoxifène après une médiane de suivi de 47 mois).
Les experts internationaux réunis lors du congrès de l’ASCO en
mai 2002 (2) recommandaient encore la prescription du tamoxifène en adjuvant chez la femme ménopausée présentant une
tumeur mammaire RH+ et réservaient l’anastrozole aux cas de
contre-indication relative ou absolue à l’antiestrogène. Toutefois, la confirmation de la supériorité de l’anastrozole par rapport au tamoxifène après un recul médian plus long et les résultats à venir des autres essais, conduits avec le létrozole et
l’exémestane, risquent de bouleverser nos habitudes thérapeutiques dans les mois et les années à venir.
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L’hormonothérapie en situation néoadjuvante
Ces dernières années, plusieurs études ont démontré les avantages d’un traitement hormonal premier pour les tumeurs mammaires volumineuses RH+ en termes de possibilité de conservation mammaire. L’intérêt pour ce traitement a encore été
renforcé en 2001-2002 par l’arrivée des AA de troisième génération, qui ont démontré leur efficacité dans cette indication. Par
exemple, dans une étude randomisée incluant 324 patientes
ménopausées (3), le létrozole apparaît plus efficace que le
tamoxifène en termes de réponse objective (60 % versus 41 %,
p = 0,001) et de possibilité de conservation mammaire (48 %
versus 36 %, p = 0,02). L’anastrozole a également fait ses
preuves dans cette indication. Enfin, Dixon a rapporté, lors de
l’ASCO 2001, 85 % de réponse clinique chez 13 patientes traitées par l’exémestane pendant trois mois en néoadjuvant.
L’hormonothérapie en situation métastatique
CHEZ LA FEMME NON MÉNOPAUSÉE
L’association tamoxifène et agoniste de la LH-RH est actuellement recommandée en première ligne (4). L’association
agoniste LH-RH et AA est en cours d’évaluation. En
décembre 2002, les premiers résultats d’une étude randomisée comparant l’association agoniste de la LH-RH + anastrozole à l’association agoniste de la LH-RH + tamoxifène en
première ligne métastatique ont été rapportés lors du congrès
de sénologie de San Antonio. La nouvelle association permet
l’obtention plus fréquente d’un bénéfice clinique (BC) et
d’une réponse objective (RO) (80 % versus 53 % ; p =
0,0023), et allonge la médiane de survie (18,9 mois versus
14,3 mois). Ces résultats prometteurs restent à confirmer.
CHEZ LA FEMME MÉNOPAUSÉE
Le tamoxifène a longtemps été le traitement de première
intention. Toutefois, la publication, en 2000-2001, de plusieurs études randomisées interroge, voire bouleverse, actuellement nos habitudes thérapeutiques, car celles-ci ont permis
d’obtenir l’AMM aux AA de nouvelle génération en première ligne métastatique. Cependant, pour mieux définir la
stratégie thérapeutique en situation métastatique, il est important de prendre en compte l’évolution des patientes qui ont
bénéficié du cross-over après échappement à l’hormonothérapie initiale. En ce qui concerne les études anastrozole ver-
sus tamoxifène, l’analyse rétrospective (n = 271) conclut à
une efficacité équivalente du tamoxifène après anastrozole et
vice versa. Pour l’étude létrozole versus tamoxifène, 50 %
des patientes ont participé au cross-over prévu dans le protocole. Point important, Fémara® apparaîtrait plus efficace
après le tamoxifène que le tamoxifène après Fémara®. Nous
attendons encore les résultats d’une phase III randomisée
comparant l’exémestane au tamoxifène en première ligne
métastatique.
Une autre molécule va, dans les prochains mois, venir enrichir notre arsenal thérapeutique chez ces femmes ménopausées. Il s’agit de Faslodex ®, un antiestrogène pur. Deux
études de phase III randomisées et publiées l’an dernier l’ont
comparé à l’anastrozole en deuxième ligne métastatique des
cancers du sein après échec du tamoxifène (5, 6). Aucune différence ne se révèle significative entre les deux molécules,
que ce soit en termes de temps jusqu’à progression (TTP), de
réponse objective (RO) ou de bénéfice clinique (BC). De
plus, Robertson a rapporté, lors de l’ESMO 2002, les résultats préliminaires d’un essai randomisé comparant Faslodex®
au tamoxifène en première ligne métastatique des cancers du
sein. L’antiestrogène pur apparaît tout aussi efficace que le
traitement de référence si l’on considère la population RE
et/ou RP+ en termes de TTP (8,2 versus 8,3 mois), de RO
(33,2 versus 33,1 %) et de BC (57,1 versus 62,7 %). Enfin,
dans toutes ces études, le profil de tolérance de Faslodex ®
s’est révélé identique à celui de la molécule de comparaison,
voire meilleur, en particulier sur le plan thromboembolique.
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L’hormonothérapie en prévention
Les premiers résultats de l’étude randomisée en double
aveugle IBIS-1 (tamoxifène versus placebo) ayant inclus plus
de 7 000 femmes à risque élevé de cancer du sein montrent une
réduction du risque de cancer de 32 % (7). Les résultats des
5 études randomisées, concernant une population assez hétérogène de 36 111 femmes, comparant tamoxifène (4 études) ou
raloxifène (une étude) à un placebo ont fait l’objet d’une métaanalyse récemment publiée (8). Si le tamoxifène réduit de 48 %
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1.
The ATAC Trialists’ Group. Anastrozole alone or in combination with
tamoxifen versus tamoxifen alone for adjuvant treatment of postmenopausal
women with early breast cancer : first results of the ATAC randomised trial.
Lancet 2002 ; 359 : 2131-9.
2. Winer E, Hudis C, Burnstein H et al. American Society of Clinical Oncology
technology assessment on the use of aromatase inhibitors as adjuvant therapy
for women with hormone receptor positive breast cancer : status report 2002.
J Clin Oncol 2002 ; 20 : 3317-27.
3. Ellis MJ, Coop A, Singh B et al. Letrozole is more effective neoadjuvant
endocrine therapy than tamoxifen for ErbB-1 and/or ErbB-2 positive, estrogen
receptor-positive primary breast cancer : evidence from a phase III randomized
trial. J Clin Oncol 2001 ; 19 : 3808-19.
l’incidence du cancer du sein RE+ dans ces populations, il n’a
aucun effet sur l’apparition de cancer du sein RE–. Toutefois, les
effets secondaires graves plus fréquents dans le bras tamoxifène
(accidents thromboemboliques, adénocarcinome de l’endomètre
et décès) doivent encore inciter à la prudence. À ce jour, la prescription d’une hormonothérapie à titre préventif ne peut se concevoir que dans le cadre d’une étude contrôlée. Des études évaluant les AA dans cette indication sont en cours (IBIS-2).
4. Klijn JG, Blamey RW, Boccardo F et al. Combined tamoxifen and luteinizing
hormone-releasing hormone (LHRH) agonist versus LHRH agonist alone in
premenopausal advanced breast cancer : a meta-analysis of four randomized
trials. J Clin Oncol 2001 ; 19 : 343-53.
5. Osborne CK, Pippen J, Jones SE et al. Double blind randomized trial comparing the efficacity and tolerability of fluvestrant versus anastrozole in postmenopausal women with advanced breast cancer progressing on prior endocrine therapy : results of a North American trial. J Clin Oncol 2002 ; 20 : 3386-95.
6. Howell A, Robertson JFR, Quaresma A et al. Fluvestrant formerly ICI 182,780,
is as effective as anastrozole in postmenopausal women with advanced breast cancer progressing after prior endocrine treatment. J Clin Oncol 2002 ; 20 : 3396-403.
7. IBIS investigators. First results from the International Study (IBIS-1) :
a randomized prevention trial. Lancet 2002 ; 360 (9336) : 817-24.
8. Cuzick J, Powles T, Veronesi U et al. Overview of the main outcomes in
breast cancer prevention trials. Lancet 2003 ; 361 : 296-300.
Point fort
➤ La montée en puissance des antiaromatases est
incontestablement le point fort dans le domaine de
l’hormonothérapie en ce début de décennie. Leur
position en première ligne métastatique est à
peine confortée que déjà sont publiés les premiers
résultats en adjuvant chez la femme ménopausée.
Les travaux à venir devront confirmer, voire “affiner”, les indications des différentes classes thérapeutiques et rechercher d’autres facteurs prédictifs
de réponse à l’hormonothérapie que les RH (par
exemple, c-erb B2 et autres récepteurs aux facteurs de croissance).
Congrès 2003 en hormonothérapie
26th annual San Antonio breast cancer symposium
3-6 décembre 2003, San Antonio, États-Unis
Site web : www.sabcs.org
La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
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