La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 4 - septembre 2006
Cancer du sein
Cancer du sein
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troisième bras (séquentiel) [A–T] comportait 3 cures d’adria-
mycine 75 mg/m² suivies de 3 cures de docétaxel 100 mg/m²
puis 3 cures de CMF, et le quatrième bras (concomitant) [AT]
4 cycles d’AT (adriamycine 60 mg/m² et docétaxel 75 mg/m²)
puis 3 cycles de CMF. Le bras séquentiel comportait 2 cycles
de plus que les deux autres, avec une durée de traitement plus
longue. La dose cumulative d’adriamycine et de docétaxel était
équivalente dans les deux derniers bras expérimentaux. Le suivi
médian était de 57 mois. Le taux de rechute a été plus bas que
prévu, ce qui a réduit le pouvoir statistique de l’étude: le bras
contrôle est à 73% de survie sans événements à 5 ans en dépit du
fait que 46% des patientes présentaient un envahissement gan-
glionnaire ≥ 4 ganglions. Le docétaxel induit une amélioration
en termes de survie sans événement à la limite de la significati-
vité (p=0,051). Le bras AT + CMF séquentiel donne une survie
sans événement supérieure aux deux combinaisons AT + CMF
(p=0,047) et AC-CMF (p=0,035). Ces résultats constituent un
élément important dans la démonstration d’une supériorité
de l’utilisation de la chimiothérapie de manière séquentielle
à pleine dose sur l’association concomitante, qui nécessite de
réduire les doses de chacun des produits.
L’essai TAXIT216 présenté par A.R. Bianco (abstract LBA 520)
comparait en adjuvant chez 972 patientes N+ un schéma com-
portant 4 cycles d’épirubicine seule, à la dose de 120 mg/m²
toutes les 3 semaines, suivis de 4 cycles de CMF (E «CMF) au
même schéma avec 4 cycles de docétaxel 100 mg/m² entre l’épi-
rubicine et le CMF (E «T«CMF). Après un suivi médian de
53,6 mois, la différence en analyse multivariée est à la limite de
la significativité, en faveur du traitement comportant du docé-
taxel: p=0,0576 en SSR et p=0,0797 en SG. La toxicité était
plus importante dans le bras avec docétaxel: 11% versus 6 % de
neutropénies fébriles (significatif), et davantage d’arthralgies,
de myalgies, d’allergies et de modifications des ongles.
Hormonothérapie
L’étude IES (Intergroup Exemestane Study) comparait en situa-
tion adjuvante, chez des patientes dont la tumeur présentait
des récepteurs hormonaux positifs, la poursuite du tamoxifène
pendant 5 ans au passage à l’exemestane (Aromasine
®
) après
2 à 3 ans de tamoxifène. Les premiers résultats obtenus en ter-
mes de SSR, positifs, ont été publiés par R. Coombes dans le
New England Journal of Medicine en 2004 (6). Avec un recul
de 55,7 mois, il existe un bénéfice en termes de SG en faveur
du switch. La comparaison n’est statistiquement significative
qu’après exclusion des cas de tumeurs présentant des récepteurs
hormonaux négatifs inclus dans l’étude. La différence à 5 ans est
de 1,6% en absolu (p=0,05). Un avantage en termes de SG a
également été rapporté par M. Kaufmann (abstract 547) dans
l’essai ARNO 95, qui comparait chez 979 patientes ménopau-
sées après 2 ans de tamoxifène soit la poursuite du tamoxifène,
soit un traitement par anastrozole pendant 3 ans (p=0,045).
La plupart des grands essais d’hormonothérapie adjuvante par
inhibiteur de l’aromatase sont significatifs en termes de SSR mais
non en termes de SG (ATAC, BIG 1-98, MA-17). Les résultats
de ces deux études présentées à l’ASCO ne doivent pas leur être
comparés dans la mesure où le design de ces études est totalement
différent, avec une randomisation différée après deux à trois ans
de tamoxifène, ce qui peut avoir un impact sur la survie.
Le suivi de l’étude BIG 1-98 (létrozole contre tamoxifène) n’a
finalement pas été présenté au cours du congrès (Mourid-
sen HT, abstract LBA528).
Un essai randomisé d’hormonothérapie néoadjuvante compa-
rant l’anastrozole seul à l’anastrozole associé à un inhibiteur
du récepteur à l’EGF (EGFR, HER1), le gefitinib (Iressa
®
), n’a
pas démontré de bénéfice de l’adjonction des anti-EGFR aux
inhibiteurs de l’aromatase, voire a noté un effet défavorable
chez les patientes exprimant les récepteurs à la progestérone
(Dowsett M, abstract 515).
Les résultats de l’étude annexe portant sur la densitométrie
osseuse dans l’essai ATAC comparant 5 ans de tamoxifène à
5 ans d’anastrozole ou à la combinaison des deux ont été pré-
sentés par R.E. Coleman et al. (abstract 511) [7]. La réduc-
tion de la densité osseuse est significativement plus élevée
avec l’anastrozole qu’avec le tamoxifène (p<0,0001 pour les
deux critères, hanche et étage lombaire). Cependant, aucune
patiente avec un statut osseux initial normal ne devient ostéo-
porotique après 5 ans de traitement, mais 15 % des patien-
tes initialement ostéopéniques deviennent ostéoporotiques.
Enfin, sur les petits effectifs disponibles, on constate que près
de 50% des patientes qui avaient un statut osseux normal ini-
tialement sont devenues ostéopéniques.
TRAITEMENT EN PHASE MÉTASTATIQUE
Un essai de l’AGO Breast Cancer Study Group présenté par
H. Lueck (abstract 517) a comparé chez 340 patientes l’associa-
tion capécitabine + paclitaxel (175 mg/m² toutes les 3 semai-
nes) [XP] à l’association épirubicine (60 mg/m²) + paclitaxel
(EP). La survie sans progression était équivalente dans les deux
bras (12 mois versus 11,1 mois) ainsi que le taux de réponse,
de 41% dans les deux cas. Les syndromes mains-pieds et la
diarrhée étaient plus fréquents avec XP qu’avec EP. La toxicité
hématologique était plus importante avec EP, mais le risque
de neutropénie fébrile n’était pas augmenté par rapport à celui
encouru avec XP. Les auteurs concluaient que l’association XP
peut être une bonne alternative chez des patientes ne pouvant
pas recevoir d’anthracyclines.
CONCLUSION
Les principaux messages à retenir de cet ASCO 2006 pour le
cancer du sein peuvent se résumer ainsi :
Prévention:
– équivalence du tamoxifène et du raloxifène (Evista
®
) dans
la prévention du cancer du sein invasif (NSABP-P2) avec un
profil de tolérance différent;
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