La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 4 - septembre 2006
Cancer du sein
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Le congrès de l’ASCO 2006 na pas été aussi marquant
que celui de l’année précédente pour le cancer du sein,
mais des résultats comme ceux du trastuzumab en ad-
juvant sont des événements exceptionnels. Laccent a été mis
sur la prévention du cancer du sein, à laquelle une session plé-
nière a été consacrée, et sur la prise en charge des patientes
HER2+. Lémergence de nouvelles molécules ciblant la voie
HER2 comme le lapatinib a été soulignée, élargissant les pers-
pectives thérapeutiques, en particulier en cas de résistance au
trastuzumab.
PRÉVENTION
Raloxifène
La principale communication en session plénière portait sur
l’essai NSABP-P2 STAR (Study of Tamoxifen and Raloxifen),
qui comparait l’effet préventif sur l’apparition du cancer du
sein chez des femmes à risque du tamoxifène ou du raloxi-
fène (EVISTA) [Wickerham DL, abstract LBA5]. Cette étude,
actualisée en 2005, fait suite à l’essai NSABP P1 qui montrait la
réduction significative du nombre de cancers du sein invasifs et
in situ sous tamoxifène comparativement à celle observée sous
placebo (1). Depuis cet essai, le tamoxifène est enregistré aux
États-Unis pour la prévention de l’ostéoporose et la prévention
du cancer du sein chez les femmes à risque. Il ne l’est pas en
Europe dans cette dernière indication en raison de labsence
d’effet démontré sur la survie globale des femmes et de deux
études européennes ne retrouvant pas cet effet préventif.
Lessai STAR visait à démontrer que le raloxifène est aussi
efficace, mais avec une moindre toxicité (2). De 1999 à 2004,
19747 femmes ménopausées ont été incluses dans cet essai.
Après 4 ans de suivi médian, 163 cas de cancers du sein inva-
sifs ont été diagnostiqués dans le bras tamoxifène, contre
167 dans le bras raloxifène. En revanche, le nombre de can-
cers in situ était de 57 avec le tamoxifène, mais de 81 avec le
raloxifène. Le nombre de cancers de l’utérus était de 36 avec
le tamoxifène, contre 23 avec le raloxifène, et le taux de throm-
bose était réduit de 29% avec le raloxifène. Il n’y avait pas de
différence sur le plan osseux en termes de nombre de fractu-
res. Une étude sur la qualité de vie de ces patientes, présentée
par P.A. Ganz (abstract LBA561), montrait une équivalence
globale des deux médicaments. Il existait cependant de légè-
res différences, avec moins de troubles sexuels et de prises de
poids pour le tamoxifène et moins de crampes, de symptômes
vasomoteurs et de troubles vésicaux pour le raloxifène.
En conclusion, le raloxifène constitue une alternative efficace
au tamoxifène dans la prévention du cancer du sein. Le choix
peut également dépendre des préférences de la patiente sur le
profil de tolérance. La prescription de ce traitement nest pas
recommandée en dehors d’un essai en France. Lessai IBIS II,
actuellement en cours, étudie l’effet préventif d’un inhibiteur
de l’aromatase.
Un essai de prévention du cancer du sein par une supplémen-
tation alimentaire en vitamine D a été présenté par R.T. Chle-
bowski en session plénière (abstract LBA6). Cet essai, qui
portait sur 36282 femmes ménopausées participant à la
Women’s Health Initiative (WHI), n’a pas montré d’effet pré-
ventif sur l’apparition du cancer du sein dans une population
ayant déjà à la base un apport important en vitamine D.
BRCA
Leffet de l’ovariectomie prophylactique a été étudié chez
886 patientes de plus de 30 ans porteuses d’une mutation
délétère de BRCA1 ou BRCA2 (Kauff ND, abstract 1003).
Les patientes, suivies de 1994 à 2004, choisissaient la sur-
veillance ou l’ovariectomie. Lovariectomie-salpingectomie
prophylactique a été retenue chez 559 patientes (63%).
Douze cancers occultes de l’ovaire ou des trompes ont été
découverts lors de la chirurgie. Après un suivi médian de
40 mois, le risque de cancer de l’ovaire était réduit de 91 %
et celui de cancer du sein de 52 %. Le risque de cancer de
l’ovaire était réduit de façon équivalente chez les patientes
BRCA1 et BRCA2 ; pour le cancer du sein, en revanche, la
réduction du risque nétait pas significative chez les patien-
tes BRCA1, alors qu’elle l’était chez les patientes BRCA2
(50 %). Il faut noter que les cancers du sein chez les patien-
tes BRCA1 sont très souvent non hormonosensibles, ce qui
pourrait expliquer le plus faible impact de l’ovariectomie
dans ce sous-groupe.
Les cancers du sein chez les patientes porteuses d’une muta-
tion BRCA1 ont un phénotype particulier. Parmi ceux-ci, 80 à
90% sont dits “triple négatifs”, c’est-à-dire qu’ils nexpriment ni
les récepteurs aux estrogènes (RO), ni ceux à la progestérone
(RP), ni HER2.
Ces tumeurs correspondent au phénotype dit “basal”, défini
sur des puces d’expression à ADN (3) et l’expression des cyto-
kératines 5 et 6 en immunohistochimie. Il s’agit le plus sou-
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Breast cancer
# Jean-Yves Pierga, Véronique Diéras*
* Institut Curie, Paris.
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Figure 1.
Résultats de l’étude HERA en ITT. Suivi médian de
2 ans.
Figure 2.
Étude HERA. Survie sans progression annualisée en
ITT. Évolution du risque relatif au cours du temps.
vent de carcinomes canalaires infiltrants de haut grade avec
un infiltrat lymphocytaire. Sur 282 cas de cancers du sein
triple négatifs d’une base de données du Dana Farber à Bos-
ton, l’analyse des mutations de BRCA1 par séquençage a été
réalisée chez 177 patientes (Kandel MJ, abstract 508). L’inci-
dence la plus élevée de la mutation de BRCA1 était retrouvée
chez les patientes les plus jeunes (< 40 ans), estimée à 23%,
contre 7% pour les autres (p=0,001). En conclusion, même
en l’absence d’antécédents familiaux, le statut de triple négatif
peut justifier chez les patientes les plus jeunes (<50 ans) une
recherche génétique de mutation de BRCA1.
FACTEURS BIOLOGIQUES
Lidentification d’un sous-groupe basal-like par puces tissu-
laires (TMA) utilisant 33 marqueurs différents dans l’essai
PACS 01 comparant 6 cures de FEC 100 à 3 FEC puis 3 docé-
taxel a été présentée par F. Penault-Llorca (Jacquemier J, abs-
tract 509). Les patientes dont la tumeur est triple négative
avaient un pronostic plus péjoratif et semblaient davantage
bénéficier de la chimiothérapie adjuvante par taxanes.
La place des marqueurs de prolifération cellulaire comme fac-
teur pronostique majeur dans le cancer du sein, en particulier
hormonosensible, se confirme, les tumeurs RH- ayant le plus
souvent un grade élevé. K.F. Lau (abstract 506) a identifié une
signature pronostique par puces d’expression, validée par RT-
PCR, d’une quinzaine de gènes impliqués dans la prolifération
cellulaire. C. Sotiriou (abstract 507) a également montré la
valeur pronostique majeure d’un index génique de proliféra-
tion (Gene Expression Grade Index, ou GGI), reproductible
sur les données de puces d’expression de 1500 patientes, don-
nées obtenues par différentes techniques (Affymetrix, Agilent,
Veridex) [4]. Cela permet de distinguer des groupes différents
chez les patientes RH+ HER2-.
CANCERS DU SEIN HER2+
Traitement adjuvant par trastuzumab
Lactualisation des résultats de l’étude HERA, qui compare
un traitement par chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante
seule (premier bras de traitement) à la chimiothérapie suivie
de trastuzumab adjuvant pendant un an (deuxième bras) ou
deux ans (troisième bras), a été présentée par I.E. Smith, du
Royal Marsden Hospital. Le bras “deux ans de traitement”
est exclu de l’analyse en raison d’un recul trop faible. Le suivi
médian est maintenant de 2 ans (1 an de plus par rapport à
l’ASCO 2005): 539 événements ont été observés dans les deux
bras analysés (347 à l’ASCO 2005). À la date du 15 mai 2006,
861 patientes du bras observation ont été traitées par tras-
tuzumab après l’ASCO 2005. Deux analyses ont été réalisées,
soit en intention de traitement (ITT) [figure 1], soit censurées
au moment du switch.
Le bénéfice en termes de survie sans récidive est confirmé,
avec un gain de 6,3 % en absolu. La différence en termes
de survie globale est maintenant significative, avec une
différence absolue de 2,7 %. Après analyse, en censurant
les données pour les patientes qui ont bénéficié du tras-
tuzumab après observation, la différence est significative
(p = 0,0051). Lincidence des métastases cérébrales nest pas
augmentée dans le bras recevant du trastuzumab après deux
ans de suivi. Cependant, le recul reste faible. On note que
la différence en termes de survie sans récidive apparaît très
nettement au cours de la première année de traitement puis
tend à se réduire après 18 mois, les courbes restant ensuite
parallèles, confirmant le bénéfice du trastuzumab. Laspect
des courbes après 25 mois de randomisation a donné lieu
à de nombreuses hypothèses concernant la durée optimale
du traitement par trastuzumab. Seule la présentation finale
des résultats de l’étude HERA avec le bras “2 ans de traite-
ment” permettra de répondre à la question d’un traitement
prolongé (figure 2).
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Figure 3.
BCIRG 007 : étude randomisée de phase III de tras-
tuzumab + docétaxel avec ou sans carboplatine en première
ligne dans les cancers métastatiques du sein HER2+.
Les résultats sur la tolérance de l’irradiation au cours du proto-
cole N9831 ont été présentés par M.Y. Halyard et al. (abstract
523), qui comparait chez 3505 patientes soit une chimiothéra-
pie de type 4 AC (adriamycine + cyclophosphamide) suivie de
3 mois de paclitaxel hebdomadaire, soit le même traitement
suivi de 1 an de trastuzumab hebdomadaire, soit 4 cycles d’AC
suivis de 3 mois de paclitaxel hebdomadaire avec du trastuzu-
mab concomitant puis poursuite du trastuzumab hebdomadaire
pour une durée totale de 1 an. La radiothérapie, lorsqu’elle était
indiquée, a été réalisée pendant le traitement par trastuzumab,
sur le sein en cas de traitement conservateur, avec éventuelle-
ment un boost sur la tumeur. Les aires ganglionnaires et/ou la
paroi thoracique étaient irradiées si plus de quatre ganglions
axillaires étaient envahis. Lirradiation de la chaîne mammaire
interne (CMI) nétait pas permise, sauf exception. Cependant,
elle a été réalisée chez 41 patientes sur 1433 (3%).
Les données recueillies sur 1 499 patientes irradiées (70%) et
649 patientes (30%) non irradiées ont été présentées. La sur-
veillance cardiaque à partir de la fin du traitement par paclitaxel
ne montre pas d’augmentation de l’incidence des événements
cardiaques au cours du suivi clinique des patientes. Les trou-
bles cardiaques étaient plus fréquents dans les bras compor-
tant du trastuzumab, mais sans augmentation particulière chez
les patientes irradiées. Lanalyse plus précise des 41 patientes
ayant reçu une irradiation de la CMI ne mettait pas en évi-
dence de risque accru sur le plan cardiaque, mais la dosimétrie
ne montrait pas d’incorporation du cœur dans le volume irra-
dié. Les autres effets indésirables liés à la radiothérapie, comme
la radiodermite, n’étaient pas non plus augmentés. Les auteurs
concluaient à l’absence de contre-indication de l’irradiation
pendant le traitement par trastuzumab concomitant. Bien sûr,
une surveillance à plus long terme est nécessaire.
Y. Belkacemi et al. (abstract 630) ont présenté une analyse
rétrospective de tolérance de la radiothérapie chez 53 patien-
tes recevant du trastuzumab en concomitant. Les toxicités
cutanée et œsophagienne étaient fréquentes, ainsi que les
altérations de la fraction d’éjection ventriculaire (≥ grade 2 :
53%, 13% et 15% respectivement). En analyse multivariée,
l’administration hebdomadaire était associée à plus d’effets
indésirables que l’administration toutes les trois semaines.
Cependant, il s’agit d’une analyse rétrospective, ne compor-
tant pas de groupe sans irradiation.
Traitement par trastuzumab en phase métastatique
Létude BCIRG 007 de phase III comparait en première ligne
métastatique chez 263 patientes l’association docétaxel + tras-
tuzumab à la même combinaison associée à du carboplatine
(Forbes JF et al., abstract LBA516). Huit cycles de chimiothéra-
pie étaient prévus, avec du trastuzumab hebdomadaire 2 mg/
kg après une dose de charge, puis du trastuzumab toutes les
3 semaines jusqu’à progression. Lobjectif principal était la survie
sans progression (SSP). Les objectifs secondaires étaient la survie
globale (SG), le taux de réponse, la durée de réponse, les effets
secondaires et l’évaluation de facteurs moléculaires (figure 3).
Les schémas TH (T: 100 mg/m²) et TCH (T : 75 mg/m²)
donnent des SSP de 10,3 et 11 mois respectivement, avec un
taux de réponse objective (RO) de 72 % dans les deux bras.
La survie médiane est de plus de 40 mois. On nobserve pas
de différence significative identifiée sur les différents critères
de jugement: SSP, RO, durée de RO, bénéfice clinique ou SG.
Le TH et TCH sont bien tolérés, avec des profils de toxicité
différents. Le TH est associé à plus de neuropathies, de myal-
gies, de modifications unguéales et cutanées, et d’infections
en cours de neutropénie. Le TCH est associé à davantage de
thrombopénies, de nausées et de vomissements. La tolérance
cardiaque a été satisfaisante dans les deux bras. Les auteurs
concluent à l’absence d’intérêt de l’adjonction de sels de pla-
tine à l’association docétaxel + trastuzumab. Ces résultats
sont à mettre en perspective avec ceux de l’étude BCIRG 06 en
adjuvant présentée à San Antonio en décembre 2005. Celle-
ci comparait 4 cures d’AC suivies de 4 cures de docétaxel à
4 cures d’AC suivies de 4 cures de docétaxel et trastuzumab
concomitant puis trastuzumab seul pour un an au total, ainsi
qu’à un bras sans anthracyclines délivrant 6 cures de docé-
taxel + carboplatine avec du trastuzumab concomitant pour
éviter la cardiotoxicité des anthracyclines suivies de trastuzu-
mab. Cet essai montrait un bénéfice du trastuzumab et pas
de différence significative entre les deux bras comportant du
trastuzumab.
Le domaine extramembranaire d’HER2 (extracytoplasmic
domain, ou ECD) est clivé par des métalloprotéinases. Il est
alors dosable sous forme libre dans le sérum par des techni-
ques de type ELISA. La partie intramembranaire resterait alors
sous une forme constamment activée. Un dosage d’HER2/
ECD a été réalisé avant le début du traitement de première
ligne métastatique par trastuzumab avec ou sans chimiothé-
rapie chez 307 patientes dans 7 essais différents (Ali SM et al.,
abstract 500). Un deuxième dosage a été pratiqué au cours du
traitement (entre le 16e et le 120ejour). Une diminution du
taux sérique d’HER2/ECD de plus de 20% était associée à une
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Figure 4.
Étude internationale de phase III randomisée, ouver-
te, comparant la capécitabine seule à l’association capécita-
bine + lapatinib (EGF 100151).
meilleure RO (56,5% versus 28,4%; p<0,001), une plus longue
durée de réponse (369 jours versus 230 jours; p=0,008) et une
SG prolongée (898 jours versus 593 jours ; p = 0,018). Seul un
essai prospectif pourrait démontrer l’intérêt réel du dosage de
HER soluble dans le monitoring de la réponse au trastuzumab
et indiquer un possible changement de thérapeutique en fonc-
tion de la cinétique.
Au-delà du trastuzumab
Le lapatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase (TK) ciblant
plus spécifiquement les récepteurs HER1 (EGFR) et HER2.
Il empêche la phosphorylation du domaine ATP, bloquant la
transduction du signal par homodimérisation ou hétérodi-
mérisation des récepteurs. Les lignées cellulaires résistantes
au trastuzumab sont sensibles au lapatinib (Tykerb®) [5]. Une
activité clinique a été obsere chez des patientes réfractai-
res au trastuzumab au cours d’essais précoces. Une étude
présentée par N. Spector (abstract 502) rapportait les résul-
tats d’une phase II en monothérapie dans le cancer du sein
inflammatoire en récidive ou réfractaire à la chimiothérapie.
Une première cohorte de 24 patientes dont la tumeur surex-
primait HER2 avait déjà reçu du trastuzumab dans 75% des
cas. Le taux de réponse était de 62 %. En revanche, dans une
deuxième cohorte de 12 patientes présentant une tumeur
HER1+ (EGFR) mais HER2-, seule une RO était observée.
Cette étude tend à confirmer que le lapatinib ciblant les récep-
teurs HER1 et HER2 est surtout efficace chez les patientes
ayant une tumeur avec amplification d’HER2. Une autre étude
de phase II portait sur une série de 39 patientes HER2+ ayant
des métastases cérébrales soit nouvellement diagnostiquées
non symptomatiques, soit progressives après irradiation de
l’encéphale (Lin NU et al., abstract 503). Le taux de réponse
selon les critères stricts RECIST était très faible (5 %) ; cepen-
dant, 10 patientes avaient une diminution de plus de 10% du
volume tumoral. D’autres études portant sur les métastases
cérébrales et le lapatinib sont en cours pour évaluer au mieux
l’activité du lapatinib dans cette indication.
Une étude internationale de phase III randomisée, ouverte,
comparant la capécitabine seule à l’association capécitabine +
lapatinib (EGF 100151), a été présentée par C.E. Geyer et al.
Trois cent vingt et une patientes atteintes d’un cancer du sein
métastatique ou localement avancé surexprimant HER2, ayant
déjà reçu des anthracyclines, des taxanes et du trastuzumab,
ont été randomisées entre capécitabine seule ou capécita-
bine et lapatinib sous forme orale en continu. La majorité des
patientes (92%) avaient reçu du trastuzumab à la phase métas-
tatique de leur maladie (figure 4).
Lanalyse intermédiaire programmée a montré une amé-
lioration du TTP médian cliniquement et statistiquement
significative: 8,5 mois avec la combinaison lapatinib + capé-
citabine, contre 4,5 mois avec capécitabine seule. Le taux de
RO nétait pas significativement différent d’un bras à l’autre
(22,5% versus 14,3%; p=0,113). La SG était identique dans
les deux bras de traitement. Le taux de progression au niveau
cérébral était de 4 patientes dans le bras lapatinib + capécita-
bine, contre 11 dans le bras capécitabine seule (p = 0,11). Le
lapatinib et la capécitabine ont été bien tolérés; les baisses de
la fraction d’éjection ventriculaire sont rares, asymptomati-
ques, réversibles. Les données de toxicité cardiaque du lapati-
nib ont été présentées par E. Perez sur une série rétrospective
de 2812 patientes (abstract 583), ne montrant qu’un taux de
1,3% de diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gau-
che. Ladjonction de lapatinib à la capécitabine a montré une
activité clinique significative dans les cancers du sein avancés
HER2+ échappant au trastuzumab.
La protéine chaperonne Heat Shock Protein HSP 90 protège
de la dégradation physiologique certaines protéines comme
HER2. Un inhibiteur de HSP 90, le KOS-953 (17-AAG),
permet d’induire la dégradation d’HER2 et l’inhibition de la
croissance des tumeurs HER2+. Un essai de phase I (Modi S,
abstract 501) portant sur l’association trastuzumab + 17-AAG
a montré 1 réponse partielle et 4 réponses mineures chez
17 patientes ayant un cancer du sein HER2+ progressant sous
trastuzumab.
TRAITEMENT ADJUVANT
Chimiothérapie
Lessai randomisé de phase III BIG 2-98 cherchait à montrer un
avantage à l’adjonction de taxanes en adjuvant chez 2 887 patien-
tes opérées d’un cancer du sein avec atteinte ganglionnaire
(Crown J et al., abstract LBA519). Cet essai avait 4 bras, avec une
randomisation de type (1:1:2:2). Le premier bras (A) comportait
4 cycles d’adriamycine seule à 75 mg/m² toutes les 3 semaines
suivis de 3 cycles de CMF (tous les 28 jours) avec le cyclophos-
phamide sous forme orale pendant 14 jours; le deuxième bras
(AC) reposait sur 4 cycles d’AC avec 60 mg/m² d’adriamycine
et 600 mg/m² de cyclophosphamide puis 3 cycles de CMF; le
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troisième bras (séquentiel) [A–T] comportait 3 cures d’adria-
mycine 75 mg/m² suivies de 3 cures de docétaxel 100 mg/m²
puis 3 cures de CMF, et le quatrième bras (concomitant) [AT]
4 cycles d’AT (adriamycine 60 mg/m² et docétaxel 75 mg/m²)
puis 3 cycles de CMF. Le bras séquentiel comportait 2 cycles
de plus que les deux autres, avec une durée de traitement plus
longue. La dose cumulative d’adriamycine et de docétaxel était
équivalente dans les deux derniers bras expérimentaux. Le suivi
médian était de 57 mois. Le taux de rechute a été plus bas que
prévu, ce qui a réduit le pouvoir statistique de l’étude: le bras
contrôle est à 73% de survie sans événements à 5 ans en dépit du
fait que 46% des patientes présentaient un envahissement gan-
glionnaire ≥ 4 ganglions. Le docétaxel induit une amélioration
en termes de survie sans événement à la limite de la significati-
vité (p=0,051). Le bras AT + CMF séquentiel donne une survie
sans événement supérieure aux deux combinaisons AT + CMF
(p=0,047) et AC-CMF (p=0,035). Ces résultats constituent un
élément important dans la démonstration d’une supériorité
de l’utilisation de la chimiothérapie de manière séquentielle
à pleine dose sur l’association concomitante, qui nécessite de
réduire les doses de chacun des produits.
Lessai TAXIT216 présenté par A.R. Bianco (abstract LBA 520)
comparait en adjuvant chez 972 patientes N+ un schéma com-
portant 4 cycles d’épirubicine seule, à la dose de 120 mg/m²
toutes les 3 semaines, suivis de 4 cycles de CMF (E «CMF) au
même schéma avec 4 cycles de docétaxel 100 mg/m² entre l’épi-
rubicine et le CMF (E «T«CMF). Après un suivi médian de
53,6 mois, la différence en analyse multivariée est à la limite de
la significativité, en faveur du traitement comportant du docé-
taxel: p=0,0576 en SSR et p=0,0797 en SG. La toxicité était
plus importante dans le bras avec docétaxel: 11% versus 6 % de
neutropénies fébriles (significatif), et davantage d’arthralgies,
de myalgies, d’allergies et de modifications des ongles.
Hormonothérapie
Létude IES (Intergroup Exemestane Study) comparait en situa-
tion adjuvante, chez des patientes dont la tumeur présentait
des récepteurs hormonaux positifs, la poursuite du tamoxifène
pendant 5 ans au passage à l’exemestane (Aromasine
®
) après
2 à 3 ans de tamoxifène. Les premiers résultats obtenus en ter-
mes de SSR, positifs, ont été publiés par R. Coombes dans le
New England Journal of Medicine en 2004 (6). Avec un recul
de 55,7 mois, il existe un bénéfice en termes de SG en faveur
du switch. La comparaison nest statistiquement significative
qu’après exclusion des cas de tumeurs présentant des récepteurs
hormonaux négatifs inclus dans l’étude. La différence à 5 ans est
de 1,6% en absolu (p=0,05). Un avantage en termes de SG a
également été rapporté par M. Kaufmann (abstract 547) dans
l’essai ARNO 95, qui comparait chez 979 patientes ménopau-
sées après 2 ans de tamoxifène soit la poursuite du tamoxifène,
soit un traitement par anastrozole pendant 3 ans (p=0,045).
La plupart des grands essais d’hormonothérapie adjuvante par
inhibiteur de l’aromatase sont significatifs en termes de SSR mais
non en termes de SG (ATAC, BIG 1-98, MA-17). Les résultats
de ces deux études présentées à l’ASCO ne doivent pas leur être
comparés dans la mesure où le design de ces études est totalement
différent, avec une randomisation différée après deux à trois ans
de tamoxifène, ce qui peut avoir un impact sur la survie.
Le suivi de l’étude BIG 1-98 (létrozole contre tamoxifène) na
finalement pas été présenté au cours du congrès (Mourid-
sen HT, abstract LBA528).
Un essai randomisé d’hormonothérapie néoadjuvante compa-
rant l’anastrozole seul à l’anastrozole associé à un inhibiteur
du récepteur à l’EGF (EGFR, HER1), le gefitinib (Iressa
®
), n’a
pas démontré de bénéfice de l’adjonction des anti-EGFR aux
inhibiteurs de l’aromatase, voire a noté un effet défavorable
chez les patientes exprimant les récepteurs à la progestérone
(Dowsett M, abstract 515).
Les résultats de l’étude annexe portant sur la densitométrie
osseuse dans l’essai ATAC comparant 5 ans de tamoxifène à
5 ans d’anastrozole ou à la combinaison des deux ont été pré-
sentés par R.E. Coleman et al. (abstract 511) [7]. La réduc-
tion de la densité osseuse est significativement plus élevée
avec l’anastrozole qu’avec le tamoxifène (p<0,0001 pour les
deux critères, hanche et étage lombaire). Cependant, aucune
patiente avec un statut osseux initial normal ne devient ostéo-
porotique après 5 ans de traitement, mais 15 % des patien-
tes initialement ostéopéniques deviennent ostéoporotiques.
Enfin, sur les petits effectifs disponibles, on constate que près
de 50% des patientes qui avaient un statut osseux normal ini-
tialement sont devenues ostéopéniques.
TRAITEMENT EN PHASE MÉTASTATIQUE
Un essai de l’AGO Breast Cancer Study Group présenté par
H. Lueck (abstract 517) a comparé chez 340 patientes l’associa-
tion capécitabine + paclitaxel (175 mg/m² toutes les 3 semai-
nes) [XP] à l’association épirubicine (60 mg/m²) + paclitaxel
(EP). La survie sans progression était équivalente dans les deux
bras (12 mois versus 11,1 mois) ainsi que le taux de réponse,
de 41% dans les deux cas. Les syndromes mains-pieds et la
diarrhée étaient plus fréquents avec XP qu’avec EP. La toxicité
hématologique était plus importante avec EP, mais le risque
de neutropénie fébrile nétait pas augmenté par rapport à celui
encouru avec XP. Les auteurs concluaient que lassociation XP
peut être une bonne alternative chez des patientes ne pouvant
pas recevoir d’anthracyclines.
CONCLUSION
Les principaux messages à retenir de cet ASCO 2006 pour le
cancer du sein peuvent se résumer ainsi :
Prévention:
– équivalence du tamoxifène et du raloxifène (Evista
®
) dans
la prévention du cancer du sein invasif (NSABP-P2) avec un
profil de tolérance différent;
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