564-568 Braendli 141_f.qxp 24.7.2008 15:27 Uhr Seite 564 CURRICULUM Forum Med Suisse 2008;8(32):564–568 564 Comment diagnostiquer une tuberculose en 2008? Otto Brändli Cabinet privé, Wald ZH Quintessence 쎲 Si vous êtes confronté à une toux qui dure plus de deux à trois semaines, une perte de poids d’origine indéterminée ou un état fébrile ainsi qu’à une radiographie du thorax suspecte, pensez à la tuberculose! Faites examiner trois échantillons d’expectorations, de préférence matinales, par un laboratoire de référence à la recherche de bacilles tuberculeux. 쎲 En cas de traitement antituberculeux antérieur ou de provenance d’un pays à forte incidence, il est indispensable de déterminer les résistances et souhaitable de demander, si possible, de rechercher celle à la rifampicine par sonde génétique (pour l’exclusion d’une forme de tuberculose MDR avec une résistance au minimum aux deux principaux tuberculostatiques, soit l’isoniazide et la rifampicine). Le traitement devrait être discuté au préalable avec un spécialiste. 쎲 Après l’annonce au médecin cantonal, il faut examiner les membres de la famille du patient tuberculeux et, en cas de résultat positif, les autres proches (recherche d’une tuberculose latente) à l’aide de tests cutanés (tuberculine) et/ou d’analyses sanguines (Interferon Gamma Release Assay, IGRA), éventuellement en collaboration avec les spécialistes de la tuberculose de la Ligue pulmonaire. 쎲 Les nouveaux tests sanguins (IGRA) ne sont aptes ni à détecter ni à exclure une tuberculose active. Ils ne sont toutefois pas influencés par la vaccination BCG, ne nécessitent qu’une seule prise de sang et n’ont pas d’effet booster. Ils se prêtent particulièrement au screening lors de l’engagement de nouveaux collaborateurs et collaboratrices du système de santé et du milieu carcéral. Summary Diagnosing tuberculosis in 2008 쎲 Cough persisting for more than 2–3 weeks, unexplained weight loss or fever, plus suspect x-ray findings, strongly suggest tuberculosis. Sputum tests for tuberculosis should be carried out three times, preferably on morning sputum in a reference laboratory. 쎲 In patients with a previous history of treated tuberculosis or originating from a high-incidence country, resistance testing and, if possible, gene probe detection of rifampicin resistance are mandatory (to rule out MDR tuberculosis with resistance to at least the two most important tuberculosis drugs isoniazid and rifampicin). Treatment should be discussed beforehand with a specialist. 쎲 After notification of the cantonal health authorities, family members and, if the result is positive, other close contacts of tuberculosis patients should be screened for infection (latent tuberculosis) by skin (tuberculin) testing and/or blood tests (interferon gamma release assay, IGRA), if necessary with assistance from the local Lung association. 쎲 The new blood tests (IGRA) are unable to detect or rule out active tuberculosis. They are however uninfluenced by BCG vaccination, require only one blood sample and cause no booster effect. They are particularly suitable for screening of job entrants in the healthcare and prisons sector. Pourquoi cette maladie millénaire est-elle plus que jamais d’actualité? Si on ne meurt actuellement plus guère de la tuberculose en Suisse, on a tout de même dénombré l’année dernière presque 500 nouveaux cas de la maladie, essentiellement dans la population des requérants d’asile (jusqu’à 300 par 100 000 adultes) et des étrangers établis dans notre pays (14 pour 100 000), mais aussi chez quelques Suisses (3,6 pour 100 000). Donc, même si l’incidence de la tuberculose va en diminuant, il est impératif de maintenir le niveau des connaissances sur cette maladie. Malgré d’importants efforts consentis de manière coordonnée à travers le monde, il n’a pas été possible jusqu’ici de réduire le nombre de nouveaux cas qui est estimé à quelque 8,5 millions par an, le nombre de décès dus à la tuberculose restant de l’ordre de 1,8 millions [1]. Les difficultés d’accès à des soins médicaux appropriés et le manque d’approvisionnement en médicaments essentiels, l’immigration en provenance de pays à forte incidence, l’épidémie de HIV, le démantèlement des mesures préventives et un soutien insuffisant à la recherche sont autant de facteurs qui n’incitent pas à l’optimisme. Avec l’apparition de souches résistantes du bacille tuberculeux, les tuberculostatiques qui remontent à bientôt 40 ans perdent progressivement de leur efficacité, et aucun nouveau médicament n’est encore en vue. Les vieilles techniques diagnostiques datent de plus de cent ans et elles sont peu à peu remplacées par de nouvelles méthodes issues du décryptage du génome de la mycobactérie par Cole 1998 [2] et de l’identification des différences génétiques existant entre les divers types de mycobactéries, ce qui a relancé aujourd’hui l’intérêt des chercheurs pour ce domaine. La tuberculose se laisse aussi mieux diagnostiquer de nos jours au stade dit «latent»: les mycobactéries sont capables de survivre durant des années, voire des décennies, dans les macrophages alvéolaires et les granulomes du poumon humain (mycobactéries «dormantes»; tuberculose latente), avant de se mettre à proliférer et donner lieu à une tuberculose active. Elles sont maintenues dans un équilibre dynamique par des cellules T spécifiques à la tuberculose, responsables de la formation de la petite papule caractéristique en réponse au test intradermique à la tuberculine. Cette réaction immuni- Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 559 ou sur internet sous www.smf-cme.ch. 564-568 Braendli 141_f.qxp 24.7.2008 15:27 Uhr Seite 565 CURRICULUM taire spécifique peut aussi être examinée quantitativement à l’aide d’une analyse sanguine appelée Interferon gamma release test (IGRA). Les mycobactéries peuvent reprendre leur prolifération au moment d’un fléchissement des défenses immunitaires, suite par exemple à une infection HIV, à un traitement par inhibiteurs du TNF ou à l’âge avancé. La mise en route d’une chimiothérapie préventive d’isoniazide permettra de les éliminer. En l’absence de chimiothérapie, un patient porteur d’une tuberculose latente sur dix va acquérir une tuberculose active durant sa vie. Et cette probabilité est encore bien plus élevée parmi les patients atteints du SIDA, puisqu’elle atteint jusqu’à 8% par année post-infection. La stratégie de la lutte dans les pays industrialisés comme la Suisse repose donc aujourd’hui principalement sur le diagnostic précoce et le traitement de la tuberculose active, ainsi que sur le dépistage de la tuberculose latente, la chimiothérapie préventive chez les sujets infectés, et finalement sur le screening des populations à risque. Tuberculose active Le diagnostic de laboratoire de la tuberculose active connaît aussi aujourd’hui de nouveaux développements: il est devenu plus rapide et plus précis grâce à des méthodes de biologie moléculaire, et il est par ailleurs capable de déceler précocement certaines résistances aux médicaments. Le point le plus important dans le diagnostic de la tuberculose demeure néanmoins: le médecin doit y penser! Les symptômes (toux depuis plus de deux à trois semaines, asthénie, état fébrile) et les signes cliniques (perte de poids, auscultation rarement suspecte) sont si peu spécifiques que seuls le pays de provenance, l’anamnèse familiale et celle des voyages, ainsi que la durée des symptômes peuvent fournir quelques indices [3]. Les radiographies du thorax, demandées sur la base de la moindre suspicion et comportant des images pathologiques, constituent souvent les premiers éléments objectifs susceptibles d’attirer l’attention. Il faut ensuite impérativement faire examiner trois échantillons d’expectorations, le premier obtenu immédiatement au cabinet et les deux autres pris à domicile, le matin des deux jours suivants, dans le but de rechercher des bacilles tuberculeux. Si le patient n’a pas d’expectorations, on peut les provoquer par inhalation d’une solution de NaCl 3%, ce qui implique toutefois un gros risque de contagion pour l’examinateur, tout comme d’ailleurs le prélèvement bronchoscopique des sécrétions. Où envoyer le matériel prélevé, et quels examens demander? Nous recommandons une collaboration active avec un laboratoire de haute qualité disposant d’ores et déjà d’une grande expérience dans les étapes suivantes de l’investigation, notamment l’identification et la recherche des résistances [4]. Cela ne concerne pas seulement la préparation spécifique des expec- Forum Med Suisse 2008;8(32):564–568 565 torations (décontamination) et la recherche sur les préparations natives des bâtonnets acido-résistants (aujourd’hui le plus souvent par microscopie à fluorescence). La mise en évidence sur des cultures en milieu liquide est devenue possible aujourd’hui en l’espace de trois à vingt jours (par ex. systèmes Bactec 460 ou Bactec MGIT 960). Le diagnostic direct de la tuberculose à partir de matériel d’expectoration prélevé en milieu clinique (expectorations, urines, etc.) à l’aide de techniques de biologie moléculaire par PCR ou d’autres procédés s’est surtout avéré intéressant pour les échantillons positifs à l’examen microscopique. Chez les malades tuberculeux provenant de pays à forts taux de résistance (Europe de l’Est et Russie, Asie, Afrique) et/ou ayant déjà bénéficié par le passé d’un traitement tuberculostatique, la mise en évidence directe du gène (rpoB-Gen) responsable de la résistance à la rifampicine (RMP) peut livrer en quelques heures des informations déterminantes concernant les résistances des mycobactéries (INNO-LiPA Rif.TB; Innogenetics, Belgique; Hain Lifescience, Nehren, Allemagne). Comme une résistance à la RMP s’accompagne dans la plupart des cas d’une résistance à l’isoniazide (INH), le diagnostic de suspicion de tuberculose MDR (multidrug-resistent, résistante à l’INH et à la RMP) peut être posé précocement, et le traitement par les antibiotiques de réserve instauré rapidement. En Suisse, il est possible de procéder à une recherche des résistances aux principaux tuberculostatiques (INH, RMP, pyrazinamide et éthambutol) de tout agent tuberculeux isolé pour la première fois. Les résistances sont la conséquence d’une ou de plusieurs mutations ponctuelles s’étant produites par étapes successives. Elles ont été décrites pour tous les médicaments de base et malheureusement déjà aussi pour plusieurs médicaments de réserve [5]. Des techniques plus simples de détermination des gènes responsables des résistances font appel à des sondes de DNA directement appliquées au matériel clinique et suscitent de grands espoirs pour l’avenir. Elles ne sont malheureusement pas encore réalisables dans les conditions du laboratoire de routine [6]. Les essais effectués jusqu’ici pour diagnostiquer des tuberculoses pulmonaires et extra-pulmonaires avec des tests sérologiques ne sont pas encore concluants [7], pas plus que les «nez» électroniques ou la chromatographie gazeuse, qui consistent à «renifler» la présence des mycobactéries directement dans les expectorations [8, 9]. Mesures immédiates: mise en route du traitement, isolement éventuel, et examen de l’entourage Si des mycobactéries sont présentes dans les expectorations, les sécrétions bronchiques ou les cultures, on parle de tuberculose «ouverte». La mise en route immédiate du traitement doit s’accompagner de mesures d’isolement correspondantes et d’examens de l’entourage. En cas d’incertitude, les spécialistes de la tuberculose des ligues pulmonaires, les médecins cantonaux, les pneumo- 564-568 Braendli 141_f.qxp 24.7.2008 15:27 Uhr Seite 566 CURRICULUM logues et les infectiologues sont là pour aider à la prise en charge. La Ligue pulmonaire suisse a mis sur pied une hotline à l’intention des médecins (tél. 0800 388 388) et a élaboré un manuel de référence en collaboration avec l’Office fédéral de la santé publique [13]. Il serait souhaitable que le traitement de tous les nouveaux cas de tuberculose survenant en Suisse fasse l’objet d’une discussion préalable avec un médecin ayant l’expérience requise dans le traitement de cas aussi complexes, ou que le patient soit hospitalisé dans une unité d’isolement spéciale pour mettre le traitement en route. La tuberculose est une maladie soumise à l’obligation d’annonce, aussi bien pour le médecin que pour le laboratoire. Le médecin cantonal délègue en général aux responsables de la tuberculose des ligues pulmonaires la recherche des autres cas infectés parmi les proches, autrement dit les examens de l’entourage. La ligue pulmonaire peut aussi être chargée des tâches d’information très chronophages auprès des proches qui sont souvent, et à juste titre, inquiets. La génotypisation moléculaire (polymorphisme de la longueur des fragments de restriction, RFLP) permet en plus de comparer les souches de bacilles tuberculeux de différents patients [10] et de suivre ainsi les voies de transmission de manière beaucoup plus précise que ne le permet le simple interrogatoire des patients. Tuberculose avec culture négative – et tuberculose extrapulmonaire Les mycobactéries ne sont normalement identifiables dans les préparations directes que lorsqu’il y a plus de 10 000 bâtonnets acido-résistants par millilitre d’expectorations. La culture des expectorations est beaucoup plus sensible avec un seuil de détection plus bas, de l’ordre de 100 mycobactéries. Dans certains cas isolés, en particulier chez les enfants, le diagnostic de tuberculose doit être posé, même sans confirmation par une culture positive, uniquement sur la base de radiographies du Tableau 1. Standards internationaux pour le diagnostic de la tuberculose [11]. 1. Penser à une tuberculose devant toute toux d’origine indéterminée évoluant depuis plus de deux à trois semaines! 2. Envoyer systématiquement 2, de préférence 3 échantillons d’expectorations pour une recherche de tuberculose, dont au moins un sur un prélèvement du matin. 3. En cas de suspicion de tuberculose extrapulmonaire, prélever du matériel non seulement pour la cytologie/histologie, mais aussi pour une culture. 4. Devant une radiographie de thorax suspecte de lésions spécifiques, toujours effectuer des cultures d’expectorations à la recherche d’une tuberculose. 5. Même un examen direct négatif dans les expectorations pour les bacilles acido-résistants en présence d’une radiographie du thorax suspecte et d’une non-réponse au traitement antibiotique durant 1 à 2 semaines (pas avec une fluoroquinolone!) ne permet pas d’écarter définitivement le diagnostic de tuberculose. On instaurera donc malgré tout un traitement tuberculostatique, surtout chez les patients avec HIV/SIDA. 6. Chez les enfants avec un test cutané positif ou éventuellement un test sanguin positif et/ou une anamnèse d’exposition et des signes radiologiques, demander des cultures d’expectorations, un examen du liquide gastrique ou des sécrétions bronchiques. Forum Med Suisse 2008;8(32):564–568 566 thorax suspectes de tuberculose, d’un test cutané à la tuberculine ou éventuellement d’un test sanguin positif et d’une anamnèse suggestive, sans réponse à une antibiothérapie non spécifique. Les fluoroquinolones ne devraient pas être utilisées dans le cadre d’un traitement non spécifique, car elles agissent également contre les mycobactéries, et une réponse au traitement risquerait de retarder le diagnostic de certitude (tab. 1 p). Même en cas de cultures négatives, il faut procéder à un examen de l’entourage en même temps que l’on met en route le traitement spécifique avec quatre (trois chez l’enfant) tuberculostatiques, dans la mesure où le risque de contagion existe malgré tout, et où il importe de rechercher l’origine de l’infection. La suite dira alors si le diagnostic de suspicion était correct et si le traitement doit être poursuivi durant six mois. Les tuberculoses extrapulmonaires s’observent chez nous surtout chez les enfants et les personnes âgées. Elles sont difficiles à diagnostiquer. Les nouveaux tests sanguins IGRA, dont la sensibilité est insuffisante, ne permettent pas d’exclure une tuberculose active, si bien que le diagnostic repose exclusivement sur les résultats des cultures et sur une clinique souvent très lentement progressive. Tuberculose latente Test cutané ou sanguin? La mise en évidence d’une tuberculose latente ou d’une infection tuberculeuse sans signes de maladie est possible au plus tôt huit à dix semaines après la contamination. Le test cutané à la tuberculine (aussi appelé Mantoux) est jusqu’ici la seule manière de vérifier si un sujet est infecté par un agent tuberculeux. Toutes les données connues à ce jour sur les taux d’infection, sur la fréquence de la maladie et sur le traitement préventif sont basées sur ce test. Les cellules T helper spécifiques pour la tuberculose produisent la cytokine interféron gamma à la suite d’un contact avec l’antigène tuberculeux (tuberculine). Le test cutané à la tuberculine déclenche la formation d’une papule au niveau de l’avant-bras en l’espace de trois à sept jours. Le diamètre de l’induration – pas celui de la réaction érythémateuse (rougeur)! – est mesuré en millimètres. L’interféron gamma peut maintenant être mesuré quantitativement au laboratoire dans les 24 heures à l’aide d’un test IGRA photométrique sur sang frais (test QuantiFERON – TB Gold; Cellestis, Australie) ou par la numération des cellules spécifiques de l’antigène (test T-Spot.TB; Oxford Immunotec, Royaume-Uni). Les principaux inconvénients en sont les coûts élevés et la nécessité, soit de centrifuger immédiatement le sang complet, soit d’apporter l’échantillon au laboratoire dans les douze heures. Contrairement au test cutané, les tests sanguins restent cependant négatifs après la vaccination au BCG et ne réagissent pas non plus aux mycobactéries non tuberculeuses, à l’exception de M. kansasii, M. marinum et M. szulgai. D’autre part, 564-568 Braendli 141_f.qxp 24.7.2008 15:27 Uhr Seite 567 CURRICULUM contrairement au test cutané, ils n’ont pas d’effet booster et peuvent donc être répétés sans problèmes. La question de savoir si ces tests permettront d’identifier plus efficacement que le test cutané les sujets infectés susceptibles de développer ultérieurement une tuberculose active doit encore faire l’objet d’études prospectives. Malgré son coût supérieur et du fait de sa simplicité – il suffit en effet d’une seule consultation pour la prise de sang – et de sa meilleure spécificité, on préférera le test sanguin au test cutané pour le screening dans les populations à risque, par exemple chez le personnel hospitalier. Dans les examens ciblés de l’entourage, on recommande pour l’instant en Suisse une démarche en deux étapes, moins coûteuse, et consistant d’abord à pratiquer un test cutané chez tout le monde, puis d’effectuer dans un deuxième temps un test sanguin chez ceux dont le résultat du dépistage initial était positif. Ce n’est qu’ensuite qu’une chimiothérapie antituberculeuse préventive sera mise en route [12, 13]. Chez les patients immunosupprimés, le test T-Spot.TB est peut-être supérieur au QuantiFERON, car il tient compte du petit nombre de cellules T et livre moins de résultats douteux («indeterminate»). Chez les enfants de moins de 5 ans, les données sont encore insuffisantes, si bien que le test cutané reste la méthode de choix. Les tests sanguins ne permettent pas non plus, même chez les enfants, de distinguer entre une infection tuberculeuse et une tuberculose active, ni d’exclure avec certitude une tuberculose active. Indication On ne fera un test cutané ou sanguin que s’il permettra par la suite de proposer une chimiothérapie préventive aux patients dont le résultat est positif! C’est sans aucun doute le cas dans les examens de l’entourage après un contact étroit et récent avec une personne porteuse d’une tuberculose contagieuse, en particulier s’il s’agit d’enfants ou d’adolescents présentant un risque augmenté. Chez les adultes, les taux d’effets indésirables du principal antituberculeux prescrit, l’INH, augmentent avec l’âge et constituent souvent un facteur de plus en plus limitant, si bien qu’on renoncera en principe à un traitement préventif à partir de l’âge de 35 ans. Une autre indication non controversée concerne les personnes souffrant d’une déficience immunitaire et celles en passe de recevoir un traitement immunosuppresseur, aujourd’hui surtout par les inhibiteurs du TNF. Un screening général n’est aujourd’hui plus préconisé, même dans les écoles et parmi les enseignants. Ce n’est que chez le personnel soignant et chez celui des établissements pénitenciers qu’un screening permet de mieux surveiller l’évolution de leur santé en fonction de leur situation de risque et facilite par la suite les examens de l’entourage en cas de contact ultérieur avéré avec la tuberculose. Compte tenu des connaissances actuelles, le test sanguin ne peut être utilisé ni pour le diagnostic, ni pour l’exclusion d’une tuberculose active, car il peut aussi donner des résultats faussement négatifs, en particulier dans les tuberculoses avancées! Forum Med Suisse 2008;8(32):564–568 567 Populations à risque Traitements par inhibiteurs du Tumor Necrosis Factor (TNF) Comme le TNF joue, en tant que cytokine, un rôle dans le confinement des mycobactéries dans les granulomes, le traitement par les anticorps monoclonaux contre le TNF, introduits en 1998, notamment l’infliximab, l’étanercept et l’adalimumab, peut entraîner l’activation d’une tuberculose latente. Un examen préalable par un test cutané ou sanguin est donc indispensable avant l’instauration d’une chimiothérapie préventive. Il s’agit en effet d’éviter le passage à des formes d’évolution tuberculeuse parfois très sévères et souvent extrapulmonaires [14, 15]. Le TNF est coresponsable des symptômes de la tuberculose, et son blocage peut masquer l’éclosion de la maladie et augmenter le risque de la manquer. On recommande dès lors de commencer la chimiothérapie antituberculeuse préventive au minimum un mois avant de démarrer un traitement par inhibiteur du TNF. HIV / SIDA L’infection simultanée par le HIV et le bacille tuberculeux constitue l’un des plus grands problèmes de santé dans le monde. Une infection HIV rend le diagnostic plus difficile, car la tuberculose est alors plus souvent extrapulmonaire et donc associée à des images atypiques sur les radiographies du thorax, avec des infiltrats principalement dans les bases, moins de cavernes, et un diagnostic bactériologique plus difficile [16]. Elle accélère la progression de la tuberculose et augmente la mortalité. Les résultats de l’étude suisse de cohorte HIV ont montré que les sujets avec un test cutané à la tuberculine positif présentent chez nous aussi un taux de tuberculose active 25 fois plus élevé en l’absence de chimiothérapie préventive [17]. On fera par conséquent un test de dépistage du HIV chez tout patient tuberculeux, car la tuberculose est souvent la première manifestation d’un SIDA. Enfants Les enfants en bas âge, surtout au cours des deux premières années de vie, présentent un haut risque d’être contaminés – jusqu’à 80% – s’ils vivent avec une personne dont les expectorations sont positives. La tuberculose évolue chez eux de façon plus rapidement progressive avec des formes essentiellement disséminées et des atteintes méningées. Le diagnostic n’est souvent posé que dans le cadre des examens de l’entourage et repose la plupart du temps sur un test cutané positif, rarement sur des radiographies ou la présence de bacilles dans les expectorations ou le liquide gastrique. Le tableau clinique est différent de celui des adultes. Les enfants présentent plus souvent une atteinte des ganglions lymphatiques, ont souvent un agrandissement hilaire unilatéral et plus rarement des infiltrats pulmonaires parenchymateux, en général du côté droit, avec participation pleurale. 564-568 Braendli 141_f.qxp 24.7.2008 15:27 Uhr Seite 568 CURRICULUM Un autre article du Dr O. Brändli faisant suite à celui-ci paraîtra dans un prochain numéro de Forum sous le titre «Comment traiter une tuberculose en 2008?». Population des migrants Comme le risque d’être atteint de tuberculose est le plus grand entre la première et la cinquième année après l’arrivée dans le pays, le screening des immigrés en provenance de pays à forte incidence (plus de 50 nouveaux cas par 100 000 habitants et par an; fig. 1 x) permet de diagnostiquer et de traiter une tuberculose à un stade très précoce de l’infection, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a encore que Forum Med Suisse 2008;8(32):564–568 568 peu, voire aucun symptôme. Les examens sanitaires aux frontières, introduits en 1992 et comprenant une radiographie du thorax et une investigation des cas suspects, ont malheureusement été abandonnés en 2006 pour des raisons de coûts, bien qu’ils aient aussi permis de découvrir précocement des cas de résistance aux antituberculeux [18]. Comme la méthode de dépistage utilisée depuis lors, à l’aide d’un questionnaire recherchant les symptômes, s’avère insuffisante, on discute à nouveau d’un screening plus sélectif en fonction du pays de provenance. Personnel du système de santé et des établissements pénitentiaires / centres de requérants d’asile Suivant le risque auquel est exposé le personnel de certaines institutions, il est recommandé de pratiquer un test sanguin à l’entrée en guise de screening (pas d’effet booster!). Le résultat servira de référence pour les futurs tests nécessités par les examens d’entourage après contact avec un patient tuberculeux. On peut en plus, si le risque est élevé, le répéter à des intervalles plus longs dans une optique de surveillance épidémiologique. Figure 1 Estimation de l’incidence de la tuberculose dans le monde en 2005. Les pays à risque élevé sont indiqués en jaune, orange et en rouge (Organisation Mondiale de la Santé. Rapport de l’OMS: Global tuberculosis control. 2006 fig. 3). Je tiens ici à remercier le Professeur Gabriela Pfyffer de l’Hôpital cantonal de Lucerne et le Dr Pieter Langloh de Zurich pour leur lecture critique du manuscrit. L’auteur occupe la fonction de président de la ligue pulmonaire de Zurich. Références Veuillez prendre note aussi de l’article dans PrimaryCare n˚ 14/2008. Correspondance: Dr Otto Brändli Hömelstrasse 15 CH-8636 Wald [email protected] 1 Maher D, Raviglione M. Global epidemiology of tuberculosis. Clin Chest Med. 2005;26:167–82. 2 Cole ST, Brosch R, Parkhill J et al. Deciphering the biology of Mycobacterium tuberculosis from the complete genome sequence. Nature. 1998;393:537–44. 3 Brändli O. The clinical presentation ot Tuberculosis. Respiration. 1998;65:97–105. 4 Brodie D, Schluger NW. The diagnosis of tuberculosis. Clin Chest Med. 2005;26:247–71. 5 Parsons LM, Somoskövi A, Urbanczik R, Salfinger M. Laboratory diagnostic aspects of drug resistant tuberculosis. 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