Comment diagnostiquer une tuberculose
en 2008?
Otto Brändli
Cabinet privé, Wald ZH
CURRICULUM Forum Med Suisse 2008;8(32):564–568 564
Pourquoi cette maladie millénaire
est-elle plus que jamais d’actualité?
Si on ne meurt actuellement plus guère de la tuber -
culose en Suisse, on a tout de même dénombré
l’année dernière presque 500 nouveaux cas de la
maladie, essentiellement dans la population des
requérants d’asile (jusqu’à 300 par 100 000 adultes)
et des étrangers établis dans notre pays (14 pour
100000), mais aussi chez quelques Suisses (3,6
pour 100000). Donc, même si l’incidence de la tu-
ber culose va en diminuant, il est impératif de main-
tenir le niveau des connais sances sur cette maladie.
Malgré d’importants efforts consentis de manière
coordonnée à travers le monde, il n’a pas été pos-
sible jusqu’ici de réduire le nombre de nouveaux
cas qui est estimé à quelque 8,5 millions par an, le
nombre de décès dus à la tuberculose restant de
l’ordre de 1,8 millions [1]. Les difficultés d’accès à
des soins médicaux appropriés et le manque d’ap-
provisionnement en médicaments essentiels, l’im-
migration en provenance de pays à forte inci-
dence, l’épidémie de HIV, le démantèlement des
mesures préven tives et un soutien insuffisant à la
recherche sont autant de facteurs qui n’incitent
pas à l’opti misme. Avec l’apparition de souches ré-
sistantes du bacille tuberculeux, les tuberculosta-
tiques qui remontent à bientôt 40 ans perdent pro-
gressivement de leur efficacité, et aucun nouveau
médica ment n’est encore en vue.
Les vieilles techniques diagnostiques datent de plus
de cent ans et elles sont peu à peu remplacées par
de nouvelles méthodes issues du décryp tage du gé-
nome de la mycobactérie par Cole 1998 [2] et de
l’identification des différences génétiques existant
entre les divers types de mycobac téries, ce qui a
relancé aujourd’hui l’intérêt des chercheurs pour
ce domaine.
La tuberculose se laisse aussi mieux diagnostiquer
de nos jours au stade dit «latent»: les mycobacté-
ries sont capables de survivre durant des années,
voire des décennies, dans les macrophages alvéo -
laires et les granulomes du poumon humain (myco -
bactéries «dormantes»; tuberculose latente), avant
de se mettre à proliférer et donner lieu à une tuber -
culose active. Elles sont maintenues dans un équi-
libre dynamique par des cellules T spécifiques à la
tuberculose, responsables de la forma tion de la pe-
tite papule caractéristique en réponse au test intra -
dermique à la tuberculine. Cette réaction immuni-
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 559 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Quintessence
Si vous êtes confronté à une toux qui dure plus de deux à trois semaines, une
perte de poids d’origine indéterminée ou un état fébrile ainsi qu’à une radio-
graphie du thorax suspecte, pensez à la tuberculose! Faites examiner trois échan-
tillons d’expectorations, de préférence matinales, par un laboratoire de référence
à la recherche de bacilles tuberculeux.
En cas de traitement antituberculeux antérieur ou de provenance d’un pays à
forte incidence, il est indispensable de déterminer les résistances et souhaitable
de demander, si possible, de rechercher celle à la rifampicine par sonde géné-
tique (pour l’exclusion d’une forme de tuberculose MDR avec une résistance au
minimum aux deux principaux tuberculostatiques, soit l’isoniazide et la rifam-
picine). Le traitement devrait être discuté au préalable avec un spécialiste.
Après l’annonce au médecin cantonal, il faut examiner les membres de la
famille du patient tuberculeux et, en cas de résultat positif, les autres proches
(recherche d’une tuberculose latente) à l’aide de tests cutanés (tuberculine) et/ou
d’analyses sanguines (Interferon Gamma Release Assay, IGRA), éventuellement
en collaboration avec les spécialistes de la tuberculose de la Ligue pulmonaire.
Les nouveaux tests sanguins (IGRA) ne sont aptes ni à détecter ni à exclure
une tuberculose active. Ils ne sont toutefois pas influencés par la vaccination BCG,
ne nécessitent qu’une seule prise de sang et n’ont pas d’effet booster. Ils se prê-
tent particulièrement au screening lors de l’engagement de nouveaux collabo-
rateurs et collaboratrices du système de santé et du milieu carcéral.
Summary
Diagnosing tuberculosis in 2008
Cough persisting for more than 2–3 weeks, unexplained weight loss or fever,
plus suspect x-ray findings, strongly suggest tuberculosis. Sputum tests for
tuberculosis should be carried out three times, preferably on morning sputum
in a reference laboratory.
In patients with a previous history of treated tuberculosis or originating from
a high-incidence country, resistance testing and, if possible, gene probe detec-
tion of rifampicin resistance are mandatory (to rule out MDR tuberculosis with
resistance to at least the two most important tuberculosis drugs isoniazid and
rifampicin). Treatment should be discussed beforehand with a specialist.
After notification of the cantonal health authorities, family members and, if
the result is positive, other close contacts of tuberculosis patients should be
screened for infection (latent tuberculosis) by skin (tuberculin) testing and/or
blood tests (interferon gamma release assay, IGRA), if necessary with assistance
from the local Lung association.
The new blood tests (IGRA) are unable to detect or rule out active tuberculo-
sis. They are however uninfluenced by BCG vaccination, require only one blood
sample and cause no booster effect. They are particularly suitable for screen-
ing of job entrants in the healthcare and prisons sector.
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torations (décontamination) et la recherche sur les
préparations natives des bâton nets acido-résistants
(aujourd’hui le plus souvent par microscopie à
fluorescence). La mise en évidence sur des cultures
en milieu liquide est devenue possible aujourd’hui
en l’espace de trois à vingt jours (par ex. systèmes
Bactec 460 ou Bactec MGIT 960).
Le diagnostic direct de la tuberculose à partir de
matériel d’expectoration prélevé en milieu clinique
(expectorations, urines, etc.) à l’aide de techniques
de biologie moléculaire par PCR ou d’autres procé -
dés s’est surtout avéré intéressant pour les échan-
tillons positifs à l’examen microscopique. Chez les
malades tuberculeux provenant de pays à forts
taux de résistance (Europe de l’Est et Russie, Asie,
Afrique) et/ou ayant déjà bénéficié par le passé
d’un traitement tuberculostatique, la mise en évi-
dence directe du gène (rpoB-Gen) responsable de
la résistance à la rifam picine (RMP) peut livrer en
quelques heures des informations déterminantes
concernant les résistances des myco bactéries
(INNO-LiPA Rif.TB; Innogenetics, Belgique; Hain
Lifescience, Nehren, Allemagne). Comme une résis -
tance à la RMP s’accompagne dans la plupart des
cas d’une résistance à l’isoniazide (INH), le diag-
nostic de suspicion de tuber culose MDR (multi-
drug-resistent, résistante à l’INH et à la RMP) peut
être posé précocement, et le traitement par les
antibiotiques de réserve instauré rapidement.
En Suisse, il est possible de procéder à une recherche
des résistances aux principaux tuber culostatiques
(INH, RMP, pyrazinamide et éthambutol) de tout
agent tuberculeux isolé pour la première fois. Les
résistances sont la conséquence d’une ou de plu-
sieurs mutations ponctuelles s’étant produites par
étapes successives. Elles ont été décrites pour tous
les médicaments de base et malheureusement déjà
aussi pour plusieurs médicaments de réserve [5].
Des techniques plus simples de détermination des
gènes responsables des résistances font appel à
des sondes de DNA directement appliquées au ma-
tériel clinique et suscitent de grands espoirs pour
l’avenir. Elles ne sont malheureusement pas en-
core réalisables dans les conditions du laboratoire
de routine [6].
Les essais effectués jusqu’ici pour diagnostiquer
des tuberculoses pulmonaires et extra-pulmonaires
avec des tests sérologiques ne sont pas encore
concluants [7], pas plus que les «nez» électroniques
ou la chromatographie gazeuse, qui consistent à
«renifler» la présence des mycobactéries directe-
ment dans les expectorations [8, 9].
Mesures immédiates: mise en route
du traitement, isolement éventuel, et examen
de l’entourage
Si des mycobactéries sont présentes dans les ex-
pectorations, les sécrétions bronchiques ou les
cultures, on parle de tuberculose «ouverte». La mise
en route immédiate du traitement doit s’accom-
pagner de mesures d’isolement correspondantes
et d’examens de l’entourage. En cas d’incertitude,
les spécialistes de la tuberculose des ligues pul-
monaires, les médecins cantonaux, les pneumo-
taire spécifique peut aussi être examinée quan -
titativement à l’aide d’une analyse sanguine ap -
pelée Interferon gamma release test (IGRA). Les
mycobactéries peuvent reprendre leur proliféra-
tion au moment d’un fléchissement des défenses
immunitaires, suite par exemple à une infection
HIV, à un traitement par inhibiteurs du TNF ou
à l’âge avancé. La mise en route d’une chimio -
thérapie pré ventive d’isoniazide permettra de les
éliminer. En l’absence de chimiothérapie, un pa-
tient porteur d’une tuberculose latente sur dix va
acquérir une tuber culose active durant sa vie.
Et cette probabilité est encore bien plus élevée
parmi les patients atteints du SIDA, puisqu’elle
atteint jusqu’à 8% par année post-infection.
La stratégie de la lutte dans les pays industria lisés
comme la Suisse repose donc aujourd’hui princi-
palement sur le diagnostic précoce et le traitement
de la tuberculose active, ainsi que sur le dépistage
de la tuberculose latente, la chimiothérapie pré-
ventive chez les sujets infectés, et finalement sur
le screening des populations à risque.
Tuberculose active
Le diagnostic de laboratoire de la tuberculose active
connaît aussi aujourd’hui de nouveaux dévelop-
pements: il est devenu plus rapide et plus précis
grâce à des méthodes de biologie moléculaire, et il
est par ailleurs capable de déceler précocement
certaines résistances aux médicaments. Le point
le plus important dans le diagnostic de la tubercu-
lose demeure néanmoins: le médecin doit y penser!
Les symptômes (toux depuis plus de deux à trois se-
maines, asthénie, état fébrile) et les signes cliniques
(perte de poids, auscultation rarement suspecte)
sont si peu spécifiques que seuls le pays de prove-
nance, l’anamnèse familiale et celle des voyages,
ainsi que la durée des symptômes peuvent fournir
quelques indices [3]. Les radiographies du thorax,
demandées sur la base de la moindre suspicion et
comportant des images pathologiques, constituent
souvent les premiers éléments objectifs suscepti-
bles d’attirer l’attention. Il faut ensuite impérati-
vement faire examiner trois échantillons d’expec-
torations, le premier obtenu immédiatement au
cabinet et les deux autres pris à domicile, le matin
des deux jours suivants, dans le but de rechercher
des bacilles tuberculeux. Si le patient n’a pas d’ex-
pectorations, on peut les provoquer par inhalation
d’une solution de NaCl 3%, ce qui implique toute-
fois un gros risque de contagion pour l’examinateur,
tout comme d’ailleurs le prélèvement bronchosco-
pique des sécrétions.
envoyer le matériel prélevé, et quels examens
demander?
Nous recommandons une collaboration active avec
un laboratoire de haute qualité disposant d’ores et
déjà d’une grande expérience dans les étapes sui-
vantes de l’investigation, notamment l’identification
et la recherche des résistances [4]. Cela ne concerne
pas seulement la préparation spécifique des expec -
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thorax suspectes de tuberculose, d’un test cutané
à la tuberculine ou éventuellement d’un test san-
guin positif et d’une anamnèse suggestive, sans
réponse à une antibiothérapie non spécifique. Les
fluoroquinolones ne devraient pas être utilisées
dans le cadre d’un traitement non spécifique, car
elles agissent également contre les mycobactéries,
et une réponse au traitement risquerait de retar-
der le diagnostic de certitude (tab. 1 p). Même en
cas de cultures négatives, il faut procéder à un exa-
men de l’entourage en même temps que l’on met
en route le traitement spécifique avec quatre (trois
chez l’enfant) tuberculostatiques, dans la mesure
où le risque de contagion existe malgré tout, et où
il importe de rechercher l’origine de l’infection. La
suite dira alors si le diagnostic de suspicion était
correct et si le traitement doit être poursuivi du-
rant six mois.
Les tuberculoses extrapulmonaires s’observent
chez nous surtout chez les enfants et les personnes
âgées. Elles sont difficiles à diagnostiquer. Les nou-
veaux tests sanguins IGRA, dont la sensibilité est
insuffisante, ne permettent pas d’exclure une tu-
ber culose active, si bien que le diagnostic repose
exclusivement sur les résultats des cultures et sur
une clinique souvent très lentement progressive.
Tuberculose latente
Test cutané ou sanguin?
La mise en évidence d’une tuberculose latente ou
d’une infection tuberculeuse sans signes de mala-
die est possible au plus tôt huit à dix semaines
après la contamination. Le test cutané à la tuber -
culine (aussi appelé Mantoux) est jusqu’ici la seule
manière de vérifier si un sujet est infecté par un
agent tuberculeux. Toutes les données connues à
ce jour sur les taux d’infection, sur la fréquence de
la maladie et sur le traitement préventif sont ba-
sées sur ce test. Les cellules T helper spécifiques
pour la tuberculose produisent la cytokine interfé-
ron gamma à la suite d’un contact avec l’antigène
tuberculeux (tuberculine). Le test cutané à la tu-
ber culine déclenche la formation d’une papule au
niveau de l’avant-bras en l’espace de trois à sept
jours. Le diamètre de l’induration – pas celui de la
réaction érythémateuse (rougeur)! – est mesuré en
millimètres.
L’interféron gamma peut maintenant être mesuré
quantitativement au laboratoire dans les 24 heures
à l’aide d’un test IGRA photométrique sur sang
frais (test QuantiFERON – TB Gold; Cellestis, Aus-
tralie) ou par la numération des cellules spécifiques
de l’antigène (test T-Spot.TB; Oxford Immu notec,
Royaume-Uni). Les principaux inconvénients en
sont les coûts élevés et la nécessité, soit de centri-
fuger immédiatement le sang complet, soit d’ap-
porter l’échantillon au laboratoire dans les douze
heures. Contrairement au test cutané, les tests
sanguins restent cependant négatifs après la vac-
cination au BCG et ne réagissent pas non plus aux
mycobactéries non tuberculeuses, à l’exception de
M. kansasii, M. marinum et M. szulgai. D’autre part,
logues et les infectiologues sont là pour aider à
la prise en charge. La Ligue pulmonaire suisse a
mis sur pied une hotline à l’intention des médecins
(tél. 0800 388 388) et a élaboré un manuel de ré-
férence en collaboration avec l’Office fédéral de
la santé publique [13]. Il serait souhaitable que le
traitement de tous les nouveaux cas de tuberculose
survenant en Suisse fasse l’objet d’une discussion
préalable avec un médecin ayant l’expérience re-
quise dans le traitement de cas aussi complexes,
ou que le patient soit hospitalisé dans une unité
d’isolement spéciale pour mettre le traitement en
route.
La tuberculose est une maladie soumise à l’obli-
gation d’annonce, aussi bien pour le médecin que
pour le laboratoire. Le médecin cantonal délègue
en général aux responsables de la tuberculose des
ligues pulmonaires la recherche des autres cas
infectés parmi les proches, autrement dit les exa-
mens de l’entourage. La ligue pulmonaire peut
aussi être chargée des tâches d’information très
chronophages auprès des proches qui sont sou-
vent, et à juste titre, inquiets.
La génotypisation moléculaire (polymorphisme de
la longueur des fragments de restriction, RFLP)
permet en plus de comparer les souches de bacilles
tuberculeux de différents patients [10] et de suivre
ainsi les voies de transmission de manière beau-
coup plus précise que ne le permet le simple inter -
rogatoire des patients.
Tuberculose avec culture négative –
et tuberculose extrapulmonaire
Les mycobactéries ne sont normalement identi-
fiables dans les préparations directes que lorsqu’il
y a plus de 10 000 bâtonnets acido-résistants par
millilitre d’expectorations. La culture des expecto-
rations est beaucoup plus sensible avec un seuil de
détection plus bas, de l’ordre de 100 mycobacté-
ries. Dans certains cas isolés, en particulier chez
les enfants, le diagnostic de tuberculose doit être
posé, même sans confirmation par une culture po-
sitive, uniquement sur la base de radiographies du
Tableau 1. Standards internationaux pour le diagnostic de la tuberculose [11].
1. Penser à une tuberculose devant toute toux d’origine indéterminée évoluant depuis plus
de deux à trois semaines!
2. Envoyer systématiquement 2, de préférence 3 échantillons d’expectorations pour une
recherche de tuberculose, dont au moins un sur un prélèvement du matin.
3. En cas de suspicion de tuberculose extrapulmonaire, prélever du matériel non seulement
pour la cytologie/histologie, mais aussi pour une culture.
4. Devant une radiographie de thorax suspecte de lésions spécifiques, toujours effectuer des
cultures d’expectorations à la recherche d’une tuberculose.
5. Même un examen direct négatif dans les expectorations pour les bacilles acido-résistants
en présence d’une radiographie du thorax suspecte et d’une non-réponse au traitement
antibiotique durant 1 à 2 semaines (pas avec une fluoroquinolone!) ne permet pas d’écarter
définitivement le diagnostic de tuberculose. On instaurera donc malgré tout un traitement
tuberculostatique, surtout chez les patients avec HIV/SIDA.
6. Chez les enfants avec un test cutané positif ou éventuellement un test sanguin positif et/ou
une anamnèse d’exposition et des signes radiologiques, demander des cultures d’expec-
torations, un examen du liquide gastrique ou des sécrétions bronchiques.
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Populations à risque
Traitements par inhibiteurs du
Tumor Necrosis Factor (TNF)
Comme le TNF joue, en tant que cytokine, un rôle
dans le confinement des mycobactéries dans les
granulomes, le traitement par les anticorps mono -
clonaux contre le TNF, introduits en 1998, notam -
ment l’infliximab, l’étanercept et l’adalimumab,
peut entraîner l’activation d’une tuberculose latente.
Un examen préalable par un test cutané ou san-
guin est donc indispensable avant l’instauration
d’une chimiothérapie préventive. Il s’agit en effet
d’éviter le passage à des formes d’évolution tuber -
culeuse parfois très sévères et souvent extrapul-
monaires [14, 15]. Le TNF est coresponsable des
symptômes de la tuberculose, et son blocage peut
masquer l’éclosion de la maladie et augmenter le
risque de la manquer. On recommande dès lors de
commencer la chimiothérapie antituberculeuse
préventive au minimum un mois avant de démar-
rer un traitement par inhibiteur du TNF.
HIV / SIDA
L’infection simultanée par le HIV et le bacille tuber -
culeux constitue l’un des plus grands problèmes
de santé dans le monde. Une infection HIV rend le
diagnostic plus difficile, car la tuberculose est alors
plus souvent extrapulmonaire et donc associée à
des images atypiques sur les radiographies du
thorax, avec des infiltrats principalement dans les
bases, moins de cavernes, et un diagnostic bacté-
riologique plus difficile [16]. Elle accélère la progres -
sion de la tuberculose et augmente la mortalité.
Les résultats de l’étude suisse de cohorte HIV ont
montré que les sujets avec un test cutané à la tuber -
culine positif présentent chez nous aussi un taux
de tuberculose active 25 fois plus élevé en l’absence
de chimiothérapie préventive [17]. On fera par
conséquent un test de dépistage du HIV chez tout
patient tuberculeux, car la tuberculose est souvent
la première manifestation d’un SIDA.
Enfants
Les enfants en bas âge, surtout au cours des deux
premières années de vie, présentent un haut risque
d’être contaminés – jusqu’à 80% – s’ils vivent avec
une personne dont les expectorations sont posi-
tives. La tuberculose évolue chez eux de façon plus
rapidement progressive avec des formes essentiel -
lement disséminées et des atteintes méningées. Le
diagnostic n’est souvent posé que dans le cadre des
examens de l’entourage et repose la plupart du
temps sur un test cutané positif, rarement sur des
radiographies ou la présence de bacilles dans les
expectorations ou le liquide gastrique. Le tableau
clinique est différent de celui des adultes. Les en-
fants présentent plus souvent une atteinte des
ganglions lymphatiques, ont souvent un agrandis-
sement hilaire unilatéral et plus rarement des infil -
trats pulmonaires parenchymateux, en général du
côté droit, avec participation pleurale.
contrairement au test cutané, ils n’ont pas d’effet
booster et peuvent donc être répétés sans pro-
blèmes. La question de savoir si ces tests permet-
tront d’identifier plus efficacement que le test cu-
tané les sujets infectés susceptibles de développer
ultérieurement une tuberculose active doit encore
faire l’objet d’études prospectives.
Malgré son coût supérieur et du fait de sa simpli-
cité – il suffit en effet d’une seule consultation pour
la prise de sang – et de sa meilleure spécificité, on
préférera le test sanguin au test cutané pour le
screening dans les populations à risque, par exem-
ple chez le personnel hospitalier. Dans les examens
ciblés de l’entourage, on recommande pour l’ins-
tant en Suisse une démarche en deux étapes, moins
coûteuse, et consistant d’abord à pratiquer un test
cutané chez tout le monde, puis d’effectuer dans
un deuxième temps un test sanguin chez ceux dont
le résultat du dépistage initial était positif. Ce n’est
qu’ensuite qu’une chimiothérapie antituberculeuse
préventive sera mise en route [12, 13]. Chez les
patients immunosupprimés, le test T-Spot.TB est
peut-être supérieur au QuantiFERON, car il tient
compte du petit nombre de cellules T et livre moins
de résultats douteux («indeterminate»). Chez les en-
fants de moins de 5 ans, les données sont encore in-
suffisantes, si bien que le test cutané reste la méthode
de choix. Les tests sanguins ne permettent pas non
plus, même chez les enfants, de distinguer entre une
infection tuberculeuse et une tuberculose active, ni
d’exclure avec certitude une tuberculose active.
Indication
On ne fera un test cutané ou sanguin que s’il per-
mettra par la suite de proposer une chimiothérapie
préventive aux patients dont le résultat est positif!
C’est sans aucun doute le cas dans les examens de
l’entourage après un contact étroit et récent avec
une personne porteuse d’une tuberculose conta-
gieuse, en particulier s’il s’agit d’enfants ou d’ado-
lescents présentant un risque augmenté. Chez les
adultes, les taux d’effets indésirables du principal
antituberculeux prescrit, l’INH, augmentent avec
l’âge et constituent souvent un facteur de plus en
plus limitant, si bien qu’on renoncera en principe à
un traitement préventif à partir de l’âge de 35 ans.
Une autre indication non controversée concerne les
per sonnes souffrant d’une déficience immunitaire
et celles en passe de recevoir un traitement immu-
no suppresseur, aujourd’hui surtout par les inhibi-
teurs du TNF. Un screening général n’est au-
jourd’hui plus préconisé, même dans les écoles et
parmi les enseignants. Ce n’est que chez le person-
nel soignant et chez celui des établissements péni-
tenciers qu’un screening permet de mieux surveil-
ler l’évolution de leur santé en fonction de leur
situation de risque et facilite par la suite les examens
de l’entourage en cas de contact ultérieur avéré avec
la tuberculose.
Compte tenu des conn aissances actuelles, le test
sanguin ne peut être utilisé ni pour le diagnostic,
ni pour l’exclusion d’une tuberculose active, car il
peut aussi donner des résultats faussement néga -
tifs, en particulier dans les tuberculoses avancées!
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peu, voire aucun symptôme. Les examens sanitai -
res aux frontières, introduits en 1992 et compre-
nant une radiographie du thorax et une investiga-
tion des cas suspects, ont malheureusement été
abandonnés en 2006 pour des raisons de coûts,
bien qu’ils aient aussi permis de découvrir préco-
cement des cas de résistance aux antituberculeux
[18]. Comme la méthode de dépistage utilisée de-
puis lors, à l’aide d’un questionnaire recherchant
les symptômes, s’avère insuffisante, on discute à
nouveau d’un screening plus sélectif en fonction
du pays de provenance.
Personnel du système de santé et
des établissements pénitentiaires / centres
de requérants d’asile
Suivant le risque auquel est exposé le personnel de
certaines institutions, il est recommandé de prati-
quer un test sanguin à l’entrée en guise de scree-
ning (pas d’effet booster!). Le résultat servira de
référence pour les futurs tests nécessités par les
examens d’entourage après contact avec un patient
tuberculeux. On peut en plus, si le risque est élevé,
le répéter à des intervalles plus longs dans une op-
tique de surveillance épidémiologique.
Population des migrants
Comme le risque d’être atteint de tuberculose est
le plus grand entre la première et la cinquième an-
née après l’arrivée dans le pays, le screening des
immigrés en provenance de pays à forte inci dence
(plus de 50 nouveaux cas par 100000 habi tants et
par an; fig. 1 x) permet de diagnostiquer et de
traiter une tuberculose à un stade très précoce de
l’infection, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a encore que
Figure 1
Estimation de l’incidence de la tuberculose dans le monde en 2005. Les pays à risque élevé sont
indiqués en jaune, orange et en rouge (Organisation Mondiale de la Santé. Rapport de l’OMS:
Global tuberculosis control. 2006 fig. 3).
Je tiens ici à remercier le Professeur Gabriela Pfyffer
de l’Hôpital cantonal de Lucerne et le Dr Pieter Langloh
de Zurich pour leur lecture critique du manuscrit.
L’auteur occupe la fonction de président de la ligue
pulmonaire de Zurich.
Un autre article du Dr O. Brändli
faisant suite à celui-ci paraîtra dans
un prochain numéro de Forum
sous le titre «Comment traiter une
tuberculose en 2008?».
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Correspondance:
Dr Otto Brändli
Hömelstrasse 15
CH-8636 Wald
Veuillez prendre note aussi de l’ar-
ticle dans PrimaryCare n˚ 14/2008.
564-568 Braendli 141_f.qxp 24.7.2008 15:27 Uhr Seite 568
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