Cas clinique L’interface Un prurit vulvaire récurrent A recurrent vulvar pruritus S. Ly (cabinet de dermatologie, Gradignan) Vulvodynie • Candidose vulvovaginale récidivante U Vulvodynia • Recurrent vulvovaginal Candidiasis ne femme de 43 ans était adressée par sa gynécologue pour des “vulvodynies” évoluant depuis 2 ans et devenues permanentes depuis 3 mois. Elle avait comme principal antécédent une névralgie faciale traitée par propranolol et clonazépam. Les vulvodynies, à type de picotements et de brûlures, s’aggravaient en fin de journée ainsi que lors des frottements ; elles avaient conduit la patiente à supprimer les vêtements trop serrés et tout rapport sexuel depuis 3 mois. Une biopsie vulvaire avait été effectuée, considérée comme “aspécifique”, ainsi qu’un prélèvement mycologique vaginal négatif. De multiples topiques et ovules antifongiques avaient été proposés ponctuellement, sans aucune efficacité selon la patiente. Une prise en charge psychologique était envisagée. L’examen clinique montrait uniquement un érythème et un œdème de la petite lèvre droite débordant sur la face interne de la grande lèvre droite et sur la fourchette vulvaire (figure 1). Les différentes structures anatomiques étaient respectées. Le test au coton-tige déclenchait une sensation de brûlure au contact de la petite lèvre droite et du vestibule postérieur. En reprenant l’interrogatoire, on apprenait qu’un prurit intermittent et récurrent était associé, d’intensité cependant moindre que celle des brûlures. De nouveaux prélèvements mycologiques ont alors été effectués, avec un écouvillonnage intéressant à la fois la vulve et le vagin. L’examen direct et la culture montraient de nombreuses colonies de Candida albicans aux 2 sites prélevés. Un traitement local associant du fenticonazole en ovule (1/semaine pendant 3 mois) et en crème (1/jour pendant 1 mois) a permis de résoudre l’ensemble des symptômes : prurit, brûlures et dyspareunie. Discussion Nous rapportons l’observation d’une patiente adressée pour vulvodynie et dyspareunie, qui présentait en fait une candidose récidivante dont le traitement poursuivi 3 mois a permis de faire régresser l’ensemble des symptômes. Ce cas souligne premièrement l’importance d’un interrogatoire très précis sur les symptômes présentés par les patientes consultant pour vulvodynie. En effet, le prurit, négligé initialement chez notre patiente, relève toujours d’une étiologie organique, contrairement à certaines brûlures vulvaires (1). Il faut ensuite distinguer le prurit chronique “permanent”, caractérisant la lichénification ou certains lichens scléreux, du prurit chronique parfois discret et “intermittent”, souvent rythmé par les règles chez la femme jeune, évocateur d’une candidose récidivante (1). L’interrogatoire doit aussi rechercher des antécédents de candidose typique et évaluer avec précision l’efficacité ou non des traitements antifongiques déjà effectués. Outre l’existence du prurit, les données de l’examen vulvaire chez notre patiente n’étaient pas compatibles avec l’hypothèse d’une vulvodynie seule. La vulvodynie a été en effet redéfinie en 2004 par l’International Society for the Study of Vulvar Disease (ISSVD) [2] comme “un inconfort vulvaire chronique, le plus souvent à type de brûlure, sans lésion visible pertinente et sans maladie neurologique cliniquement identifiable”. Ainsi, l’examen vulvaire d’une patiente vulvodynique est normal ou subnormal, montrant parfois un érythème vestibulaire postérieur localisé autour des orifices des glandes de Bartholin dont la signification pathologique est discutée (1, 3). 6 Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 1 • janvier-février 2011 Légendes Figure 1. Érythème et œdème de la petite lèvre droite chez une patiente adressée pour vulvodynie : candidose récidivante. Figure 2. Érythème, lichénification et fissures de la partie inférieure des grandes lèvres et de la fourchette chez une jeune femme présentant une candidose récidivante. Cas clinique L’interface 1 2 Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 1 • janvier-février 2011 7 Cas clinique L’interface Contrairement à la symptomatologie bruyante de la vulvovaginite candidosique aiguë, la forme récidivante est responsable d’une vulvite beaucoup plus discrète, caractérisée comme chez notre patiente par un certain degré d’érythème et d’œdème au moment des poussées (1), intéressant les petites lèvres (figure 1, p. 7) et/ou la partie inférieure des grandes lèvres (figure 2, p. 7). Une lichénification peut être présente, rendant le diagnostic difficile (figure 2, p. 7). Celui-ci repose sur la mise en évidence de levures et de filaments à l’examen direct et/ou de nombreuses colonies à la culture. Il faut savoir répéter les prélèvements mycologiques et les effectuer au moment d’une poussée, au niveau vaginal mais aussi vulvaire, et surtout à distance de tout traitement antifongique local ou systémique. Ainsi faudra-t-il interpréter la négativité des prélèvements mycologiques préalables avec prudence et à la lumière des conditions de leur réalisation. La prise en charge d’une candidose récidivante est difficile. Que le traitement soit local (imidazolé local en ovule) ou systémique, il doit être prolongé entre 3 et 6 mois (4). Le fluconazole est efficace à 150 mg, 1 fois par semaine pendant 6 mois, mais aussi à dose dégressive, 1 fois tous les 15 jours à 1 fois par mois en maintenance (4, 5). Le choix entre traitement local et/ou systémique ne repose actuellement pas sur des données contrôlées de la littérature. Il sera à discuter au cas par cas avec la patiente. Les facteurs favorisants de la candidose récidivante ont aussi été beaucoup discutés. La transmission du Candida au sein de couples hétérosexuels a fait l’objet d’une étude récente (6) qui confirme que le partenaire sexuel d’une femme atteinte de candidose récidivante ne constitue pas un réservoir contaminant. Ni la méthode contraceptive, orale ou stérilet, ni le nombre de partenaires sexuels n’ont d’influence. En revanche, la fréquence des rapports sexuels, probablement par le traumatisme muqueux qu’ils induisent, est significativement plus élevée chez les couples dont la femme souffre de candidose. II Références bibliographiques 1. Pelisse M. La vulve. De la clinique au traitement. Paris : Med’Com Éditions, 2004. 2. Moyal-Barracco M, Lynch PJ. 2003 ISSVD terminology and classification of vulvodynia: a historical Annonce perspective. J Reprod Med 2004;49:772-7. 3. Mandal D, Nunns D, Byrne M et al.; BSSVD Guideline group. Guidelines for the management of vulvodynia. Br J Dermatol 2010;162:1180-5. 4. Denning DW and the working group of the British Society for Medical Mycology. Management of genital candidiasis. BMJ 1995;310:1241-4. 5. Donders G, Bellen G, Byttebier G et al. Individualized decreasing-dose maintenance fluconazole regimen for recurrent vulvovaginal candidiasis (ReCiDiF trial). Am J Obstet Gynecol 2008;199:613.e1-9. 6. Lisboa C, Costa AR, Ricardo E et al. Genital candidosis in heterosexual couples. J Eur Acad Dermatol Venereol 2011;25:145-51. 8 6th World Congress on Itch Brest, du 4 au 6 septembre 2011 Site Internet : www.univ-brest.fr/itch-brest-2011 Soumission des abstracts avant le 1er juin 2011, à l’adresse suivante : www.medicaljournals.se/ifsiabstracts2011 E-mail : [email protected] Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 1 • janvier-février 2011 Océanopolis Port de plaisance du Moulin-Blanc 29200 Brest