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La Lettre du Pneumologue - Volume III - no5 - octobre 2000
ment aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès
ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des condi-
tions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si
cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossi-
bilité, de refus du patient d’être informé, la seule circonstance
que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense
pas les praticiens de leur obligation”.
L’information sur les risques graves, même s’ils sont exception-
nels, avec nécessité de conserver les éléments de preuve, est
désormais la règle en droit privé comme en droit public.
IV. CETTE RÈGLE EST-ELLE SANS LIMITE ?
Le droit ne connaît pas d’exemple de règle qui ne soit assortie de
limite. Trois types de limites ont été retenus par la jurisprudence.
Tout d’abord l’obligation tombe devant l’urgence, ou l’impossi-
bilité de donner cette information. Le principe est constant :
lorsque la maison brûle, les pompiers ne frappent pas à la porte
avant d’entrer.
Ensuite, le patient peut refuser d’être informé. Le droit à l’infor-
mation est établi dans l’intérêt du patient et celui-ci peut renon-
cer à ce droit. L’hypothèse est très fréquente en pratique. Elle
suppose toutefois que la démarche du praticien et la réponse du
patient soient effectives. Le patient, sachant que tout acte médi-
cal comporte une part d’incertitude, souhaite être informé des
risques courants. Mais il préfère ne pas connaître les risques
exceptionnels et s’en remet à la compétence du praticien.
Enfin, si le médecin doit tout mettre en œuvre pour informer, il
ne peut lui être reproché de ne pas avoir convaincu de la gravité
du risque.
À ces trois limites, il conviendra peut-être d’en ajouter une qua-
trième : à côté du risque exceptionnel, on peut évoquer le risque
rarissime et improbable. La classification entre risques courants
et risques exceptionnels ne résume pas la question. La littérature
comme l’expérience établissent l’existence de complications
graves et inexpliquées. C’est le “cas d’école”. L’information doit
être exhaustive, mais doit-elle inclure des hypothèses qui ren-
voient aux interrogations de la recherche ? Le droit ne légitime
pas des interrogations déraisonnables.
V. QUELLES SONT LES RÈGLES DE PREUVE ?
Le médecin doit donner l’information, et il est cohérent qu’il soit
en mesure de prouver qu’il a bien donné cette information. La
règle ancienne, soit la preuve à la charge du patient, était injuste
et peu praticable. Le praticien doit désormais maîtriser une bonne
gestion de l’écrit.
La règle nouvelle renvoie à une double préoccupation. La pre-
mière est d’ordre médico-légal : le praticien doit être en mesure
de prouver. La seconde est d’ordre humaniste : c’est une forme
de respect du patient que d’assurer à celui-ci la possibilité de
retrouver dans son dossier les conditions de décision et de réali-
sation des actes de soins.
L’écrit est une nécessité. Pour autant, ni le droit ni les juges ne
se satisferont d’écrits qui ne seraient que des alibis formalistes,
visant moins à permettre une démarche positive d’information
du patient qu’à se garantir d’un recours en responsabilité. Ce
qui est demandé, c’est qu’apparaisse au cas par cas une
démarche attentive, adaptée à la personnalité du patient, témoi-
gnant du souci de convaincre de l’utilité des soins et de leurs
risques éventuels.
Dans la dernière période, on a vu fleurir un ensemble d’écrits
détaillés, circonstanciés et exhaustifs, accompagnés d’une for-
mule de connaissance des risques, si ce n’est d’acceptation des
risques ou de décharge de responsabilité. Ces écrits sont d’une
valeur extrêmement relative. Ils ne témoignent pas de la démarche
positive qu’attend le juge. Ces écrits peuvent au contraire être
appréciés de manière fort négative, dès lors que le souci de pro-
tection du praticien l’emporte sur le devoir d’information du
patient. Que signifie la signature d’un tel document alors que le
patient ne dispose peut-être que d’une faible connaissance de
l’écrit, ou se situe dans un contexte psychologique le rendant
incapable d’analyser ce qu’il signe ? Que signifie la signature
d’un formulaire alors que ce que demande le droit, c’est une
démarche humaine et attentive ?
Le juge prendra en compte les protocoles établis, les documents
remis au patient, les notes dans le dossier médical, et l’écrit que
l’on aura demandé au patient de rédiger. La rédaction par le
patient, sur papier libre, d’un texte peut-être maladroit mais sin-
cère aura plus de signification que la signature apposée au bas
d’un document rédigé par une société savante. Et à côté de l’écrit,
reste la conviction du juge, qui se forge à partir de tous les indices,
loin du formalisme…
VI. CETTE RESPONSABILITÉ NOUVELLE
N’EST-ELLE PAS EXCESSIVE ?
Sauf à ne rien comprendre, il faut soigneusement distinguer les
divers régimes de responsabilité. Si la règle fixée par les tribu-
naux peut paraître excessive, elle n’est pas démesurée. Ce sont
des analyses un peu fantasmatiques qui ont pu faire croire à un
risque judiciaire insupportable pour le praticien.
L’implication personnelle du médecin n’est effective que dans le
cadre pénal. Il ne s’agit pas alors de responsabilité, mais de culpa-
bilité. Le code pénal n’établit de culpabilité que si la faute a causé
un dommage. Or, des circonstances dans lesquelles le défaut d’infor-
mation serait directement la cause du dommage renvoient aux hypo-
thèses d’école. Le défaut d’information a pu modifier le consente-
ment. Le patient n’a pas été pleinement informé. Le praticien ne lui
a pas donné toutes les chances d’une décision éclairée. La perte de
chance s’analyse comme un aléa, une absence de certitude, et le
droit pénal ne peut entrer en œuvre. C’est l’application du principe
constant selon lequel le doute bénéficie à l’accusé. .../...