MISE AU POINT
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La Lettre du Pneumologue - Volume V - no6 - nov.-déc. 2002
L
es progrès récents dans la ventilation mécanique au
cours de la décompensation respiratoire aiguë (IRA)
des patients avec bronchopneumopathie chronique
obstructive (BPCO) sont la ventilation non invasive (VNI) en
pression positive (1) et les évolutions technologiques accomplies
au niveau des respirateurs. Plusieurs essais prospectifs randomi-
sés contrôlés en réanimation (2) mais aussi en pneumologie (3)
ont montré l’efficacité de la VNI chez ces malades par rapport à
un traitement médical standard ; il importe de souligner que ces
études ont porté sur des malades sélectionnés, n’ayant ni critères
de recours à l’intubation trachéale d’emblée ni contre-indication
à la VNI. Le succès de la VNI dépend de facteurs liés à la gra-
vité de l’état du patient ou de l’IRA, à la technique elle-même
(bonne utilisation des interfaces, modes, réglages, respirateurs)
et à la capacité de l’équipe médicale et paramédicale à mettre en
route et à gérer correctement cette technique. Contrairement à la
VNI, l’utilisation de la ventilation invasive (VI) est gouvernée
non pas par des recommandations issues d’essais randomisés
prospectifs mais par des données physiopathologiques. La phy-
siopathologie de l’IRA des BPCO dépasse largement le cadre de
cet article centré sur les réglages du ventilateur en VI et en VNI
dans ce contexte. Nous n’envisagerons pas la VNI par pression
négative périthoracique, plus marginale, mais qui, réalisée par
des équipes entraînées, aboutit aux mêmes résultats que la VNI
en pression positive chez les malades avec BPCO en IRA.
VENTILATION INVASIVE
Les indications de l’intubation trachéale sont assez mal codifiées.
Il faut donc systématiquement se poser la question du bien-fondé
de son indication chez ces patients. Les indications d’intubation
trachéale sont précisées clairement dans deux essais randomisés
prospectifs (2, 3) portant sur l’efficacité de la VNI et dont un des
critères de jugement principaux était précisément le recours à l’intu-
bation trachéale. La prothèse endotrachéale devrait être de grand
diamètre (diamètre interne de 8-8,5 chez l’homme et de 7,5 chez
la femme) pour offrir moins de résistance à l’écoulement gazeux.
Toutefois, l’incidence des complications laryngotrachéales de cette
intubation est proportionnelle à la taille de la prothèse.
On peut séparer la VI en deux phases successives (tableau I) :
une phase initiale pendant laquelle d’excessives charges élas-
tiques et résistives imposent la sédation du malade, la seconde,
qui fait suite à la précédente plus ou moins rapidement, au cours
de laquelle la ventilation spontanée (VS) du patient devient
opérationnelle.
1.Les objectifs de la première phase sont de corriger les anoma-
lies gazométriques en favorisant une baisse progressive de la
PaCO2, de permettre un repos musculaire respiratoire, d’attendre
l’amélioration de la mécanique ventilatoire et de ne pas aggraver
la distension gazeuse. Ces objectifs sont atteints en réglant le res-
pirateur en mode volume contrôlé (VC) avec un volume courant
(VT) de l’ordre de 6-8 ml/kg, une fréquence respiratoire basse et
un rapport temps inspiratoire/temps total bas. Ces deux derniers
réglages cherchent à ménager le temps expiratoire le plus long
possible pour se rapprocher du volume de relaxation du système
respiratoire. Le recours à la sédation est fréquent lors de cette
phase. Sa titration permet de raccourcir sa durée d’utilisation et
de réduire la morbidité (4). L’utilisation d’une pression expira-
toire positive (PEPe) n’est, à ce stade, pas recommandée en rou-
tine. Le débit inspiratoire constant n’a pas d’avantage sur le débit
décélérant mais permet toutefois une surveillance continue de la
résistance et de l’élastance du système respiratoire (5).
Le collapsus de reventilation peut être secondaire à différents
mécanismes souvent associés : baisse trop rapide de la PaCO2,
sédation excessive, hypertension artérielle pulmonaire aiguë avec
défaillance cardiaque droite, réduction de la précharge ventri-
culaire droite. Les variations trop rapides de PaCO2sont asso-
ciées à des variations de pH dans le sens d’une alcalose à l’ori-
gine de troubles du rythme cardiaque ou de convulsions. Ces
complications peuvent être favorisées par une hypophosphoré-
mie parallèle aux variations de pH et de PaCO2, hypophospho-
rémie dont la prévention devrait être systématique.
La détermination de la pression plateau, reflet de la pression
alvéolaire télé
-
inspiratoire, et de de l’auto-PEP, elle-même reflet
de la pression alvéolaire télé-expiratoire, peut être utile pour adap-
ter les réglages du ventilateur. Maintenir la pression plateau en
Réglages du ventilateur
au cours de la décompensation respiratoire aiguë
des malades avec bronchopneumopathie
chronique obstructive
C. Guérin*
* Service de réanimation médicale, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.
dessous de 35 cm H2O et l’auto-PEP inférieure à 10 cm H2O sont
des recommandations raisonnables. La mesure directe de l’hyper-
insufflation pulmonaire dynamique est aisée chez un patient
relaxé. Maintenir sa valeur en dessous de 20 ml/kg permettrait
de réduire l’incidence d’hypotension ou de pneumothorax (6).
2.Soit d’emblée soit secondairement (après l’intubation trachéale),
le médecin peut laisser s’exprimer la VS du patient. Dans ce cas,
les objectifs de la VI sont de permettre le partage du travail respi-
ratoire entre ventilateur et pompe ventilatoire du patient, sans aug-
menter le travail respiratoire de celui-ci, et la bonne synchronisa-
tion entre efforts respiratoires et cycles mécaniques. À ce stade,
deux modes ventilatoires sont utilisables, volume assisté contrôlé
(VAC) et aide inspiratoire (AI). Aucun des deux n’est réellement
supérieur à l’autre sur des critères physiologiques (7), l’AI étant
associée à un plus grand confort, tout au moins en VNI (8).
Le réglage de la VAC doit permettre un débit inspiratoire suffisant
pour s’adapter à la demande ventilatoire du malade, en général élé-
vée, et pour réduire l’effort inspiratoire en cours d’insufflation
mécanique, c’est-à-dire faciliter la synchronisation patient-
machine. Cela est obtenu par une manipulation du débit inspira-
toire, du VT, du temps d’insufflation (Ti) et d’une pause téléins-
piratoire. Le débit décélérant pourrait être préférable au débit
constant, car il produit plus rapidement un débit inspiratoire maxi-
mal. Il est recommandé de fixer le débit inspiratoire à 60 l/mn,
voire 90 l/mn. Toutefois, chez le sujet normal, l’augmentation du
débit inspiratoire est suivie d’une tachypnée qui, raccourcissant le
temps expiratoire, pourrait faciliter l’hyperinsufflation pulmonaire
dynamique (9). En réalité, chez le patient avec BPCO, l’augmen-
tation du débit inspiratoire est associée au contraire à un allonge-
ment du temps expiratoire et à une diminution de l’auto-PEP (10).
Cet effet semble lié à l’inhomogénéité pulmonaire (10). L’intérêt
de la PEPe sera développé plus loin. En mode VAC, un asyn-
chronisme patient-machine peut résulter d’un décalage entre un Ti
neural trop long par rapport au Ti machine réglé : le patient n’a pas
fini son effort inspiratoire alors que la machine a fini d’insuffler.
Le patient continue son effort inspiratoire, illustré par une dimi-
nution de pression mesurée sur le respirateur en fin d’inspiration.
En aide inspiratoire, le cycle mécanique a quatre phases clés : le
déclenchement de l’inspiration, la vitesse de pressurisation, le
niveau de pression d’assistance, le déclenchement de l’expira-
tion. Rappelons qu’en AI, le VT dépend des variations de la com-
pliance et de la résistance du système respiratoire du patient.
Déclenchement de l’insufflation
Le déclenchement d’un cycle mécanique est assuré par un effort
inspiratoire suffisant pour atteindre le seuil de déclenchement réglé.
L’effort inspiratoire pour déclencher le respirateur est en fait un
élément mineur de l’effort inspiratoire total. L’augmentation de la
pression d’AI, si elle permet de réduire l’effort inspiratoire total,
laisse inchangé l’effort lié au déclenchement du cycle (11). Le
déclenchement du cycle mécanique à la suite d’un effort inspira-
toire peut être fondé sur la détection d’une diminution de la pres-
sion dans le circuit (triggeren pression) ou d’une variation de débit
(trigger en débit). Si l’effort inspiratoire est moindre avec un trig-
ger en débit, l’effort inspiratoire postdéclenchement est identique
entre les deux modes si bien que l’effort inspiratoire total (= trig-
ger + post-trigger) est comparable (12). C’est en effet l’intensité
de la commande qui régule l’effort inspiratoire puisque celui-ci
persiste et ne s’interrompt pas brutalement après le début de l’insuf-
flation mécanique. C’est finalement l’augmentation du niveau d’AI
qui permet de diminuer l’effort inspiratoire total en AI. Vingt-cinq
à trente pour cent des efforts inspiratoires ne sont pas suivis d’un
cycle mécanique. Ces efforts inefficaces contribuent à l’asyn-
chronisme patient-machine et à l’inconfort du malade car sa volonté
MISE AU POINT
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La Lettre du Pneumologue - Volume V - no6 - nov.-déc. 2002
Tableau I. Réglages du ventilateur en ventilation mécanique invasive chez les malades avec bronchopneumopathie chronique obstructive en
décompensation respiratoire aiguë.
Phase initiale avec sédation requise (bronchospasme-hyperinsufflation pulmonaire importante)
Mode volume assisté contrôlé VT 6-8 ml/kg pour pression plateau téléinspiratoire 35 cm H
2
O
Temps expiratoire le plus allongé possible pour obtenir un débit nul en fin d’expiration et/ou auto-PEP 10 cm H
2
O
Minimiser espace mort anatomique : pas de raccord annelé (20 ml), utiliser humidificateur chauffant plutôt qu’un filtre échangeur de chaleur et d’humidité
Monitorage pression et débit en fonction du temps Mesure pression plateau et auto-PEP après chaque changement de réglage
Mesure volume trappé à maintenir < 20 ml/kg FiO
2
pour SpO
2
92 %
Phase ultérieure ou phase initiale si sans sédation
Volume assisté contrôlé
Réglages VT, débit inspiratoire, temps inspiratoire
pour obtenir un débit inspiratoire 60 l/mn
Titrer augmentation débit inspiratoire
jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’altération courbe de pression
au cours de l’insufflation
Débit inspiratoire décélérant si poursuite effort inspiratoire
du patient malgré débit 60 l/mn
Aide inspiratoire
Réglage initial de la pression d’assistance pour obtenir VT 6-8 ml/kg
avec fréquence respiratoire patient entre 25 et 30 cycles par minute
Vitesse de pressurisation le plus élevée possible
Seuil de déclenchement inspiratoire en débit ou en pression à leur valeur minimale
Si efforts inefficaces, tester effet réduction du niveau d’aide inspiratoire ou PEPe
Si recrutement muscles abdominaux, tester effet réduction du temps inspiratoire
ou passage en pression assistée contrôlée
PEP externe 5 cm H
2
O ou en titrant sur efforts inefficaces Monitorage pression et débit en fonction du temps FiO
2
pour SpO
2
92 %
VT : volume courant ; PEPe : pression expiratoire positive externe – Auto-PEP : pression expiratoire positive intrinsèque
FiO
2
: fraction d’oxygène dans l’air inspiré – SpO
2
: saturation transcutanée en oxygène
de recevoir un VT n’est pas récompensée. La raison essentielle de
ce phénomène est que l’effort inspiratoire est prématuré et se trouve
confronté à l’hyperinsufflation pulmonaire dynamique. En effet,
le cycle qui précède l’effort inefficace est caractérisé par un VT
plus grand, un temps expiratoire plus court et une auto-PEP plus
élevée que le cycle qui précède un effort efficace (13). Ces carac-
téristiques du cycle précédant un effort inefficace sont dues à deux
mécanismes : un excès d’assistance (14) et un décalage entre le Ti
machine et le temps expiratoire neural (13). L’excès d’assistance
(figure 1), c’est-à-dire un niveau d’AI trop élévé ou un VT trop
grand en VAC (des efforts inefficaces sont bien sûr également pré-
sents en VAC), doit être systématiquement recherché. Une fré-
quence respiratoire du patient trop basse, inférieure à 15 cycles par
minute, est un bon élément d’orientation. Le décalage entre le Ti
machine et le temps expiratoire du patient est secondaire à l’ effort
expiratoire qui débute activement, par recrutement des muscles
abdominaux, notamment du transverse abdominal, alors que la
machine continue à insuffler (figure 2). Il s’ensuit une gêne au
débit expiratoire et une réduction du temps expiratoire du patient,
conduisant à l’hyperinsufflation pulmonaire dynamique. Pour ten-
ter de s’opposer à ce phénomène, il faut modifier le cyclage entre
inspiration et expiration (cf. infra).
Chez le patient avec BPCO, l’effort inspiratoire débute bien avant
le déclenchement du cycle mécanique, même si cet effort est effi-
cace. Cela est lié à l’auto-PEP. Des auteurs ont réussi à maîtri-
ser le signal EMG du diaphragme et à asservir le déclenchement
de l’aide inspiratoire au Ti neural (15).
Vitesse de pressurisation
Il s’agit de la vitesse à laquelle le niveau d’AI choisi est atteint.
Celui-ci dépend des capacités du respirateur à générer un débit
inspiratoire initial plus ou moins important. Ces capacités sont
très variables d’un respirateur à l’autre (16). Contrairement au
type de triggerqui, comme nous l’avons vu plus haut, n’influence
pas le travail inspiratoire total, une vitesse rapide de montée au
niveau d’AI réglé diminue le travail inspiratoire total (17).
Niveau d’aide inspiratoire
Le choix du niveau d’AI repose sur des critères avant tout cli-
niques. L’objectif est d’assurer un VT de l’ordre de 6-8 ml/kg
avec une fréquence respiratoire du patient entre 25 et 30 cycles
par minute, un confort optimal, une désynchronisation minimale
entre le patient et le ventilateur. Des pressions d’assistance supé-
rieures à 20 cm H2O sont à déconseiller.
Cyclage inspiration-expiration
En AI, le passage de l’inspiration à l’expiration est fondée sur un
critère de débit qui, selon les respirateurs, peut être un pourcentage
du débit de pointe ou une valeur absolue réglable. Chez le patient
atteint de BPCO, deux phénomènes physiologiques vont entraver
ce cyclage. Comme dit plus haut, l’effort expiratoire du patient peut
débuter à l’intérieur du Ti machine. Il en résulte un risque d’effort
inefficace, d’augmentation du travail respiratoire et d’asynchro-
nisme patient-machine, source d’inconfort. Par ailleurs, compte tenu
de l’allongement de la constante de temps du système respiratoire
chez ces malades, le temps nécessaire pour que le débit inspiratoire
atteigne le seuil de déclenchement est long. Tant que ce seuil n’est
pas atteint, la machine continue à insuffler alors que le patient sou-
haite expirer. Il en résulte un recrutement des muscles abdominaux
215
La Lettre du Pneumologue - Volume V - no6 - nov.-déc. 2002
Figure 1. De haut en bas sont figurés les signaux de débit, volume, pres-
sion des voies aériennes et pression pleurale (pression œsophagienne)
chez un malade ventilé en aide inspiratoire à 15 cm H
2
O (à gauche) et
20 cm H
2
O (à droite). Pour un niveau d’aide inspiratoire de 20 cm H
2
O
apparaissent des efforts inefficaces (flèches), visibles essentiellement
sur le tracé de pression œsophagienne. Ces efforts sont dus à un excès
d’aide inspiratoire, responsable de l’insufflation de grand volume cou-
rant. Ce type de phénomène est interprété comme l’expression de la mise
en jeu d’un réflexe de Hering et Breuer. D’après 14, avec permission.
PSV 15 PSV 20
L-s–1
.
V
L
V
Pao
Cm H2O
Ppl
Cm H2O
1
0
0,5
0
20
0
10
– 10
0
Figure 2. De haut en bas : signaux de débit, pression des voies aériennes
et signal EMG du muscle transverse abdominal chez un malade ventilé
en aide inspiratoire. L’effort expiratoire du patient débute au milieu de
l’insufflation par la machine (trait pointillé vertical). Celle-ci continue
l’insufflation jusqu’au critère de cyclage, indépendamment de l’effort
expiratoire du patient. Cet asynchronisme patient-machine peut contri-
buer aux efforts inspiratoires inefficaces. Pour éviter ce phénomène, il
faut réduire le temps d’insufflation, donc changer le mode de cyclage.
D’après 13, avec permission.
EMG
du transverse abdominal
(unités arbitraires)
Temps (secondes)
Pression dans
les voies aériennes
(cm H2O)
Débit
(l/s)
10
036
10 – 10 40 – 2 2
pour expirer, source d’asynchronisme patient-machine, d’augmen-
tation du travail respiratoire et d’inconfort. Pour tenter de remédier
à ces inconvénients, le cyclage de la machine peut être établi en
fonction du temps, le Ti machine peut être limité à une valeur maxi-
male réglable ou, encore, le mode pression assistée contrôlée dans
lequel la variable de cyclage est le temps peut être employé. Nous
reverrons ces phénomènes ultérieurement avec la VNI.
L’utilisation de la PEPe chez le patient BPCO
ventilé en AI ou en VAC
Elle agit essentiellement en s’opposant partiellement à la charge
élastique interne qu’est l’auto-PEP, qui réalise un véritable seuil
de déclenchement de l’inspiration : tant que la pression alvéo-
laire n’est pas négative l’inspiration ne peut débuter. La première
étape de l’inspiration chez les patients avec auto-PEP est d’annu-
ler celle-ci. La PEPe a ainsi les avantages suivants : augmenter
la rentabilité de la contraction des muscles inspiratoires, dimi-
nuer le travail respiratoire lié à l’auto-PEP (facteur principal du
travail inspiratoire total), diminuer le nombre d’efforts inspira-
toires inefficaces et réduire le recrutement des muscles abdomi-
naux, favorisant ainsi la synchronisation patient-machine. Une
des difficultés du réglage de la PEPe tient au choix de son niveau.
Des études menées chez des patients sédatés recommandent de
ne pas dépasser 85 % de l’auto-PEP statique (18, 19) pour éviter
la baisse du débit cardiaque liée à l’accentuation de l’hyperin-
sufflation pulmonaire dynamique. Une autre difficulté dans le
réglage de la PEPe selon la valeur de l’auto-PEP tient à la contri-
bution abdominale dans la valeur mesurée de l’auto-PEP, contri-
bution qu’il faut prendre en compte par la mesure de la pression
abdominale. L’adjonction d’une PEPe de 5 cm H2O à l’AI per-
met d’éloigner les muscles respiratoires du seuil de fatigue (20).
Ventilation proportionnelle en pression
En dehors des modes VAC et AI, elle offre une assistance en
pression proportionnelle à tout instant à l’effort inspiratoire du
patient. Extrêmement séduisant intellectuellement, ce mode
connaît des difficultés d’application en raison de la complexité
de son intégration dans le respirateur. Il n’est pas démontré que
la ventilation proportionnelle en pression soit supérieure à l’AI
pour réduire la durée de sevrage de la ventilation mécanique.
VENTILATION NON INVASIVE
Tous les développements précédents concernant les modes et les
réglages sont valables en VNI (tableau II). La ventilation pro-
portionnelle en pression a été également utilisée en VNI. Il y a
toutefois trois éléments spécifiques représentés par les interfaces,
les fuites et les respirateurs à utiliser en VNI.
MISE AU POINT
216
La Lettre du Pneumologue - Volume V - no6 - nov.-déc. 2002
Tableau II. Réglages du ventilateur en ventilation mécanique non invasive chez le malade avec bronchopneumopathie chronique obstructive en
décompensation respiratoire aiguë.
Interface initiale
Respirateur
Réglages initiaux
Durée
Surveillance
Masque facial avec le plus faible espace mort possible
Tester masque nasal si coopération parfaite, demande ventilatoire peu augmentée, interface habituelle du patient si ventilation à domicile
Expliquer au patient les objectifs et la réalisation
Appliquer et tenir manuellement l’interface sur le visage du patient
Ajuster le masque pour obtenir les fuites minimales
Fixer le masque de réanimation ou de domicile
Écran avec monitorage des signaux de pression et débit
Pas de raccord annelé
Humidificateur chauffant si respirateur de réanimation, pas d’humidification si turbine et FiO
2
< 50 %
Aide inspiratoire
Niveau d’assistance initial à 10 cm H
2
O au-dessus de la PEPe
Augmenter par paliers de 2 cm H
2
O selon tolérance (fuites), efficacité, sans dépasser 20 cm H
2
O au-dessus de la PEPe
Vitesse de pressurisation le plus élevé possible
Cyclage inspiration-expiration fondé sur le temps ou limiter le temps inspiratoire selon recrutement muscles abdominaux
ou effet de la fuite sur la prolongation du Ti machine
Pendant les 24 premières heures, au moins 50 % du temps en VNI
Diminution progressive selon efficacité et tolérance et contrôle du facteur déclenchant (OAP, pneumopathie, exacerbation, surdosage
médicamenteux)
Gazométrie artérielle au bout de 30 à 60 minutes
Évaluation clinique du confort, des fuites de la synchronisation patient-machine
(efforts inefficaces, recrutement muscles abdominaux)
Interfaces
Les plus employées sont le masque nasal ou le masque facial
(naso-buccal) ou l’embout buccal. Aucune étude ne permet réel-
lement de recommander le masque facial en première intention
chez les patients BPCO en IRA. Le masque nasal a l’avantage
d’être mieux toléré, mais il est moins efficace pour réduire
l’hypercapnie (21). Le confort du malade est significativement
meilleur avec des améliorations apportées au masque facial,
comme un coussinet gonflable qui permet de réduire les lésions
de pression au niveau du nez et les fuites (22). On peut ainsi obte-
nir à la fois efficacité et confort, facteurs majeurs de réussite de
la VNI (1). Il est recommandé d’opter pour un masque facial plu-
tôt que nasal en première intention. Une protection cutanée nasale
devrait être systématique. Des interfaces englobant totalement
ou partiellement la tête (Helmet, Total Full Face) sont en cours
d’évaluation. L’espace mort du masque facial mérite d’être pris
en considération car sa valeur peut varier de 80 (Peters) à 160 ml
(Trident®, Intersurgical). L’espace mort est minime avec le
masque nasal et quasi nul avec l’embout buccal.
Fuites en VNI
Elles sont très fréquentes, quasi obligatoires, mais variables en
fonction de différents facteurs. Il faut les prendre en considéra-
tion et chercher à les réduire car elles sont source d’inconfort
etd’échec (23), provoquent une hypoventilation alvéolaire puisque
le VT délivré est insuffisant, et exagèrent l’asynchronisme patient-
machine, donc l’inconfort. Pour diminuer les fuites en VNI, la
première action est d’agir sur l’interface et d’essayer un masque
facial en cas de fuites buccales avec un masque nasal ou de ren-
forcer la fixation du masque facial. Cela peut entraîner des lésions
de pression handicapant la suite du traitement. Par ailleurs, une
fixation excessive du masque facial luxera en arrière le maxillaire
inférieur, avec le risque de collapsus des voies aériennes supé-
rieures, donc d’hypoventilation. La gestion des fuites est facilitée
maintenant par des systèmes de fuites calibrées, comme les dis-
positifs de fuite intentionnelle ou les masques à fuite intégrée. La
deuxième action à tenter est de réduire les pressions en diminuant
le niveau d’AI, en abaissant ou en supprimant la PEPe. Les fuites
aggravent l’asynchronisme patient-machine. Prenons deux
exemples. En AI avec un cyclage inspiration-expiration fondé sur
un critère de débit, la fuite empêche d’atteindre ce seuil de déclen-
chement de l’expiration. Le ventilateur n’enregistrant pas ce cri-
tère de cyclage continue à insuffler jusqu’à une limite de temps
qui dépend de la fréquence minimale réglée. L’insufflation peut
ainsi durer 3 à 4 secondes (figure 3). Le malade, qui cherche à
expirer, ne le peut pas et recrute ses muscles abdominaux, ce qui
est source d’asynchronisme et d’inconfort, comme signalé plus
haut. Pour s’opposer à cela, on peut agir sur le respirateur en rac-
courcissant le Ti lorsqu’il est réglable, en utilisant en AI un cri-
tère de cyclage fondé sur le temps (24) ou en adoptant le mode
pression assistée contrôlée. Les modifications des algorithmes de
cyclage devraient permettre d’améliorer la transition inspiration-
expiration. De plus en plus de ventilateurs de réanimation ou de
domicile permettent de régler le trigger expiratoire. Le second
exemple est l’autodéclenchement inspiratoire induit par les fuites.
Dans ce cas, le respirateur comprend le débit de fuite comme une
variation de débit correspondant à un effort inspiratoire et
déclenche l’inspiration. Selon l’importance de la fuite, l’autodé-
clenchement est intermittent ou permanent. Il entraîne une tachy-
pnée avec hyperinsufflation pulmonaire dynamique et réduction
du VT délivré. Pour s’opposer à cela, on peut augmenter la sen-
sibilité du trigger ou diminuer les fuites.
Respirateurs
Le choix de respirateurs utilisables pour la VNI est très large
actuellement. La VNI peut être réalisée avec des respirateurs de
réanimation ou des respirateurs de domicile. Les premiers ont
pour avantages la puissance, des FiO2allant de 21 à 100 %, et le
monitorage des signaux de pression et de débit sur un écran. En
revanche, ils sont encombrants et fonctionnent à partir des gaz
muraux secs et froids, ce qui impose humidification et réchauf-
fement de l’air inspiré. Les seconds ont pour avantages d’être peu
encombrants, d’offrir une génération pneumatique par turbines
et de compenser les fuites. Ils ont pour inconvénients d’être limi-
tés en FiO2au-dessus de 50 % et de ne pas systématiquement
offrir un monitorage sur écran. Des différences très importantes
relatives aux phases clés de l’AI existent entre ces respira-
teurs (16). Toutefois, le rôle de ces différences dans l’échec de
217
La Lettre du Pneumologue - Volume V - no6 - nov.-déc. 2002
Figure 3. Représentation schématique de signaux de pression des voies
aériennes et de débit en aide inspiratoire. En cas de fuite (ligne poin-
tillée), le critère de débit pour le cyclage en expiration ne sera pas atteint.
La machine continue d’insuffler jusqu’à une valeur de Ti dictée par la
fréquence réglée sur le respirateur. La prolongation du Ti machine met
le patient qui veut expirer en asynchronie avec la machine. Le patient
recrute ses muscles abdominaux pour expirer, d’où augmentation du
travail respiratoire, inconfort et risque d’échec de la technique. Pour
éviter ce phénomène, il faut utiliser le temps comme variable de cyclage.
Des algorithmes ont été développés sur certains respirateurs pour ten-
ter de remédier à ce problème.
Débit de fuite
Ti machine prolongé
Critère
de cyclage
vers respiration
Temps
Débit
Pression
des voies aériennes
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