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La Lettre du Pneumologue - Volume V - no6 - nov.-déc. 2002
Leur activation est à l’origine d’une prolifération locale liée à la
production d’IL-2, d’une immobilisation et d’une prolifération
de monocytes.
Le développement progressif des granulomes est la résultante de
ces activations et interactions cellulaires. Les monocytes péri-
phériques maturent en progressant vers le cœur du granulome et
deviennent des cellules épithélioïdes regroupées en sous-unités
centrées par des lymphocytes.
Cette intense réaction cellulaire à l’origine de la formation de
granulomes sarcoïdiens a été observée dans le poumon. Les
macrophages alvéolaires, cellules jeunes, sont d’excellents pré-
sentateurs d’antigènes. Leurs capacités phagocytaires sont
importantes, de même que les productions d’enzymes protéoly-
tiques, de radicaux libres, d’enzyme de conversion de l’angio-
tensine (ECA) et de lysozyme (2, 3). Ils incorporent le gallium
67 et fixent les analogues de la somatostatine (4). Ils expriment
à leur surface un grand nombre de molécules HLA DR, le récep-
teur de l’IL-2 (CD25), le récepteur de la transferrine (CD71) et
des molécules d’adhérence permettant l’activation des lym-
phocytes T (2, 3). Au cours de la sarcoïdose, les lymphocytes T
activés expriment à leur surface le récepteur de l’IL-2, celui
de la transferrine, les molécules de classe II, le very late activa-
tion antigen 1 (VLA-1), le ligand des molécules de costimula-
tion B7 (CD28) et des molécules permettant les interactions avec
les macrophages. L’IL-2 est la cause principale de la proliféra-
tion locale de lymphocytes T, mais d’autres cytokines sont impli-
quées, telles que l’IL-15 (5) ; enfin, un environnement local évi-
tant l’apoptose pourrait aussi intervenir (6).
Le profil des cytokines produites par les lymphocytes T a été
caractérisé dans le liquide broncho-alvéolaire et les lésions
granulomateuses des malades (7). Il est de type Th 1, comme
dans l’hypersensibilité retardée ou dans la réponse aux agents
infectieux intracellulaires. L’orientation des lymphocytes T vers
le phénotype Th 1 semble liée à l’IL-12 et à l’IFN. L’IL-12
produite précocement est sécrétée par les macrophages dans
la sarcoïdose, et les lymphocytes T expriment nombre de ses
récepteurs ; elle est un puissant inducteur d’IFN, qui pourrait
jouer un rôle majeur dans la formation des granulomes (8, 9).
D’autres cytokines sont produites au sein des lésions, telles que
le GM-CSF et le TNF. Il en est de même des chémokines
comme le MIP-1, le MCP-1, le RANTES, l’IP-10 (10, 11). Les
granulomes peuvent évoluer sur plusieurs années, ou involuer
en laissant une cicatrice fibreuse.
ÉTIOLOGIE DE LA SARCOÏDOSE
L’étiologie de la sarcoïdose demeure incertaine en raison de la
diversité des tableaux cliniques, de la ressemblance avec d’autres
granulomatoses et de l’absence de test diagnostique spécifique.
La survenue de la maladie pourrait être multifactorielle, asso-
ciant une prédisposition génétique et une exposition à des fac-
teurs exogènes particuliers.
Des facteurs génétiques intervenant sur la réponse immunitaire,
la fonction des lymphocytes T, la présentation et la reconnais-
sance de l’antigène pourraient intervenir dans la genèse de la
maladie. Des haplotypes HLA particuliers ont été répertoriés
chez des patients d’origines diverses, associés à des formes cli-
niques et évolutives différentes (1). Des facteurs dépendant de
l’hôte comme le polymorphisme des gènes codant pour l’enzyme
de conversion de l’angiotensine (12) ou pour le récepteur de la
vitamine D (13) ont été évoqués. Une instabilité génétique a été
récemment décrite chez certains malades, laissant supposer que
des gènes suppresseurs de tumeur pourraient intervenir (14).
Cela est à relier à la découverte récente d’un risque accru de
développement d’un cancer au niveau des organes atteints (15).
La récidive de la sarcoïdose sur un poumon greffé à des malades
atteints de sarcoïdose est aussi un argument en faveur de fac-
teurs liés à l’hôte (16).
De nombreux agents, organiques ou inorganiques, tels que des
germes intracellulaires ou des complexes antigènes-anticorps,
peuvent déclencher la formation de granulomes de type immu-
nitaire. Les antigènes, sous forme de particules, sont internalisés
par les monocytes et les macrophages. Il y a accumulation et per-
sistance dans les cellules (germes résistants aux mécanismes de
bactéricidie intracellulaire) de substances immunogènes. Les tra-
vaux les plus récents ont porté sur le répertoire des lympho-
cytes T, pour préciser la spécificité antigénique, et sur la détec-
tion d’agents mycobactériens dans les lésions.
Le récepteur T présente une grande diversité due au réarrange-
ment des gènes codant pour différentes régions des chaînes qui
le composent. Si la sarcoïdose est due à des antigènes particu-
liers, on devrait retrouver des populations oligoclonales de lym-
phocytes T activés. Seul un nombre limité de clones de lym-
phocytes T a été retrouvé chez les malades (17). Des antigènes
ou des épitopes différents pourraient donc intervenir dans la sar-
coïdose. Enfin, il est probable que, lors de la réaction granulo-
mateuse, les lymphocytes T soient recrutés et activés de façon
non spécifique.
La formation de granulomes au site d’injection d’homogénats de
tissus sarcoïdiens au cours du test de Kveim-Siltzbach ou la sur-
venue de la maladie chez des sujets greffés à partir de donneurs
ayant un antécédent de sarcoïdose (18) plaident en faveur de
l’intervention d’un agent transmissible. De très nombreux agents
infectieux ont été suspectés ou recherchés au cours des dernières
décennies : mycobactéries, virus, mycoplasmes, Nocardia, cory-
nébactéries, Propionibacterium acnes... (19). Les mycobactéries
sont régulièrement suspectées, notamment du fait de nombreuses
similitudes cliniques, biologiques et histologiques existant entre
la sarcoïdose et certaines formes de tuberculose (20). Les clini-
ciens se doivent de rechercher un processus tuberculeux en cours
avant de traiter, ce qui nécessite souvent de longues semaines
d’attente pour obtenir des résultats définitifs de culture. La cor-
ticothérapie, traitement de référence de la sarcoïdose, compte
parmi ses multiples effets indésirables celui de révéler une infec-
tion latente à mycobactéries (21). De nombreux travaux ont porté
sur l’isolement de mycobactéries dans les tissus sarcoïdiens ou
la recherche de formes altérées expliquant le défaut de culture ou
l’absence de mycobactéries identifiables (culture lente et déli-
cate, nombre faible de bactéries, bactéries inertes, bactéries défi-
cientes ou transformées par une phage). Ces travaux basés sur
des techniques de microbiologie ont donné quelques résultats
positifs chez une minorité de patients (1).