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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n° 6 - juin 2002
MISE AU POINT
Le développement progressif des granulomes est la résultante
de ces activations et interactions cellulaires. Les monocytes
périphériques maturent en progressant vers le cœur du granu-
lome et deviennent des cellules épithélioïdes regroupées en
sous-unités centrées par des lymphocytes.
Cette intense réaction cellulaire à l’origine de la formation de
granulomes sarcoïdiens a été observée dans le poumon. Les
macrophages alvéolaires, cellules jeunes, sont d’excellents pré-
sentateurs d’antigènes. Leurs capacités phagocytaires sont
importantes, de même que les productions d’enzymes protéo-
lytiques, de radicaux libres, d’enzyme de conversion de
l’angiotensine (ECA) et de lysozyme (2, 3). Ils incorporent le
gallium 67 et fixent les analogues de la somatostatine (4). Ils
expriment à leur surface un grand nombre de molécules
HLA DR, le récepteur de l’IL-2 (CD25), le récepteur de la trans-
ferrine (CD71) et des molécules d’adhérence permettant l’acti-
vation des lymphocytes T (2, 3). Au cours de la sarcoïdose, les
lymphocytes T activés expriment à leur surface le récepteur de
l’IL-2, celui de la transferrine, les molécules de classe II, le very
late activation antigen 1 (VLA-1), le ligand des molécules de
costimulation B7 (CD28) et des molécules permettant les inter-
actions avec les macrophages. L’IL-2 est la cause principale de
la prolifération locale de lymphocytes T, mais d’autres cytokines
sont impliquées, telles que l’IL-15 (5) ;enfin, un environnement
local évitant l’apoptose pourrait aussi intervenir (6).
Le profil des cytokines produites par les lymphocytes T a été
caractérisé dans le liquide broncho-alvéolaire et les lésions
granulomateuses des malades (7). Il est de type Th 1, comme
dans l’hypersensibilité retardée ou dans la réponse aux agents
infectieux intracellulaires. L’orientation des lymphocytes T vers
le phénotype Th 1 semble liée à l’IL-12 et à l’IFNγ. L’IL-12
produite précocement est sécrétée par les macrophages dans la
sarcoïdose et les lymphocytes T expriment nombre de ses récep-
teurs ; elle est un puissant inducteur d’IFNγ,qui pourrait jouer
un rôle majeur dans la formation des granulomes (8,9). D’autres
cytokines sont produites au sein des lésions, telles que le GM-
CSF et le TNFα. Il en est de même des chémokines comme le
MIP-1, le MCP-1, le RANTES, l’IP-10 (10, 11). Les granu-
lomes peuvent évoluer sur plusieurs années, ou involuer en
laissant une cicatrice fibreuse.
ÉTIOLOGIE DE LA SARCOÏDOSE
L’étiologie de la sarcoïdose demeure incertaine en raison de la
diversité des tableaux cliniques, de la ressemblance avec
d’autres granulomatoses et de l’absence de test diagnostique
spécifique. La survenue de la maladie pourrait être multifacto-
rielle, associant une prédisposition génétique et une exposition
à des facteurs exogènes particuliers.
Des facteurs génétiques intervenant sur la réponse immunitaire,
la fonction des lymphocytes T, la présentation et la reconnais-
sance de l’antigène pourraient intervenir dans la genèse de la
maladie. Des haplotypes HLA particuliers ont été répertoriés
chez des patients d’origines diverses, associés à des formes cli-
niques et évolutives différentes (1). Des facteurs dépendant de
l’hôte comme le polymorphisme des gènes codant pour l’en-
zyme de conversion de l’angiotensine (12) ou pour le récepteur
de la vitamine D (13)ont été évoqués. Une instabilité génétique
a été récemment décrite chez certains malades, laissant suppo-
ser que des gènes suppresseurs de tumeur pourraient interve-
nir (14). Cela est à relier à la découverte récente d’un risque
accru de développement d’un cancer au niveau des organes
atteints (15). La récidive de la sarcoïdose sur un poumon greffé
à des malades atteints de sarcoïdose est aussi un argument en
faveur de facteurs liés à l’hôte (16).
De nombreux agents, organiques ou inorganiques, tels que
des germes intracellulaires ou des complexes antigènes-anti-
corps, peuvent déclencher la formation de granulomes de type
immunitaire. Les antigènes, sous forme de particules, sont
internalisés par les monocytes et les macrophages. Il y a accu-
mulation et persistance dans les cellules (germes résistants
aux mécanismes de bactéricidie intracellulaire) de substances
immunogènes. Les travaux les plus récents ont porté sur le
répertoire des lymphocytes T, pour préciser la spécificité anti-
génique, et sur la détection d’agents mycobactériens dans les
lésions.
Le récepteur T présente une grande diversité due au réarran-
gement des gènes codant pour différentes régions des chaînes
qui le composent. Si la sarcoïdose est due à des antigènes par-
ticuliers, on devrait retrouver des populations oligoclonales de
lymphocytes T activés. Seul un nombre limité de clones de
lymphocytes T a été retrouvé chez les malades (17). Des anti-
gènes ou des épitopes différents pourraient donc intervenir dans
la sarcoïdose. Enfin, il est probable que, lors de la réaction
granulomateuse, les lymphocytes T soient recrutés et activés
de façon non spécifique.
La formation de granulomes au site d’injection d’homogénats
de tissus sarcoïdiens au cours du test de Kveim-Siltzbach ou la
survenue de la maladie chez des sujets greffés à partir de don-
neurs ayant un antécédent de sarcoïdose (18) plaident en faveur
de l’intervention d’un agent transmissible. De très nombreux
agents infectieux ont été suspectés ou recherchés au cours des
dernières décennies : mycobactéries, virus, mycoplasmes,
Nocardia, corynébactéries, Propionibacterium acnes… (19)
Les mycobactéries sont régulièrement suspectées, notamment
du fait de nombreuses similitudes cliniques, biologiques et his-
tologiques existant entre la sarcoïdose et certaines formes de
tuberculose (20). Les cliniciens se doivent de rechercher un
processus tuberculeux en cours avant de traiter, ce qui néces-
site souvent de longues semaines d’attente pour obtenir des
résultats définitifs de culture. La corticothérapie, traitement de
référence de la sarcoïdose, compte parmi ses multiples effets
indésirables celui de révéler une infection latente à mycobac-
téries (21). De nombreux travaux ont porté sur l’isolement de
mycobactéries dans les tissus sarcoïdiens ou la recherche de
formes altérées expliquant le défaut de culture ou l’absence de
mycobactéries identifiables (culture lente et délicate, nombre
faible de bactéries, bactéries inertes, bactéries déficientes ou