Pathogénie du granulome tuberculoïde. Modèle de la sarcoïdose

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La revue de médecine interne 26 (2005) S2–S3
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Pathogénie du granulome tuberculoïde. Modèle de la sarcoïdose
A. Tazi
Service de pneumologie, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France
Disponible sur internet le 15 avril 2005
Bien que l’étiologie de la sarcoïdose demeure imprécise,
des progrès importants ont été réalisés dans la compréhension des mécanismes pathogéniques impliqués dans la réaction granulomateuse tuberculoïde qui caractérise cette affection. Ainsi, la sarcoïdose apparaît comme un syndrome
résultant de la combinaison de facteurs étiologiques indéterminés et d’un terrain génétique prédisposant qui aboutit à la
formation de granulomes immunitaires épithélioïdes.
Il est, en effet, clairement établi que la sarcoïdose est le
résultat d’une réaction immunitaire lymphocytaire T, principalement CD4+, en réponse à un antigène inconnu présenté
par les monocytes–macrophages de l’hôte, en association avec
les molécules de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité (HLA DR, DP, DQ chez l’homme). L’argument
déterminant en faveur de la présence d’une réponse immunitaire antigénique au cours de la sarcoïdose provient de la mise
en évidence de lymphocytes T oligoclonaux chez la plupart
des patients, notamment lors des phases actives de la maladie. Dans certains cas, il a été possible d’étudier de façon
séquentielle le répertoire des lymphocytes T alvéolaires des
patients et la proportion des lymphocytes T oligoclonaux
diminuait sous traitement ou avec la régression spontanée de
la maladie, ce qui conforte l’implication de ces lymphocytes
dans la pathogénie de la sarcoïdose. Des lymphocytes T clonaux très divers ont cependant été identifiés chez les différentes populations de patients étudiées, ce qui peut s’expliquer
par l’implication d’antigènes multiples dans la sarcoïdose, la
reconnaissance par les lymphocytes T de fragments distincts
du même antigène ou par l’implication de molécules présentatrices HLA différentes. Cependant, il est important de noter
qu’en dehors de ces lymphocytes T oligoclonaux, de très nombreux lymphocytes T polyclonaux sont aussi recrutés au site
de la réponse immunitaire par des mécanismes indépendants
de l’antigène et contribuent à la réaction granulomateuse sarcoïdienne.
La particularité de la réponse immunitaire sarcoïdienne est
son organisation en granulomes formés d’un follicule central
de cellules épithélioïdes dérivées des macrophages, assoAdresse e-mail : [email protected] (A. Tazi).
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doi:10.1016/j.revmed.2005.04.007
ciées à une couronne de lymphocytaire principalement de type
T. Ce granulome est un processus dynamique qui résulte de
l’attraction, l’accumulation et l’activation des différents types
cellulaires au site de la réponse immunitaire, qui interagissent entre eux par le biais de contacts membranaires et de
nombreux médiateurs solubles. L’accumulation initiale à la
fois des monocytes–macrophages et des lymphocytes T est
liée à la production locale, précoce, de nombreux médiateurs
chémotactiques pour ces cellules, à la fois par les cellules
inflammatoires mais aussi par les cellules mésenchymateuses et stromales du tissu concerné ainsi que par les cellules
endothéliales. Ces médiateurs comprennent notamment toute
une variété de chemokines qui attirent préférentiellement les
monocytes–macrophages et les lymphocytes T. Cette phase
de recrutement des cellules immunitaires s’accompagne de
modifications des cellules endothéliales vasculaires qui expriment des molécules d’adhésion facilitant le passage des cellules inflammatoires à travers la paroi capillaire. À côté de ce
recrutement cellulaire intense, il existe une part de prolifération locale à la fois des lymphocytes T et des monocytes–
macrophages.
Plusieurs groupes, dont le notre, ont montré que la réponse
immunitaire au cours de la sarcoïdose était de type TH1 au
niveau des lésions actives de la maladie (caractérisée notamment par la production d’IL-2, IFN-c et de TNF-b). L’importance de la réponse lymphocytaire TH1 dans le développement de la sarcoïdose est confortée par des situations cliniques
privilégiées, comme la survenue de tableaux « sarcoid-like »
chez des patients traités par l’IFN-a ou l’IFN-b pour diverses
pathologies (hépatite C, leucémie myéloïde, myélome...), ainsi
que chez certains patients VIH immunodéprimés traités par
l’IL-2 ou lors de la phase de restauration immunitaire consécutive au traitement antirétroviral. Ces manifestations cliniques sont, au moins en partie, liées à une stimulation ou à une
restitution de la capacité des lymphocytes T à sécréter de cytokines TH1. L’importance de l’IFN-c est soulignée par le fait
que les enfants porteurs d’une mutation du gène du récepteur
l’IFN-c présentent des BCGites et des mycobactérioses disséminées, avec des granulomes très mal organisés. Néanmoins, la polarisation de la réponse immunitaire sarcoïdienne vers un phénotype TH1 n’explique pas à elle seule
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l’organisation des lésions en granulomes. En effet, la formation de granulomes peut se voir en cas de réponse TH2 (ex. :
infection à schistosome) et certaines réactions antivirales de
type TH1 n’engendrent pas de granulome. À côté de la nature
de l’antigène en cause et du terrain génétique sous-jacent, de
nombreux médiateurs, en particulier l’IL-1, l’IL-12, l’IL-18,
l’IL-27, le TNF-a et le GM-CSF sont impliqués dans la formation du granulome sarcoïdien. Le rôle respectif de ces cytokines commence à être précisé notamment grâce aux modèles expérimentaux de réactions immunitaires granulomateuses
présentant des similitudes avec les lésions sarcoïdiennes.
Parmi ces différents médiateurs, le TNF-a paraît essentiel pour
la formation des granulomes tuberculoïdes comme le montrent les expériences réalisées chez des animaux K/O pour le
gène du récepteur du TNF-a. Ces animaux ont, en effet, une
réaction granulomateuse réduite et retardée en réponse à divers
antigènes mycobactériens. De plus, l’utilisation récente d’antiTNF-a au cours de la polyarthrite rhumatoïde ou de la maladie de Crohn, s’est accompagnée de cas de résurgence de
tuberculose parfois disséminée.
Une des questions essentielles et non résolues concerne
les mécanismes qui modulent le devenir du granulome sarcoïdien, notamment son involution ou au contraire sa persistance qui peut aboutir à l’altération des tissus concernés avec
parfois une réaction fibreuse importante. Des facteurs dépendant de l’hôte, peut être génétiquement déterminés, sont probablement en cause. De même, il est vraisemblable que la
capacité de la réaction immunitaire à dégrader de façon adéquate l’agent initiateur, ainsi que des mécanismes d’apoptose cellulaire sont aussi importants. Il a été aussi suggéré
que la production de TGF-b ou la conversion de la réponse
immunitaire vers un profil TH2, pourrait contribuer à l’involution de la réponse immunitaire au cours de la sarcoïdose.
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Enfin, il est vraisemblable que des lymphocytes T régulateurs soient impliqués dans ce phénomène de modulation de
la réponse immunitaire sarcoïdienne.
Les facteurs génétiques prédisposant à la sarcoïdose constitue un autre aspect pathogénique important et font l’objet
de nombreux travaux. En effet, plusieurs équipes essaient
d’identifier des gènes potentiellement impliqués dans la survenue de la maladie ou dans son mode évolutif. Ainsi, il a
suggéré que les gènes situés au niveau du bras court du chromosome 6 (qui chez l’homme, comprend de nombreux gènes
importants pour les réponses immunitaires) étaient impliqués dans la sarcoïdose. De même, plusieurs études du polymorphisme des gènes codant pour les molécules impliquées
dans la réponse immunitaire sarcoïdienne ont été rapportées,
mais ces résultats nécessitent des études complémentaires
pour vérifier l’absence d’un déséquilibre de liaison avec
d’autres gènes et faire la part de leur implication relative dans
la maladie. Enfin, par analogie avec la bérylliose chronique,
la caractérisation des molécules HLA de classe II associée à
la sarcoïdose vise aussi à rechercher des mutations éventuelles qui pourraient modifier la spécificité et l’affinité de la
liaison de la molécule présentatrice pour un peptide antigénique donné et induire ainsi une réponse immunitaire anormale. En effet, dans la bérylliose chronique, une mutation
d’un acide aminé sur un allèle de HLA-DPb1 (HLA
DP69 lys→glu) est fortement liée au risque de survenue de la
maladie chez les sujets exposés au Béryllium, mais cette mutation n’a pas été retrouvée chez les patients sarcoïdiens.
Quoiqu’il en soit, cette approche peut aider à sélectionner
des agents étiologiques de la sarcoïdose, en testant par exemple la capacité de peptides antigéniques différents à induire
une réponse TH1 en présence d’haplotypes HLA particuliers
présents chez les patients sarcoïdiens.
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