Sida Communiquer autrement Selon les pouvoirs publics, le sida continue de s’étendre. En France, plus de 120 000 personnes sont infectées par le VIH et 20 000 sont malades du sida. Chaque année, 1 600 à 1 800 personnes sont contaminées par le virus et, 600 à 800 malades en meurent. Les trithérapies ont quelque peu fait oublier la cruelle réalité. P rès de la moitié des personnes infectées ignorent leur séropositivité et, face aux contraintes, les traitements ne sont pas observés correctement. De plus, l’accès au dépistage et au traitement est difficile, voire impossible pour tous ceux qui se trouvent dans des situations de précarité extrêmes. Les chiffres sont inquiétants : 500 000 malades en Europe de l’Ouest et 36 millions de personnes infectées dans le monde (OMS). Une évolution qui inquiète Si le nombre de cas découverts avait tendance à diminuer fortement, il décroît plus lentement depuis deux ans. Ce phénomène, lié à une méconnaissance de la séropositivité, fait que le risque de contamination demeure grand, voire augmente. Selon le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire paru sur la maladie, 10 % des sida sont diagnostiqués chez des adultes jeunes, âgés de moins de trente ans. Ces adultes sont désormais le plus souvent des femmes contaminées selon un mode hétérosexuel (83 %). En revanche, chez les hommes, le mode de contamination prédominant est homosexuel (54 %) ; la fréquence de la contamination virale par injection de drogue, elle, diminue assez sensiblement. Quelles sont les raisons d’une telle évolution ? 48 % des adultes jeunes n’ont pas connaissance de leur séropositivité et 55 % n’ont encore bénéficié d’aucun traitement antiviral. Cette méconnaissance ou ce refus de voir la maladie, liés à des pratiques à risque comme celles de rapports non protégés ou de soirées échangistes, entraîne un développement sensible de la propagation virale. La reprise des comportements à risque chez les homosexuels est un phénomène qui préoccupe les associations. L’Institut de veille sanitaire note d’ailleurs une recrudescence des gonococcies. L’avènement des trithérapies a aussi donné de fausses assurances sur la curabilité possible de l’affection et a en- traîné une diminution des mesures de prévention. Et, bien entendu, il faut insister sur la nonconnaissance de leur séropositivité par les personnes : cette absence de savoir atteint même 75 % chez les personnes étrangères. Un nouvel aspect de la prise en charge Aujourd’hui, la prise en charge d’un patient atteint de VIH s’apparente plus à celle d’un patient atteint d’une maladie chronique. Plusieurs facteurs sont analysés avant de mettre en route les traitements. La recherche d’efficacité des antirétroviraux existe toujours, mais les problèmes de tolérance, de toxicité et l’acceptation du traitement sont davantage pris en compte. Par exemple, on ne considère plus comme dramatique l’arrêt des médicaments pendant un certain temps : le virus conserve sa sensibilité dans le plus grand nombre de cas. Cette attitude doit cependant être réservée à un cadre de protocoles de recherche. Les anomalies métaboliques sont recherchées car elles intègrent une stratégie thérapeutique, 50 % des patients traités par des antirétroviraux présentant ces anomalies à divers degrés. La mauvaise observance du traitement est dû aux effets indésirables mais aussi à la contrainte du nombre de prises de médicament. De nouvelles formes galéniques ont vu le jour, associant les antirétroviraux. La prise unique simplifie le traitement et la forme gélule limite les interactions médicamenteuses. Ces comportements à risque et ces nouvelles façons d’aborder les soins appellent une nouvelle manière de communiquer. L’association Aides rappelle que, si le préservatif reste la meilleure prévention, le mode injonctif n’a plus grand effet quand on sait le nombre de contaminations chez des personnes informées. Il s’agit d’être à l’écoute pour intervenir afin de déceler ces comportements et d’apprendre un savoir-faire pour aborder la sexualité dans un discours d’une grande clarté. Dr Michel Farge Professions Santé Infirmier Infirmière - No 24 - mars 2001 35