Q U E S T I O N S / R É P O N S E S Nous souhaitons que cette rubrique favorise les échanges. Faites-nous parvenir vos critiques, vos questions. Les auteurs et/ou le comité de rédaction y répondront. Ma question concerne deux arthrites microcristallines à microcristaux de pyrophosphate de calcium survenues après des injections d’acide hyaluronique effectuées récemment chez deux de mes malades qui présentaient une gonarthrose évoluée associée à une chondrocalcinose articulaire. Je voudrais savoir si cette complication est fréquente et si la chondrocalcinose doit être une contre-indication aux injections d’acide hyaluronique. ? Il faut d’abord rappeler que la fréquence des réactions dites inflammatoires (épanchement, douleur) au décours d’une injection intra-articulaire d’acide hyaluronique (AH) est estimée à 2,7 % par injection, soit 7 % par patient, pour ce qui est des trois injections d’hylane GF-20. La première question concerne la fréquence de cet effet indésirable. Quelques observations de la littérature ont fait état de poussées de chondrocalcinose articulaire (CCA) au décours (dans les 12 à 48 heures) de l’injection intra-articulaire d’AH, toutes rapidement résolutives sous AINS. Dans tous les cas, il existait des microcristaux lors de la ponction, alors qu’il n’existait une chondrocalcinose radiologique que dans deux des quatre cas publiés. Trois crises sont survenues sous Hyalgan® et une sous Synvisc®. Une autre observation a été rapportée récemment (ACR 1999). La fréquence exacte est impossible à déterminer sur ces quelques observations ponctuelles. La littérature la sous-estime très probablement, car, comme dans votre expérience, un certain nombre de praticiens ont déjà observé cet effet secondaire. Cet effet secondaire peut survenir au décours de la première injection, voire après plusieurs injections. Une seule observation fait état de crises itératives chez un même patient. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer un tel effet : baisse du pH intra-articulaire, le geste de l’injection lui-même libérant des microcristaux, diminution de la clairance des cristaux, injection de substances tensioactives. L’hypothèse la plus séduisante tient compte de la présence de phosphates dans la préparation du produit qui pourrait, en modifiant le taux local de calcium, favoriser les crises de CCA. La seconde question, qui est de savoir si on peut pratiquer une injection d’AH sur un genou présentant une CCA radiologique, a été abordée récemment par V. Daumen-Legré et al. (Marseille). Il s’agit d’une étude ouverte prospective portant La Lettre du Rhumatologue - n° 264 - septembre 2000 sur 30 genoux (26 patients) avec une CCA radiologique (et parfois antérieurement symptomatique) ayant bénéficié de cinq injections de sodium hyaluronate. À la suite des 150 injections d’AH, la fréquence des réactions locales était de 7,3 % (gonalgies transitoires ou réactions hydarthrodiales légères ; n = 6 patients), sans aucune crise d’arthrite. Par conséquent, dans cette étude, la fréquence des réactions inflammatoires n’est pas plus élevée que celle rapportée dans les études incluant des genoux sans CCA. La présence d’une CCA ne retentit pas, par ailleurs, sur le bon résultat clinique. Il semble donc possible de réaliser une injection d’acide hyaluronique, y compris en présence d’un liseré de CCA sur un genou à infiltrer. Néanmoins, il nous semble raisonnable d’exclure les patients avec une CCA “active” ayant, dans un passé récent, fait d’authentiques crises d’arthrite microcristalline. X. Chevalier Un de mes patients atteint d’une polyarthrite sévère est actuellement bien équilibré par 15 mg de méthotrexate par semaine en injection i.m. La voie i.m. a été adoptée car la même posologie s’était avérée insuffisante par voie orale. Ce patient vient de bénéficier de la mise en place d’une deuxième prothèse de hanche, et le chirurgien déconseille vivement les injections i.m. Peut-on injecter le méthotrexate par voie souscutanée ? ? Bien que seules les voies orale, intramusculaire et intraveineuse soient mentionnées dans le Vidal®, plusieurs publications font état d’une biodisponibilité satisfaisante du produit après administration sous-cutanée, comparable à celle de la voie intramusculaire. La tolérance semble également correcte, permettant même au malade de réaliser lui-même ses injections. Vous pouvez donc sans problème proposer à votre patient de faire ses injections de méthotrexate par voie sous-cutanée, pour éviter qu’une éventuelle infection de prothèse ne soit imputée aux injections intramusculaires. Il faut cependant rappeler qu’une injection de 15 mg de méthotrexate représente un volume assez important pour un usage par voie sous-cutanée. T. Schaeverbeke 43 Q U E S T I O N S / R É P O N S E S On connaît les effets de la sédentarité sur la masse osseuse. Que penser d’une activité physique très intense? Il s’agit d’une femme de 57 ans, ménopausée depuis l’âge de 56 ans, sous THS, n’ayant jamais eu de troubles des règles, sans facteur de risque pour l’ostéoporose et dont la masse osseuse est très basse au col fémoral et au rachis (– 3,52 et – 4,26 DS). Elle pratique un sport qui consiste à marcher très rapidement sur de longues distances : 100 à 300 km par semaine ! ? L’exercice physique intense provoque une augmentation de la densité osseuse globale mais plus forte sur les segments squelettiques sollicités par le sport en cause. Ainsi, chez le joueur de tennis de bon niveau, on observe une importante augmentation de la densité osseuse de l’avant-bras du côté dominant, qui peut atteindre 20 % par rapport à l’autre avant-bras. Chez les marathoniens, la densité osseuse est particulièrement élevée sur les membres inférieurs, en particulier les tibias et les fémurs. Les circonstances sportives au cours desquelles la densité osseuse n’augmente pas sont, d’une part, la natation et, d’autre part, les activités physiques si intenses qu’elles provoquent une aménorrhée chez les jeunes filles (jeunes danseuses, jeunes gymnastes). Chez votre patiente, âgée de 56 ans, ménopausée, et qui bénéficie d’un traitement hormonal substitutif, une activité intense de marche à pied ne peut avoir que des effets favorables sur la densité osseuse fémorale et rachidienne et sur le risque de fracture ostéoporotique. Par contre, en raison du kilométrage élevé, le risque de fracture de contrainte (métatarsiens, tibias) est réel, mais pas directement lié à l’existence d’une ostéopénie (même si celle-ci peut constituer un facteur favorisant). La survenue d’une fracture de fatigue dépend surtout des conditions de réalisation de l’activité sportive : activité intense chez un coureur ou un marcheur novice et mal préparé ; changement brutal des programmes d’entraînement ; reprise trop rapide du sport après une période de trêve prolongée ; modification de la surface d’entraînement (sol plus dur) ; présence de troubles statiques des membres inférieurs ou d’une chaussure inadaptée, car trop rigide. Chez cette patiente, le kilométrage hebdomadaire peut paraître important, mais il est comparable à celui des marathoniens de bon niveau qui courent habituellement 100 à 200 km par semaine. De plus, les contraintes exercées par la marche à pied sont trois fois moins importantes, même à allure rapide, que celles occasionnées par la course de fond. Il paraît donc raisonnable de laisser cette patiente continuer son activité physique dans les conditions actuelles, en maintenant le traitement hormonal substitutif, en prescrivant une supplémentation en cal44 cium et en vitamine D, et en assurant des apports alimentaires suffisants, en particulier sur les plans glucidique et protidique. E. Legrand ? La gastrotoxicité des AINS est-elle augmentée par l’infection à Helicobacter pylori ? Le rôle de l’infection à Helicobacter pylori dans la survenue des symptômes digestifs et des lésions gastroduodénales liés à la prise d’AINS n’est pas établi. Il n’existe actuellement pas de données pour considérer que l’éradication de cette bactérie soit susceptible d’améliorer la tolérance digestive des AINS. Ainsi, la recherche systématique de H. pylori chez les patients devant prendre des AINS est inutile. En revanche, l’éradication est justifiée en cas d’ulcère (en particulier de siège duodénal) apparaissant sous AINS, même si elle ne permet pas de réduire le risque de récidive ulcéreuse lié à la poursuite ou à la reprise du traitement anti-inflammatoire . C. Bailly ? Que proposer, dans le respect de l’AMM, à un homme de 60 ans atteint d’une ostéoporose primitive avec complications fracturaires ? L’ostéoporose masculine fait l’objet d’un regain d’intérêt ces dernières années, avec des travaux intéressants du point de vue épidémiologique et physiopathologique. Il manque cependant de grandes études contrôlées sur le plan thérapeutique, pour lequel cette affection reste orpheline. Un travail récent avait été présenté l’an dernier, évaluant, de façon randomisée contre placebo sur deux ans, l’effet de l’alendronate 10 mg/j sur plus de 240 hommes d’un âge moyen de 63 ans avec une ostéoporose définie par un antécédent de fracture ostéoporotique ou un T-score au col inférieur à – 2. Tous les patients recevaient une supplémentation vitamino-calcique. Un gain significatif en densité osseuse est observé sur le site lombaire et le site fémoral dans le groupe alendronate. Les fractures vertébrales radiologiquement visibles sont moins fréquentes dans le groupe alendronate que dans le groupe placebo (3,1 % versus 8,1 %), mais sans que cette différence atteigne le seuil de la significativité statistique. Le pourcentage de fractures non vertébrales est identique dans les deux groupes. Cette étude ne suffira certainement pas à modifier les AMM actuelles des bisphosphonates dans le traitement de l’ostéoporose, qui sont restreints à l’indication d’ostéoporose postménopausique avec épisodes fracturaires. La prescription actuelle des bisphosphonates dans l’indication d’ostéoporose masculine doit donc théoriquement être accompagnée de la mention NR. D. Wendling La Lettre du Rhumatologue - n° 264 - septembre 2000