D o s s i e r t h é m a t i q u e IRM du pelvis Coordination : L. Abramowitz (Paris) Examen d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) ano-périnéal : aspect anatomique normal • C.A. Cuenod, N. Siauve* L’ examen clinique (parfois aidé de l’échographie endoanale) est souvent suffisant pour la prise en charge des pathologies suppuratives ano-périnéales, mais lorsque l’on craint la présence de trajets fistuleux complexes ou d’abcès profonds méconnus, notamment dans les cas de maladie de Crohn ano-périnéale, l’utilisation de l’IRM prend tout son intérêt (1-3). EXPLORATION PAR IRM L’IRM est particulièrement adaptée à la région ano-périnéale car cette région est peu soumise aux mouvements, le contraste entre les espaces graisseux et les muscles est excellent et l’acquisition multiplanaire permet une analyse tridimensionnelle (4, 5). Installation du patient Le patient est placé dans l’aimant en décubitus dorsal. La technique d’acquisition habituelle utilise des antennes de surface (dites en “réseau phasé”) posées en dessous et en dessus du patient afin d’explorer l’ensemble du périnée * Service de radiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. et du petit bassin. Une simple canule de lavement permet de déplisser le canal anal et surtout de matérialiser l’axe du canal pour positionner les coupes (coupes coronales obliques dans l’axe du canal anal, coupes axiales obliques strictement perpendiculaires à l’axe du canal anal). Certaines équipes utilisent une antenne endoanale, qui offre une analyse de l’appareil sphinctérien superposable à celle obtenue en échoendoscopie, mais qui ne permet pas une analyse complète des espaces anatomiques de diffusion des suppurations. Programmation des coupes L’examen comporte des séries de coupes en grand champ afin de ne pas méconnaître des extensions à distance, et des séries de coupes fines en petit champ dans les trois plans de l’espace (figure 1). Types de séquences La séquence en pondération T2 est la plus informative, mais des séquences avec suppression de graisse et injection de chélate de gadolinium sont également utiles pour détecter les trajets des lésions suppuratives. 48 1a 1b 1c Figure 1. Orientation des plans de coupes. a. sagittale ; les coupes sagittales séparent le patient en côtés droit et gauche. b. frontal (appelé coronal par les Anglo-saxons) ; les plans frontaux séparent le patient en parties antérieure et postérieure. c. axial (ou transverse) ; les coupes axiales séparent le patient en partie supérieure et inférieure. Le Courrier de colo-proctologie (V) - n° 2 - oct.-nov.-déc. 2004 D o s s i e r t h é m a t i q u e ASPECT ANATOMIQUE EN IRM Principes d’analyse d’une image d’IRM L’anatomie du périnée est analysée sur les coupes en pondération T2 (figures 1, 2 et 3a). Les liquides (urine, LCR, eau du lavement, etc.) sont en hypersignal franc. La graisse présente dans les espaces cellulo-graisseux apparaît en hypersignal plus modéré, la moelle osseuse est en signal intermédiaire et les muscles en hyposignal. L’air, l’os compact et le plastique de la canule de lavement apparaissent en hyposignal franc. L’utilisation d’une technique de “suppression de graisse”, efface le signal de la graisse (figure 3b). Cela modifie les contrastes en faisant disparaître la différence entre les espaces graisseux et les muscles, mais en majorant le contraste avec les liquides (permettant ainsi de détecter aisément les collections). Sur les séquences pondérées en T1, les liquides sont en hyposignal. La graisse est en hypersignal, et peut également être effacée par une technique de suppression de graisse (figure 3c), permettant de mieux mettre en évidence les zones de prise de contraste après injection. Coupe sagittale pondérée en T2 Sur la coupe sagittale médiane, la symphyse pubienne apparaît en hyposignal en avant et en dessous de la vessie qui est en hypersignal liquidien typique. La canule matérialise l’axe oblique du canal anal. Le rectum pelvien est distendu par le lavement (hypersignal liquidien) et contient quelques résidus fécaux. La graisse du mésorectum est visible en arrière du rectum dans la concavité sacrée. Les pièces osseuses coccygiennes sont en hypersignal (présence de graisse dans l’os spongieux) cerclées de noir (os cortical compact). La prostate immédiatement sous la vessie est en hyposignal, l’urètre 2a 2b Figures 2a et b. Coupe sagittale médiane pondérée en T2. 1. symphyse pubienne ; 2. vessie ; 3. canule ; 4. rectum pelvien ; 5. mésorectum ; 6. coccyx ; 7. prostate ; 8. corps caverneux ; 9. corps spongieux ; 10. diaphragme pelvien ; 11. espace sous-sphinctérien postérieur ; 12. ligament ano-coccygien ; 13. noyau fibreux du périnée. fait un angle dans sa portion sous prostatique pour continuer dans la racine de la verge. Les corps caverneux et le corps spongieux sont en hypersignal sous la symphyse pubienne. Le diaphragme pelvien est clairement identifiable sous la forme d’une fine couche musculaire en hyposignal joignant le coccyx à l’angle ano-rectal. L’espace graisseux médian situé en dessous et en arrière de l’anus est l’espace soussphinctérien postérieur. Il contient le ligament ano-coccygien qui rejoint la partie inférieure de l’anus à la pointe du coccyx par un trajet oblique en arrière et en haut. Entre la prostate, la racine de la verge et l’anus se situe le noyau fibreux du périnée. Coupe coronale oblique pondérée en T2 Cette coupe est orientée dans le plan coronal oblique défini par la canule. L’anus est analysé sur toute sa hauteur. Le sphincter interne et la couche longitudinale complexe sont dans la continuité de la musculeuse propre du rectum. Les releveurs de l’anus (muscle ilio-coccygien et ischio-coccygien) forment un V caractéristique. Immédiatement en dessous, le muscle puborectal mêle ses fibres à celles de la partie profonde du sphincter externe de l’anus (prenant une forme triangulaire). En dessous, les portions super- Le Courrier de colo-proctologie (V) - n° 2 - oct.-nov.-déc. 2004 49 Figure 3. Coupe coronale oblique en pondération T2. 1. sphincter interne et sous-muqueuse ; 2. sphincter externe (faisceau superficiel) ; 3. sphincter externe faisceau profonde et muscle pubo-rectal ; 4. muscle élévateur de l’anus ; 5. fosse ischioanale ; 6. muscle obturateur interne ; 7. ischion ; 8. espace pelvi-rectal supérieur (étage supralévatorien). ficielle et sous-cutanée du sphincter externe sont facilement identifiables. La marge anale se continue par la peau. Les deux fosses ischio-anales apparaissent en hypersignal entre le bord externe du sphincter externe et les muscles obturateurs internes. Elles ont une forme triangulaire à pointe supérieure sous le plancher des releveurs. Au-dessus, à l’étage supralévatorien, l’espace pelvi-rectal supérieur est également bien identifié. D o s s i e r 4a t h é m a t i q u e 4b 4c Figures 4 a, b, c. Coupe axiale. a. pondération T2 ; b. pondération T2 avec suppression de graisse ; c. pondération T1 avec suppression de graisse et injection d’agent de contraste. 1. canule ; 2. sphincter interne et sous-muqueuse ; 3. sphincter externe ; 4. fosse ischioanale ; 5. bulbe caverneux ; 6. muscle ischiocaverneux ; 7. ischion ; 8. muscles fessiers ; 9. muscles adducteurs. Coupes axiales La coupe est perpendiculaire à l’axe du canal anal matérialisé par la canule. Le liquide contenu dans la canule apparaît en hypersignal sur les séquences pondérées en T2 (figures 4a et 4b) et en hyposignal sur la séquence pondérée en T1 (figure 4c). Le plastique de la canule est en hyposignal sur toutes les séquences. Le sphincter interne et la sous-muqueuse sont en discret hypersignal par rapport au sphincter externe qui les entoure. La graisse des deux fosses ischioanales est particulièrement bien visible de part et d’autre de l’anus en hypersignal sur la séquence sans suppression de graisse (figure 4a), par contre ces espaces sont en hyposignal sur les séquences avec suppression de graisse (figures 4b et 4c). Le bulbe caverneux est en hypersignal en pondération T2 en avant de l’anus. Les muscles ischiocaverneux en hyposignal viennent s’insérer sur l’ischion. Les vaisseaux apparaissent comme de petits points sur les séquences avec suppression de graisse. ■ 50 R É F É R E N C E S 1. Hussain SM, Stoker J, Schouten WR et al. Fistulain-ano: endoanal sonography versus endoanal MR imaging classification. Radiology 1996;200:475-81. 2. Tissot O, Bodnar D, Henry L et al. Étude des fistules anopérinéales en IRM. J Radiol 1996;77:25360. 3. De Parades V, Cuenod CA, Thomas C et al. L’imagerie dans la maladie de Crohn anopérinéale. Acta Endoscopica 2000;30:565-77. 4. Stoker J, Bartram C, Halligan S. Imaging of the posterior pelvic floor. Eur Radiol 2002;12:779-8. 5. Cuenod CA, de Parades V, Siauve N et al. IRM des suppurations ano-périnéales. J Radiol 2003;84:516-28. Le Courrier de colo-proctologie (V) - n° 2 - oct.-nov.-déc. 2004