ENS Lyon 2013 - 2014 Master 1– Géométrie algébrique élémentaire Semaine du 31.01.2014 TD 2-morphismes de variétés affines, composantes irréductibles Rappelons qu’un espace topologique (non vide) X est dit irréductible s’il ne peut pas s’écrire comme la réunion de deux fermés propres (i.e. distincts de X). Un espace topologique est noetherien si toute suite décroissante (pour l’inclusion) de fermés est stationnaire. Tout espace noetherien X s’écrit sous la forme X = X1 ∪ ... ∪ Xn avec Xi des espaces irréductibles et Xi n’est pas contenu dans Xj pour i 6= j. Une telle écriture est unique (à l’ordre près) et les Xi s’appellent les composantes irréductibles de X. Rappelons enfin que si X est un fermé algébrique de An (k), alors X est irréductible si et seulement si I(X) est un idéal premier de k[T1 , ..., Tn ], si et seulement si k[X] est un anneau intègre. 0.1 Irréductibilité a) On prend k = R. Montrer que f = Y 2 + X 2 (X − 1)2 est irréductible dans k[X, Y ], mais que V (f ) n’est pas irréductible. b) Soit F ∈ k[X, Y ] non constant. Quand V (F ) est-il irréductible (k algébriquement clos) ? c) Montrer que si k est algébriquement clos, alors pour tout λ ∈ k la courbe Eλ d’équation y 2 = x(x − 1)(x − λ) est irréductible. d) Soit f : X → Y une application continue d’espaces topologiques, avec X irréductible. Montrer que f (X) et f (X) sont irréductibles. 0.2 Composantes irréductibles On suppose que k est algébriquement clos. a) Décrire les composantes irréductibles et leurs idéaux pour les sous-ensembles algébriques de A3 (k) suivants : V (XY Z, X 2 +Y 2 +Z 2 ), V (X 2 +Y 2 +Z 2 −1, 3X 2 +Y 2 −Z 2 −1), V (XY, Y Z, ZX), V (X 2 + Y 2 + Z 2 , Z 2 − XY ), V (X 2 − Y Z, Y 2 − XZ). b) Même question avec V (f ), pour f ∈ k[X1 , ..., Xn ] non constant. c) Montrer que les composantes irréductibles de V (X 3 − Y Z, Y 2 − XZ) ⊂ A3 (k) sont la courbe paramètrée {(t3 , t4 , t5 ), t ∈ k} et une droite à préciser. 0.3 Morphismes Soient X ⊂ An (k) et Y ⊂ Am (k) des fermés algébriques. Une application f : X → Y est dite régulière (ou morphisme) s’il existe f1 , ..., fm ∈ k[X] tels que f (x) = (f1 (x), ..., fm (x)), x ∈ X. a) Montrer qu’une application f : X → Y est un morphisme si et seulement si pour tout g ∈ k[Y ] on a g ◦ f ∈ k[X]. On note f ∗ : k[Y ] → k[X] l’application g → g ◦ f ainsi obtenue. b) Montrer que f → f ∗ est une bijection entre l’ensemble des morphismes f : X → Y et Homk−alg (k[Y ], k[X]). c) Montrer qu’un morphisme f : X → Y est à image dense si et seulement si f ∗ est injective. Donner un exemple de morphisme d’image dense et qui n’est pas surjectif. d) Montrer que l’image d’un morphisme f : A1 (k) → A2 (k) est fermée. e) Soit f : A2 (k) → A2 (k), (x, y) → (x, xy). Est l’image de f fermée ? Ouverte ? Dense ? 1 0.4 Isomorphismes a) Montrer que la courbe V (Y − X 2 ) est isomorphe à A1 (k). b) Montrer que la courbe V (Y 2 − X 3 ) n’est pas isomorphe à A1 (k). 0.5 Deux courbes paramètrées a) On considère l’application φ : A1 → A3 qui envoie t sur (t2 , t2 (t2 − 1), t3 ). Montrer que φ est un homéomorphisme sur un fermé algébrique C de A3 et trouver l’idéal de C. Est-il vrai que φ induit un isomorphisme de A1 sur C ? b) Soit f : A1 → A3 le morphisme t → (t3 , t4 , t5 ). i) Montrer que C := f (A1 ) est un fermé algébrique irréductible de A3 et que le degré de transcendance de k[C] est 1. ii) Montrer que C n’est pas isomorphe à une courbe algébrique plane. 0.6 Morphismes finis Un morphisme f : X → Y de fermés algébriques X ⊂ An (k), Y ⊂ Am (k) est dit fini si f est d’image dense 1 et si f ∗ : k[Y ] → k[X] fait de k[X] un k[Y ]-module de type fini. a) Soit X un fermé algébrique. Montrer qu’il existe n et un morphisme fini de X dans An . b) Montrer que f est fini si et seulement si f ∗ est injectif et pour tout u ∈ k[X] on peut trouver d ≥ 1 et v0 , ..., vd−1 ∈ k[Y ] tels que ud + vd−1 ud−1 + ... + v0 = 0. c) Montrer qu’un morphisme fini est surjectif et à fibres finies. Indication : montrer que f est surjectif si et seulement si pour tout idéal maximal m de k[Y ] on a m · k[X] 6= k[X]. d) Soit maintenant X un fermé de An (k) et G un groupe fini d’automorphismes de X, tel que |G| ne soit pas un multiple de la caractéristique de k. On note k[X]G = {f ∈ k[X], g ∗ (f ) = f, ∀g ∈ G} et on admet qu’il s’agit d’une k-algèbre de type fini 2 . Montrer qu’il existe un fermé algébrique X/G et un morphisme π : X → X/G tel que π ∗ : k[X/G] → k[X] soit l’inclusion k[X]G ⊂ k[X]. Montrer que π est fini et que les fibres de π sont exactement les orbites de l’action de G sur X. 0.7 Groupes algébriques Un groupe algébrique affine G est un fermé algébrique d’un certain Ad (k) muni de deux morphismes d’ensembles algébriques m : G × G → G et i : G → G, tels que G muni de la multiplication m et de l’inverse i soit un groupe abstrait. Soit G un groupe algébrique affine et X un fermé algébrique d’un An (k) (avec k algébriquement clos). Une action algébrique de G sur X est un morphisme G × X → X satisfaisant les axiomes usuelles d’une action d’un groupe sur un ensemble. On écrit g · x pour l’image de (g, x) par ce morphisme. a) Montrer que le groupe (abstrait) G agit sur k[X] par (g · f )(x) = f (g −1 · x) si x ∈ X et f ∈ k[X]. b) Soit W ⊂ k[X] un sous-k-espace vectoriel de dimension finie et soit V l’espace engendré par les g · f pour g ∈ G et f ∈ W . Montrer que V est de dimension finie et que si on identifie V à k dim V , alors l’action de G sur V est algébrique. 1. Cette condition n’est pas imposée dans la plupart des livres, et surtout pas en théorie des schémas, mais pour cet exo je la mets pour éviter de répétitions. Shafarevich fait la même chose dans son livre. 2. C’est un fameux théorème de Hilbert ; la preuve est élémentaire, mais un peu longue. 2 c) Montrer qu’il existe un k-espace vectoriel de dimension finie V avec une action algébrique de G, et une immersion fermée φ : X → V telle que φ(g · x) = g · φ(x) si g ∈ G, x ∈ X. d) En prenant X = G, montrer que tout groupe algébrique affine G est isomorphe à un sous-groupe fermé de GLn (k) pour un certain n. 0.8 Variétés quasi-affines Une variété quasi-affine dans An est un ouvert non vide d’un fermé irréductible de An . Si X ⊂ An est un variété quasi-affine, x ∈ X et f : X → k est une application, on dit que f est régulière en x s’il existe un voisinage ouvert U de x dans X et des polynômes F, G ∈ k[X1 , ..., Xn ] F (y) tels que G ne s’annule pas sur U et f (y) = G(y) pour tout y ∈ U . On note O(X) l’ensemble des fonctions f : X → k régulières en tout point de X. Soit X une variété quasi-affine. a) Vérifier qu’un ouvert non vide de X est une variété quasi-affine. b) Montrer que O(X) est naturellement une k-algèbre, et que si f ∈ O(X) s’annule sur un ouvert non vide de X, alors elle s’annule sur X tout entier. c) Montrer que si f1 , ..., fd ∈ O(X), alors ϕ : X → Ad , x → (f1 (x), ..., fd (x)) est continue. d) Soient f1 , ..., fr , g1 , ..., gd ∈ O(X) et F ∈ k[X1 , ..., Xr ], G ∈ k[Y1 , ..., Yd ]. Supposons que P (f1 ,...,fr ) l’ouvert U = {x ∈ X, G(g1 (x), ..., gd (x)) 6= 0} n’est pas vide. Montrer que G(g ∈ O(U ). 1 ,...,gd ) e) On suppose que X est un fermé algébrique de An . Montrer que OX (X) = k[X]. Si X, Y sont des variétés quasi-affines, une application ϕ : X → Y est dite régulière (ou morphisme) si ϕ est continue et f ◦ ϕ ∈ O(ϕ−1 (V )) pour tout ouvert V de Y et tout f ∈ O(V ). f) Vérifier que la composée de deux morphismes est un morphisme et que si X ⊂ An est une variété quasi-affine, alors l’inclusion de X dans An est un morphisme. Enfin, vérifier que O(X) est l’ensemble des morphismes de X dans A1 . g) Soient X ⊂ An et Y ⊂ Am des variétés quasi-affines et f : X → Y une application. Montrer que ϕ est un morphisme si et seulement si ti ◦ ϕ ∈ O(X) pour tout i, où ti : Am → A1 sont les coordonnées usuelles sur Am . h) Soit X une variété affine et f ∈ k[X] non nul. Soit D(f ) = {x ∈ X, f (x) 6= 0}. Montrer que U est isomorphe en tant que variété quasi-affine à un fermé algébrique d’un certain An . En déduire que tout point d’une variété quasi-affine a un voisinage ouvert isomorphe à un fermé algébrique d’un certain An . 0.9 Le théorème de Chevalley a) Soit B une k-algèbre intègre (k algébriquement clos) et A ⊂ B une sous k-algèbre, telle que B soit une A-algèbre de type fini. Montrer que pour tout b ∈ B non nul on peut trouver a ∈ A non nul tel que tout Homk−alg (A, k) satisfaisant ϕ(a) 6= 0 s’étend en un ψ ∈ Homk−alg (B, k) satisfaisant ψ(b) 6= 0 (on pourra se ramèner au cas où B = A[u] pour un certain u ∈ B). b) Soient X, Y des fermés algébriques irréductibles et soit f : X → Y un morphisme d’image dense. Montrer que si U est un ouvert non vide de X, alors f (U ) contient un ouvert non vide de Y . c) En déduire le théorème de Chevalley : si f : X → Y est un morphisme de fermés algébriques, alors f (X) contient un ouvert de f (X). 0.10 Un exo amusant Si k est infini, montrer que tout ensemble fini de A2 peut être décrit par deux équations. 3