A C T U A L I T É S T H É R A P E U T I Q U E S Place de l’anastrozole dans la prise en charge du cancer du sein hormonosensible1 de la femme ménopausée Anastrozole in the treatment of postmenopausal women with hormone receptor-positive breast cancer ● J.P. Guastalla* vec 41 845 nouveaux cas estimés en 2000 en France, le cancer du sein se situe par sa fréquence au premier rang de tous les cancers. Il représente 35,7 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers chez la femme (1). Avec 11 367 décès par an, le cancer du sein est au premier rang des décès par cancer chez la femme (20,2 %) et au troisième rang des décès par cancer hommes et femmes réunis, après le cancer du poumon et du côlon-rectum (1). L’application des taux d’incidence par tranche d’âge aux effectifs correspondants permet d’estimer le nombre de cancers du sein chez les femmes ménopausées à environ 26 000 nouveaux cas par an en France (2). Parmi ces cas, 1 300 à 2 600 sont d’emblée diagnostiqués au stade métastatique et environ 9 600 correspondent à des rechutes métastatiques (2). Le tamoxifène était, jusqu’à présent, le traitement de référence du cancer du sein hormonosensible de la femme ménopausée, que le cancer du sein soit localisé ou métastatique. En adjuvant, un traitement par tamoxifène administré pendant 5 ans réduit de 47 % le risque de rechute et de 26 % le risque de décès par rapport au placebo (3). La mise à disposition des inhibiteurs de l’aromatase de troisième génération et, notamment, de l’anastrozole en 1995, s’est accompagnée d’importantes études cliniques comparant l’efficacité et la tolérance de cette molécule à celles du tamoxifène en première ligne métastatique, en néoadjuvant et en adjuvant. Ces études ont conduit à changer les modalités de prise en charge du cancer du sein hormonosensible de la femme ménopausée. Leurs principaux résultats sont présentés dans cet article. A Hormonosensibilité quand il y a expression de récepteurs d’estradiol et/ou de progestérone dans la tumeur. 1 * Département d’oncologie médicale, centre Léon-Bérard, Lyon. 208 ANASTROZOLE : RAPPEL PHARMACODYNAMIQUE L’anastrozole est un puissant inhibiteur de troisième génération de l’aromatase (4). Hautement sélectif, actif par voie orale, cet inhibiteur non stéroïdien réduit très significativement la concentration d’estrogènes chez la femme ménopausée en diminuant l’activité de l’aromatase in vivo de 96,7 % (5). Son absorption est rapide (concentrations plasmatiques maximales observées deux heures après la prise) et son élimination est lente (demi-vie plasmatique variant entre 40 et 50 heures). L’état d’équilibre est atteint après sept prises quotidiennes dans environ 90 à 95 % des cas (6). La pharmacocinétique de l’anastrozole est indépendante de l’âge et aucune adaptation posologique n’est recommandée chez les patientes présentant une insuffisance rénale ou une insuffisance hépatique légère à modérée (6). ANASTROZOLE EN NÉOADJUVANT (7) L’étude IMPACT, étude randomisée, en double aveugle, a comparé l’efficacité de l’anastrozole 1 mg/jour + placebo (n = 113) à celle du tamoxifène 20 mg/jour + placebo (n = 108) et à celle de l’association anastrozole 1 mg/jour + tamoxifène 20 mg/jour (n = 109) en néoadjuvant chez 330 patientes ménopausées avec une taille de tumeur hormonosensible de 2 cm ou plus et devant être opérées (chirurgie conservatrice ou mastectomie). La durée de traitement a été de trois mois et une biopsie a été pratiquée à l’inclusion ainsi que deux semaines après le début du traitement. Après trois mois, des échantillons provenant de la pièce d’exérèse étaient prélevés ou, si la patiente n’était pas opérée, une nouvelle biopsie était pratiquée. Le critère principal d’évaluation était la réponse clinique tumorale calculée par le produit de ses deux diamètres cliniques maximaux. Une évaluation échographique était aussi réalisable. Les critères d’évaluation secondaires étaient, notamment, la diminution du taux de patientes éligibles pour une mastectomie et la tolérance. Les résultats sont présentés dans le tableau I. La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005 Tableau I. Étude IMPACT : résultats (7). Anastrozole 1 mg (n = 113) Tamoxifène 20 mg (n = 108) Anastrozole 1 mg/ tamoxifène 20 mg (n = 109) Réponse Pince clinique 37,2 %* 36,1 %* 39,4 %* objective Échographie 23,9 %* 20,4 %* 27,5 %* Possibilité de traiter par chirurgie conservatrice des patientes initialement prévues pour une mastectomie 45,7 %** 22,2 %** 26,2 % Tolérance Similaire dans les 3 groupes * p = NS ; ** p = 0,03 ; RR : 2,05 (IC95 : 1,03-4,09). L’anastrozole a ainsi démontré une efficacité équivalente au tamoxifène en tant que traitement néoadjuvant chez des patientes ménopausées avec cancer du sein infiltrant hormonosensible devant être opéré. Chez les patientes initialement éligibles pour une mastectomie, dans le groupe anastrozole deux fois plus de patientes ont pu devenir éligibles pour une chirurgie conservatrice que dans le groupe tamoxifène. L’étude IMPACT met en évidence l’intérêt d’un traitement néoadjuvant par anastrozole, notamment lorsque l’intervention prévue est une mastectomie. ANASTROZOLE EN ADJUVANT En initiation chez les patientes nouvellement diagnostiquées : étude ATAC (résultats à 68 mois) (8) L’étude ATAC (Arimidex®, Tamoxifen, Alone or in Combination), étude randomisée de phase III, contrôlée en double insu, multicentrique, internationale a comparé l’anastrozole au tamoxifène et à l’association anastrozole + tamoxifène. Neuf mille trois cent soixante-six patientes ménopausées, atteintes d’un cancer du sein infiltrant opérable sans métastase et n’ayant pas reçu d’hormonothérapie préventive ou adjuvante ont été randomisées en trois groupes : anastrozole 1 mg/jour + placebo (n = 3 125), tamoxifène 20 mg/jour + placebo (n = 3 116), anastrozole 1 mg/jour-tamoxifène 20 mg/jour (n = 3 125) (l’association anastrozole + tamoxifène a été arrêtée après l’analyse principale réalisée à 33 mois en raison de résultats d’efficacité insuffisants). Le traitement locorégional a été effectué avant inclusion (une chimiothérapie adjuvante était autorisée). Plus de 60 % des patientes ont bénéficié d’une radiothérapie et environ 20 % des patientes ont reçu une chimiothérapie. La population était de relativement bon pronostic : dans 60 % des cas, la tumeur était d’une taille de 2 cm au plus et environ 65 % des patientes étaient N-. Par ailleurs, les récepteurs hormonaux (RE+ et/ou RP+) étaient positifs dans 83 % des cas, négatifs sans 8 % des cas et inconnus dans 8 % des cas. Les critères principaux d’évaluation étaient, quant à eux, la survie sans événement (récidives locales ou à distance, cancer du sein controlatéral, décès toutes causes confondues) et la tolérance. Les critères secondaires d’évaluation étaient la survie sans récidive (récidives locales ou à distance, cancer du sein controlatéral, décès liés au cancer du sein), l’incidence du cancer du sein controlatéral, le temps sans récidive à distance et la survie globale. Un suivi a été effectué à trois mois, six mois, puis tous les six mois pendant cinq ans et tous les ans jusqu’à dix ans après le début de prise du traitement. Les résultats présentés ci-dessous ont été obtenus après 68 mois de suivi médian, alors que 92 % des patientes avaient terminé le traitement. Dans la population totale, la supériorité du groupe anastrozole sur le groupe tamoxifène est démontrée en termes (tableau II) : ✓ d’amélioration de la survie sans maladie : 575 événements dans le groupe anastrozole versus 651 dans le groupe tamoxifène ; réduction du risque d’événement : 13 % (HR : 0,87 ; IC95 : 0,780,97) ; p = 0,01 ; Tableau II. Étude ATAC : résultats (population totale) (8). Réduction de risque relatif dans la population totale p Réduction de risque relatif dans la population RH+ p Événements 13 % [HR = 0,87 (IC95 : 0,78-0,97)] 0,01 17 % [HR = 0,83 (IC95 : 0,73-0,94)] 0,005 Récidive 21 % [HR = 0,79 (IC95 : 0,70-0,90)] 0,0005 26 % [HR = 0,74 (IC95 : 0,64-0,87)] 0,0002 Cancer du sein controlatéral 42 % [HR = 0,58 (IC95 : 0,12-0,62)] 0,01 53 % [HR = 0,47 (IC95 : 0,25-0,71)] 0,001 Récidive à distance 14 % [HR = 0,86 (IC95 : 0,74-0,99)] 0,04 16 % [HR = 0,84 (IC95 : 0,70-1,00) 0,06 La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005 209 C T U A L I T É S T ✓ d’allongement du temps jusqu’à récidive : réduction du risque de récidive : 21 % (HR : 0,79 ; IC95 : 0,70-0,90) ; p = 0,0005 ; ✓ de réduction de l’incidence du sein controlatéral : 35 événements dans le groupe anastrozole versus 59 événements dans le groupe tamoxifène ; réduction du risque relatif : 42 % (HR : 0,58 ; IC95 : 0,12-0,62) ; p = 0,01 ; ✓ de taux de métastases : 324 événements dans le groupe anastrozole versus 375 événements ; réduction du risque de récidive à distance : 14 % (HR : 0,86 ; IC95 : 0,74-0,99) ; p = 0,04. Dans la population RH+, la supériorité du groupe anastrozole sur le groupe tamoxifène est démontrée en termes (tableau II) : ✓ d’amélioration de la survie sans maladie : réduction du risque d’événement : 17 % (HR : 0,83 ; IC95 : 0,73-0,94) ; p = 0,005 ; ✓ d’allongement du temps jusqu’à récidive : réduction du risque de récidive : 26 % (HR : 0,74 ; IC95 : 0,64-0,87) ; p = 0,0002 ; ✓ de réduction de l’incidence du cancer du sein controlatéral : réduction du risque relatif : 53 % (HR : 0,47 ; IC95 : 0,25-0,71) ; p = 0,001. Concernant le taux de métastases, on note que la réduction du risque de récidive à distance est de 16 % (HR : 0,84 ; IC95 : 0,71,00) ; p = 0,06. Il existe donc une tendance en faveur de l’anastrozole, l’absence de significativité pouvant s’expliquer par un manque de recul sur les événements survenant dans cette population de bon pronostic (226 sous anastrozole versus 265 sous tamoxifène). L’analyse du pourcentage de récidive dans la population RH+ montre que celui-ci s’accroît significativement régulièrement au cours du temps dans le groupe tamoxifène par rapport au groupe anastrozole et perdure après l’arrêt du traitement (différence absolue : à 3 ans de suivi : 1,7 % ; à 4 ans de suivi : 2,4 % ; à 5 ans de suivi : 2,8 % : à 6 ans de suivi : 3,7 % ; HR : 0,74 ( IC95 : 0,640,87 ; p = 0,0002) (figure 1). H É R A P E U T I Q U E S Enfin, on constate que la réduction du taux de décès par cancer du sein dans le groupe anastrozole par rapport au groupe tamoxifène est de 12 % (IC95 : 0,74-1,05 ; p = non significatif). En termes d’efficacité, quatre points sont à noter : ✓ la réduction supplémentaire de 26 % du risque de récidive dans le groupe anastrozole par rapport au groupe tamoxifène vient s’ajouter à la réduction de 47 % obtenue avec le tamoxifène observée dans les études en adjuvant (groupe tamoxifène par rapport au groupe placebo) ; ✓ l’accroissement de la différence absolue en termes de survie sans récidive au-delà des cinq ans de traitement suggère qu’il existe, avec l’anastrozole, un effet de carry-over similaire à celui retrouvé pour le tamoxifène, au moins à court terme. Cet accroissement est observé dès la première année de traitement et continue d’augmenter ensuite (figure 1) ; ✓ le taux d’événements observés durant les années 1-3 dans le groupe tamoxifène est considérablement diminué dans le groupe anastrozole (figure 2) (9) ; 3,0 Taux de risque annuel (%) A 2,5 Tamoxifène 2,0 1,5 Anastrozole 1,0 0,5 0 0 1 2 3 4 Suivi (années) 5 6 Récidive dans la population RH + (%) Figure 2. Évolution des événements au cours du temps (9). 25 20 HR (IC95) Anastrozole Tamoxifène p Arimidex® 0,74 (0,64-0,87) Tamoxifène 0,0002 15 10 5 Différence absolue 1,7 % 0 0 Nombre de patientes Arimidex® 2 618 Tamoxifène 2 598 1 2 2 540 2 516 2 448 2 398 Différence absolue 2,4 % 3 Temps (années) 2 355 2 304 Différence absolue 2,8 % Différence absolue 3,7 % 4 5 6 2 268 2 189 2 014 1 932 830 774 Figure 1. Évolution des récidives au cours du temps (8). L’analyse des décès montre que, sur un total de 831 décès constatés tous groupes confondus, 500 (60 %) sont dus au cancer du sein et 331 (40 %) sont dus à une autre cause. Elle montre aussi que les taux de décès sont similaires dans les groupes anastrozole et tamoxifène. 210 ✓ l’absence actuelle de différence entre les deux groupes en termes de survie globale peut notamment s’expliquer par le fait que les patientes incluses étaient de bon pronostic : 5 695 (61 %) étaient N- et 5 959 (64 %) étaient porteuses d’une tumeur d’une taille de 2 cm au plus). Dans ce contexte, il est trop tôt pour pouvoir observer une différence en termes de survie globale ; ainsi, dans l’étude NSABP B14, il avait fallu au moins sept ans pour montrer un avantage significatif en faveur du tamoxifène par rapport au placebo (10). Les réductions significatives des taux de récidives, locales et à distance, suggèrent qu’une réduction du taux de décès par cancer du sein pourrait être observée avec un suivi plus long. En ce qui concerne les sorties d’essai, elles sont significativement moins nombreuses dans le groupe anastrozole (344 ; 11,1 %) que dans le groupe tamoxifène (442 ; 14,3 %) (p = 0,0002). Les effets indésirables sévères liés au traitement étaient moins fréquents dans le groupe anastrozole (146 ; 4,7 %) que dans le groupe tamoxifène (271 ; 9,0 %) (p < 0,0001). Au total, l’étude ATAC remplit pleinement les critères exigés par l’evidence-based medicine et ces résultats après cinq ans de traiLa Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005 tement confirment l’efficacité de l’anastrozole en première intention par rapport au tamoxifène chez des patientes ménopausées avec cancer du sein localisé hormonosensible. Ces résultats démontrent que l’anastrozole permet d’apporter des chances supplémentaires à des patientes pouvant potentiellement espérer une guérison. Compte tenu des différences constatées en termes de résultats cliniques, de sorties d’essai et d’effets indésirables sévères liés aux traitements, l’anastrozole peut désormais remplacer le tamoxifène en tant que traitement standard de novo de la femme ménopausée avec cancer du sein RH+ En substitution chez des patientes en cours de traitement adjuvant par tamoxifène : études ITA, ABCSG 8 et ARNO L’étude randomisée ITA (Italian Tamoxifen Anastrozole), de phase III, contrôlée en double insu et multicentrique a randomisé, après traitement initial par tamoxifène 20 mg/jour pendant 2-3 ans, 448 patientes ménopausées ayant un cancer du sein localisé hormonosensible, en deux groupes : un groupe anastrozole 1 mg/jour (n = 223) et un groupe tamoxifène 20 mg/jour (n = 225) (11). La comparaison a porté sur les critères principaux d’efficacité et de tolérance de l’anastrozole versus tamoxifène administrés pendant deux à trois ans. Les caractéristiques des patientes à l’inclusion étaient bien équilibrées entre les deux groupes de traitement. Toutes les patientes étaient N+ et environ 90 % des patientes étaient RE+. Environ 50 % des patientes avaient été traitées chirurgicalement par mastectomie et après chirurgie, environ 50 % des patientes avaient été traitées par radiothérapie. Environ deux tiers des patientes avaient reçu une chimiothérapie adjuvante. La durée de suivi médian a été de 52 mois. En termes de résultats, une amélioration significative est retrouvée dans le groupe anastrozole par rapport au groupe tamoxifène (tableau III). Le pourcentage de patientes ayant présenté un effet indésirable est de 40 % dans le groupe anastrozole et de 46 % dans le groupe tamoxifène (p = 0,2). Cependant, six cancers d’endomètre ont été diagnostiqués dans le groupe tamoxifène versus un dans le groupe anastrozole. Les études ABCSG 8 et ARNO, études randomisées de phase III, ont été menées afin d’évaluer si, après deux ans de traitement par tamoxifène, il est plus efficace de substituer l’anastrozole au tamoxifène pendant trois ans ou de continuer à traiter par tamoxi- fène (12). Il était d’emblée prévu que les données issues de ces deux études fassent l’objet d’une analyse poolée. Trois mille deux cent vingt-quatre patientes ménopausées avec un cancer du sein localisé hormonosensible ont été incluses et réparties comme suit : 1 618 dans le groupe anastrozole, 1 606 dans le groupe tamoxifène. Le critère principal était la survie sans rechute. La durée de suivi médian a été de 28 mois. L’ensemble des résultats issus des données poolées est présenté dans le tableau IV. Tableau IV. Études ARNO-ABCSG 8 (12). Tamoxifène (n = 1 606) Survie sans événement Événements* Total Locorégionaux Cancer du sein controlatéral Rechutes à distance Survie globale Décès Survie globale à 3 ans 92,7 % Anastrozole (n = 1 618) 95,8 % p = 0,0009 110 24 16 75 59 96,4 % 67 20 12 46 45 97,1 % p = NS** * Les événements survenant simultanément sont inclus deux fois. ** NS = non significatif. L’analyse combinée des deux études montre que la substitution vers l’anastrozole : ✓ réduit de 40 % le risque de survenue d’événements (p = 0,0009) ; ✓ réduit essentiellement le risque de survenue des rechutes à distance (75 dans le tamoxifène versus 46 dans le groupe anastrozole) ; ✓ est efficace quels que soient le statut ganglionnaire de la patiente et le grade histologique de la tumeur ; ✓ réduit de 39 % le risque de progression à distance (HR : 0,61 ; IC95 : 0,42-0,87 ; p = 0,0087) ; ✓ est bien tolérée. Les études ARNO et ABCSG démontrent que la substitution de l’anastrozole au tamoxifène améliore significativement la survie sans événement et la survie sans rechute à distance, indépendamment du statut ganglionnaire et du grade histologique. En adjuvant étendu après 5 ans de traitement par tamoxifène : étude ABCSG-6a L’étude randomisée ABSCG-6a de phase III, contrôlée en double insu et multicentrique a randomisé, après traitement initial par Tableau III. Étude ITA : résultats (11). Suivi médian : 36 mois HR (IC95) Réduction du risque p Suivi médian : 52 mois HR (IC95) Réduction du risque p Survie sans événement 0,35 (0,20-0,63) 65 % 0,0002 0,42 (0,26-0,66) 58 % 0,0001 Survie sans progression 0,35 (0,18-0,68) 65 % 0,001 0,43 (0,25-0,73) 57 % 0,001 Survie sans progression locale 0,15 (0,03-0,65) 85 % 0,003 0,13 (0,03-0,59) 87 % 0,002 Survie sans progression à distance 0,49 (0,22-1,05) 51 % 0,06 0,57 (0,32-0,02) 43 % 0,06 La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005 211 A C T U A L I T É S T H tamoxifène 20 mg/jour ± aminogluthémide 500 mg/jour pendant 5 ans*, 856 patientes ménopausées, avec cancer du sein localisé hormonosensible, en deux groupes : un groupe anastrozole 1 mg/jour (n = 387) et un groupe sans traitement (n = 469) administrés pendant 3 ans (13, 14). Le critère principal était la survie sans événements (rechute locorégionale, à distance, cancer du sein controlatéral) (14). Plus de 60 % des patientes présentaient une tumeur de taille inférieure à 2 cm. Plus de 60 % des patientes étaient N0. Plus de 80 % des patientes présentaient une tumeur de grade 1-2. Plus de 90 % des patientes étaient RE+ (13). La durée de suivi médian a été de 60 mois (13). Une amélioration significative est retrouvée dans le groupe anastrozole par rapport au groupe sans traitement. En effet, la réduction du risque relatif de survenue d’événement est de 36 % (HR : 0,64 ; IC95 : 0,412-0,999 ; p = 0,0477) dans le groupe anastrozole par rapport au groupe sans traitement (14). L’incidence des différents événements est présentée dans le tableau V (14). Il n’existe aucune différence en termes de survie globale entre les deux groupes (13). É R A P E U T I Q U E S Tableau V. Incidence des événements (14). Groupe anastrozole (n = 387) Groupe sans traitement (n = 469) Total (n = 856) Rechute locorégionale 10 15 25 Métastases à distance 16 35 51 Cancer du sein controlatéral 6 10 16 Total* 30 56 86 Événements * Premier événement seulement. L’analyse de la tolérance est encore en cours. Compte tenu des données déjà disponibles sur la tolérance de l’anastrozole, il paraît licite de penser qu’il ne devrait pas y avoir d’autres effets indésirables que ceux déjà répertoriés dans d’autres études (14). ANASTROZOLE EN PREMIÈRE LIGNE MÉTASTATIQUE Trois études de phase III, études 0027,0030 et Milla-Santos, ont permis d’évaluer l’efficacité et la tolérance de l’anastrozole par rapport au tamoxifène (15-18). Les principales caractéristiques de ces études et leurs résultats sont présentés dans le tableau VI. Ces trois études confirment l’intérêt de l’anastrozole chez les patientes ménopausées avec cancer du sein avancé hormonosensible. * L’étude ABCSG-6a fait suite à l’étude ABCSG-6, étude de substitution de phase III qui a randomisé en deux groupes, après traitement initial par tamoxifène 20 mg/jour pendant 2 ans, 1 986 patientes ménopausées avec cancer du sein localisé hormonosensible : un groupe tamoxifène 20 mg/jour + aminogluthémide 500 mg/jour et un groupe tamoxifène 20 mg/jour pendant 3 ans. L’étude ABCSG-6 n’a pas mis en évidence de différence entre les groupes en termes de pronostic (14). Tableau VI. Protocoles et résultats des études 0027, 0030 et Milla-Santos (15-18). Étude 0027 (15, 17) Protocoles Critères d’évaluation Étude 0030 (16, 17) Étude Milla-Santos (18) • Randomisée, double aveugle • 668 patientes ménopausées RE+ et/ou RP+ ou inconnu : anastrozole 1 mg/jour (n = 340) ; tamoxifène 20 mg/jour (n = 328) • Patientes avec récepteurs positifs : 45,3 % • Durée médiane de suivi : 14,7 mois • Randomisée, double aveugle • 353 patientes RE+ et/ou RP+ ou inconnu : anastrozole 1 mg/jour(n = 171) ; tamoxifène 20 mg/jour (n = 182) • Patientes avec récepteurs positifs : 88,2 % • Durée médiane de suivi : 17,7 mois • Randomisée, double aveugle • 228 patientes ménopausées RE+ : anastrozole 1 mg/jour (n = 121) ; tamoxifène 10 mg/jour (n = 117) • Durée médiane de suivi : 13,3 mois • Réponse objective (RO) • Temps sans progression (TSP) • Tolérance • Réponse objective (RO) • Temps sans progression (TSP) • Tolérance • Bénéfice clinique (BC) • Réponse objective (RO) • Temps sans progression (TSP) • Survie globale • Tolérance Résultats combinés Résultats RO* TTP* A 0027 : 32,9 % 0030 : 21,1 % versus versus T 32,6 % (p = NS**) 17,0 % (p = NS**) 0027 : 8,2 mois versus 0030 : 11,1 mois versus 8,3 mois (p = NS**) 5,6 mois (p = 0,005) Bonne tolérance dans les deux groupes • RO : 36 % (A) versus 26 % (T) (p = NS**) • BC : 83 % (A) versus 56 % (T) (p < 0,001) • TSP médian chez patientes avec bénéfice clinique : 18 mois (A) versus 7 mois (T) (p < 0,01) • Survie globale (cut-off des données) 40 % (A) versus 11 % (T) * Anastrozole versus tamoxifène. ** NS = non significatif. 212 La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005 Les effets bénéfiques et délétères du tamoxifène par rapport au placebo sont bien connus : diminution du risque de décès par infarctus (HR = 0,62 [0,41-0,93]) et préservation du capital osseux, d’un côté, accroissement du risque thromboembolique, d'accidents vasculaires cérébraux (HR = 1,49 [1,16-1,90]), de cancer de l’endomètre, de bouffées de chaleur et de troubles gynécologiques (saignements vaginaux et pertes vaginales), de l’autre (19, 20). La mise à disposition d’inhibiteurs de l’aromatase, dotés chacun d’un profil de tolérance spécifique (8, 21, 22) pose désormais la question de la tolérance en des termes nouveaux. La première question concerne les bénéfices et inconvénients engendrés par l’utilisation de ces molécules et, notamment, de l’anastrozole. La deuxième question, qui découle de la première, concerne les modalités de surveillance à appliquer chez des patientes désormais traitées par anastrozole. L’analyse actualisée de l’étude ATAC, après 68 mois de suivi médian, a permis de préciser les effets de l’anastrozole sur les plans vasculaire, gynécologique et osseux. Sur le plan vasculaire, l’anastrozole réduit significativement, par rapport au tamoxifène, le taux : ✓ d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques : 2 % versus 2,8 % (p = 0,03) ; ✓ d’accidents thromboemboliques : 2,8 % versus 4,5 % (p = 0,0004) ; ✓ de thromboses veineuses profondes : 1,6 % versus 2,4 % (p = 0,02). Par ailleurs, le nombre de décès cardiovasculaires est similaire dans les groupes anastrozole et tamoxifène (respectivement 49 versus 46) (9). Ce résultat a d’autant plus d’importance qu’il est issu d’une analyse effectuée à partir de la quasi-totalité des données de tolérance disponibles (9). Sur le plan gynécologique, l’anastrozole réduit significativement par rapport au tamoxifène le taux de : ✓ cancers de l’endomètre : 0,2 % versus 0,8 % (p = 0,02) ; ✓ de bouffées de chaleur : 35,7 % versus 40,9 % (p < 0,0001) ; ✓ de saignements vaginaux : 1,6 % versus 2,4 % (p < 0,0001) ; ✓ de pertes vaginales : 3,5 versus 13,2 % (p < 0,0001). Sur le plan osseux, on constate que l’anastrozole accroît significativement, par rapport au tamoxifène, le taux de fractures : 11 % versus 7,7 % (p < 0,0001). Celles-ci se répartissent comme suit : – hanche : 1,2 % versus 1,0 % (p = NS) ; – vertèbres : 1,5 % versus 0,9 % (p = 0,03) ; – poignet : 2,3 % versus 2,0 % (p = NS). Des données présentées au congrès de l’American Society of Clinical Oncology en 2003 montrent que l’incidence des fractures atteint un pic à la deuxième année de traitement pour ensuite se stabiliser (figure 3) (23). On constate aussi un accroissement du taux d’arthralgies dans le groupe anastrozole par rapport au groupe tamoxifène (35,6 % versus 29,4 % [p < 0,0001]). Les effets osseux constatés sont liés au mécanisme d’action de l’anastrozole (réduction du taux d’estrogènes circulants). La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005 Taux de fracture mensuelle (6 mois)/100 patientes TOLÉRANCE Anastrozole 1,6 1,2 0,8 0,4 Tamoxifène 0 6 12 Nombre de patientes à risque Mois 0 6 12 Anastrozole 3 092 2 862 2 721 Tamoxifène 3 093 2 858 2 692 18 24 Mois 30 36 42 48 18 2 563 2 524 24 2 410 2 382 30 2 190 2 185 36 1 700 1 690 42 1 002 1 008 48 401 418 Figure 3. Évolution des fractures au cours du temps (23). Ces effets sont prévisibles et gérables : une ostéodensitométrie est recommandée chez les patientes traitées par anastrozole au début du traitement et à la fin de la première année, puis à intervalles réguliers. Si nécessaire, un traitement ou une prévention de l’ostéoporose peuvent être mis en place. Si un traitement par bisphosphonates est jugé nécessaire, il faut savoir qu’il n’existe pas d’interaction médicamenteuse entre l’anastrozole et les molécules de cette famille. Le profil de tolérance de l’anastrozole est resté inchangé durant les cinq ans de traitement. Aucun nouveau type d’effet indésirable n’a été mis en évidence. CONCLUSION L’anastrozole a démontré son efficacité à tous les stades de la prise en charge du cancer hormonosensible de la femme ménopausée (7-9, 11-18). En adjuvant, que ce soit d’emblée ou en substitution au tamoxifène, ou en prolongation de la durée de l'hormonothérapie après cinq ans de tamoxifène, l’anastrozole a démontré sa supériorité par rapport au tamoxifène (8, 9, 11-14). Compte tenu de cette différence d’efficacité et de son profil de tolérance, notamment vasculaire et gynécologique, l’anastrozole peut être considéré comme le traitement à utiliser à la place du tamoxifène dans la prise en charge du cancer du sein hormonosensible de la femme ménopausée. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Trétarre B. Évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer en France de 1978 à 2000. Sein In InVS (www.invs.sante.fr/publications):99-105. 2. AFSSAPS. Commission de la Transparence. Avis de la Commission sur l’anastrozole 1 mg. 13 septembre 2000/24 janvier 2001. 3. Early Breast Cancer trialists’Collaborative Group. Tamoxifen for early breast cancer: an overview of randomised trials. Lancet 1998;351:1451-67. 4. The ATAC trialists’Group. Anastrozole alone or in combination with tamoxifen versus tamoxifen alone for adjuvant treatment of postmenopausal women with early breast cancer: first results of the ATAC randomised trial. Lancet 2002;359:2131-39. 5. Geisler J et al. Influence of anastrozole (Arimidex®), a selective, non-steroidal aromatase inhibitor, on in vivo, aromatisation and plasma oestrogen levels in post-menopausal women with breast cancer. Br J Cancer 1996;74:1286-91. 213 A C T U A L I T É S T 6. Résumé des caractéristiques du produit. 7. Smith I et al. Comparison of anastrozole vs tamoxifen alone and in combination as neoadjuvant treatment adjuvant of estrogen receptor-positive (ER+) operable breast cancer in postmenopausal women: the IMPACT trial. San Antonio Breast Cancer Symposium 2003:1. 8. Howell A et al. Results of the ATAC (Arimidex®, Tamoxifen, Alone or in Combination) trial after completion of 5 years' adjuvant treatment for breast cancer. Lancet 2005;365:60-2. 9. Howell A et al. ATAC trial update. Lancet 2005;365:1225-6. 10. Fisher B et al. Five versus more than five years of tamoxifen for lymph node-negative breast cancer: updated findings from the National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project B-14 randomized trial. J Natl Cancer Inst 2001;93:684-90. 11. Boccardo F. Switching to anastrozole (ANA) vs continued tamoxifen (TAM) treatment of early breast cancer (EBC). Updated results of the Italian Tamoxifen Anastrozole (ITA) trial : ASCO 2005: abstract 526. 12. Jakesz R. Benefits of switching postmenopausal women with hormone-sensitive early breast cancer to anastrozole after 2 years adjuvant tamoxifen: combining results from 3224 women enrolled in the ABCSG trial 8 and the ARNO 95 trial. 2004 San Antonio Breast Cancer Symposium. www.breastcancerupdate.com/bcu2005/2/journal_club.htm: 9-13. 13. Jakesz R et al. Extended adjuvant treatment with anastrozole: Results from the Austrian Breast and Colorectal Cancer Study Group Trial 6a (ABCSG-6a). ASCO 2005: abstract 527. 14. Jakesz R et al. Extended adjuvant treatment with anastrozole: Results from the Austrian Breast and Colorectal Cancer Study Group Trial 6a (ABCSG-6a): P 527. ASCO 2005. NOUVELLES DE H É R A P E U T I Q U E S 15. Bonneterre J et al. Anastrozole versus tamoxifen as first-line therapy for advanced breast cancer in 668 postmenopausal women: results of the Tamoxifen or Arimidex® Randomized Group Efficacy and Tolerability study. J Clin Oncol 2000;18:3748-57. 16. Nabholtz JM et al. Anastrozole is superior to tamoxifen as first-line therapy for advanced breast cancer in postmenopausal women: results of a North American multicenter randomized trial. Arimidex Study Group. J Clin Oncol 2000;18:3758-67. 17. Bonneterre J et al. 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Locker GY and al The time course of bone fractures observed in the ATAC (Arimidex®, Tamoxifen, Alone or in Combination) trial. ASCO 2003: abstract 98 (diaporama, diapositive 6). L’ I N D U S T R I E P H A R M AC E U T I Q U E Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique À propos de “Docteur Blog” La première révolution informatique a été celle du traitement des données et des outils. Ce sont les tableurs, les traitements de texte, les outils de présentation… Cette révolution a été égoïste, puisqu’elle a permis à chacun de travailler dans son univers. La deuxième révolution a été celle de l’Internet, du réseau mondial, et donc de l’ouverture au monde. Ce sont les outils de recherche, les bibliographies rapides et complètes. Cette révolution a été “passive”, puisque l’information est présentée au demandeur. La troisième révolution est celle de la personnalisation. Le e-mail (mèl ou courriel) en a été le premier exemple. Le développement des blogs, nouveaux “dazibaos” mondiaux, ou celui du podcasting, édition d’une radio personnelle, en sont les derniers prolongements. Nous souhaitons tous développer un site per214 sonnel ou un blog pour partager nos expériences et nos sentiments, et évoquer des questions avec nos collègues. Pour créer son site ou son blog, trois étapes sont indispensables : ✓ La première étape est celle de la volonté et des idées. Pour cela, pas de recette miracle, pas d’outils automatiques. Cela dit, dans le cédérom qui est proposé ici par les laboratoires Wyeth, et surtout dans le livret l’accompagnant, vous trouverez des conseils et des logiciels qui vous aideront à la conception de votre site. ✓ La deuxième est celle de la création informatique en tant que telle. C’est à cette étape que le cédérom et le fascicule sont les plus utiles. Après avoir testé le cédérom, il est possible, en suivant pas à pas les conseils prodigués, de créer un site attractif et efficace. Les outils d’imagerie, de fichiers joints sont compréhensibles et utilisables après une courte période d’apprentissage. Je vous conseille de tester les outils “à froid” initialement sur un projet de site “simple”. Une fois que les principes de base sont acquis, il devient aisé de faire évoluer la ou les pages. On en revient alors à la première étape, celle de l’inventivité. ✓ La troisième étape, enfin, est celle de l’hébergement et du référencement. La mise en ligne permet de rendre le site disponible auprès des internautes. L’hébergement est obtenu en contactant son fournisseur d’accès (provider). Si votre fournisseur ne prévoit pas un tel service dans son abonnement ou si le système est compliqué, le cédérom présent dans ce numéro vous explique aussi comment l’obtenir gratuitement auprès de Free. Le référencement est également une étape importante, puisqu’elle va permettre à votre site d’être visité. Le cédérom fournit un lien avec un site dédié aux professionnels de santé (www.bops.fr). Sur ce site, vous trouverez une possibilité de référencement simple et rapide. De plus, le site et le cédérom vous permettront d’obtenir divers outils gratuits (du logiciel d’image à celui de contrôle parental) qui peuvent être d’une grande aide. En résumé, le cédérom et son fichier que nous proposent les laboratoires Wyeth sont un outil très utile pour tous ceux qui souhaiteraient créer leur site. Maintenant, place à l’imagination et… à vos clicks ! ■ E. Thervet La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005