205
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005
D’après la littérature, diverses pathologies néoplasiques peuvent
se compliquer de localisations au niveau du tractus biliaire, com-
prenant les cancers pulmonaires, du sein, de la vésicule biliaire
ou du côlon, les mélanomes et les lymphomes (1-4). Les locali-
sations secondaires peuvent se voir sur l’ensemble des voies
biliaires extra-hépatiques, comprenant la vésicule, le cholédoque
proprement dit, mais également la papille. Aoki et al. ont en effet
décrit la présence d’une métastase d’un cancer du rein situé au
niveau de la vésicule biliaire (5), Buyukcelik et al. ayant, quant
à eux, décrit une localisation secondaire d’un néoplasme laryngé
au niveau de l’ampoule de Vater (6).
Le premier cas de localisation secondaire intracholédocienne d’un
cancer du côlon, considérée initialement comme une néoplasie
primitive des voies biliaires, a été décrit en 1946 par Herbut et
Watson (7). L’examen anatomopathologique de la pièce opéra-
toire infirmera le diagnostic initial et confirmera la présence d’une
lésion secondaire endoluminale d’origine digestive.
Riopel et al. ont décrit en 1997 huit cas de métastases intracho-
lédociennes révélées lors de l’examen anatomopathologique de
pièces opératoires (8). Pour six de ces huit patients, il existait un
contexte antérieur de néoplasie colique, avec un intervalle moyen
de 43 mois entre les deux événements. Les auteurs ont insisté sur
la difficulté histologique de poser le diagnostic de lésion secon-
daire, du fait de la localisation souvent intraépithéliale de ce type
de métastases. Ils soulignent de ce fait la nécessité d’informer
l’anatomopathologiste du contexte de néoplasie colique afin de
ne pas méconnaître l’origine exacte des lésions.
Povoski et al. ont répertorié, en 2000, quatorze cas de localisa-
tions secondaires intracholédociennes de cancer du côlon lors
d’une étude rétrospective sur sept ans (9). Le délai moyen d’appa-
rition de ces lésions après la découverte initiale de la tumeur
colique était de 31 mois. La mise en évidence de métastases intra-
cholédociennes se faisait lors de l’examen anatomopathologique
de la pièce opératoire, ces patients bénéficiant d’une chirurgie
dans le cadre de localisations secondaires hépatiques. Fait sur-
prenant, seuls deux patients présentaient un ictère, la découverte
des autres cas se faisant de façon fortuite lors de la réalisation
d’examens complémentaires par scanner ou IRM. Ces observa-
tions peuvent donc concorder avec les résultats de Riopel et al.,
la diffusion du processus métastatique se faisant plus en sous-
épithélial, parallèlement à l’axe cholédocien, responsable d’une
expression clinique parfois tardive.
D’autres cas isolés ont également été décrits dans la littérature
(10-16). Les caractéristiques de ces patients sont résumées dans
le tableau. Le délai d’apparition de ce type de lésions secondaires
peut être long, avec un diagnostic porté à plusieurs reprises quatre
ans après celui de la lésion initiale. À noter également que le dia-
gnostic exact de localisation intracholédocienne n’a, dans la majo-
rité des cas, été porté qu’après examen anatomopathologique,
comme cela était le cas dans les séries précédentes.
CONCLUSION
Peu de données sont disponibles dans la littérature sur ce profil
évolutif du cancer du côlon. Le piège diagnostique est donc celui
d’une supposée seconde pathologie néoplasique à type de cho-
langiocarcinome, mais également celui d’une fausse compres-
sion extrinsèque, surtout s’il existe de nombreuses localisations
secondaires hépatiques synchrones. Il paraît donc important de
réaliser des examens cytologiques ou anatomopathologiques dès
que cela est possible, soit postchirurgicaux, soit par prélèvements
lors du traitement médical endoscopique par pose de prothèse
biliaire (brossage), afin d’adapter au mieux le traitement par la
suite. En effet, en fonction de l’origine primitive (colique ou
biliaire), le pronostic et les traitements proposés seront différents
(chimiothérapie ou chirurgie radicale d’exérèse).
Tableau.
Caractéristiques des cas décrits isolément.
Localisation primitive Traitement Intervalle
Auteurs Patient Âge de l’adénocarcinome initial pour les lésions Diagnostic Traitement Commentaire
hépatiques
Krims P.E. (12) Homme 66 ans Rectum Dukes B Chirurgie Ictère à 4 ans Cytologie CPRE pour prothèse Pas de métastase
biliaire puis chirurgie parenchymateuse
Biopsie par voie Prothèse biliaire Métastase
Wenzel D.J. (10) Homme 58 ans Sigmoïde Dukes B2 Chirurgie Ictère à 4 ans chirurgicale puis chirurgie parenchymateuse
Sigmoïde Dukes A Ictère 2 mois Biopsie par voie Prothèse Métastase
Dapvril V. (13) Femme 73 ans puis récidive colique Chirurgie après la 2e radiologique biliaire par voie parenchymateuse
Dukes B 4 ans après chirurgie radiologique
Biopsie par voie Métastase
Hardwigsen J. (14) Femme 75 ans Rectum Dukes B Chirurgie Ictère à 4 ans chirurgicale Laparotomie parenchymateuse
Biopsie par voie Drains par voie Métastase
Maroy B. (15) Femme 61 ans Sigmoïde Dukes C1 Chirurgie 2 mois chirurgicale chirurgicale parenchymateuse
Gray R. (16) Homme 76 ans Cæcum Chirurgie Métastase Biopsie par voie Métastase
synchrone chirurgicale Chirurgie parenchymateuse