R É T R O S P E C T I V E 2 0 0 5 Cancer du sein Breast cancer ● J.Y. Pierga*, V. Diéras* ÉPIDÉMIOLOGIE Dépistage La dernière actualisation de la méta-analyse des traitements adjuvants dans le cancer du sein localisé a été publiée cette année par le Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group (EBCTCG) dans le Lancet. Elle confirme leur impact positif sur la survie globale des patientes. Mais elle démontre surtout la baisse de la mortalité par cancer du sein dans les pays occidentaux depuis les années 1990 alors que l’incidence augmente (Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group, abstract 2956). Cette tendance est surtout nette aux États-Unis et au Royaume-Uni, où la mortalité était particulièrement élevée, alors qu’elle est moins spectaculaire en France, où la mortalité était plus faible et reste stable avec une orientation à la baisse (Veronesi, abstract 3009 ; Hill, abstract 2791). Une modélisation statistique sur les données aux États-Unis entre 1975 et 2000 montre une contribution relativement équivalente du screening par mammographie et des traitements (Berry, abstract 3002). Une étude prospective anglaise de dépistage du cancer du sein (MARIBS study) chez 649 femmes âgées de 35 à 49 ans et à haut risque familial a comparé l’IRM avec injection de produit de contraste à la mammographie (Leach, abstract 3048). La sensibilité de l’IRM était de 77 % versus 40 % avec la mammographie (p = 0,01) et de 94 % avec les deux méthodes. La différence était particulièrement nette chez les patientes présentant une mutation de BRCA1. La spécificité était de 93 % avec la mammographie et de 77 % pour l’IRM. Une autre étude, celle-là allemande, montre une sensibilité de 91 % de l’IRM pour le diagnostic précoce de cancer du sein dans une population de 529 patientes à haut risque familial ou BRCA1 muté connu versus 49 % avec l’écho et la mammographie. La spécificité était équivalente (97,2 % versus 96,8 %) [Kuhl, abstract 3084]. Pour le dépistage, les films mammographiques sont équivalents à la mammographie digitale, mais cette dernière méthode est plus efficace chez les patientes de moins de 50 ans, qui ont des seins plus denses, comme le montre une étude menée sur près de 50 000 patientes aux États-Unis (Pisano, abstract 3030). La densité mammaire à la mammographie est variable d’une femme à * Institut Curie, Paris. La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005 l’autre à âge égal et présente une part héréditaire importante. Une densité mammaire élevée semble associée avec une augmentation du risque de cancer du sein (Boyd, abstract 3049). La consommation d’alcool a été associée à une augmentation du risque de cancer du sein avec des récepteurs aux estrogènes positifs (RE+), indépendamment de la présence de récepteurs à la progestérone (RP), dans une population de près de 52 000 femmes ménopausées. Les femmes consommant plus de 10 g d’alcool par jour ont eu une augmentation du risque de 23 % de développer un cancer du sein RE+ RP+, et une augmentation du risque de 58 % de développer un cancer du sein RE+ RP-, par rapport aux femmes qui ne boivent pas d’alcool (Suzuki, abstract 3082). Les résultats de la Million Women Study, grande étude britannique ayant inclus 716 738 femmes ménopausées, montrent que certains traitements hormonaux substitutifs (THS), les estrogènes et la tibolone (progestatif ayant aussi de faibles propriétés estrogéniques et androgéniques), augmenteraient le risque de cancer de l’endomètre (RR = respectivement 1,45 et 1,79). L’addition de progestatifs aux estrogènes annulerait ce risque ; en particulier, l’utilisation quotidienne d’un traitement combinant estrogène et progestatif diminuerait même de 29 % le risque de cancer de l’endomètre. Cependant, les THS combinant estrogène et progestatif élèvent le risque de cancer du sein, ce qui annule leurs bénéfices sur le risque de cancer utérin (Beral, abstract 3127). BIOLOGIE Une méta-analyse des données de neuf études incluant 4 703 patientes atteintes d’un cancer du sein de stade I, II ou III montrait que des micro-métastases ont été détectées dans la moelle osseuse chez 30,6 % des patientes au moment du diagnostic du cancer. La présence de micro-métastases était associée à des tumeurs de plus grande taille et de plus haut grade histologique, et souvent à des métastases ganglionnaires ainsi qu’à l’absence de récepteurs hormonaux. Avec un recul médian de 5,2 ans, la présence de micro-métastases en analyse multivariée était un facteur pronostique significatif de faible survie, y compris en analyse de sous-groupes, en particulier chez les femmes ayant reçu une chimiothérapie adjuvante et chez celles dont la tumeur initiale mesurait 2 cm de diamètre ou moins (Braun, abstract 2975). 271 R É T R O S P E L’index mitotique (IM), plus que le grade histologique, a une valeur pronostique très importante. Ainsi, une étude prospective multicentrique a montré, sur une série de 516 patientes de moins de 55 ans, sans envahissement ganglionnaire et n’ayant pas reçu de traitement adjuvant après un suivi médian de 10 ans, que l’IM supérieur à 10 est le facteur pronostique péjoratif le plus puissant pour la survie sans métastase (Baak, abstract 3018). De même, le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante paraît significatif chez les patientes ayant un IM élevé dans une série prospective de 937 patientes (Andre, abstract 3054). Les tumeurs ER+ PR-, sur une série de 13 404 patientes comparées à 34 415 patientes ER+ et PR+, étaient associées à une plus fréquente expression de HER1 et HER2 et à un pronostic plus défavorable (Arpino, abstract 3025). Une méta-analyse de 12 études portant sur 2 379 patientes recevant une hormonothérapie pour un cancer du sein métastatique montrait une moins bonne réponse à l’hormonothérapie si la tumeur était HER2+ (De Laurentiis, abstract 3026). De nouvelles études, publiées au cours de l’année, ont montré la valeur pronostique indépendante d’un profil d’expression génique obtenu par “puces à ADN”. Ainsi, une signature correspondant à des gènes impliqués dans la cicatrisation, adjointe à la signature de 70 gènes déjà publiée par l’équipe d’Amsterdam (van de Vijver, abstract 2438), permet d’améliorer la prédiction du risque de rechute métastatique (Chang, abstract 3055). Une autre signature, comportant 76 gènes, a été développée par une équipe de Rotterdam ; elle permet de bien prédire le risque de récidive sur une population de 286 patientes ayant un cancer du sein sans atteinte ganglionnaire (Wang, abstract 3079). Cependant, elle avait seulement 3 gènes en commun avec la signature du groupe d’Amsterdam. Plusieurs auteurs ont donc attiré l’attention sur la prudence qui est indispensable dans l’interprétation des résultats de ces études et, surtout, sur les problèmes que pose leur reproductibilité (Reid, abstract 2944 ; Michiels, abstract 2945 ; Ioannidis, abstract 3080). La prédiction de la réponse à une chimiothérapie néoadjuvante a servi de modèle pour ce type d’outils : par exemple, la réponse au docétaxel (Iwao-Koizumi, abstract 2898). Mais l’équipe d’Amsterdam n’a pas réussi à déterminer une signature prédisant la réponse à une association adriamycine + docétaxel ou adriamycine + cyclophosphamide (Hannemann, abstract 2942). La réponse histologique complète à une association adriamycine + paclitaxel a été étudiée par une technique de RT-PCR couvrant 384 gènes. Elle était associée, sans surprise, à une expression plus élevée de gènes de prolifération et de réponse immunitaire et à une faible expression des gènes des récepteurs aux estrogènes (RE) (Gianni, abstract 2948). Le statut des RH dans les cas de récidive controlatérale d’un cancer du sein est indépendant de celui de la tumeur initiale sur une série comportant 126 patientes identifiées à partir d’une base de données. La probabilité de développer un cancer controlatéral RE+ est pratiquement identique, que le cancer initial soit RE+ (88 %) ou RE- (75 %). Cela n’est vrai, toutefois, qu’en l’absence d’hormonothérapie adjuvante. Le tamoxifène ne réduit pas le risque de cancer controlatéral chez les femmes RH- (Arpino, abstract 3027). 272 C T I V E 2 0 0 5 L’analyse centralisée du statut HER2 par FISH de 2 600 tumeurs pour l’inclusion dans un essai du Breast Cancer International Research Group (BCIRG) montre que le gène était amplifié dans 26 % des cas et que la protéine est surexprimée en immuno-histochimie (IHC) dans 22,5 % des cas (Press, abstract 3074). La concordance entre une IHC faite en dehors du laboratoire central et le résultat de la FISH centralisée n’était que de 79 % et de 77 % entre une IHC à l’extérieur et une IHC centralisée. Une FISH faite à l’extérieur était concordante dans 92 % des cas avec une FISH centralisée. CHIRURGIE ET RADIOTHÉRAPIE Les recommandations de l’ASCO, publiées en 2005 dans le Journal of Clinical Oncology, considèrent l’exérèse du ganglion sentinelle (GS) comme une technique standard pour les tumeurs de petite taille sans atteinte ganglionnaire clinique (Lyman, abstract 2991). Réalisé par un chirurgien expérimenté, si le GS est négatif, le curage ganglionnaire axillaire n’est pas nécessaire. La signification clinique des cellules immunomarquées isolées dans le GS n’est pas connue ; en revanche, une micrométastase supérieure à 1 mm pourrait avoir une signification péjorative (pN0i+) (Colleoni, abstract 2900). Trois analyses rétrospectives de la prescription concomitante ou non du tamoxifène avec la radiothérapie (Harris, abstract 3068) n’ont montré aucune différence en survie ou contrôle local (Whelan, abstract 3066 ; Pierce, abstract 3067 ; Harris, abstract 3068 ; Ahn, abstract 3069), ce qui rend licite la prescription du tamoxifène en même temps que l’irradiation. On ne dispose encore d’aucune donnée pour les anti-aromatases. Une étude a été réalisée à partir de la base de données SEER (surveillance, epidemiology, end results) du NCI (National Cancer Institute) sur les conséquences de la radiothérapie adjuvante pour le cancer du sein chez plus de 27 000 patientes traitées entre 1973 et 1989. Pour les patientes traitées avant 1979, le risque de décès par maladies cardiovasculaires est de 1,5 pour les patientes irradiées pour un sein gauche par rapport aux patientes traitées pour un sein droit. Cette différence de mortalité n’apparaît plus chez les patientes traitées depuis 1980, grâce à l’amélioration des techniques de radiothérapie qui permet d’éviter l’irradiation cardiaque (Giordano, abstract 3083). L’analyse, avec 20 ans de recul médian, de l’essai de la British Columbia Breast Cancer Outcomes Unit (BCOU) – comparant mastectomie + chimiothérapie adjuvante à une chimiothérapie + irradiation – confirme l’augmentation de la survie globale des patientes grâce à la radiothérapie (Ragaz, abstract 3071). TRAITEMENT ADJUVANT Facteurs pronostiques La neuvième conférence de consensus de Saint-Gall, en janvier 2005, a essentiellement introduit un nouvel algorithme de sélection d’un traitement adjuvant, reposant sur la notion de réponse à un traitement antihormonal. C’est ainsi que l’on distingue trois catégories différentes : hormonosensibilité (RH+), hormononon-sensibilité (RH-) et hormonosensibilité incertaine (faible La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005 C A N C E R S expression des RH). En fonction du degré d’hormonosensibilité, les patientes peuvent être réparties en trois groupes de risque : faible, intermédiaire et haut. La surexpression ou l’amplification de HER2 est considérée comme un facteur de risque. L’envahissement ganglionnaire ne représente plus, à lui seul, un facteur de haut risque et une hormonothérapie peut être proposée en cas de profil biologique favorable. De même, le profil biologique prime pour les cancers du sein sans envahissement ganglionnaire (N-). En revanche, il faut souligner que les experts n’ont pas reconnu la valeur d’UPA-PAI, malgré les données cliniques très fortes sur un argument de technique (Goldhirsch, abstract 3008). Les recommandations de Saint-Gall n’ont pas été publiées par le Journal of Clinical Oncology et sont déjà dépassées en raison des résultats des essais avec le trastuzumab en adjuvant. La multifocalité dans les cancers du sein est associée à un risque accru d’envahissement ganglionnaire par rapport à une tumeur unifocale. La décision d’un traitement adjuvant sur la tumeur principale, sans estimer le volume tumoral des autres localisations, pourrait entraîner une sous-estimation du risque et un traitement inadéquat (Coombs, abstract 2992). Immunochimiothérapie Une analyse combinée de deux essais adjuvants américains de trastuzumab a été réalisée (NSABP B31 et l’essai de l’intergroupe NCCTG N9831) (Romond, abstract 3023). Le B31 comparait, chez 2 770 patientes présentant un cancer HER2+ N+, après chirurgie, 4 cycles d’adriamycine + cyclophosphamide (AC) suivis de 4 cycles de paclitaxel toutes les 3 semaines (bras 1 : contrôle) au même schéma associé à du trastuzumab hebdomadaire pendant un an. Le trastuzumab était débuté en même temps que le paclitaxel, après la fin de la séquence avec anthracyclines. L’autre essai, de 3 300 patientes (N9831), comportait trois bras : un bras contrôle (A) de 4 cycles d’AC suivis de 12 injections de paclitaxel hebdomadaire (3 mois), un bras séquentiel (B) faisant commencer le trastuzumab hebdomadaire après la fin de la séquence complète de chimiothérapie et un bras concomitant (C), où le trastuzumab était pris après la fin de la D AC TH 87 % 100 85 % 75 % % 80 E 94 % AC T 90 90 AC T S I N séquence avec anthracyclines mais en même temps que le paclitaxel. L’objectif d’inclusion avait été atteint. Les patientes sans atteinte ganglionnaire représentaient 11 % de l’effectif. L’analyse publiée compare un bras contrôle sans trastuzumab avec le bras contrôle des deux études (bras A et bras 1), considérant que 4 cycles de paclitaxel toutes les 3 semaines étaient équivalents à 3 mois de paclitaxel hebdomadaire. Le nombre de patientes analysables était de 1 679. Le bras “expérimental” était constitué par le bras avec trastuzumab de l’essai B31 et par le bras trastuzumab concomitant (bras C) du N9831, considérant que ces deux bras étaient également comparables. Le bras B du N9831, bras séquentiel (trastuzumab après la fin de la chimiothérapie), était exclu de cette analyse. Le nombre de patientes analysables était de 1 672. La différence en survie sans maladie, avec un recul de seulement deux ans de médiane, est majeure ; s’y associe une réduction du risque de récidive de 52 % à trois ans en faveur du traitement avec trastuzumab (p < 3.10-12) (figure 1). Cette réduction du risque était retrouvée dans tous les sous-groupes (âge, statut des récepteurs hormonaux, taille de la tumeur, nombre de ganglions envahis), sauf pour les patientes N-, mais elles ne représentaient que 6 % de la totalité de l’effectif de l’étude. La réduction du risque de récidive se retrouvait également lors de l’analyse séparée des deux essais. De plus, la survie sans métastases était très significativement différente. Ce bénéfice se maintient à distance au-delà de trois ans. Alors que le recul est court, cette différence est telle, dans cette population de patientes de mauvais pronostic présentant un cancer du sein HER2+ chez qui les récidives surviennent de façon souvent précoce, que la différence était significative en survie globale (figure 2). L’essai HERA comportait 3 bras (Piccart-Gebhart, abstract 2995) : un bras contrôle sans trastuzumab, un bras avec trastuzumab toutes les 3 semaines pendant une durée totale d’un an et un bras avec trastuzumab toutes les 3 semaines pendant 2 ans. L’analyse intermédiaire étant faite avec un an de recul médian, seule la comparaison entre le bras contrôle et le bras trastuzumab pendant un an a été publiée. Les résultats portent donc sur 3 387 patientes au lieu des 5 090 incluses au total dans cet essai. Suivi médian de 2 ans (2,4 ans pour le B31, 1,5 an pour le N9831) 100 U % 92 % AC TH 91 % 87 % 80 67 % 70 70 AC T AC TH 60 n Événements 1 679 261 1 672 134 60 HR = 0,48 2p = 3 x 10-12 50 0 1 2 3 4 Années depuis la randomisation n 1 679 1 672 AC T AC TH HR = 0,67 2p = 0,015 50 5 B31/N9831 Figure 1. Survie sans maladie dans la Joint Analysis (NSABP B31, N9831). La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005 Décès 92 62 0 1 2 3 4 Années depuis la randomisation 5 B31/N9831 Figure 2. Survie globale dans la Joint Analysis (NSABP B31, N9831). 273 R É T R O S P E Les patientes étaient incluses après la fin de leur chimiothérapie adjuvante. Elles pouvaient également avoir reçu une chimiothérapie préopératoire. Les investigateurs n’avaient pas défini de schéma de chimiothérapie de référence. Seules 6 % des patientes n’avaient pas reçu d’anthracyclines dans leur chimiothérapie adjuvante, qui devait comporter un minimum de 4 cycles. Trente-deux pour cent d’entre elles n’avaient pas d’envahissement ganglionnaire. Malgré le recul médian d’un an seulement, la différence de survie sans maladie est déjà très nettement significative en faveur du traitement avec trastuzumab (figure 3). La différence était également nette en survie sans métastase. 1 an de trastuzumab I V E 2 0 0 5 Chimiothérapie adjuvante Une validation du programme disponible sur Internet (www.adjuvantonline.com) pour évaluer le bénéfice d’un traitement adjuvant a été obtenue sur la base de données de la BCOU sur 4 083 patientes diagnostiquées entre 1989 et 1993 (Olivotto, abstract 2916). L’essai du BCIRG 001 comparant, chez 1 491 patientes N+, 6 cycles de l’association TAC (docétaxel + adriamycine + cyclophosphamide) au FAC (5-FU + adriamycine + cyclophosphamide) 50 montre un avantage en survie sans récidive et surtout en survie globale à 5 ans (87 versus 81 %, p = 0,008) (Martin, abstract 3057) (figure 4). Le taux de neutropénie de grades 3 et 4 et surtout de neutropénie fébrile était significativement accru dans le bras TAC, sans augmentation du nombre de décès toxique. 80 1,0 Observation 60 2 - ans Événements SSM % HR IC95 p 127 85,8 0,54 (0,43-0,67) < 0,0001 220 77,4 40 20 0 0 5 10 15 20 Mois depuis la randomisation Nombre à risque 1 694 1 472 1 693 1 428 1 067 994 629 580 303 280 25 102 87 Figure 3. Survie sans maladie dans l’étude HERA. Les deux études nord-américaines prévoyaient une surveillance de la fonction cardiaque tous les 3 mois. Dans la Joint Analysis, lorsque la FEVG s’abaissait de plus de 15 % et/ou en dessous de 5 % de la normale sur plus de deux examens répétés, le trastuzumab était arrêté. On constate que, au bout du compte, 20 % des patientes dans les bras avec trastuzumab ont dû interrompre leur traitement avant la date prévue. La toxicité cardiaque dans l’essai N9831 paraît plus élevée dans le bras concomitant que dans le bras séquentiel (3,3 % versus 2,2 %), le trastuzumab étant administré de manière plus proche de la fin des anthracyclines (Perez, abstract 3128). Dans l’essai HERA, l’incidence des insuffisances cardiaques cliniques reste très modeste (0,5 %). Dans l’étude NSABP B31, 5 patientes sur 814 dans le groupe sans trastuzumab ont présenté une insuffisance cardiaque, dont un décès (0,8 % sur 3 ans) [Tan-Chiu, abstract 3063]. Dans le groupe avec trastuzumab, associé au paclitaxel après 4 cures d’AC, 31 patientes sur 850 ont développé une insuffisance cardiaque (sans décès), soit 4,1 % sur 3 ans ; parmi les 27 patientes sur 31 suivies au-delà de 6 mois, 26 étaient asymptomatiques et 18 sous traitement cardiologique. En tout, 14 % des patientes ont dû arrêter le trastuzumab pour une baisse de la FEVG asymptomatique et 4 % pour une insuffisance cardiaque symptomatique. Une analyse de 38 patientes adressées en cardiologie pour baisse de la FEVG sous trastuzumab a montré une réversibilité de la cardiotoxicité chez toutes à l’arrêt de l’anticorps et une possibilité de reprise chez 25, sans récidive chez 22 d’entre elles (Ewer, abstract 3075). 274 T Survie globale (%) Survie sans maladie (%) 100 C TAC 0,8 FAC 0,6 0,4 0,2 p = 0,008 0,0 0 6 12 18 24 30 36 42 48 54 60 66 Mois Nombre de patientes à risque TAC 745 732 704 FAC 746 730 701 677 653 576 548 138 140 TAC = docétaxel + adriamycine + cyclophosphamide FAC = 5-FU + adriamycine + cyclophosphamide Figure 4. Survie globale dans l’essai BCIRG 001. L’analyse à 5 ans de l’étude adjuvante PACS 01 comparant 6 cycles de FEC100 versus 3 cycles de FEC100 suivis par 3 cycles de docétaxel 100 mg/m2 chez 1 999 patientes avec un cancer du sein N+ (Roché, abstract 3081) montre une différence significative en termes de survie sans récidive entre les deux bras, avec une différence absolue de 5,1 % en faveur du traitement séquentiel comportant du docétaxel (HR = 0,83 ; p = 0,041). L’analyse en fonction du nombre de ganglions positifs (1-3 versus > 3) retrouve un bénéfice significatif dans le groupe 1-3, mais non dans les envahissements ganglionnaires supérieurs à 3. En survie globale, le bras séquentiel paraît supérieur au FEC100 (p = 0,05). L’addition de 3 cycles de docétaxel après 3 cycles de FEC100 n’a pas entraîné de toxicité inattendue. Les patientes dans le bras séquentiel ont présenté moins d’événements cardiaques, moins de neutropénies à J21 devant faire différer le traitement, et moins d’utilisations de G-CSF malgré un taux plus élevé de neutropénies fébriles. L’essai RAPP 01 comparant, chez les patientes N- ou ayant moins de 3N+, l’association AT (adriamycine 50 + docéLa Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005 C A N C E R S taxel 75 mg/m2) à l’AC 60 a inclus 627 patientes, mais a il dû être interrompu en raison de deux décès toxiques et d’une péritonite sur perforation en neutropénie fébrile dans le bras AT. Le taux de neutropénie fébrile était de 41 % dans le bras AT versus 7 % dans le bras AC (p < 0,001) [Brain, abstract 3046]. L’essai B28 du NSABP a comparé, chez 3 060 patientes N+, 4 cures d’AC à 4 cures d’AC suivies de 4 cures de paclitaxel toutes les 3 semaines (Mamounas, abstract 3064). Avec 64 mois de suivi, il existe un bénéfice significatif en faveur du paclitaxel en survie sans récidive (p = 0,006) mais pas de différence en survie globale. La survie globale était de 85 % ± 2 % dans les deux groupes. Le risque cumulatif de développer une leucémie aiguë ou une myélodysplasie est de 0,37 % pour des doses d’épirubicine de moins de 720 mg/m2 et de cyclophosphamide de moins de 6 300 mg/m2 (dose inférieure à celle de 6 FEC 100) ; mais il est de près de 5 % pour des doses supérieures (Praga, abstract 3044). Bien que déjà connue, la publication au cours de l’année d’essais étudiant l’impact de l’intensification de la chimiothérapie avec autogreffe de moelle en situation adjuvante dans le cancer du sein de mauvais pronostic confirme l’absence de bénéfice de cette approche dans une série de 785 patientes atteintes de cancers du sein (> 10N+) [Peters, abstract 3073] et dans une série de 281 patientes (> 4N+) [Coombes, abstract 3033]. Hormonothérapie adjuvante L’essai BIG 1-98, randomisé en double aveugle et mené sur 8 028 patientes ménopausées ayant un cancer du sein RH+, comparait 4 modalités d’hormonothérapie différentes, soit 5 ans de tamoxifène, soit 5 ans de létrozole, soit 2 ans de tamoxifène suivi de 3 ans de létrozole, soit 2 ans de létrozole suivi de 3 ans de tamoxifène. L’analyse en survie sans récidive, présentée pour la première fois au congrès de Saint-Gall en janvier 2005, montrait un bénéfice en faveur du létrozole. En raison du faible recul, l’analyse avait été réalisée sur les 4 bras de l’étude, mais en censurant les données à 2,5 ans après le switch pour les deux bras qui comportent une alternance dans la séquence d’hormonothérapie. Le taux de récidive était significativement diminué dans le bras létrozole, avec un taux de récidive à 5 ans de 10,2 % versus 13,6 % (dans le bras tamoxifène), (RR : 0,81 [0,70-0,93] ; p = 0,0002). Avec le létrozole, on constate significativement moins d’accidents thrombo-emboliques (p < 0,0001), de bouffées de chaleur (33 versus 38 %), de saignements vaginaux, de sueurs nocturnes et de cancers de l’endomètre (6 versus 15 ; p = 0,08). En revanche, on observe plus de fractures osseuses, de douleurs articulaires, d’hypercholestérolémie (43,5 versus 19,1 %) et d’accidents cardiaques tels que des infarctus du myocarde (p = 0,013) [Thurlimann, abstract 3076]. L’analyse combinée de deux essais prospectifs (ABCSG 8 et ARNO 95), comparant 5 ans de tamoxifène versus 2 ans de tamoxifène suivis de 3 ans d’anastrozole chez 3 224 patientes, retrouve une amélioration significative de la survie sans événements en faveur de l’inhibiteur de l’aromatase, avec un suivi de 28 mois (Jakesz, abstract 3061). De même, l’actualisation de l’essai ITA sur 488 patientes avec un recul moyen de 36 mois La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005 D U S E I N confirme le bénéfice du switch de l’hormonothérapie adjuvante par anastrozole après 2 à 3 ans de tamoxifène par rapport au tamoxifène pendant 5 ans (Boccardo, abstract 3041). La différence en survie sans événement était largement significative (RR 0,35 ; p = 0,002). En revanche, il n’y avait pas de différence en survie globale. Une actualisation de l’essai MA17, qui comparait, après 5 ans de tamoxifène adjuvant, la surveillance à 5 ans de létrozole, confirme le bénéfice en survie sans récidive en faveur de l’inhibiteur de l’aromatase (IA) et montre un avantage en survie globale dans le sous-groupe des patientes avec atteinte ganglionnaire (Goss, abstract 3020), cela sans dégradation de la qualité de vie liée au traitement (Whelan, abstract 3019). L’actualisation à 5 ans de l’essai ATAC, qui compare 5 ans de tamoxifène à 5 ans d’anastrozole ou à 5 ans de la combinaison des deux, confirme le bénéfice en survie sans récidive de l’anastrozole, mais ne montre toujours pas de différence en survie globale (Howell, abstract 3130). Une analyse en sousgroupe, non planifiée initialement, met en évidence une supériorité de l’anastrozole sur le tamoxifène en termes de survie sans récidive dans le sous-groupe des patientes exprimant les récepteurs aux estrogènes (RE+) mais non pas ceux à la progestérone (RP-) (p < 0,0001), alors que la différence n’est pas significative pour les RE+ RP+ (Dowsett, abstract 2996). Tout bien considéré, les IA ont confirmé leur intérêt dans le traitement adjuvant du cancer du sein par rapport à une hormonothérapie simple par 5 ans de tamoxifène. Cependant, selon le consensus de l’ASCO 2004, il n’existe pas actuellement de données pour savoir si le traitement par 5 ans d’IA d’emblée est supérieur et mieux toléré que le traitement séquentiel de tamoxifène pendant 2 à 3 ans suivi d’IA (Winer, abstract 3015). Une modélisation des différents essais disponibles montrerait une réduction de 6 % du risque relatif de récidive par la séquence tamoxifène 2,5 ans puis 2,5 ans d’AI (switch) par rapport à 5 ans d’emblée d’AI (Punglia, abstract 3014). Cependant, ces données doivent être confirmées par le suivi des essais actuellement terminés tels que le BIG 98 ou celui de l’essai en cours TEAM. TRAITEMENT NÉOADJUVANT Hormonothérapie néoadjuvante L’étude IMPACT randomise – en situation néoadjuvante chez des femmes ménopausées présentant une tumeur du sein localisée RH+ – l’anastrozole versus le tamoxifène versus l’association, selon le même schéma que l’étude ATAC (Smith, abstract 2998). Dans l’analyse en intention de traiter, il n’y a pas de différence en termes de réponse objective entre les trois bras (37 %, 36 %, 39 %). Le taux de réponse objective chez les patientes dont la tumeur surexprime HER2 (n = 38) est de 58 % pour l’anastrozole et de 22 % pour le tamoxifène (NS ; p = 0,18). L’intérêt d’un tel essai est renforcé par les études biologiques et, dans cette population hormonosensible, le taux de réponse clinique ne représente peut-être pas un critère de jugement valide. Une diminution du Ki67, marqueur de prolifération, a été observée chez la majorité des patientes, et de 275 R É T R O S P E façon plus importante dans le groupe anastrozole. Cette diminution est corrélée au taux de récepteurs hormonaux et en particulier à l’expression des récepteurs à la progestérone (Dowsett, abstract 2821). L’approche d’hormonothérapie néoadjuvante offre donc l’opportunité d’étudier les mécanismes biologiques de réponse à l’hormonothérapie et de développer de nouvelles thérapeutiques, notamment l’association de l’hormonothérapie avec des thérapeutiques ciblées pour augmenter l’hormonosensibilité, retarder la résistance, et sélectionner la population de patientes pouvant bénéficier d’une telle combinaison. L’application de gel de 4-hydroxy-tamoxifène entraîne une diminution des marqueurs de prolifération au niveau de la tumeur. Ce procédé pourrait être testé dans le cadre de la prévention (Rouanet, abstract 3045). Chimiothérapie néoadjuvante Une classification moléculaire des cancers a été proposée sur les profils d’expression génique (Rouzier, abstract 2949). Quatre sous-groupes ont été identifiés comme présentant des pronostics différents : luminal, basal-like, normal-like, et HER2+. L’étude génomique a été réalisée sur 82 tumeurs de patientes traitées en situation néoadjuvante par paclitaxel suivi de FAC. Les deux sous-groupes basal-like et HER2+ sont associés à un taux plus élevé de réponse complète histologique (45 %) tandis que, dans le groupe luminal, le taux de réponse complète n’est que de 6 %. Aucune réponse complète histologique n’a été observée dans le groupe normal-like. Il faut noter que la classification moléculaire n’est pas indépendante des facteurs prédictifs de réponse reconnus que sont les récepteurs hormonaux et le grade nucléaire. De plus, il n’existe pas de gènes communs associés à la réponse complète dans les deux sous-groupes basal-like et HER2+, ce qui suggère que les mécanismes de chimiosensibilité peuvent être différents. En situation néoadjuvante, l’obtention d’une réponse complète histologique est associée à de meilleures survies sans récidive et globale. Cependant, dans ce groupe, certains facteurs peuvent être associés à un risque métastatique : le stade (IIIB, IIIC, inflammatoire), l’envahissement ganglionnaire, et la préménopause. La survie sans métastase à 10 ans est de 97 % en l’absence de ces facteurs, de 88 % avec un facteur, de 77 % pour deux facteurs et de 31 % avec trois facteurs (GonzalezAngulo, abstract 2977). Une modélisation de la probabilité de réponse a été établie sur les bases de données de l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif, et sur celle du MD Anderson Cancer Center, à Houston. Elle permet de réaliser un “nomogramme” conduisant à une prédiction de la réponse histologique complète en fonction des caractéristiques cliniques et biologiques simples de la tumeur (Rouzier, abstract 3131). La présentation des résultats actualisés du protocole NSABP B-27 s’est déroulée à San Antonio (Bear, abstract 3078 ; Bear, abstract 2670). Dans cet essai, entre 1995 et 2000, 2 411 patientes ont été randomisées entre trois bras de traitement : (I) 4 cycles d’AC (adriamycine 60 mg/m2 + cyclophosphamide 600 mg/m 2) puis chirurgie (II) 4 cycles d’AC + 4 cycles de docétaxel (100 mg/m 2) puis chirurgie ; (III) 276 C T I V E 2 0 0 5 4 cycles d’AC + chirurgie puis 4 cycles de docétaxel. L’addition de docétaxel augmente de façon significative le taux de réponse objective (de 60 %), de réponse complète pathologique (de 87 %) et diminue l’atteinte ganglionnaire de 15 %. Le bénéfice est identique, quel que soit le statut hormonal de la tumeur. Les résultats ne montrent pas de différence en survie sans maladie ni non plus en survie globale entre les trois bras. En revanche, il existe une augmentation de la survie sans rechute dans le groupe recevant du docétaxel en néoadjuvant (groupe II) par rapport au groupe I. L’adjonction de docétaxel à l’AC diminue le risque de récidive locale (p = 0,0014), mais il n’y a pas de différence entre les trois groupes dans la probabilité de développer une métastase à distance. Comme il avait été démontré dans l’essai NSABP B18, la réponse complète histologique est associée à une amélioration de la survie sans maladie et de la survie globale dans tous les groupes de traitement. Le statut ganglionnaire semble être un facteur pronostique indépendant quelle que soit la réponse au niveau de la tumeur. Une méta-analyse des essais comparant la chimiothérapie néoadjuvante et adjuvante a été réalisée (Mauri, abstract 2817). La chimiothérapie néoadjuvante est apparemment équivalente à la chimiothérapie adjuvante en termes de survie globale, mais elle est associée à un risque augmenté de récidive locorégionale en cas de radiothérapie exclusive. L’administration hebdomadaire de paclitaxel est supérieure à l’administration toutes les trois semaines en termes de réponse complète histologique (28,2 % versus 15,7 % ; p = 0,02) et de conservation mammaire (p = 0,05) (Green, abstract 2979). Une revue de tous les essais de chimiothérapie néoadjuvante au MD Anderson a permis d’étudier la réponse des carcinomes lobulaires. Les carcinomes lobulaires sont plus souvent RH+, de faible grade nucléaire, et de stades plus avancés. La réponse complète histologique est rare (3 % versus 15 % ; p < 0,001) et il existe plus fréquemment un envahissement ganglionnaire (41 % versus 26 % N+ > 3 ; p = 0,001). Cependant, le pronostic paraît meilleur en termes de survie sans récidive (p = 0,004) et de survie globale (p = 0,001). Cela conforte le fait que les carcinomes lobulaires présentent une entité particulière et que les traitements doivent s’adapter à la biologie des tumeurs (Cristofanilli, abstract 2806). Trastuzumab (H) néoadjuvant Des patientes ont reçu soit 4 cycles de paclitaxel (P : 225 mg/m2 en perfusion de 24 heures) toutes les trois semaines suivis de 4 cycles de FEC 75, soit le même schéma séquentiel associé à du trastuzumab hebdomadaire jusqu’à la chirurgie. Cette étude devait inclure 164 patientes dont la tumeur était HER2+ afin de rechercher une éventuelle augmentation de 20 % du taux de réponse histologique complète (de 21 % à 41 %). Le comité de surveillance de l’essai a décidé d’interrompre l’étude prématurément en raison de la forte supériorité du bras P puis FEC + trastuzumab sur le bras sans trastuzumab : le taux de réponse histologique complète était de 65 % dans le bras avec trastuzumab versus 26 % dans le bras chimiothérapie seule. L’essai était considéré comme positif, même avec ce faible nombre de La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005 C A N C E R S patientes, en raison de la différence très significative de taux de réponse. Il n’a pas été observé de toxicité cardiaque. Ces résultats représentent le plus haut taux de réponse complète rapporté dans cette population et conforte l’intérêt d’un traitement ciblé à un stade précoce (Buzdar, abstract 2805). Dans un essai néoadjuvant, 35 patientes présentant une tumeur localement avancée ont reçu du trastuzumab en perfusion hebdomadaire pendant trois semaines puis l’association docétaxel et trastuzumab (Mohsin, abstract 2813). Il existe une régression tumorale précoce puisque 23 % des patientes présentaient une réponse partielle après les trois semaines de trastuzumab. L’on constate une induction de l’apoptose très précoce, dès la première semaine. Cela peut expliquer l’activité du trastuzumab et sa synergie avec la chimiothérapie. STADE MÉTASTATIQUE L’essai de phase III comparant en administration toutes les trois semaines le docétaxel (100 mg/m2) au paclitaxel (175 mg/m2) dans les cancers du sein métastatiques ayant progressé après anthracyclines a été publié (Jones, abstract 3021). Le docétaxel paraît supérieur au paclitaxel en termes de réponse objective, de temps jusqu’à progression et de survie globale. Il existe plus d’effets secondaires dans le bras docétaxel, mais les études de qualité de vie sont similaires dans les deux bras. De même, l’essai randomisé comparant l’association AT (adriamycine 50 mg/m 2 + docétaxel 75 mg/m 2) au FAC (5-FU 500 mg/m 2 + adriamycine 50 mg/m 2 + cyclophosphamide 500 mg/m 2) objective une supériorité de l’association avec docétaxel + AT par rapport au FAC en termes de réponse objective (58 % versus 36 % ; p = 0,003), de temps jusqu’à progression (8 mois versus 6,6 mois ; p = 0,004) et de survie globale (22,6 mois versus 16,2 mois ; p = 0,019) [Bontenbal, abstract 2990]. En revanche, un essai anglais (AB01) comparant épirubicine + paclitaxel (EP) à épirubicine + cyclophosphamide (EC) n’a pas montré de différence en survie (Langley, abstract 3129). Un essai randomisé d’intensification par deux greffes d’emblée en tandem n’a pas montré de bénéfice en survie chez les patientes en première ligne (Schmid, abstract 3072). L’essai de phase II randomisé docétaxel versus docétaxel + trastuzumab dans les cancers du sein métastatiques avec surexpression de HER2 confirme les résultats de l’étude pivotale de Slamon avec le paclitaxel (Slamon, abstract 1974). L’association docétaxel et trastuzumab est supérieure au docétaxel en termes de réponse objective (61 % versus 34 % ; p = 0,0002), de temps jusqu’à progression (11,7 mois versus 6,1 mois ; p = 0,0001) et de durée de réponse (11,7 mois versus 5,7 mois ; p = 0,009). Il existe une différence en survie globale (31,2 mois versus 22,7 mois ; p = 0,0325), et ce malgré un cross-over chez 57 % des patientes. La survie médiane chez les patientes ayant reçu uniquement le docétaxel est de 16,6 mois, versus 30,3 mois chez celles ayant reçu le cross-over (Marty, abstract 2976). L’incidence et le mode de survenue des métastases cérébrales chez les patientes dont la tumeur surexprime HER2 ont été étudiés dans deux essais cliniques (essai de phase III pivotal de Slamon et phase II vinorelbine + trastuzumab) [Burstein, absLa Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005 D U S E I N tract 3013]. Environ 10 % des patientes recevant l’association trastuzumab et chimiothérapie vont présenter une progression cérébrale unique. Le traitement par trastuzumab ne retarde pas l’apparition de la métastase cérébrale. Les tumeurs présentant une amplification de HER2 montrent un risque plus élevé de progression cérébrale par rapport à celles sans amplification. Les patientes ayant une tumeur du sein HER2+ ont un risque supérieur d’apparition de métastases cérébrales isolées. Cela peut refléter l’amélioration du contrôle de la maladie en périphérie, l’amélioration de la survie grâce au trastuzumab mais également l’absence d’efficacité du trastuzumab au niveau cérébral (absence de passage de la barrière hémato-méningée) ; ces données ont été confirmées dans les études adjuvantes. L’intérêt d’autres thérapeutiques ciblant HER2 et passant la barrière méningée, tel le lapatinib, doit être évalué. Un essai comparant la capécitabine à la capécitabine associée à l’anticorps monoclonal anti-VEGF bevacizumab en phase métastatique chez des patientes ayant déjà reçu des anthracyclines et des taxanes n’a pas montré de bénéfice de l’association avec l’anticorps (Miller, abstract 2924). Une étude de phase III portant sur 715 patientes et comparant en première ligne métastatique une association bevacizumab et paclitaxel hebdomadaire au paclitaxel seul a montré des taux de réponse objective augmentés pour l’association (28,2 % versus 14,2 % ; p < 0,0001) ; elle a été présentée à l’ASCO 2005. La différence est significative en termes de survie sans progression (11 mois versus 6 ; p < 0,001) et de survie globale (p = 0,01). CONCLUSION L’année 2005 a conforté l’approche biologique de la prise en charge des cancers du sein avec, notamment, les résultats des essais trastuzumab en situation néoadjuvante ou adjuvante. Cette approche biologique doit être confirmée dans le futur proche par la caractérisation des sous-groupes de tumeurs du sein nécessitant une procédure thérapeutique différente. Seule la réalisation d’essais cliniques intégrant les nouvelles données biologiques permettra une approche rationnelle des traitements ■ des cancers du sein. En pratique ● Apport majeur du trastuzumab en adjuvant chez les patientes HER2+ (N+ ou N-), avec une réduction de moitié des récidives. Cependant, le recul est court et la cardiotoxicité doit être surveillée. Importance d’un contrôle de qualité rigoureux de la détermination du statut HER2. ● Confirmation de l’apport des 3 inhibiteurs de l’aromatase (IA) en situation adjuvante et de l’intérêt du switch après 2 à 3 ans. La meilleure séquence (5 ans d’emblée d’AI, switch avec tamoxifène puis AI ou AI puis tamoxifène, prolongation de la durée d’AI au-delà de 5 ans) n’est pas connue. ● Le tamoxifène peut être donné en même temps que la radiothérapie. ● Confirmation de l’apport des taxanes en adjuvant chez les patientes N+ (BCIRG 001, NSABP B28, PACS 01). ● Démonstration de la supériorité du docétaxel sur le paclitaxel en situation métastatique lors d’une utilisation toutes les 3 semaines. La comparaison avec le paclitaxel hebdomadaire n’a pas été faite. ● Validation de l’association docétaxel et trastuzumab en situation métastatique chez les patientes HER2+. 277