R E V U E D E P R E S S E Revue de presse A. Travade* a diminution de la mortalité par cancer du sein observée ces dernières années est liée à plusieurs causes : la détection des tumeurs à un stade plus précoce et un meilleur ciblage thérapeutique, utilisant de nouvelles molécules. Ces acquis relativement récents sont analysés dans la revue ci-dessous. L MONOGRAPHIE Le numéro 8 d’avril 2004 de la Revue du Praticien (827-74), élaborée grâce aux conseils de P. Pouillart, fait le point sur les nouvelles données concernant la pathologie mammaire. Les modalités actuelles du dépistage organisé, qui doit se généraliser à tous les départements, sont clairement exposées. La place des traitements conservateurs est précisée soit dans le cadre des petites tumeurs, trouvées de plus en plus fréquemment avec l’extension du dépistage, soit au contraire après réduction tumorale par chimiothérapie néoadjuvante. Dans le premier groupe, les enjeux de la technique du ganglion sentinelle sont rappelés. Quant aux traitements médicaux, ils ont beaucoup changé ces dernières années. Citons par exemple l’arrivée des antiaromatases, les associations avec les taxanes, les anticorps monoclonaux type Herceptin®. Leurs indications sont ici envisagées. Enfin, les bénéfices espérés sur le plan thérapeutique par le développement des technologies d’analyse moléculaire à grande échelle, puces à ADN et autres, sont analysés. THS La polémique autour du traitement hormonal de la ménopause, née en 2002 à la suite de la parution des résultats de l’étude WHI n’est pas terminée. En effet, dans le bras hystérectomie et estrogènes conjugués équins, il n’y a pas plus de cancers du sein que dans le groupe placebo, mais les auteurs persistent à ne pas recommander le traitement, même en cas de risque osseux. WHI Steering Committee. Effects of Conjugated Equine Estrogen in Postmenopausal Women with Hysterectomy. The Women’s Health Initiative randomized controlled trial. JAMA 2004;291:1701. Les résultats de l’étude WHI portant sur des femmes non hystérectomisées ont été publiés en 2002 : il s’agissait d’une étude randomisée réalisée en intention de traiter utilisant Prémarin® et acétate de médroxyprogestérone. Elle avait été interrompue prématurément dans ce groupe du fait de l’apparition d’effets délétères tandis qu’elle avait été poursuivie dans le groupe des femmes hystérectomisées ayant du Prémarin® 0,650 contre placebo, le nombre critique d’effets délétères n’ayant pas été atteint. Les résultats de cette dernière étude sont parus dans le JAMA d’avril et sont très intéressants. Après une durée moyenne de traitement de 6,8 ans, le risque de cancer du sein est un peu plus faible que dans le groupe témoin, il y a moins de fractures du col du fémur, pas plus de maladies coronariennes et un peu * Centre de sénologie République, Clermont-Ferrand. 26 plus d’accidents vasculaires cérébraux. À noter que la population américaine est souvent plus âgée, plus obèse et plus hypertendue que la moyenne. Prestwood KM et al. Ultralow-Dose Micronized 17ß-Estradiol and Bone Density and Bone Metabolism in Older Women. JAMA 2003;290:1042. Cette étude montre que chez des femmes âgées (plus de 65 ans), même si l’on utilise de faibles doses d’estrogènes, on observe une bonne efficacité sur la densité minérale osseuse. Fournier A et al. Traitement hormonal substitutif de la ménopause et risque de cancer du sein. Bull Cancer 2003;90:821. L’équipe E3N de l’INSERM analyse les résultats de la métaanalyse d’Oxford (Lancet 1997), de l’étude randomisée WHI (JAMA 2002) et des 15 enquêtes d’observation publiées après la méta-analyse d’Oxford. Une mise à jour vient d’être rapportée en avril 2004, réunion de l’ANAES et AFSSAPS à Paris, en tenant compte des résultats publiés en avril dernier dans le JAMA concernant le bras du WHI avec hystérectomie et estrogènes seuls. Les résultats vont dans le sens d’une discrète augmentation du risque avec les estroprogestatifs et ce d’autant plus que la durée est plus longue. Toutefois, les progestatifs utilisés ne sont pas la progestérone type Utrogestan® ou la didrogestérone type Duphaston® employées largement en France. Le surrisque disparaît 5 ans après l’arrêt du traitement, ce qui suggère un effet promoteur et non initiateur. La mortalité, sauf dans l’étude Million Women Study n’est pas augmentée. Enfin, il n’apparaît pas de risque lié à l’utilisation des estrogènes seuls après hystérectomie. RÉCIDIVES Évaluer le risque de récidives locales et le risque de métastases est indispensable pour cibler les indications thérapeutiques. De multiples facteurs entrent en jeu et certains d’entre eux sont étudiés dans les articles suivants. Arriagada R et al. Late local recurrences in a randomised trial comparing conservative treatment with total mastectomy in early breast cancer patients. Ann Oncol 2003;14:1617. Comparaison dans une étude randomisée du risque de récidives locales après mastectomie ou après chirurgie conservatrice avec radiothérapie. L’originalité de cette étude est sa durée d’observation, avec une moyenne de suivi de 22 ans. Le taux de récidives locales tardives est plus élevé dans le groupe avec conservation. Pendant les 5 premières années, les récidives sont moins fréquentes après conservateur mais après 5 à 10 ans, le rapport s’inverse. En fait, après 10 ans de recul, le taux de récidives se stabilise chez les femmes traitées par mastectomie, le taux étant plus faible s’il y a eu de la radiothérapie, tandis qu’il n’y a pas de stabilisation après 10 à 15 ans dans la série avec conservation (le taux annuel est de 0,8 %). Il est difficile de faire la différence entre une vraie récidive ou un nouveau cancer. En revanche, il paraît évident La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004 que le jeune âge au moment du diagnostic du premier cancer est un facteur de risque de récidive dans les cas de conservation mais pas dans les cas de mastectomie. Dans ce travail, il n’est pas retrouvé d’effet délétère sur la survie globale et le risque de métastases, contrairement à ce qui est remarqué dans d’autres études. Ces données justifient donc la surveillance à très long terme des patientes ayant eu un traitement conservateur, avec les moyens d’imagerie actuels utilisant si nécessaire les examens par résonance magnétique nucléaire et les biopsies percutanées des lésions impalpables. Warwick J, Tabar L et al. Time-Dependent Effects on Survival in Breast Carcinoma. Cancer 2004;100:1331. Les facteurs pronostiques habituellement utilisés sont la taille de la tumeur, le statut ganglionnaire et le grade histologique mais ces facteurs ont surtout été validés pour évaluer la survie à 5 ans. Les auteurs ayant maintenant plus de 20 ans de recul grâce au dépistage organisé mis en place dans l’essai des Deux Comtés Suédois ont recherché si leur valeur persistait après 10 ans de suivi. Cette valeur pronostique s’atténue avec le temps mais persiste toutefois. Ceci permet de plus d’expliquer pourquoi l’efficacité du dépistage sur la diminution de la mortalité perdure avec les années. Metcalfe K et al. Contralateral Breast Cancer in BRCA 1 and BRCA 2. Mutation carriers. J Clin Oncol 2004;22:2328. Étude de 491 femmes atteintes d’un cancer du sein et porteuses du gène de prédisposition BRCA1 ou BRCA2. Le risque de cancer de l’autre sein est d’environ 30 à 40 % à 10 ans. Il est plus faible avec BRCA2 qu’avec BRCA1, il est plus faible s’il y a eu une ovariectomie ou un traitement par tamoxifène ou si le cancer est découvert après 50 ans. Chen et al. Breast Conservation After Neoadjuvant Chemotherapy: The M.D. Anderson Cancer Center Experience. J Clin Oncol 2004;22:2303. Étude de 340 patientes ayant pu être traitées de façon conservatrice après chimiothérapie première. Le taux de récidives loco-régionales reste faible, d’environ 5 %, pour un suivi moyen de 5 ans. Ceci justifie la poursuite d’un tel traitement, les facteurs augmentant ce risque de récidive étant l’état ganglionnaire initial N2 ou N3, une tumeur résiduelle après chimiothérapie de plus de 2 cm ou des lésions résiduelles multifocales, et une invasion des espaces lymphovasculaires. Korhonen T et al. A comparison of the biological and clinical features of invasive lobular and ductal carcinomas of the breast. Breast Cancer Res Treat 2004;85:23. Cette étude rétrospective compare deux groupes comprenant le même nombre, 295, de cancers lobulaires et de cancers canalaires. Le suivi moyen est de 5,1 années. Le même taux de récidives est observé dans chaque groupe. Les cancers lobulaires sont plus souvent récepteurs hormonaux-positifs, peu proliférants et HER2 négatifs, avec des sites métastatiques concernant le tractus digestif et les ovaires. Le nombre de récidives, les cancers bilatéraux et la survie sont comparables dans les deux groupes bien que les cancers lobulaires reçoivent significativement moins de traitements adjuvants. RADIOTHÉRAPIE ET EFFETS SECONDAIRES Pommier et al. Phase III randomized trial of calendula officinalis compared with trolamine for the prevention of acute La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004 dermatitis during irradiation for breast cancer. J Clin Oncol 2004;88:1447. Cette étude randomisée menée au Centre Léon-Bérard montre la supériorité de la pommade au calendula sur la Biafine dans l’épithélite postradiothérapique. CHIMIOTHÉRAPIE Les traitements adjuvants par chimiothérapie ont bénéficié des résultats obtenus sur des patients métastatiques Ganem G et al. Phase II trial combining docetaxel and doxorubicin as neoadjuvant chemotherapy in patients with operable breast cancer. Ann Oncol 2003;14:1623. Essai multicentrique sur 48 patientes atteintes d’un cancer du sein non métastatique et traitées par chimiothérapie première. L’association docétaxel (Taxotère®) et doxorubicine (Adriblastine®) donne de bons résultats avec une bonne tolérance. Bellon JR et al. A Prospective Study of Concurrent Cyclophosphamide/Methotrexate/ 5-Fluorouracil and ReducedDose Radiotherapy in Patients with Early-Stage Breast Carcinoma. Cancer 2004;100:1358. Les traitements avec association concomitante chimiothérapie et radiothérapie sont de plus en plus fréquemment utilisés dans les tumeurs échappant au traitement classique. En revanche, dans cette étude, les auteurs utilisent cette technique en première intention chez 112 patientes présentant un cancer du sein stade I ou II et ils obtiennent de bons résultats. Hortobagyi G et al. Editorial. What Is the Role of High-Dose Chemotherapy in the Era of Targeted Therapies? J Clin Oncology 2004;22:2263. À rapprocher de l’étude suivante : Zander AR et al. High-Dose Chemotherapy With Autologous Hematopoietic Stem-Cell Support Compared With StandardDose Chemotherapy in Breast Cancer Patients With 10 or More Positive Lymph Nodes: First Results of Randomized Trial. J Clin Oncol 2004;22:2273. Le bénéfice des traitements par chimiothérapie néoadjuvante intensive avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques n’apparaît pas clairement malgré les nombreuses études réalisées. Le critère adopté pour la plupart mais pas par toutes est un envahissement de 10 ganglions ou plus. Sur les 10 essais randomisés connus, aucun ne montre sur le plan statistique une différence de survie ou une diminution du risque de récidives. Toutefois, d’éventuels sous-groupes à plus haut risque que les autres pourraient bénéficier de cette thérapeutique mais ceci n’apparaît pas clairement, alors que la toxicité est accrue. Il s’agit d’études difficiles à mener et il faudrait de plus en comparer les résultats avec les thérapeutiques actuelles qui associent à la chimiothérapie traditionnelle les taxanes, Herceptin® et les antiaromatases. Tripathy D et al. Safety of Treatment of Metastatic Breast Cancer With Trastuzumab Beyond Disease Progession. J Clin Oncol 2004;22:1063. Herceptin® a montré son efficacité et sa bonne tolérance pour le traitement des femmes métastasées à condition qu’il y ait une expression de HER2. Dans cette étude, les auteurs ont analysé les effets d’un tel traitement en le prolongeant et ont constaté qu’il y avait poursuite des effets bénéfiques sans accentuation des risques cardiaques. 27