22 | La Lettre du Sénologue • n° 52 - avril-mai-juin 2011
DOSSIER THÉMATIQUE Réunion de concertation pluridisciplinaire à travers des cas cliniques
Il faut noter cependant que cette procéduree
réduit de moitié la réserve ovarienne, or la
chimiothérapie n’est que partiellement gona-
dotoxique, avec, souvent, notamment chez les
femmes jeunes, une toxicité réversible que l’on
risque d’altérer en retirant un ovaire. Il est donc
nécessaire de bien cibler les patientes qui en
bénéficieraient et qui seraient celles pour laquelle
la probabilité de récupération spontanée est la
plus faible, c’est ce sur quoi nous travaillons à
Saint-Louis.
S’il est indispensable d’aborder avec ces patientes
le problème de la fertilité et de la grossesse, il est
également nécessaire de parler de contraception
après cancer du sein. Le choix d’une méthode
sera bien sûr discuté avec la patiente en tenant
compte de son âge, de ses antécédents (parité,
antécédents pathologiques…), des relations du
couple et de la fréquence des rapports sexuels.
La sexualité est fréquemment perturbée par la
maladie – mais pas toujours – et souvent de façon
temporaire. Aborder la contraception est donc un
excellent moment pour parler de sexualité et pour
permettre à la femme d’exposer ses problèmes
sexuels ou conjugaux. Les méthodes locales
sont envisageables, car elles sont inoffensives
et sans interaction avec la maladie ni avec son
traitement, mais elles ont des inconvénients :
efficacité non absolue, astreinte d’utilisation,
coût… On les choisira si la femme les réclame, si
les rapports sexuels sont peu fréquents et surtout
si les autres méthodes sont contre-indiquées.
Le dispositif intra-utérin au cuivre (DIU) est la
contraception la plus adaptée et la nulliparité
n’est pas une contre-indication. La question de
l'utilisation d'un SIU-LNG (système intra-utérin
au lévonorgestrel) après un cancer du sein est
souvent posée : il faut certes l’enlever chez une
patiente dont le diagnostic de cancer du sein est
posé, mais nous n’avons malheureusement qu’une
seule étude (23) sur le sujet. Il s’agit d’une étude
rétrospective, menée en Belgique, méthodologi-
quement très limitée, qui compare 79 patientes
utilisant un SIU-LNG avec 120 non utilisatrices.
Deux sous-groupes ont été étudiés : les patientes
qui ont poursuivi l’utilisation après le diagnostic
(groupe 1) et celles qui ont débuté l’utilisation
après le diagnostic (groupe 2). La moyenne de suivi
a été de 2,8 ans. Globalement, il a été observé
17 rechutes parmi les 79 utilisatrices et 20 rechutes
parmi les 120 non utilisatrices (HR : 1,86 ; IC
95
:
0,86-4,00 ; NS et HR : 1,47, IC
95
: 0,77-2,80 [en
données brutes]). L’analyse de sous-groupes a été
effectuée a posteriori : pour le groupe 1 (utilisatrices
au moment du diagnostic et ayant poursuivi l’utilisa-
tion, 38 patientes), on retrouve un risque augmenté
(HR : 3,39 ; IC95 : 1,01-11,35). Il n’y a pas d’élévation
significative dans le groupe 2 (utilisatrices après le
diagnostic, 41 patientes) [HR : 1,48 ; IC95 : 0,62-
3,49]. Il est donc impossible d’avoir des certitudes
par rapport à cette étude (nombre trop limité de
patientes, intervalle de confiance très large…). Quoi
qu’il en soit, le principe de précaution a inspiré les
autorités de santé et l’utilisation d’un SIU-LNG
est contre-indiqué tant pour l’OMS que pour les
autorités françaises. Cependant, il ne faut pas se
précipiter pour retirer un SIU-LNG à, par exemple,
une patiente en cours de chimiothérapie pour un
cancer du sein. Une contraception efficace étant
indispensable, il sera toujours temps de discuter avec
la patiente de son retrait une fois la chimiothérapie
terminée. Nous n’avons pas de données concernant
la contraception hormonale estroprogestative ni sur
les progestatifs seuls, qui restent de ce fait contre-
indiqués ou à discuter au cas par cas. Les analogues
LH-RH ne sont pas un moyen de contraception et
ne sont pas recommandés en raison de leurs effets
indésirables (ostéoporose, qualité de vie…). Ils ont
d’ailleurs l’AMM en sénologie uniquement dans le
cadre du traitement du cancer du sein métastasé. La
stérilisation, devenue plus simple avec les nouvelles
techniques sous hystéroscopie (Essure®), doit être
abordée de la même façon avec toutes les femmes,
en respectant un délai de réflexion. Enfin, la vasec-
tomie peut également être discutée avec le conjoint.
Au final, cet abord de la fertilité, de la grossesse et
de la contraception est fondamental a posteriori :
c’est en effet un des reproches les plus fréquents que
nous font ces femmes jeunes quant à l’information
qu’elles ont reçu à ce sujet au moment de l’annonce
des traitements. ■
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