CHRONIQUE DU DROIT
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no267 - novembre 2001
LE CARNET DE SANTÉ
EST-IL COMPATIBLE AVEC LE SECRET ?
La loi a institué des limites au secret, et ces limites légales doi-
vent être respectées. Selon le code de la Sécurité sociale, le car-
net de santé doit être présenté à chaque médecin appelé à donner
des soins. En outre, d’autres professions de santé, chirurgiens-
dentistes, sages-femmes, pharmaciens, auxiliaires médicaux et
directeurs de laboratoire d’analyses et de biologie médicale, sont
autorisées à prendre connaissance des informations qui présen-
tent un intérêt pour le malade et qui sont de leur compétence.
L’article L 162-1-4 du code de la Sécurité sociale ajoute :
“Les praticiens amenés à donner des soins à une personne peu-
vent, avec son autorisation, porter des informations pertinentes
sur son carnet de santé afin de faciliter son suivi médical.
D’autre part, ils peuvent être renseignés dans leur domaine de
compétence en tant que de besoin par les autres professionnels
de santé”.
Ces dispositions législatives cherchent à concilier des nécessi-
tés contraires. Le secret est institué par la loi et, en principe,
seule la loi peut en définir les limites. Mais la loi, dont la mis-
sion est l’harmonisation du rapport social, ne peut se satisfaire
de la coexistence d’une multiplicité de secrets individuels. Elle
doit fixer des limites permettant de concilier le but d’intérêt géné-
ral qu’est la protection de la santé et la prise en charge du patient
par des équipes pluridisciplinaires. Le principe législatif est alors
rudoyé et l’on peut à juste titre parler de violation légale du secret
médical. Cela ne signifie pas que ces violations légales soient
illégitimes, mais les praticiens doivent percevoir que l’on se situe
ici dans une atteinte au principe, justifiant une démarche de
grande prudence.
LE SECRET EST-IL REMIS EN CAUSE
PAR LES CONTRATS D’ASSURANCES ?
Deux situations doivent être distinguées :
– Lorsqu’une personne souscrit un contrat auprès d’une compa-
gnie d’assurances, celle-ci peut prendre en compte un certain
nombre d’éléments médicaux, car il n’y a pas de contrat sans une
juste appréciation du risque. Le souscripteur doit remplir un ques-
tionnaire de santé, qui sera analysé par le médecin de la compa-
gnie d’assurances, et celui-ci donnera un avis. Il n’y a pas de vio-
lation du secret car l’assureur n’a pas de connaissance directe de
la déclaration, et l’assuré a donné son accord à l’examen de son
dossier par un médecin de la compagnie. Le contrat peut égale-
ment prévoir des examens réguliers à la demande de la compa-
gnie d’assurances. Ces examens rentrent dans la logique contrac-
tuelle, et ont donc été acceptés par l’assuré : le secret est préservé.
– Il en serait différemment si une compagnie d’assurances cher-
chait à obtenir des renseignements ou faisait analyser les infor-
mations en sa possession par un médecin sans l’accord de
l’assuré. La violation serait manifeste. Il en serait de même si,
après un décès, on sollicitait l’équipe médicale pour connaître
la cause du décès. Un médecin de compagnie d’assurances n’a
pas d’accès au dossier médical, sauf s’il justifie d’une autorisa-
tion écrite du patient.
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C’est au regard de ce schéma général que doivent être analysées
toutes les situations très complexes liées au jeu des contrats
d’assurance, avec une référence constante : la confiance ne peut
être trahie.
COMMENT CONCILIE-T-ON
SECRET PROFESSIONNEL ET DÉFENSE DE L’ENFANT ?
Le médecin est le défenseur naturel de l’enfant, mais il ne doit
pas s’immiscer dans les affaires de famille. Ainsi, il peut consta-
ter qu’un enfant est perturbé, souffre de troubles du sommeil ou
d’autres atteintes, mais il ne peut se permettre d’imputer ces
troubles à l’attitude d’un des parents. Il peut remettre un certifi-
cat établissant les difficultés médicalement constatées au parent
gardien sans violer le secret professionnel, et ce parent pourra
utiliser ce certificat descriptif pour justifier l’organisation d’une
mesure d’expertise.
S’il est confronté à la situation d’un enfant en danger, le méde-
cin doit tout faire pour interrompre le danger, c’est-à-dire mettre
l’enfant à l’abri. La sanction serait la non-assistance à personne
en danger. Mais, parce qu’il est tenu par le secret professionnel,
le médecin n’a pas l’obligation de dénoncer les faits. C’est une
faculté qui lui est ouverte. Souvent, la seule réponse réaliste sera
la dénonciation des faits, mais, dans le raisonnement et dans la
pratique, les notions de protection de l’enfant et de dénonciation
des faits doivent être distinguées. La bonne démarche est de pro-
téger l’enfant en le mettant à l’abri, puis de chercher à l’associer
à la dénonciation des faits.
LE SECRET RÉSISTE-T-IL
AUX ENQUÊTES PÉNALES ?
Le secret, notion d’ordre public, résiste à l’enquête pénale.
L’enquête est à la recherche de la vérité et les enquêteurs, juges ou
policiers, sont tentés de solliciter des informations protégées par
le secret. Le médecin doit discerner ces dérives et les combattre.
S’il est convoqué ou entendu, le médecin doit répondre à la convo-
cation, donner les informations générales, mais il doit opposer le
secret dès lors que les questions portent sur les soins qu’il a don-
nés lui-même, et sur ce qu’il a appris lui-même à l’occasion des
soins. Ces informations ne sont pas confidentielles par nature,
mais confidentielles parce qu’elles ont été confiées à ce médecin.
La justice n’est pas pour autant démunie : elle pourra obtenir un
éclairage complet en organisant une expertise, qui comprendra
la saisie du dossier. Le médecin, parce qu’il a été soignant, est
tenu par le secret. En revanche, la violation du secret devient légi-
time si elle est, pour le médecin, un moyen de sa défense. La
jurisprudence valide alors la révélation des faits. Les informa-
tions médicales qui n’ont pas été acquises à l’occasion de l’inti-
mité de la relation de soin ne relèvent pas du secret.
Il est rare qu’une enquête médicale soit engagée dans le cadre
d’une enquête de flagrance, de telle sorte qu’un médecin sait suf-
fisamment à l’avance quand il sera convoqué et entendu. Il est
alors souhaitable qu’il prenne le temps d’un avis auprès du Conseil
de l’Ordre, d’un confrère ou d’un avocat pour, face à la tourmente
judiciaire, conserver une attitude respectueuse du droit.
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