D La place du générique dans l’économie de santé DOSSIER

18 | La Lettre du Cardiologue n° 470-471 - décembre 2013-janvier 2014
DOSSIER
Que penser
des génériques ?
La place du générique
dans l’économie de santé
Generic medicines place in Health Economics
C. Bourrienne-Bautista*, N. Vaneenoo**
* Déléguée générale du Gemme
(Association des professionnels du
médicament générique), Paris.
** Chargée de mission, Gemme, Paris.
D
ans le contexte de crise économique, les
médicaments génériques permettent de
réduire les coûts de fonctionnement des
systèmes de santé des pays européens en préser-
vant l’accès à des soins de qualité élevée pour un
plus grand nombre de personnes. Les autorités de
santé publiques et indépendantes ont maintes fois
démontré que les procédures d’inspection et de
contrôle des médicaments génériques sont iden-
tiques à celles des autres médicaments. Au cours des
15 dernières années, leur important développement,
en raison de leur qualité et de leur accessibilité, a
permis de soutenir et de respecter les objectifs de
dépenses de l’Assurance maladie, alors même que
l’utilisation des médicaments génériques en France
est encore inférieure à la moyenne européenne.
D’importantes économies pourront encore être réali-
sées grâce, désormais, à une collaboration efficiente
avec les médecins, notamment via la rémunéra-
tion sur objectifs de santé publique (ROSP), qui leur
donne la possibilité de renforcer leur prescription
médicale de médicaments génériques.
La maîtrise des dépenses de santé est devenue une
préoccupation prioritaire et occupe de ce fait une
place privilégiée dans les politiques des gouverne-
ments occidentaux. Ainsi, dans un environnement
qui devient de plus en plus exigeant et qui se doit
de tenir compte du vieillissement de la population
et de prendre en charge de nouvelles maladies, il
sera important de permettre le développement de
nouveaux champs de recherche. Dans cet exercice
de politique publique, les enjeux ne sont pas des
moindres et, afin d’assurer la pérennité d’un système
de santé qui, malgré ses défauts, apparaît toujours
comme une référence, la recherche de la qualité et
de la sécurité en matière de santé doit maintenant
se faire en intégrant des critères d’efficience écono-
mique et financière.
Dans ce cadre, il convient donc de se féliciter du
respect depuis 2010 de l’objectif national des
dépenses d’Assurance maladie (ONDAM). Ce respect
est notamment dû à une très grande maîtrise des
dépenses de médicaments qui a en moyenne soutenu
56 % des efforts d’économie, alors que ces dépenses
ne représentent que 20 % des dépenses globales
de santé. Cette maîtrise s’explique par 3 facteurs :
une baisse drastique des prix des médicaments
princeps et génériques : plus de 1 milliard par an ;
une baisse de la consommation ;
un développement des médicaments géné-
riques.
Les médicaments génériques, compétitifs au niveau
de leur prix (en moyenne moins chers de 50 % que
les princeps) et identiques en termes d’efficacité et
d’exigence de qualité, constituent en effet une alter-
native thérapeutique et économique intéressante
pour apporter une réponse consistante et judicieuse
au maintien du système de santé français.
En France, la politique du médicament générique
s’est développée depuis 15 ans grâce à une collabo-
ration entre les pouvoirs publics, les laboratoires de
médicaments génériques, les professionnels de santé
et les patients. Conçue comme un outil de régula-
tion des dépenses de médicaments, la politique du
médicament générique en France a bénéficié ces
dernières années d’une forte croissance et représente
aujourd’hui un tiers du marché pharmaceutique des
médicaments remboursables (le médicament géné-
rique a connu une croissance de 26 % entre juillet
2012 et juillet 2013). Cette progression est induite
en particulier par la mise en œuvre du droit de subs-
titution accordé aux pharmaciens dès 1999 et, plus
récemment, par le développement du dispositif “tiers
payant contre générique” (TPCG).
Du point de vue des économies et de l’Assurance
maladie, les médicaments génériques constituent
La Lettre du Cardiologue n° 470-471 - décembre 2013-janvier 2014 | 19
Résumé
Les rumeurs entourant le médicament générique masquent les vrais enjeux. Assujetti aux mêmes exigences,
le médicament générique est avant tout un médicament de qualité qui contribue à la soutenabilité de la
Sécurité sociale. Il est urgent de s’émanciper des dogmes infondés : la recherche et l’innovation scientifique
ne sont pas en opposition avec la prescription du médicament générique. Le médecin doit aujourd’hui être
un acteur décisif pour développer l’utilisation du médicament générique.
Mots-clés
Qualité
Efficacité
Sécurité
Économies
Enjeux
Summary
Rumours surrounding generic
medicines interfere with
the real challenges. Generic
medicines are subject to the
same requirements and are,
above all, high quality medi-
cines which contribute to the
sustainability of the French
social heath system. It is urgent
to escape from unfounded
dogma: research and scientific
innovation do not oppose the
prescription of generic medi-
cines. Today, doctors have to
play a decisive part in devel-
oping the usage of generic
medicines.
Keywords
Quality
Efficacity
Security
Savings
Challenges
un enjeu économique de premier ordre pour la
maîtrise des dépenses de santé. Leur utilisation est
devenue indispensable dans le respect de l’ONDAM
en permettant, en 2012, 2,4 milliards d’euros d’éco-
nomies collectives, soit presque autant que la valeur
de son marché. Le développement des médicaments
génériques constitue ainsi un atout important dans
la soutenabilité du système d’Assurance maladie : les
économies issues du générique permettent d’amé-
liorer la prise en charge d’autres maladies par l’Assu-
rance maladie et d’éviter le déremboursement ou la
baisse de remboursement de certains médicaments.
D’un point de vue sanitaire, les laboratoires fabri-
quant des médicaments génériques ont conçu une
offre organisée autour de gammes larges avec des
industriels responsables (la gamme des 10 premiers
laboratoires couvre 55 % du Répertoire des médi-
caments génériques quand la moyenne européenne
est à 19 %), qui disposent d’importantes équipes de
pharmaciens et de médecins pour gérer la qualité des
spécialités et la pharmacovigilance. La production de
médicaments génériques se fait à 54 % sur le terri-
toire national et à 96 % sur le territoire européen et
représente 12 000 emplois, en croissance constante.
Cette implantation française du réseau de fabrication
du médicament générique permet d’en assurer la
sécurité sanitaire, et de garantir les volumes néces-
saires dans un contexte mondial de tensions sur la
chaîne d’approvisionnement en médicaments.
En Europe, les médicaments génériques représentent
54 % de parts de marché en volume et constituent
une source importante d’emplois pour l’industrie
pharmaceutique du façonnage, plus de 1 000 entre-
prises employant notamment 150 000 personnes (1).
En dépit de tous leurs atouts, la pénétration des
médicaments génériques en France reste largement
inférieure à ce niveau moyen : seuls 14 % en valeur
et 27 % en volume du marché contre 24 % en valeur
et 60 % en volume en Allemagne, plus de 60 % en
volume au Royaume-Uni.
Il faut en effet souligner que le médicament géné-
rique évolue dans un environnement difficile : forte
pression sur les prix et campagnes de dénigrement
récurrentes.
Malgré des prix fabricants hors taxes (PFHT) tout à
fait dans la moyenne européenne, les médicaments
génériques ont été ces dernières années la cible de
nombreuses baisses de prix. Ainsi le différentiel de
prix entre le générique et la spécialité de référence
est-il toujours plus important : de 30 % en 2000, la
décote a successivement été fixée à 40 % en 2006
puis 55 % en 2009, pour atteindre 60 % pour les
spécialités commercialisées à partir de 2012. Cette
décote est la plus importante de tous les pays qui ont
un régime de prix administré pour les médicaments.
Sur le Projet de loi de financement de la Sécurité
sociale (PLFSS) 2014, les médicaments génériques
devront supporter 10 % des économies, alors qu’ils
ne représentent que 2 % des dépenses de santé.
En 2013, ces médicaments auront permis une
économie de plus de 2,5 milliards d’euros pour l’en-
semble des systèmes de couverture sociale, Assurance
maladie obligatoire et assurance maladie complémen-
taire. Et les économies cumulées depuis les années
2000 représentent plus de 15 milliards d’euros.
Ces médicaments font également l’objet de
nombreuses controverses infondées ; balloté entre
la rumeur et les diabolisations, le médicament géné-
rique est régulièrement questionné. Au cœur de cette
tourmente déraisonnée, fin 2012, de nombreuses
autorités indépendantes ont réagi en France en
publiant des rapports pour rappeler la fiabilité du
médicament générique (figure 1, page 20) [2].
Ainsi, malgré un cadre réglementaire de qualité, des
laboratoires particulièrement investis sur le marché
français et un réseau de distribution pharmaceu-
tique parmi les plus denses d’Europe, le médica-
ment générique en France peine à trouver sa place
et souffre cruellement du manque de confiance de
certains acteurs et des patients. Il convient d’apaiser
le discours afin de définir une stratégie globale de
développement du médicament générique et de
mettre en œuvre d’autres mesures qui permettraient
de générer des économies plus substantielles, sans
fragiliser le système de santé.
En France, 70 % de la valeur du marché du médica-
ment correspondent à des prescriptions de spécia-
lités sous brevets non accessibles à la concurrence
des génériques. Aujourd’hui, la place du médicament
générique dans les économies de santé doit être
encouragée par tous les moyens. Le développement
du médicament générique a en effet atteint un palier
puisque la politique actuelle arrive à bout de souffle :
la substitution via le pharmacien a atteint son niveau
“Concevoir et mettre en place une campagne
de promotion du médicament générique auprès
des professionnels de santé et du grand public”
“Le médicament générique obéit aux
mêmes règles que le médicament princeps :
mêmes procédures d’obtention de l’AMM,
mêmes principes et exigences”
“Une diabolisation purement française
“Mettre en place une campagne … pour restaurer
la confiance du grand public dans les génériques”
“Il n’y a pas à craindre de la qualité […]
cest bien dans le circuit d’utilisation des
génériques que se situent les problèmes”
“Lancer une campagne de communication
auprès du grand public, sur la qualité des
médicaments génériques – un médicament
comme un autre” Rapport d’information au nom
de la MECSS du Sénat – Yves Daudigny (septembre 2013)
“Promotion des médicaments génériques : – définir
des actions à destination des prescripteurs, tant en
ville qu’à l’hôpital, et des patients pour améliorer
la confiance dans le médicament générique”
Rapport de l’IGAS, Inspection générale
des Affaires sociales, 23/12/2012
Des médicaments à part entière – Rapport ANSM
14/12/2012 Rapport de l’Académie de pharmacie du 21/12/2012
Rapport de la Mutualité française sur les médicaments
génériques. 10 propositions pour restaurer la confiance
Décembre 2012
Comité interministériel pour la modernisation de l’action
publique – CIMAP – 18 décembre 2013
Figure 1. Cinq rapports récents ont confirmé le rôle et la qualité du générique en France (2).
En France en 2013 Objectif 2014-2020
Marché du générique en Allemagne
(en volume)*
* Soit 80 % de prescription dans le répertoire
Un objectif déjà atteint en
Allemagne, avec plus de 70 %
de prescriptions !
64 % 64 %
36 %
36 % 36 % de
princeps
64 % de
génériques
Aujourd’hui :
2,3 milliards d’euros
d’économies par an
4,4* milliards d’euros
d’économies par an
pour la Sécurité sociale !
Appliquer à la France :
5,2 milliards d’euros
d’économies par an
pour la Sécurité sociale !
Part de prescription dans le Répertoire
Part de prescription hors Répertoire
Figure 2. Inverser la structure de la prescription pour maximiser les économies.
La place du générique dansl’économie de santé
DOSSIER
Que penser
des génériques ?
optimum avec 77 % de substitution, et le prix du
médicament générique en France est particulière-
ment compétitif.
Lenjeu économique et de santé publique réside
désormais dans une prescription efficiente et, sur ce
point, nous devons écarter d’emblée l’idée que les
médicaments génériques neutralisent l’innovation.
Au contraire, leur développement permet de stimuler
l’innovation au sein des laboratoires pharmaceutiques
en permettant de financer la recherche de nouveaux
médicaments. D’ailleurs, on constate que ce sont
les pays les plus innovants qui mettent le plus de
médicaments génériques sur le marché (aux États-
Unis ou en Allemagne par exemple). La recherche et
les médicaments génériques ne sont dès lors pas en
opposition. Enfin, les économies issues du générique
“permettent également de mieux rémunérer les efforts
de recherche en octroyant aux médicaments vérita-
blement innovants un prix de vente supérieur à celui
qui aurait pu être accordé en l’absence d’économies
engendrées par les génériques.” (3)
Les médecins français doivent désormais jouer un
rôle important dans la prescription des médicaments
génériques. En Europe, et notamment en Allemagne
ou au Royaume-Uni, les médecins ont depuis long-
temps une culture de prescription en DCI, ce qui a
facilité l’acceptation des génériques par les patients.
En Allemagne, les médecins ont été encouragés à
prescrire en fonction de l’allocation d’un budget de
prescription. En Europe, en général, les médecins
plébiscitent le médicament générique.
En France, les médecins généralistes et, depuis 2012,
les médecins cardiologues sont associés à l’objectif de
maîtrise des dépenses de santé de manière plus active.
La mise en place d’une rémunération sur objectifs de
santé publique est une opportunité pour les médecins
de prendre part au maintien d’un système d’assurance
maladie performant et efficient sur le long terme,
tout en préservant une qualité de soins exemplaire.
Lensemble du dispositif est basé sur un total de
590 points pour les cardiologues, dont 120 points
pour des objectifs liés à la prescription dans le
répertoire des génériques (article 3 de l’avenant) :
l’augmentation de la proportion d’antihypertenseurs
prescrits dans le répertoire des génériques (objectif
intermédiaire 74 %/objectif cible : 80 %) et celle de
la proportion de statines prescrites dans le répertoire
des génériques (objectif intermédiaire : 65 %/objectif
cible : 70 %) sont fixées selon des orientations de la
HAS qui confirment l’efficience de ces prescriptions.
Ainsi, une structure de prescription équivalente
à celle de l’Allemagne permettrait d’économiser
5,2 milliards d’euros chaque année ! Est-il encore
pensable de se priver de ces économies (figure 2) ?
Pour être efficace, la politique du médicament géné-
rique doit maintenant mobiliser tous les acteurs
du système de santé. Le médicament générique
est indispensable à la soutenabilité financière de
l’Assurance maladie.
1. Chiffres de l’EGA (European Generic Association).
2. Rapport IGAS. Évaluation de la politique française des médicaments génériques (2012).
Rapport de l’ANSM. Les médicaments génériques : des médicaments à part entière (2012).
Rapport de l’Académie de pharmacie sur les médicaments génériques (2012). Rapport du
sénateur Yves Daudigny, rapporteur général de la Mission d’évaluation et de contrôle de
la Sécurité sociale (2013).
3. Rapport ANSM. Les médicaments génériques, des médicaments à part entière
(2012).
Références bibliographiques
Les auteurs déclarent avoir
desliens d’intérêts avec
l’ensemble des laboratoires de
médicaments génériques.
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