TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
CANCER DE PROSTATE
Notre intérêt concernant les actualités 2000 s’est essentielle-
ment focalisé :
– sur les indications et les résultats à long terme de la curiethé-
rapie dans les cancers localisés ;
– au plan biologique, sur les marqueurs neuro-endocrines, la
signification de la présence de micrométastases médullaires,
les données des microarrays sur les gènes surexprimés lors de
l’acquisition d’une hormonorésistance ;
– sur les nouvelles thérapeutiques médicales.
Facteurs prédictifs de marges positives sur pièce de prosta-
tectomie ?
Pour répondre à cette question, une étude (1) a été réalisée à la
Mayo Clinic sur une série de 339 patients traités par prostatec-
tomie. Le taux de marges positives était de 24 %. En analyse
univariée, le taux de PSA préopératoire, le score de Gleason,
l’invasion périnerveuse, le pourcentage de tumeurs dans les
biopsies, le nombre de biopsies tumorales et leur fraction
atteinte par la maladie étaient des facteurs prédictifs de la posi-
tivité des marges. En analyse multivariée, le taux de PSA et le
pourcentage de tumeurs dans les biopsies étaient retrouvés
comme facteurs indépendants. La combinaison de ces 2 fac-
teurs est hautement prédictive. Ainsi, un patient avec un taux
de PSA < 4 ng/ml et moins de 10 % de cancers sur les biopsies
a un risque de marge positive de 11 % alors qu’un patient avec
un PSA entre 10 et 20 ng/ml et plus de 40 % de tumeurs sur les
biopsies a lui un risque de 59 %. Si ces données sont utiles sta-
tistiquement parlant, elles n’aident qu’indirectement aux déci-
sions thérapeutiques. L’avenir est sans doute à l’apport des
nouvelles techniques d’imagerie et en particulier à l’IRM
endorectale.
Chimiothérapie et hormonothérapie néoadjuvantes avant
prostatectomie radicale
Logothetis et al. du MD Anderson (2) ont rapporté les résultats
préliminaires d’une hormono-chimiothérapie néoadjuvante
avant prostatectomie. Trente-trois patients présentant une
tumeur classée T1-2 Gleason 8, T2b-T2c Gleason 7 PSA >
10 ng/ml (n = 15), ou T3 (n = 18) ont reçu un traitement
consistant en 12 semaines de kétoconazole et de doxorubicine
alterné avec une association de vinblastine-estramustine et cas-
tration avant prostatectomie. La tumeur était confinée à la
glande dans 10 cas (30 %), il existait une atteinte ganglion-
naire dans 11 cas (37 %) et des marges positives dans 5 cas
(17 %). Tous les patients avaient un PSA indétectable après la
prostatectomie et 20 sont restés en rémission avec un suivi
moyen de 13 mois (9-18 mois). Le but fixé d’atteindre un pT0
dans 20 % des cas n’a pas été atteint. Des complications post-
opératoires sont survenues chez 33 % des patients (10/30).
Validation de la définition, selon le consensus de l’ASTRO,
de l’échec biologique des patients porteurs d’un cancer
de prostate traités par radiothérapie à visée curatrice
Entre 1989 et 1997, 670 patients traités par radiothérapie tridi-
mensionnelle au Fox Chase Cancer Center (FCCC) ont été
inclus dans une étude (3) dont le but était d’établir la robustesse
des définitions de l’échec biologique selon le consensus de
l’ASTRO (American Society for Therapeutic Radiology and
Oncology), exigeant une augmentation du PSA à trois contrôles
successifs espacés d’au moins trois mois et fixant la date
d’échec au point médian entre le nadir post-irradiation et le pre-
mier contrôle de PSA augmenté. Les patients étaient stratifiés en
3 groupes : 111 ayant reçu un traitement hormonal complémen-
taire, 204 présentant des critères de bon pronostic traités par
radiothérapie seule, 255 présentant des critères pronostiques
plus péjoratifs également traités par radiothérapie exclusive.
Pour chaque groupe, il a été réalisé une comparaison des échecs
biologiques définis par l’ASTRO et le FCCC (PSA > 1,5 ng/ml
après une augmentation à deux contrôles successifs). Les taux
de rechute définis par l’ASTRO étaient supérieurs pour les
5premières années, pour ensuite stagner et être rattrapés par les
récidives définies selon le FCCC (les taux de rechute étant au
total à distance identiques dans les deux groupes). L’exclusion
des patients ayant un temps de doublement très lent ne modifie
pas les résultats. En conclusion, les règles de l’ASTRO sont plus
appropriées, car elles permettent de diagnostiquer plus précoce-
ment l’échec. Elles doivent être recommandées pour la sur-
veillance des patients traités par radiothérapie.
Curiethérapie de prostate par iode 125
Ragde et al. ont rapporté dans Cancer (4) les résultats à long
terme (plus de 12 ans) de l’expérience de curiethérapie de la
prostate du Northwest Prostate Institute de Seattle. Entre jan-
vier 1987 et septembre 1989, 229 patients ont été traités par
une curiethérapie utilisant des grains d’iode 125 sans aucune
hormonothérapie associée : un premier groupe de 147 patients
ayant une forte probabilité d’avoir une tumeur intracapsulaire
(Gleason < 7 et stade < T2b) par une curiethérapie exclusive
(160 Gy), un deuxième groupe de 82 patients à risque élevé
Actualités 2000 dans les tumeurs urologiques
! Ph. Beuzeboc*
* Service de médecine oncologique, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris
Cedex 05.
d’extension extracapsulaire (Gleason > 6 et/ou stade T2b)
par une radiothérapie externe (45 Gy) suivie d’une curiethéra-
pie (120 Gy). L’échec était défini par une biopsie positive, un
diagnostic radiographique de métastases ou trois augmenta-
tions consécutives du PSA, comme prévu par le consensus de
l’ASTRO. Avec un suivi moyen de 122 mois, la survie sans
récidive à 10 ans était de 70 % (66 % pour le groupe 1, 79 %
pour le groupe 2). La survie globale spécifique était de 98 %
(il faut noter que l’âge médian en début de traitement était
71 ans, le Gleason médian 5, le PSA médian 8,8 ng/ml pour le
groupe 1 et 14,7 ng/ml pour le groupe 2). De plus, utiliser les
critères de l’ASTRO par rapport à l’ancien critère de
PSA > 0,5 ng/ml ne modifiait pas significativement les résul-
tats. En conclusion, par rapport aux précédentes données à
10 ans, les résultats sont strictement identiques, montrant le
maintien de la curabilité à long terme de la curiethérapie.
Actuellement, la dose utilisée a été réduite selon les recom-
mandations de l’American Association of Physicists in Medi-
cine Task Group 43 (4 bis) et les critères de sélection pour la
curiethérapie sont plus stricts (PSA < 10, stade < T2a,
Gleason < 7).
Comparaison des résultats à long terme de la curiethérapie
et de la radiothérapie externe dans les cancers de prostate
localisés (T1-T2)
À partir d’une revue de la base de données des services
d’oncologie de l’Arizona, Brachman et al. (5) ont évalué la
survie sans récidive de 2 222 patients traités entre décembre
1988 et décembre 1995 par curiethérapie (I125 ou Pd103, n = 695)
ou par radiothérapie externe seule (n = 1 527) pour une tumeur
de prostate classée T1-2 Nx-0 M0. Aucun traitement hormonal
associé n’était toléré. L’âge moyen était de 74 ans dans les
deux groupes. Le temps médian de suivi était de 41,3 mois
pour la radiothérapie externe et de 51,3 mois pour la curiethé-
rapie, le choix du traitement ayant été pris individuellement en
fonction des préférences des médecins et des patients. Les cri-
tères d’échec était ceux définis par le consensus de l’ASTRO.
Les taux de survie sans rechute à 5 ans ont été respectivement
de 69 % et 71 % pour les patients traités par radiothérapie
externe et par curiethérapie (p = 0,91). Les résultats, stricte-
ment comparables pour les T1 et les T2, étaient en revanche
significativement en faveur de la radiothérapie externe pour les
tumeurs Gleason 8-10 (52 % versus 28 %, p = 0,05). Il en était
de même pour les patients présentant un taux de PSA entre 10
et 20 ng/ml, mais il s’agit là d’un problème de mauvaise éva-
luation du stade (ces tumeurs ayant toutes les chances d’avoir
une extension extraprostatique). Les auteurs ont conclu que les
résultats des deux techniques étaient a priori équivalents pour
les tumeurs T1-T2, Gleason < 6, PSA < 10 ng/ml. Même s’il
ne s’agit pas d’une étude randomisée, l’importance des effec-
tifs et les données exhaustives à partir d’une banque de don-
nées unique permettent de valider a priori ces conclusions.
Combinaison d’une radiothérapie externe et d’une curiethé-
rapie par implants d’iridium 192
L’équipe du département de radiothérapie du William Beau-
mont Hospital (6) a comparé les résultats d’une série de
161 patients présentant un cancer de prostate localement
avancé, traités par une association de radiothérapie externe
(dose médiane : 68 Gy) et de curiethérapie par iridium 192
(implanté sous contrôle échographique les trois premières
semaines lors de la période 1991-1995 et les première et troi-
sième semaines depuis 1995), à des patients appariés en fonc-
tion du stade, du Gleason, du taux de PSA initial et traités dans
la même institution par radiothérapie externe exclusive (dose
médiane : 66,6 Gy). Aucun patient n’a reçu d’hormonothérapie
avant rechute. Les critères d’éligibilité étaient : un PSA >
10 ng/ml, un score de Gleason > 7, un stade clinique entre T2b
et T3c. Les patients traités par la combinaison ont montré un
nadir du PSA (médiane 0,4 ng/ml) significativement inférieur
à celui des patients traités par radiothérapie seule (médiane :
1,1 ng/ml). Le taux de contrôle biochimique à 5 ans était éga-
lement significativement en faveur de l’association (67 % ver-
sus 44 %, p < 0,001). Attendons les résultats à plus long terme.
Combinaison de radiothérapie externe et d’hyperthermie
dans les cancers de prostate avancés
Une équipe d’Arizona (7) a rapporté les résultats à long terme
d’une étude de phases I-II associant radiothérapie externe et
hyperthermie chez 26 patients de stade C2-D1, traités entre
1990 et 1993. La médiane du PSA avant traitement était de
29 ng/ml. La radiothérapie externe utilisait une technique à
4champs, délivrée à la dose médiane de 68 Gy ; l’hyperther-
mie était réalisée par un applicateur à ultrasons transrectal de
façon concomitante à la température de 42,5 °C durant
30 minutes. Cette étude n’a pu montrer que la faisabilité de la
technique et sa bonne tolérance, avec des résultats compa-
rables à ceux de la radiothérapie seule ou associée à une hor-
monothérapie. Néanmoins, le peu de patients traités ne permet
pas de tirer la moindre information sur son efficacité.
Valeur prédictive du dosage de kallicréine 2 protéase sérique
pour la présence d’un cancer de prostate en cas d’élévation
du PSA
Si le PSA représente un test très sensible dans le diagnostic du
cancer de la prostate, sa spécificité est faible. Parmi les
patients ayant un PSA entre 4 et 10 ng/ml, seuls 25 % ont un
cancer de prostate. Les facteurs pouvant motiver une biopsie
prostatique dans cette fourchette de résultats sont l’âge, la pré-
sence d’un nodule, un antécédent familial. En leur absence, la
vélocité du PSA, le pourcentage de PSA libre/PSA total sont
des éléments classiques aidant à la décision. Le dosage de la
kallicréine de type 2 (hK2), protéase de la même famille et
présentant 80 % d’homologie avec le PSA, stimulée également
par les androgènes mais dont l’expression semble moins pro-
noncée dans les pathologies bénignes que dans les cancers de
prostate de haut grade, pourrait avoir de l’intérêt pour prédire
la présence d’un cancer de prostate parmi des patients “pré-
screenés” avec le PSA. Nam et al. (8) ont étudié, dans une
population de 324 patients avec un PSA > 3 ng/ml ayant eu
une biopsie prostatique (149 patients, soit 49 %, présentant un
cancer de prostate), l’utilité du dosage de la hK2 et du rapport
hK2/PSA libre. Tous deux sont augmentés en cas de cancers
prostatiques par rapport aux contrôles avec une moyenne res-
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
pectivement à 1,18 versus 0,53 ng/ml (p = 0,0001) pour la hK2
et à 1,17 versus 0,62 pour le rapport hK2/PSA libre (p =
0,0001). Pour les patients présentant un PSA entre 3 et
20 ng/ml, avec un toucher rectal normal et des symptômes uri-
naires laissant supposer une pathologie prostatique bénigne,
seuls 6 % des patients avaient un cancer prostatique quand le
rapport hK2/PSA libre était inférieur à 0,28. Il faudra attendre
d’autres études pour réellement mesurer l’intérêt du dosage de
hK2.
Analyse de l’hormonorésistance par microarrays
Les mécanismes moléculaires impliqués dans la progression
du cancer prostatique sous hormonothérapie sont très mal
connus. Bubendorf et al. (9) ont utilisé une technique de
microarrays pour identifier les différents gènes exprimés dans
les cancers hormonorésistants. Parmi 5 184 gènes étudiés,
l’expression de 37 gènes (0,7 %) était augmentée plus de 2 fois
dans un modèle de xénogreffe hormonoréfractaire CWR22R
par rapport à son corollaire hormonosensible CWR22, et celle
de 135 gènes était diminuée. Les gènes de l’IGFBP2 (Insulin-
Like Growth Factor-Binding Protein 2) et de l’HSP27 (27-kd
Heat Shock Protein) étaient notamment fortement surexpri-
més. Pour valider ces données sur des échantillons tumoraux,
une étude par microarrays a également été pratiquée au niveau
de 26 hyperplasies bénignes de prostate, de 208 cancers de
prostate primaires et de 30 cancers hormonorésistants, mon-
trant une expression élevée de la protéine IGFBP2 dans 100 %
des tumeurs hormonoréfractaires, dans 36 % des tumeurs pri-
maires et dans 0 % des tissus prostatiques normaux. Une sur-
expression de la protéine HSP27 a été retrouvée dans 31 % des
cancers hormonorésistants, dans seulement 5 % des tumeurs
primaires et dans 0 % des tissus bénins. Ainsi ces technologies
sont-elles capables d’identifier rapidement la surexpression de
gènes associés à l’acquisition d’une hormonorésistance,
ouvrant la perspective d’applications pratiques faisant appel à
des traitements spécifiques ciblés et efficaces.
Marqueurs neuro-endocrines circulants
Le concept de différenciation neuro-endocrine dans les cancers
de prostate prend de plus en plus d’importance, même si la
signification de ce phénomène demeure encore incomprise. Il a
été suggéré que les cellules neuro-endocrines pourraient jouer
un rôle dans la progression androgéno-indépendante des cel-
lules tumorales prostatiques.
Une étude italienne (10) s’est intéressée à la mesure des mar-
queurs neuro-endocrines circulants (NSE, chromogranine A)
chez des patients présentant soit une hypertrophie prostatique
bénigne (n = 141), soit une néoplasie intra-épithéliale (n = 54),
soit un cancer de prostate (n = 159, dont 119 jamais traités par
hormonothérapie et 40 hormonorésistants). De plus, un moni-
toring du dosage de chromogranine A a été réalisé chez
31 patients sous déprivation androgénique et chez 24 patients
sous chimiothérapie.
Des élévations de la chromogranine A ont été observées plus
fréquemment dans les stades D2 (45,5 %) que dans les stades
D1 (33,3 %), C (16,7 %), A ou B (18,8 %). Il faut noter que
25,9 % des néoplasies intra-épithéliales et 17 % des hypertro-
phies bénignes ont des taux supra-normaux. En revanche, il n’y
a aucune différence entre les groupes en ce qui concerne la NSE.
Le taux de chromogranine A paraît refléter mieux l’activité
neuro-endocrine que la NSE dans les cancers de prostate méta-
statiques. Il est corrélé à un mauvais pronostic. Il varie rare-
ment avec le traitement hormonal (1 patient sur 12 a eu une
baisse de plus de 50 % dans cette étude) ou la chimiothérapie
(2 patients sur 12).
Micrométastases et cellules circulantes
Une thérapie à visée curative peut, en théorie, paraître discu-
table en cas de présence de micrométastases disséminées, mais
la signification pronostique de la présence de micrométastases
médullaires dans les cancers de prostate reste absolument
inconnue. En effet, si ces cellules sont des indicateurs d’une
phase précoce de dissémination, elles ne signent pas systémati-
quement la survenue ultérieure de métastases osseuses évolu-
tives pour un certain nombre de tumeurs. L’équipe de Schlimok
et Riethmuller (11) a recherché en immunohistochimie par un
anticorps anti-cytokératine (CK18) la présence de micrométas-
tases médullaires dans des cancers de prostate localisés, en
essayant de la corréler à des facteurs de mauvais pronostic. Les
prélèvements ont été réalisés par aspiration au niveau des
2crêtes iliaques avant prostatectomie chez 287 patients. En
moyenne, 2 millions de cellules mononucléées étaient évaluées
par patient. Quarante-huit d’entre eux avaient des métastases
ganglionnaires. À partir des 266 échantillons analysables,
76,3 % étaient CK18-négatifs et 23,7 % CK18-positifs.
Chez les patients sans atteinte ganglionnaire, il n’a été trouvé
aucune corrélation avec le score de Gleason, le stade patholo-
gique, le taux de PSA préopératoire. De plus, il n’a pas été mis
en évidence plus de micrométastases médullaires en cas
d’atteinte ganglionnaire. Aucune donnée sur le suivi à long
terme n’est encore disponible pour juger de l’impact de la pré-
sence de ces micrométastases sur l’évolution après prostatecto-
mie mais, avec un recul de 32 mois, il n’y a pas dans cette
étude pour les cancers intracapsulaires de différence d’échap-
pement biochimique (PSA > 0,5 ng/ml) entre les patients avec
et les patients sans micrométastases médullaires.
“Guidelines” d’éligibilité et de réponses pour les essais de
phase II dans les cancers de prostate hormonodépendants
fixées par le Prostate-Specific Antigen Working Group
Pour les essais de phase II dans les cancers de prostate hormo-
nodépendants, il était important pour les investigateurs d’unifor-
miser les définitions d’éligibilité et les normes de baisse de PSA
qui servent de critères de jugement, permettant une sélection
cohérente pour les futurs essais de phase III. Cette conférence de
consensus (12) regroupant 26 “leaders” a défini 4 groupes de
patients pouvant être éligibles : avec maladie progressive mesu-
rable ; avec métastases osseuses en progression ; avec des méta-
stases stables mais un PSA en progression ; avec une augmenta-
tion de leur PSA sans métastase apparente. Le critère choisi a
été une diminution du PSA de plus de 50 % confirmée
4 semaines plus tard, sans progression clinique ou radiogra-
phique évidente durant cette période (certains investigateurs pré-
fèrent ajouter les diminutions de PSA de plus de 75 % ou 90 %).
TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
La durée de réponse et le temps jusqu’à progression sont les
autres critères de jugement essentiels retenus. Les définitions
formulées dans cette publication n’ont pas été validées mais ser-
viront sans doute de référence pour les futurs essais.
Les taxanes dans les cancers métastatiques en échappement
hormonal
Trivedi et al. (13) ont rapporté la faisabilité et l’efficacité
d’une administration hebdomadaire de paclitaxel à la dose de
150 mg/m2en perfusion d’une heure, 6 semaines toutes les
8semaines, chez 18 patients. Quatre des 18 patients ont pré-
senté une réponse objective et 7 une baisse du PSA > 50 %.
Dix-sept patients ont reçu un total de 31 cycles. La toxicité
majeure a été neurologique, avec 35 % de neuropathie périphé-
rique de grade 3.
Un protocole multicentrique français randomisé de phase II est
actuellement activé, comparant le “standard” américain
(mitoxantrone + prednisone) à deux associations de docétaxel
et d’estramustine.
Intérêt des bisphosphonates dans les métastases osseuses
de cancer de prostate
Papapoulos et al. (14) ont fait une revue de la littérature sur
l’utilisation des bisphosphonates dans les métastases osseuses
de cancer de prostate. Même si les métastases sont essentielle-
ment ostéoblastiques, il existe des preuves expérimentales, his-
tologiques et biochimiques d’une augmentation de la résorp-
tion osseuse, et donc un rationnel pour l’utilisation de
bisphosphonates dans cette situation. Par rapport aux données
sur les métastases ostéolytiques, notamment des cancers du
sein, les études sont limitées, la plupart étant non contrôlées.
L’absence de modèles expérimentaux appropriés, la difficulté
d’évaluation des métastases ostéoblastiques et la faible inci-
dence des complications osseuses habituelles servant de cri-
tères de jugement dans les essais (épisodes d’hypercalcémies,
de fractures pathologiques) expliquent le retard à la mise en
place des études. Les données disponibles suggèrent néan-
moins que les bisphosphonates de deuxième génération utilisés
par voie veineuse sont efficaces en diminuant la morbidité des
métastases osseuses de cancer de prostate en échappement hor-
monal. Il est absolument nécessaire de réaliser des études
contrôlées bien conduites pour préciser leurs indications et les
meilleures modalités d’administration.
Progestatifs en échappement hormonal
Un essai randomisé du CALGB (15) portant sur 149 patients a
montré le peu d’efficacité de l’acétate de mégestrol à dose
modérée (160 mg/j) ou élevée (640 mg/j) dans les cancers de
prostate en échappement hormonal. Une baisse du PSA > 50 %
est survenue chez respectivement 13,8 % et 8,8 % des patients
traités à faible ou forte dose.
Nouvelles approches thérapeutiques
Steiner et Gingrich (16) viennent de publier, dans le Journal of
Urology, une revue générale sur les thérapies géniques et
immunologiques dans les cancers de prostate dont nous encou-
rageons la lecture. Même si ces thérapeutiques n’en sont qu’à
leurs balbutiements, il est intéressant de faire le point sur les
développements en cours. Cet article reprend les différents
problèmes spécifiques à la prostate, des antigènes, des cibles
biologiques, des vecteurs, des promoteurs, des réponses immu-
nologiques, de l’association de cytokines ou de thérapies cellu-
laires, de l’administration locale ou générale. Sans entrer dans
le détail, il existe actuellement, aux États-Unis, 18 protocoles
de thérapie génique de phases I-II agréés par le NIH. Les
contructions virales semblent particulièrement intéressantes.
Trois essais notamment ont utilisé le Prostvac, un virus recom-
binant de la vaccine exprimant le PSA. La tolérance a été par-
faite. Il a pu être mis en évidence, dans certains cas, une
réponse immune prostate-spécifique (17). Des essais de vacci-
nothérapie pourraient débuter en 2001 en France avec des vec-
teurs recombinants plus complexes.
Tumeurs secondaires après traitement d’un cancer de prostate
Brenner et al. (18), de l’université de Colombia, ont comparé,
à partir de registres des SEER (Surveillance, Epidemiology,
and End Results Program Cancer Registry), l’incidence res-
pective de tumeurs secondaires survenant après radiothérapie
de prostate ou prostatectomies. Les données ont porté sur
51 584 patients traités par radiothérapie (3 549 ont développé
une tumeur secondaire) et 70 539 patients traités exclusive-
ment par chirurgie (5 055 tumeurs secondaires) entre 1973 et
1993. La radiothérapie est associée à une faible mais significa-
tive augmentation du risque de tumeur solide (6 %, p = 0,02).
Les tumeurs contribuant le plus à cette augmentation sont les
cancers de vessie, du rectum, du poumon et les sarcomes. Pour
les patients survivants après 5 ans, cette augmentation du
risque relatif est de 15 % (et de 34 % après 10 ans). Pour un
patient traité par radiothérapie, le risque estimé de développer
une tumeur secondaire radio-induite est de 1/290 ; ce risque
s’élève à 1/70 pour les longs survivants > 10 ans.
Kossman et al. (19) ont rapporté 2 cas de leucémie myéloïde
17 et 26 mois après traitement par strontium-89.
CANCER DE VESSIE
Associations radio-chimiothérapie
Il existe peu de données sur les résultats tardifs des associations
de radio-chimiothérapie dans les cancers de vessie. Une équipe
allemande (20) a rapporté les survies à 5 et 10 ans de
53 patients consécutifs et non sélectionnés traités par une
chimiothérapie combinée à une radiothérapie hyperfractionnée
(Schleswig-Holstein Study). Le cisplatine (70 mg/m2
semaines 1, 4, 9) et l’épirubicine (10 mg/m2/sem. x 6 cycles,
semaines 1 à 4 et semaines 9 à 10) étaient utilisés comme radio-
sensibilisants. La radiothérapie hyperfractionnée accélérée
consistait en une dose totale de 57,6 Gy délivrée en 2 fractions
journalières de 1,6 Gy sur 3 jours consécutifs et administrée en
2 séries, de la première à la quatrième semaine et de la neu-
vième à la dixième semaine. Huit patients ont dû interrompre le
traitement. Les survies à 5 ans et 10 ans ont été de 23 % et 8 %
et les survies spécifiques de 36 % et de 29 %. Seuls 4 patients
étaient en vie et en rémission à 10 ans. Ces résultats médiocres
doivent être pondérés par le fait que la population traitée était
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
de pronostic particulièrement mauvais (44 T2 ou T3, 9 T4),
avec 20 patients présentant, sur les données scanographiques,
une atteinte ganglionnaire (6 N1 < 2 cm, 9 N2 entre 2 et 5 cm,
5N3> 5 cm).
Cancer de vessie métastatique
L’année 2000 a été marquée par l’AMM accordée à la gemcita-
bine dans le cancer de vessie métastatique après les résultats
présentés à l’ASCO (21) de l’essai randomisé comparant
l’association gemcitabine-cisplatine au MVAC, qui représentait
jusqu’alors le traitement standard. Les résultats étaient équiva-
lents dans les deux bras en termes de réponse et de survie ; en
revanche, la morbidité était bien moindre avec l’association
gemcitabine-cisplatine. D’autres associations, en particulier
avec taxane, sont à l’étude. Ainsi, un essai de phase II combi-
nant cisplatine (75 mg/m2) et paclitaxel (175 mg/m2en perfu-
sion de 3 heures) repris tous les quinze jours a été publié par
Dreicer dans le Journal of Clinical Oncology (22), rapportant
un taux de réponse de 50 % (IC 95 % : 36-64 %) chez
52 patients. La médiane de survie était de 10,6 mois. Faudra-t-il
intégrer un taxane dans une combinaison à base de gemcitabine
et de cisplatine ? L’équipe du MSKCC (23) a conduit un essai
de phase I évaluant une séquence de doxorubicine (50 mg/m2)+
gemcitabine (2 000 mg/m2à la vitesse de perfusion de
10 mg/m2/mn) x 6 cycles toutes les 2 semaines suivie d’une
association d’ifosfamide (1 500 mg/m2J1, J2, J3), de paclitaxel
(200 mg/m2J1 en perfusion de 3 heures) et de cisplatine
(70 mg/m2J1) avec G-CSF systématique. La tolérance a été
acceptable. Neuf patients sur 14 ont présenté une réponse
objective (3 RC, 6 RP). Une phase II à ces doses a débuté.
Un essai de phase II d’une association de paclitaxel, gemcita-
bine et cisplatine est actuellement en cours en France.
Surexpression d’Her2 dans les cancers de vessie invasifs
Jimenez et al. (24) ont rapporté à l’ASCO une étude du statut
d’Her2 en immunohistochimie dans 60 cas de tumeurs de vessie
infiltrantes et, quand elles étaient accessibles, de leurs méta-
stases ganglionnaires (32 cas) et viscérales (9 cas). Une surex-
pression d’Her2 2+ a été retrouvée dans 37 % des tumeurs pri-
mitives, 62 % des adénopathies et 86 % des métastases
viscérales. La principale critique que l’on peut formuler à cette
étude tient à l’utilisation de l’Herceptest, trop sensible, avec
pour corollaire de nombreux faux-positifs. Il sera nécessaire de
disposer de données fiables en FISH pour évaluer réellement le
pourcentage de tumeurs invasives présentant une amplification
d’Her2. Néanmoins, le cancer de vessie métastatique apparaît
comme un bon candidat à un traitement par trastuzumab (Her-
ceptin®). Des essais vont débuter aux États-Unis et en Europe en
combinaison avec une association soit de gemcitabine-cisplatine
soit de paclitaxel-carboplatine en première ligne métastatique.
Tumeurs rares de vessie
Lohrisch et al. (25) ont revu tous les cas de carcinomes de ves-
sie à petites cellules enregistrés en Colombie britannique entre
1985 et 1996 (n = 14, incidence = 0,35 %). Ces tumeurs sont
de mauvais pronostic, avec une survie à 5 ans d’environ 8 %
dans la littérature pour les patients ayant une maladie initiale-
ment limitée au pelvis. Les auteurs ont étudié l’intérêt d’une
association de radio-chimiothérapie et rapporté, pour les dix
patients ayant été traités dans une optique curative, une survie
globale à 2 et 5 ans de 70 % et 44,5 % (médiane de survie :
41 mois). Les traitements étaient inhomogènes tant en ce qui
concernait les chimiothérapies d’induction (à base de cispla-
tine et étoposide dans 8 cas) que les doses de radiothérapie.
Les auteurs ont conclu que ce type d’association permettait
une survie prolongée en cas de maladie localisée mais nécessi-
tait une surveillance prolongée (l’incidence des deuxièmes
cancers de vessie a été de 60 % à 3 ans). Il apparaît maintenant
nécessaire d’en fixer les meilleures modalités.
Sur le même sujet, il faut noter que Henno et al. (26) ont
publié une revue générale dans Bulletin du cancer posant bien
le problème de l’intérêt potentiel d’une cystectomie dans les
formes localisées.
Toujours dans le registre des tumeurs rares de vessie, Cheng
(27) a rapporté l’expérience d’une série de 16 paragliomes dia-
gnostiqués en 53 ans à la Mayo Clinic. Ces tumeurs exception-
nelles surviennent chez l’adulte jeune avec un sex-ratio de
1homme pour 3 femmes. Elles sont habituellement intramu-
rales au niveau de la paroi postérieure ou latérale de la vessie,
et parfois multifocales (18 %). Il n’existe pas de critères histo-
logiques fiables permettant de distinguer les lésions bénignes
et malignes (qui représentent environ un tiers de ces tumeurs).
Toutes les tumeurs sont aneuploïdes. L’index de marquage
moyen au MIB-1 est de 1,5 %. En immunohistochimie, les cel-
lules tumorales présentent un immunoréactivité forte pour la
protéine S-100 et la NSE, mais sont négatives pour la p53. Les
tumeurs de stade avancé (T 3) ont un risque important de
récidives et de métastases alors que les tumeurs T1 et T2 ont
un pronostic favorable après résection complète.
CANCER DU REIN
Nous avons sélectionné quatre pôles d’intérêt, mais il faut sur-
tout insister sur les nouvelles approches thérapeutiques immu-
nologiques, premièrement par hybrides de cellules tumorales
et de cellules dendritiques autologues et deuxièmement par
“mini-allogreffes”.
Facteurs de risque
En France, sur les données existantes, à partir des registres,
l’incidence du cancer du rein est de 12 pour 100 000 hommes
et de 6 pour 100 000 femmes ; les taux de mortalité sont de 7,5
et 4 pour 100 000 respectivement pour les 2 sexes. La moitié
des cas sont découverts fortuitement par une échographie, avec
des taux de survie excellents pour les tumeurs localisées
(> 87 %). Dhôte et al. (28) ont analysé, à partir des bases Med-
line, 128 articles internationaux traitant des facteurs de risque
ou de l’épidémiologie du cancer du rein entre 1987 et 1998.
Quarante-quatre études ont été considérées comme informa-
tives (36 études cas-contrôles et 8 études de cohortes). Elles
analysaient les effets du tabac, de l’obésité, des pathologies
rénales, de l’hypertension, des prises médicamenteuses, des
expositions professionnelles, du statut hormonal, des condi-
tions socio-économiques, de l’alcool, du café et du thé. Plu-
TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
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