Revue Médicale Suisse
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30 mai 2012 1187
efficace et peu coûteux. Elles préfèrent ne
pas s’engager et maintenir une position ré-
trograde.»
Nul ne sait si les hautes autorités sani-
taires françaises lisent ou non Le Figaro ; et là
n’est sans doute pas la priorité. L’urgence
réside en revanche dans la diffusion de mes-
sages pédagogiques éclairés à tous ceux qui
sont directement concernés au premier chef
par les cancers localisés de la prostate ; ceux
qui, patients et praticiens, se demandent s’il
faut ou non traiter. Et qui se demandent
comment choisir au mieux entre surveil-
lance, chirurgie ou radiothérapie ; confron-
tés qu’ils sont à une évolution naturelle que
l’on sait être souvent peu défavorable. C’est à
eux que répondent les rédacteurs (collectifs
et toujours anonymes) du mensuel Prescrire
dans la livraison datée de mai.1
Comme toujours cette réponse est formu-
lée après synthèse des publications dispo-
nibles à l’échelon international sur ce sujet ;
en l’espèce de 2000 à janvier 2012. Et cette
réponse comporte l’essentiel de ce que les
patients sont en droit de savoir dès lors que
le diagnostic de cancer prostatique localisé a
été porté et qu’ils en sont informés. Rappe-
lons qu’en l’absence de traitement d’emblée,
chez les patients ayant une atteinte d’un
seul lobe, un score histologique de Gleason
m 7 et un taux de PSA m 20 ng/ml, le risque
de mourir de ce cancer est l 0,5% par an.
Chez les patients ayant une tumeur plus
étendue, un cancer peu différencié (score de
Gleason L 7) ou un taux élevé de PSA, ce
risque est de l’ordre de 4% par an.
Dans ce contexte, les rédacteurs de Pres-
crire établissent deux cas de figure.
Cancers à risque faible (ou intermé-
diaire) d’évolution défavorable
Chez les patients ayant par ailleurs un
état de santé dégradé avec une espérance de
vie de moins d’une dizaine d’années le ris-
que de mourir de ce cancer est très faible.
Mieux vaut donc ne pas les exposer aux ef-
fets indésirables d’un traitement dont ils ne
tireront peu ou pas de bénéfices. «Chez les
autres patients il n’y a pas, début 2012, de
donnée d’évaluation comparative de fort ni-
veau de preuves pour guider les choix de
traitement, assure Prescrire. La surveillance
sans traitement initial est une option : sans
traitement d’emblée, le risque de mourir de
ce cancer est de l’ordre de 5% ou moins dans
les dix années qui suivent le diagnostic.»
La prostatectomie totale ? Elle a (dans un
essai) réduit la mortalité toutes causes con-
fondues de patients âgés de moins de 65 ans
en évitant un décès par cancer de la prostate
pour environ dix patients opérés et suivis
pendant treize ans. A long terme, environ
75% des hommes opérés souffrent de trou-
bles de l’érection (versus environ 50% en
cas de surveillance avec traitement différé).
Ces troubles sont nettement atténués par un
inhibiteur de la phosphodiestérase de type
5 (50% des cas versus 15% avec un placebo).
La prostatectomie totale entraîne une incon-
tinence urinaire chez 12 à 25% des patients.
La radiothérapie externe ? Dilemme : elle
est peut-être moins efficace que la prostatec-
tomie totale en termes de réduction de la
mortalité mais semble à l’origine de moins
de troubles de l’érection et de moins d’in-
continences urinaires. Rectite radique chez
15% des patients. Il ne semble pas, d’autre
part, certain que la curiethérapie soit aussi
efficace que la radiothérapie externe en ter-
mes de réduction de la mortalité. En revan-
che, c’est le traitement qui «expose le moins
aux risques de troubles de l’érection et d’in-
continence urinaire». Enfin, «un traitement
hormonal prolongé, utilisé seul, n’a pas sa
place en traitement des cancers localisés de
la prostate».
Cancers à risque élevé d’évolution
défavorable
Ce cas de figure correspond à l’envahis-
sement des deux lobes (stade T2c) ou quand
le cancer est peu différencié (score de Gleason
L 7) ou quand le taux de PSA est L 20 ng/ml.
Dans ce cas, «un traitement sem ble en gé-
néral justifié». Dilemme : «la prostatectomie
totale est une option envisagée mais son ef-
ficacité en termes de survie n’est démontrée
que chez les patients atteints d’un cancer lo-
calisé de meilleur pronostic»… Enfin, «la
radiothérapie externe associée à un traite-
ment hormonal pendant six mois est une
autre option souvent proposée», conclut Pres-
crire. Elle n’a pas fait l’objet de comparaison
directe avec la chirurgie.
Ce sont là les principaux éléments d’in-
formation permettant d’associer les patients
au choix d’une stratégie de traitement. La
question reste entière de savoir s’il faut sys-
tématiquement les associer ? Et si non, sur
quels critères on peut ou non les associer à
ce qui les concerne très directement. Peut-
être, faut-il conclure qu’il revient au prati-
cien (ou à l’équipe de praticiens) de décider
en son âme et conscience de la meilleure
conduite à tenir. Comme avant la médecine
fondée sur les preuves ? Peut-être bien.
Jean-Yves Nau
jeanyves.nau@gmail.com
1 Traiter (ou non) les cancers localisés de la prostate.
Prescrire 2012;32:362-8.
LDD alvimann/morguefile
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