La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004
226
AC T U A L I T É T H É R A P E U T I Q U E
L’adéfovir a une efficacité qui semble similaire à la lamivudine,
mais son profil de résistance (3,9 % à 3 ans) favorise son béné-
fice à long terme et permet une réponse durable au traitement.
Sa tolérance est bonne y compris chez les patients à risque avec
une surveillance de la fonction rénale qui permet une adaptation
de posologie si nécessaire.
Des re c o m m a n d ations quant à l’utilisation de ces produits en pre-
mière intention ont été données par des sociétés savantes d’hé-
p at o l ogie européenne ( C o n f é r ence de consensus, EASL 2002, 3 1 )
et américaine (AASLD,Practice guidelines 2004, 32). L’indica-
tion thérapeutique est sensiblement la même dans ces re c o m -
m a n d at i o n s : elle concerne les patients ayant une hépatite B ch ro-
nique modérée à sévère avec un taux de transaminases supérieur
à 2 fois la normale et un taux d’ADN-VHB supérieur à 10
5
c o p i e s /
ml, seuil de détection des techniques d’hybridation.
Première à être publiée, la conférence de consensus européenne
(EASL 2002, 31) positionne l’IFN comme le traitement de choix
pour l’hépatite B chronique non décompensée. Chez les patients
AgHBe+, la posologie recommandée est de 9 à 10 MU 3 fois par
semaine pendant une durée de 4 à 6 mois. Chez les pat i e n t s
AgHBe-, l’IFN doit être administré à raison de 5-6 MU 3 fois
par semaine pendant 12 à 24 mois. En cas de contre-indication,
d ’ i n t o l é ra n c e,d ’ i n e f ficacité ou de cirrhose décompensée,la lami-
vudine (100 m/j) ou l’adéfovir (10 mg/j) peuvent être alors uti-
lisés.
Les re c o m m a n d a tions de l’AASLD publiées plus récemment ( 3 2 )
ont pris en compte l’autorisation de mise sur le marché d’adéfo-
vir ainsi que les données à long terme sur l’effi c a c i t é , la toléra n c e
et l’incidence des résistances. Ces re c o m m a n d atio ns position-
nent les trois molécules : I F N,l a m i vudine et adéfovir en pre m i è re
ligne de traitement.
Les strat é gies thérapeutiques préconisées sont les suivantes ( 3 2 ) :
Patients AgHBe+ :un traitement par interféron, lamivudine ou
a d é fovir peut être instauré en pre m i è re intention en raison de l’ef-
ficacité similaire des trois molécules.
La dose recommandée d’interféron est de 5 MU/j ou 10 MU par
voie sous-cutanée 3 fois par semaine pendant 16 semaines.
La lamivudine est recommandée à la posologie de 100 mg/j pour
une durée minimale d’un an. La durée du traitement est de 3 à
6mois après confirmation de la séroconversion HBe (deux pré-
lèvements à au mois 2 mois d’intervalle). La poursuite du traite-
ment peut être envisagée chez les patients n’ayant pas été séro-
convertis.
L’adéfovir est recommandé à la posologie de 10 mg/j chez les
patients ayant une fonction rénale normale pour une durée mini-
male de un an.
Patients A g H B e - : un traitement par interféro n , l a m ivudine ou adé-
fovir peut être commencé en première intention. En cas de traite-
ment de longue durée, l ’ i n t e r f é ron ou l’adéfovir seront préférés.
Les doses recommandées sont les mêmes que celles préconisées
dans le traitement de l’hépatite ch ronique AgHBe+. En reva n ch e,
le traitement est pro l o n g é :1 2 mois pour l’interféro n , plus de
1 2 mois pour la lamivudine et l’adéfovir avec une durée optimale
à ce jour non établie.
Patients cirr h o t i q u e s : les patients présentant une maladie hépa-
tique compensée doivent être traités préférentiellement par lami-
vudine ou adéfovir en raison du risque d’aggravation de l’hépa-
tite avec l’interféron ; les patients décompensés doivent être trai-
tés par lamivudine. L’adéfovir peut être une alternative à la lami-
vudine, bien que ce traitement n’ait pas été évalué en première
intention chez ces patients.
Enfin, la littérature s’est très récemment enrichie d’une nouvelle
publication présentant un algorithme de traitement de l’hépatite
ch ronique B ( 3 3 ). Ke e f e et al. préconisent également une pre-
mière ligne pouvant faire appel à l’IFN,la lamivudine ou l’adé-
fovir avec une préférence pour les analogues nu cl é o t i d i q u e s
chez
les patients ayant un ADN-VHB élevé et/ou un taux
d’ALAT normal, avec une faible chance de répondre à l’IFN. De
p l u s , les auteurs soulignent la place de choix d’adéfovir si un tra i-
tement au long cours est env i s a gé. Ils soulèvent également la
question du seuil d’ADN-VHB à partir duquel un traitement peut
être envisagé. En effet, les patients AgHBe- peuvent avoir une
ch a rge virale plus fa i ble et une maladie hépatique av é r é e. Les
a u t e u r s proposent de traiter ces patients au-delà de 10
4
c o p i e s / m l .
Ils préconisent également de traiter les patients cirrhotiques com-
pensés ayant un ADN-VHB 10
4
copies/ml et d’env i s age r un
t raitement antiv i ral chez tous les patients décompensés, i n d é -
pendamment du taux d’ADN-VHB, en raison du bénéfice cl i-
nique escompté.
En ce qui concerne notre équipe, compte tenu de son re c ru t e m e n t
tertiaire ultraspécialisé, nous sommes souvent sollicités pour des
patients non répondeurs à l’interféron ou devenus résistants à la
lamivudine. L’adéfovir s’est donc imposé comme le traitement
le plus prescrit dans le service.
Notre expérience confirme totalement l’excellente tolérance, y
c o m p ris chez les patients très évolués et l’efficacité sur les
souches devenues réfractaires à la lamivudine, le puissant pou-
voir inhibiteur de la réplication du VHB et la quasi-absence de
résistance au cours des deux pre m i è r es années. L’ a d é f ovir est
également le médicament de choix en cas de coïnfection.
Les recommandations sur le traitement de l’hépatite B chronique
ont évolué ces dernières années, donnant aujourd’hui sa place à
l’adéfovir-dipivoxil en première ligne. Le choix du traitement de
l’hépatite B chronique doit prendre en compte les avantages et
i n c o nvénients des trois molécules actuellement disponibles : I F N,
l a m ivu dine et adéfov i r. Plusieurs para m è t res sont en effet à
prendre en considération : l’efficacité, la tolérance, le profil de
résistance, le rapport coût/bénéfice, et cela en fonction du profil
patient.
L’arsenal thérapeutique continue à s’enrichir avec le développe-
ment de nouvelles molécules. Les combinaisons thérapeutiques
pourraient encore améliorer l’efficacité des traitements de l’hé-
patite B chronique et permettre de prévenir ou de retarder l’ap-
parition des résistances. Les résultats d’études de combinaison
sont attendus et dev raient être pro chainement pris en compte dans
les stratégies thérapeutiques du futur.
R
É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
1.
Trepo C. Prise en charge de l’hépatite B en 2002. Gastroenterol Clin Biol
2002;26(5):490-1.
2.
Zarski JP et al. Les caractéristiques des malades atteints d’hépatite B chro-
nique en France ont changé. Journées francophones de pathologie digestive,
Paris 2004.