L’azathioprine et/ou le 6-mercaptopurine au long cours augmentent-ils le risque

Evidence-based medicine
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003
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L
e potentiel mutagène et carcinogène de l’azathioprine
(AZA) et/ou le 6-mercaptopurine (6MP) est une question
controversée. Une augmentation de l’incidence de lymphomes a
été rapportée chez les patients transplantés recevant de l’AZA ou
du 6MP. Il a été suggéré que le risque de cancer était une parti-
cularité liée à la transplantation. Cependant, des cas de lym-
phomes non hodgkiniens ainsi que d’autres cancers ont été obser-
vés chez des patients non transplantés, dont des MICI, recevant
de l’AZA. L’azathioprine et/ou le 6-mercaptopurine augmentent-
ils le risque global de cancer et plus particulièrement de lym-
phome au cours des MICI ?
RISQUE GLOBAL DE NÉOPLASIE
Dans une étude de cohorte (1990-1999 ; prospective seulement
après 1996), Farell et al. ont étudié 782 patients souffrant de MICI ;
deux cent trente-huit patients recevaient des immunosuppresseurs
(azathioprine, méthotrexate, ciclosporine) (1). Le risque global
de cancer n’était pas augmenté chez les patients sous immuno-
suppresseurs, par rapport aux autres MICI et par rapport à la popu-
lation générale (registre irlandais). L’étude rétrospective du Saint
Mark’s hospital (755 MICI recevant de l’AZA) (2), ainsi que la
série d’Oxford (2204 MICI dont 626 traitées par AZA) (3), n’ont pas
montré d’augmentation du risque global de cancer par rapport à
la population générale. La médiane de suivi de l’étude du Saint
Mark’s étant d’environ un an, les conclusions sur l’absence de
risque de cancer pouvaient être critiquées. Cependant, les auteurs
montraient que l’incidence du cancer colo-rectal était augmen-
tée dans la rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH) en corréla-
tion avec la durée d’évolution de la maladie, mais n’était pas
supérieure chez les patients recevant de l’AZA par rapport aux
autres RCH (2).
RISQUE DE LYMPHOME
Dans la cohorte de Farell et al., le risque de lymphome était aug-
menté dans le groupe recevant des immunosuppresseurs par rapport
aux patients n’en recevant pas (p = 0,002). Mais il faut noter, que
l’étude (1990-1999) n’était prospective qu’à partir de 1996, date
à laquelle 3 des 4 cas de lymphomes avaient déjà été diagnosti-
qués.
Utilisant une base de données britannique (registre GPRD 1988-
1997), Lewis et al. ont étudié de façon rétrospective une cohorte
de 16 996 MICI ainsi que 60 506 sujets contrôles (4). Le suivi
moyen était d’environ 4 ans. L’incidence du lymphome n’était
pas augmentée dans les MICI (RR = 1,2 ; 95 % IC, 0,67-2,06).
Les patients recevant de l’AZA ou du 6MP (n = 1 465) ou pas
ont été comparés : le risque relatif de lymphome sous AZA ou
6MP était de 1,27 (95 %, IC 0,03-8,20). Bien que le risque de
lymphome ne pouvait pas être totalement écarté, cette cohorte ne
démontrait pas l’augmentation du risque.
L’azathioprine et/ou le 6-mercaptopurine
au long cours augmentent-ils le risque
de cancer au cours des MICI ?
En dehors de cas cliniques rapportés, les
études de cohortes n’ont pas démontré, à ce
jour, un risque particulier de lymphome ou glo-
bal de cancer lié à la prise d’AZA ou de 6MP au
cours des MICI. Des résultats de suivis prospec-
tifs sur des larges populations sont attendus.
ce qu’il f
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Niveau de preuve
4!
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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003
1.
Farrell R J, Ang Y, Kileen P et al. Increased incidence of non-Hodgkin’s lym-
phoma in inflammatory bowel disease patients on immunosuppressive therapy
but overall risk is low. Gut 2000 ; 47 : 514-9.
2.
Connell WR, Kamm MA, Dickson M et al. Long-term neoplasia risk after aza-
thioprine treatment in inflammatory bowel disease. Lancet 1994 ; 343 : 1249-52.
3.
Fraser AG, Orchard TR, Robinson EM, Jewell DP. Long-term risk of mali-
gnancy after treatment of inflammatory bowel disease with azathioprine. Aliment
Pharmacol Ther 2002 ; 16 : 1225-32.
4.
Lewis JD, Schwartz JS, Lichtenstein GR. Azathioprine for maintenance of remis-
sion in Crohn s disease : benefits outweigh the risk of lymphoma. Gastroenterology
2000 ; 118 : 1018-24.
Au total, dans les études actuellement disponibles, l’évaluation
du risque de lymphome ou de cancer lié à l’immunosuppression
dans les MICI est limitée par l’hétérogénéité des études, la qua-
lité des données sur le type d’immunosuppresseur, sa dose et sa
durée. En dehors de cas cliniques rapportés, les études de cohortes
n’ont pas démontré à ce jour un risque particulier de lymphome
ou global de cancer lié à la prise d’AZA ou de 6MP au cours des
MICI. Des résultats de suivis prospectifs sur des larges popula-
tions sont attendus.
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