1 Chimie bio-organique des phénols, notion de polyphénols I- Introduction - Importance des phénols dans les sciences pharmaceutiques ; - nombreuses substances naturelles, nombreux médicaments ; - une physico-chimie particulière qu’il faut bien connaître. II- Phénols : définition, structures A- Fonction phénol Fonction hydroxyle portée par un carbone aromatique (benzène par exemple) : B- Représentant le plus simple = « le phénol » C- Composés phénoliques = « les phénols » - phénols plus ou moins substitués ; - éventuellement polycycliques ; OH R R' "les phénols" - grande diversité des structures (vide infra). D- Notion de molécules polyphénoliques = « les polyphénols » R - Des molécules peuvent contenir plusieurs fonctions phénoliques et plusieurs cycles aromatiques phénoliques ; OH OH R' "les polyphénols" - c’est notamment le cas de nombreuses substances naturelles. Remarques : - écriture commode : le groupement fonctionnel est sur un radical aryle1, il est possible d’écrire les phénols comme indiqué ci-contre ; - au delà d’une nomenclature officielle simple2, les phénols ont souvent des noms d’usage. 1 2 De même que celui des alcools est fixé sur un radical alkyle. Préfixe « hydroxy- ». Ar OH PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 2 III- Caractéristiques moléculaires et conséquences sur la réactivité A- Capacité de délocalisation d’un doublet de l’atome d’oxygène - L’oxygène est dans un état d’hybridation sp2 ; - le doublet non liant de l’orbital pz peut se délocaliser vers le cycle aromatique ; - c’est la possibilité de recouvrement avec les orbitales pz du cycle benzénique qui explique cette délocalisation : - conséquence : énergie de stabilisation importante (~40 kcal/mole, ~167 kJ/mole). B- Conséquences sur la réactivité basicité très f aible activation du cycle aromatique (substitutions électrophiles f avorisées) O acidité notable du proton H rupture de la liaison C-O dif f icile IV- Exemples de substances naturelles phénoliques - Plusieurs milliers de substances naturelles sont de nature phénolique ; - elles appartiennent à différentes classes phytochimiques3 et ont, par conséquent, des voies de biosynthèse différentes ; - les structures sont très diverses4 : 3 Cette notion a été entrevue dans le cours du Pr Guy Lewin. Les molécules phénoliques (et polyphénoliques, cf page 12) peuvent appartenir à la classe des polyacétates, des alcaloïdes, des terpènes etc. Les grandes voies de biosynthèse des substances naturelles seront appréhendées à partir de la deuxième année. On peut retenir dès à présent que les voies métaboliques qui conduisent à des molécules phénoliques constituent les voies essentielles de formation des cycles aromatiques dans la nature. 4 On parle de « diversité moléculaire ». 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 3 V- Rôles biologiques des phénols - De nombreuses molécules possédant une fonction phénol ont une activité biologique ou un rôle essentiel pour l’organisme. À titre d’exemple : - la tyrosine est un acide aminé essentiel ; - la dopamine est un neurotransmetteur ; - l’adrénaline est produite par l’organisme en cas de stress : Application 1 : Parmi les molécules suivantes, lesquelles possèdent une fonction phénol ? VI- Quelques propriétés physicochimiques des phénols - Le plus souvent, les phénols sont des solides cristallins ; - les associations intermoléculaires sont en général importantes (liaison hydrogène) les points d’ébullition sont élevés ; - la solubilité dans l’eau varie, notamment avec le pH de la solution (vide infra) ; - les phénols ont une odeur en général marquée5. VII- Préparation des phénols - Il existe de très nombreuses méthodes ; - générales ou spécifiques ; - nous n’étudierons ici que quelques exemples sélectionnés. A- Préparation par hydrolyse d’un halogénure d’aryle - Méthode intuitivement intéressante et générale6 ; - en réalité difficile à mettre en œuvre. 5 Les phénols de faible masse moléculaire peuvent être volatils, on les trouvera par exemple dans des huiles essentielles (c’est le cas du thymol – à odeur bien caractéristique – évoqué au paragraphe précédent). 6 En regard, par exemple, de la réaction correspondante pour l’accès aux alcools « classiques ». PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 4 conditions drastiques Cl 2 Cl OH Na Cl >300°C pression catalyseur O + NaCl + H2O OH acidif ication pour générer le phénol etc Application 2 : En vous aidant du mécanisme d’hydrolyse d’un halogénure d’aryle, expliquez la formation des dioxines à partir des ortho-chlorophénols à haute température. Proposez un mécanisme. B- Préparation par fusion alcaline d’acides sulfoniques aromatiques - Méthode générale d’accès aux phénols ; - conditions de la réaction : SO3H O ~350°C acide benzène sulfonique Na OH H phénol f usion acidif ication bilan de la réaction : ArSO3H + NaOH ArSO3Na + 2 NaOH ArSO3Na + H2O ArONa + Na2SO3 + H2O C- Un exemple de synthèse industrielle du phénol : procédé par oxydation du cumène - Applicable au phénol sensu stricto ; - procédé industriel en deux temps7 : 7 En termes de procédés industriels, il existe plusieurs variantes pour cette synthèse qui demeure aujourd’hui une des plus utilisées pour la préparation du phénol. Les deux étapes sont exothermiques et doivent être réalisées dans des réacteurs différents. PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 5 1 oxydation du cumène8 en présence d’oxygène : 2 décomposition en milieu acide : Me O milieu acide : H2SO4 pression, ~60 °C Me OH O H hydroperoxyde de cumène Me Me + phénol O acétone pas de perte de matière - mécanisme de la décomposition : - complexe - VIII- Réactivité des phénols - Les phénols présentent des propriétés très intéressantes et souvent exploitées en chimie organique, chimie pharmaceutique et chimie des substances naturelles.9 A- Acidité des phénols 1- Éléments de comparaison Les phénols présentent un caractère acide, exemple de la comparaison avec le cyclohexanol : pK a ~ 10 OH OH pK a ~ 16 versus phénol 8 cyclohexanol On notera que le cumène (tout comme l’acide benzène sulfonique évoqué plus haut) est facilement accessible industriellement par la chimie « classique » du benzène. 9 Ce sont essentiellement les propriétés liées à la liaison O-H qui sont étudiées cette année. PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 6 Les phénols sont nettement plus acides que les alcools mais moins que les acides carboxyliques. Équilibre acide/base, ionisation : La stabilisation par résonance (délocalisation de la charge négative) de l’ion phénate10 explique l’acidité des phénols et la stabilité supérieure des phénates par rapport aux alcoolates. Le cas de la phénolphtaléine permet de démontrer la délocalisation de la charge négative de l’ion phénate. En milieu basique, les deux fonctions phénols sont déprotonées formant un di-anion. - Une des charges négative se délocalise en ouvrant le cycle lactone et vient former un composé conjugué qui est coloré. - La charge négative peut se déplacer d’un cycle aromatique à l’autre, il existe donc deux formes mésomères. - Si on ajoute un excès de soude, un ion hydroxyle s’additionne. Les cycles aromatiques ne sont plus conjugués entre eux donc la couleur disparait. formes mésomères HO O O OH O 2 NaOH O O O O composé fortement conjugué donc coloré O O O lactone (ester cyclique) les cycles aromatiques ne sont plus conjugués entre eux : la couleur disparait HO O Syn : phénolate O NaOH HO O 10 O O O O O O O PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 7 2- Conséquences sur la réactivité des phénols Pour générer des phénates : action d’un hydroxyde alcalin11 Une conséquence importante : la solubilité dans l’eau varie en fonction du pH : - important en pharmacie (extraction, dosage etc) ; - exemple de comportement en fonction du pH12 : OH R molécule de nature phénolique OH R solvant organique non miscible à l'eau phase aqueuse O Na ampoule à décanter de laboratoire OH R R acidif ication pH acide pH basique ex : hydroxyde de sodium ex : acide chlorhydrique Application 3 : - Quel est le pKa du phénol ? A : 5 ; B : 10 ; C : 25 - Est-il possible de déprotoner le phénol avec une solution aqueuse de soude à pH = 13 ? oui / non - Pourquoi ? A : Le pKa est inférieur à 14 donc c’est possible en solution aqueuse. B : Le pKa est supérieur à 14 donc ce n’est possible en solution aqueuse. Dans une ampoule à décanter contenant un solvant organique et une solution aqueuse de soude à pH = 13, on introduit du phénol. - Le phénol est ? A : sous forme neutre ; B : sous forme ionique (phénate). - Le phénol est ? A : soluble dans la phase organique ; B : soluble dans la phase aqueuse. Dans une ampoule à décanter contenant un solvant organique et une solution aqueuse d’acide chlorhydrique à pH = 4, on introduit du phénol. - Le phénol est ? A : sous forme neutre ; B : sous forme ionique (phénate). - Le phénol est ? A : soluble dans la phase organique ; B : soluble dans la phase aqueuse. 11 Comme la soude (NaOH) ou la potasse (KOH). On se rappelle que pour générer des alcoolates, il était nécessaire d’utiliser, par exemple, des réactifs comme le sodium métallique : 12 Dans cet exemple le phénol est extrait en phase aqueuse sous forme de phénate de sodium et le solvant organique est moins dense que l’eau. 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 8 3- La structure chimique du composé phénolique module l’acidité - Par exemple : des groupements électro-attracteurs (e. g. en ortho et para) augmentent l’acidité des phénols ; - exemple des nitrophénols13 : Application 4 : - Attribuez les trois valeurs de pKa suivante au bon produit A : 6,21 ; B : 9,14 ; C : 8,09 - La variation du pKa est due ? A : à l’effet inductif du chlore ; B : à l’effet mésomère du chlore B- Déplacements nucléophiles 1- Réaction d’estérification - La réactivité est comparable à celle des alcools quant à la réaction avec les chlorures d’acide ou les anhydrides d’acide : - Mais pas de réaction avec les acides carboxyliques : - Exemples de réactions d’acétylation14 en présence d’anhydride acétique : synthèse de l’acide acétylsalicylique et de la diacétylmorphine15 : 13 L’acide picrique est un explosif, il présente également la propriété de former avec des bases organiques des sels (= picrates) souvent cristallins. 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 Application 5 : - Quel est le produit de la réaction suivante ? - Quel est le produit de la réaction suivante ? 2- Réactions d’éthérification Réaction des phénates avec des halogénures d’alkyle : - cas général : - exemple de la méthylation du phénol par l’iodure de méthyle16 : 14 L’acétylation peut être exploitée en chimie organique comme un moyen de « protéger » momentanément un phénol, on parle de « groupement protecteur ». 15 On rappelle que l’héroïne est un stupéfiant dont la production est interdite. De ce fait, le commerce de l’anhydride acétique est surveillé. 16 C’est un agent méthylant très utilisé en chimie organique. 9 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 C- Caractère réducteur des phénols 1- Origine et mécanisme Propriété très importante17 des composés phénoliques ; importance en pharmacie ; caractère lié : - à la possibilité de rupture homolytique de la liaison O-H18 ; - à la stabilité du « radical phénol »19 engendré (délocalisation possible de l’électron célibataire) : 2- Implication dans des réactions redox - Principe général : - Applications : mécanisme fondamental d’action de beaucoup de molécules phénoliques dites « anti-oxydantes »20. 17 18 19 Et à bien différencier de l’acidité. Toujours se remémorer l’équation fondamentale de l’oxydo-réduction : Syn : « radical phénoxy ». Par exemple vis-à-vis des ERO (« Espèces Réactives de l’Oxygène ») connues aussi sous l’acronyme anglosaxon ROS (Reactive Oxygen Species). 20 10 PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols D- Rupture difficile de la liaison C-O - Faible basicité des phénols21 : E- Propriétés du cycle aromatique 1- Exemple de rupture oxydante Avec des oxydants forts : 2- Exemple de réduction Par hydrogénation catalytique : réduction complète du cycle aromatique 3- Substitutions électrophiles Le noyau phénol est fortement activé vis-à-vis des substitutions électrophiles22: 21 En comparaison avec les alcools (rappel) : 22 C’est une réactivité très importante en chimie organique, elle sera traitée en 2 année mais vous pouvez dès à présent l’avoir en tête. e 11 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 12 Synthèse du bisphénol A : Application 6 : - Proposer une synthèse du bisphénol A en plusieurs étapes en utilisant le cumène comme seul réactif organique. Vous pouvez utiliser tous les réactifs minéraux dont vous avez besoin. IX- Notion de polyphénols A- Définition et exemples parmi les substances naturelles De nombreuses substances naturelles sont de nature polyphénolique = « polyphénols » ; plusieurs fonctions phénol23 ; grande diversité en termes de structure : - les flavonoïdes (représentés ci-dessus par la catéchine du thé vert) constituent un groupe important de polyphénols : - très fréquents chez les végétaux supérieurs ; - propriétés anti-oxydantes reconnues. OH OH Les anthocyanes sont des pigments des fruits et des fleurs très répandus, ils HO O sont dérivés des flavonoïdes et leur couleur varie en fonction du pH et de la O glc présence de métaux. OH exemple d'anthocyane 23 C’est une définition au sens large que nous adoptons ici, en toute rigueur un polyphénol doit comporter plusieurs cycles aromatiques. 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 13 B- Les diphénols sont oxydables en quinones 1- Réaction d’oxydation et définition d’une quinone - En chimie organique : en présence d’oxydants (MnO2…, parfois spontanément à l’oxygène de l’air) ; - dans les phénomènes biologiques : par des enzymes (« oxydases ») ; - exemples simples : - Le phénol lui-même peut être oxydé en para-diphénol par l’oxyde d’argent ou des sels de chrome, puis une seconde oxydation permet accéder à une quinone : - Les quinones sont les oxydants de couples redox de type « quinone/hydroquinone » : Au laboratoire : la réduction est facile avec des réducteurs usuels (NaBH4, SnCl2…). 2- Exemples de quinones d’origine naturelle - Les quinones sont des molécules importantes en chimie des substances naturelles : exemple de l’ubiquinone ou coenzyme Q10 de la chaîne respiratoire mitochondriale24 ; - les quinones sont souvent des molécules colorées (propriétés « tinctoriales ») : exemple de la lawsone du henné. 24 L’ubiquinone sert d’intermédiaire entre le complexe I et le complexe III et entre le complexe II et le complexe III. L’implication d’une telle molécule dans une chaîne de transfert d’électrons est une preuve, s’il en est, des propriétés redox des quinones. 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 14 3- Quelques éléments de réactivité des quinones a- Réactivité de type « alcène » Addition sur la double liaison : exemples b- Réactivité de type « carbonyle α,β-insaturé » - Les quinone sont des accepteurs de Michael potentiels ; - exemple d’additions nucléophiles sur la para-benzoquinone : - importance : nature des nucléophiles chez les êtres vivants25 : - certaines quinones peuvent être toxiques : exemple de la toxicité cutanée de la primine, molécule allergisante de certaines primevères ornementales. 25 Le glutathion est un tripeptide contenant une molécule de cystéine. Le groupement thiol y joue un rôle important comme nucléophile dans le métabolisme et la détoxification de xénobiotiques. Ce même glutathion peut réagir avec des peroxydes dans la cellule et joue ainsi un rôle d’antioxydant (voir le cours du Pr Delphine Joseph). PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 15 c- Les quinones sont de bons diénophiles dans la réaction de Diels-Alder26 : α- introduction Cas historique : réaction du cyclopentadiène et de la para-benzoquinone 1928 : Diels et Alder détermine la structure inattendue du produit de réaction de la benzoquinone avec le cyclopentadiène. 1950 : Prix Nobel de chimie pour cette découverte. Mécanisme : ni ionique (la plupart des réactions en chimie organique), ni radicalaire mais concerté. Les réactions péricycliques font partie des réactions concertées : - les liaisons des réactifs se scindent en même temps que les liaisons des produits se forment. Il n’y a pas d’intermédiaires chargés et les électrons circulent autour d’un cycle ; - le mouvement des électrons est cyclique (état de transition cyclique). La réaction de Diels-Alder est une réaction dite de « cycloaddition » = un cycle est formé avec le bilan suivant : β- mécanisme de la réaction de Diels-Alder 26 La réaction de Diels-Alder est une réaction très importante de la chimie organique qu’il faut bien avoir en tête, elle mériterait tout à fait un chapitre à part entière. Nous en donnons ici quelques caractéristiques dans le cadre de ce chapitre sur les phénols et polyphénols. PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 16 Illustrations : La réaction est difficile entre le butadiène et l’éthylène ; la réaction est favorisée si le diène est substitué par un groupement électro-donneur ; la réaction est favorisée si le diénophile est substitué par un groupement électroattracteur ; γ- nature des partenaires Nature du diène : il doit être conjugué et de conformation dite s-cis27s’il est linéaire Il existe de nombreux diènes cycliques : - avantage : conformation s-cis imposée ; - conséquence : diènes particulièrement efficaces permettant l’accès à des structures pontées ; Nature du diénophile : Exemples de réactifs courants présentant un haut niveau de réactivité en tant que diénophiles : 27 Le « s » des termes s-cis et s-trans est à mettre en relation avec la liaison σ qui sépare les deux doubles liaisons et indique la conformation par rapport à cette liaison et non la configuration par rapport aux doubles liaisons. La barrière de rotation autour de la liaison est faible (aux alentours –1 –1 de 30 kJ.mol ~ 7 kcal.mol ). 1- Phénols et polyphénols PAES – 2012-2013 17 δ- sélectivité de la réaction de Diels-Alder La réaction de Diels-Alder est régiosélective28 : orientation de type ortho par exemple. La réaction cyclo-addition permet d’obtenir un seul régio-isomère ; la régiosélectivité de la réaction sera traitée en seconde année. Un moyen mnémotechnique peut être utilisé pour expliquer la régiosélectivité : on place les polarisations δ− et δ+ sur les deux partenaires puis on fait interagir le δ+ avec le δ− pour retrouver le produit majoritaire. La réaction de Diels-Alder est stéréospécifique En ce qui concerne le diénophile (stéréochimie fidèlement reproduite dans le produit final) ; Les substituants du diénophile qui sont « du même côté » se retrouvent du « même coté » sur le produit de réaction : Approche endo et approche exo Intuitivement on peut penser qu’au cours de l’état de transition les substituants électroattracteurs du diénophile s’éloignent du diène pour minimiser la gêne stérique (approche exo) et conduire au produit majoritaire ; ce n’est pas le cas ; Le groupement électroattracteur du diénophile interagit avec le diène, les rapprochant dans l’espace (approche endo) ; cette interaction stabilise l’état de transition et conduit au produit majoritaire ; 28 La théorie évoquée précédemment des orbitales molécules frontières permet facilement de rationaliser et de prévoir ces constatations expérimentales, nous ne les détaillerons pas ici. PAES – 2012-2013 1- Phénols et polyphénols 18 Si on ne devait retenir qu’un exemple : l’exemple suivant permet de retenir facilement la sélectivité de la réaction de Diels-Alder (démarche mnémotechnique !) : Le diène est en conformation s-cis ; Les substituants placés à « l’intérieur » du diène (ici le pont CH2) se retrouvent dans le produit de réaction audessus du cycle nouvellement formé ; Les substituants placés à « l’extérieur » du diène (ici les deux méthyles) se retrouvent dans le produit de réaction en dessous du cycle nouvellement formé ; Les substituants du diénophile qui sont « du même côté » se retrouvent du « même coté » sur le produit de réaction ; Le groupement électroattracteur porté par le diénophile se retrouve dans le produit de réaction en dessous du cycle nouvellement formé (si le diène porte deux groupements électroattracteur avec une géométrique E, un des groupements se retrouvera en dessous du cycle, l’autre au-dessus) : Application 7 : Quels sont les produits des réactions suivantes ? O + O O ε- exemple : accès rapide à des structures complexes 2 Chimie des composés 1,3-dicarbonylés I- Composés 1,3-dicarbonylés : notions de base A- Tautomérie céto-énolique Rappel : « acidité » d’un proton en α d’un carbonyle. Exemple de la molécule d’acétone : Exemple de la pentane-2,4-dione : - acidité accrue du proton du groupement méthylène : - origine : deux groupements électro-attracteurs, délocalisation. Pourcentage de forme énolique dans l’eau de quelques composés : O acétone pentane-2,4-dione O OH O <0,002 % OH O liaison hydrogène stabilisatrice ~16 % O O O cyclohexanedione ~95 % O OH H O 2- Composés 1,3-dicarbonylés PAES – 2012-2013 B- Différents types de composés 1,3-dicarbonylés (« méthylènes activés ») Éléments de nomenclature et exemples : - acide malonique : instable, on lui préfère les esters correspondants ; - malonate de diéthyle et acétoacétate d’éthyle1 sont deux composés fréquemment utilisés en synthèse organique. En fonction de la structure, « l’acidité » des composés 1,3-dicarbonylés varie, exemples2 : Propriété intéressante des composés 1,3-dicarbonylés : possibilité de formation de chélates3 avec des cations (phénomène de complexation), exemple avec un cation cuivrique : II- Composés 1,3-dicarbonylés : exemples d’intérêt Substances naturelles présentant un énol stabilisé : 1 Nom d’usage ne correspondant pas à la nomenclature officielle. Le malonaldéhyde (syn : malondialdéhyde, « MDA ») représenté sur le schéma est le plus acide des composés 1,3-dicarbonylés, son acidité est proche de celle de l’acide acétique. C’est une molécule importante, hautement toxique, qui provient notamment de la peroxydation lipidique. Des méthodes de dosage de cette molécule dans les milieux biologiques existent. 3 Ces chélates sont souvent colorés et peuvent ainsi trouver un intérêt en analyse. 2 2 PAES – 2012-2013 2- Composés 1,3-dicarbonylés 3 III- Exemples de réactivité des « méthylènes activés » A- Nucléophilie des composés 1,3-dicarbonylés (synthèse malonique) L’alkylation est en général facile, exemple : alkylation par l’iodure de méthyle : Remarque : un proton subsiste sur le produit d’alkylation une deuxième alkylation est possible4 : Br EtO + EtO O O O EtO Na EtOH O O OH EtO EtO Br i- saponification ii- HCl, acide cyclopentane carboxylique 1,4-dibromobutane 1r e r éaction : intermoléculaire 2e réaction : cyclisation intr amoléculair e B- Décarboxylation des acides - Les composés 1,3-dicarbonylés portant une fonction acide carboxylique peuvent se décarboxyler facilement ; - au départ de composés de type ester, une étape d’hydrolyse (saponification par exemple) est nécessaire ; - l’analyse du mécanisme réactionnel montre la spécificité de cette réaction pour les composés β-cétoesters ; - exemple5 : saponif ication O acidif ication O O NaOH OEt R1 O O HCl, O R1 R2 R2 O OH R1 R2 Na R1 = OR (ester), R (cétone) O OH O C O R1 R1 R2 O H R1 R2 O O R2 décarboxylation 4 5 Vous pourrez décomposer tous les mécanismes de cette synthèse à titre d’exercice. Nous verrons deux applications plus loin. On peut dès à présent noter l’importance d’une telle réaction en stratégie de synthèse. 2- Composés 1,3-dicarbonylés PAES – 2012-2013 4 Application 1 : Proposez une synthèse de l’acide 2-méthylhexanoïque en utilisant une synthèse malonique. IV- Réactivité du CH2 / aldolisation et addition 1,4 A. Rappels sur les réactions d’aldolisation En milieu basique un aldéhyde ou une cétone peuvent se condenser soit sur eux-mêmes ou bien sur un autre aldéhyde ou une autre cétone : - Dans un premier temps la cétone (ou l’aldéhyde selon les cas) en milieu basique forme un énolate. - Ensuite l’énol vient attaquer le carbonyle d’une seconde molécule (ici un aldéhyde) générant un aldol (aldéhyde ou cétone portant un OH en β). - L’aldol se déshydrate formant ainsi une cétone α,β-insaturée. Les aldolisations intramoléculaires conduisent à la formation de cycles. Application 2 : Quel est le produit d’aldolisation de la cyclohexanone sur le pentanal ? B. Réaction de Knœvenagel : addition 1,2 L’addition d’un nucléophile sur un carbonyle, comme c’est le cas lors d’une aldolisation, est formellement une addition 1,2. L’oxygène du carbonyle est numéroté « 1 » et le carbone du carbonyle « 2 ». 2- Composés 1,3-dicarbonylés PAES – 2012-2013 5 La réaction de Knœvenagel est l’addition 1,2 de l’énolate d’un composé 1,3-dicarbonylé sur un aldéhyde. Le pKa du composé 1,3-dicarbonylé étant plus bas que celui d’une cétone (ou d’un aldéhyde) la réaction est favorisée. Application 3 : Proposez un mécanisme pour la réaction suivante : C. Réaction de Michael : addition 1,4 L’addition de Michael est l’addition 1,4 d’un nucléophile sur un composé carbonylé α, β-insaturé. L’oxygène du carbonyle est numéroté « 1 », le carbone du carbonyle « 2 », le carbone en α du carbonyle est numéroté « 3 » et le carbone en β numéroté « 4 ». Le nucléophile attaque la position « 4 » du produit carbonylé α,β-insaturé, les doubles liaisons (dont celle du carbonyle) basculent formant ainsi un énol. Après l’équilibre céto-énolique un composé carbonylé non conjugué est obtenu. La réaction est possible sur un aldéhyde α, β-insaturé, une cétone α,β-insaturée un ester α, β-insaturé. PAES – 2012-2013 2- Composés 1,3-dicarbonylés 6 Un cas de réaction de Michael est l’addition 1,4 de l’énolate d’un composé 1,3-dicarbonylé sur composé α,βinsaturé. CO2Me B B H O R CO2Me CO2Me CO2Me O HO CO2Me R R CO2Me CO2Me CO2Me Application 4 : Complétez la séquence réactionnelle suivante : + MeI O base O O base aldolisation intramoléculaire Application 5 : Expliquez la transformation suivante, faites intervenir une double réaction de Knœvenagel puis une double réaction de Michael : PAES – 2012-2013 2- Composés 1,3-dicarbonylés 7 D. Synthèse d’acides aminés par la réaction de Gabriel La réaction permet de préparer des amines à partir de dérivés halogénés. Le phtalimidure de potassium sert de source d’azote et viens substituer l’halogène du composé halogéné. La fonction amine est ensuite libérée par déprotection du phtalimide par l’hydrazine. Après une première étape de bromation du malonate de diméthyle, l’attaque nucléophile du phtalimidure de potassium permet d’introduire l’atome d’azote. Ensuite, les deux esters sont saponifiés et un traitement acide à chaud permet de réaliser la décarboxylation. La déprotection de la fonction amine par l’hydrazine achève la synthèse de l’alanine racémique. O O MeO2C base, Br2 MeO2C MeO2C MeO2C Br N MeO2C MeO2C K O N O H3C I Base HO2C H3C O NH2 H2N NH2 alanine Application 6 : Proposez une synthèse de la valine. HO2C N H3C O 1) saponification 2) décarboxylation MeO2C H3C MeO2C O N O PAES – 2012-2013 2- Composés 1,3-dicarbonylés 8 V- Synthèse d’hétérocycles Hétérocycle : composé cyclique comportant au moins un hétéroatome. Exemple de la synthèse de l’acide barbiturique et des « barbituriques »6 : O O NH2 EtO NH2 EtO R1 R2 O urée O HN O β-diester phénobarbital (DCI) Gardénal® HN O EtO O HN R1 O +2H R2 HN O EtO - R1 R2 H HN = acide barbiturique O - R1 R2 H HN = "les barbituriques" 2 EtOH O R1 R2 O Application 7 : Proposez une synthèse du phénobarbital à partir du substrat qui vous est donné. Exemple de la synthèse de dihydropyridine ; le motif est retrouvé dans l’almodipine, un inhibiteur des canaux calciques utilisé dans le traitement de l’hypertension. 6 Les « barbituriques » étaient très prescrits comme hypnotiques (somnifères). Aujourd’hui seul le phénobarbital reste utilisé comme antiépileptique. 2- Composés 1,3-dicarbonylés PAES – 2012-2013 9 - À partir de l’acétylacétate de méthyle et du formaldéhyde en présence d’ammoniaque, il possible de former des dihydropyridine. En considérant des réactions simples vues dans les paragraphes précédents, on peut facilement décomposer le mécanisme de formation du produit : - Dans un premier temps, une réaction de Knœvenagel a lieu entre le formaldéhyde et l’acétylacétate de méthyle formant un accepteur de Michael. - Ensuite, une seconde molécule d’acétylacétate de méthyle s’additionne sur l’accepteur de Michael. - Enfin, l’ammoniaque forme des imines / énamines avec les fonctions cétones du produit carboné ce qui ferme le cycle. Pour rappel : formation d’imine et équilibre imine / énamine Autre exemple de synthèse d’hétérocycle : - Pour la réaction permettant la synthèse de l’hétérocycle suivant, le mécanisme peut être décomposé en réactions simples : - Pour la réaction permettant la synthèse de l’hétérocycle suivant, le mécanisme peut être décomposé en réactions simples : - Dans un premier temps, une réaction de Knœvenagel à lieu entre le benzaldéhyde et l’acétylacétate de méthyle formant un accepteur de Michael. - Ensuite, une seconde molécule, l’urée, qui est un nucléophile s’additionne sur l’accepteur de Michael. PAES – 2012-2013 2- Composés 1,3-dicarbonylés - 10 Enfin, par réaction intramoléculaire entre la seconde fonction NH2 de l’urée et la fonction cétone, une imine qui est en équilibre avec la forme énamine est formée ce qui ferme le cycle. - O O + O Ph H Knoevenagel O NH N H O énamine O urée Michael Ph MeO H2N O acétylacétate de méthyle O H2N MeO O O Ph O Ph NH MeO N imine O MeO Ph NH O O NH2