CAS CLINIQUE
La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010 | 545
à 4,9 mmol/l, des γ-glutamyl-transpeptidases à 124 μ/l avec
transaminases normales, une bilirubine totale à 26 mg/l à prédo-
minance libre, une CRP à 32 mg/dl, une hémoglobine à 8,3 g/dl,
4 600 leucocytes/ mm3, 138 000 plaquettes/mm3.
L’hypothèse diagnostique évoquée par le neurologue dans ce
contexte est une métastase cérébro-méningée avec une crise
convulsive et un état de mal partiel.
Le scanner cérébral avec et sans injection de produit de contraste
ne montre pas d’anomalie particulière. L’IRM encéphalique et
médullaire avec injection de gadolinium permet l’élimination
d’une localisation secondaire cérébro-méningée. En revanche, un
hyposignal Flair périacqueducal autour du 4
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ventricule et de la
partie interne des thalamis compatible avec une encéphalopathie
de Wernicke est noté (figures 1 et 2).
Conforté par le diagnostic radiologique, un traitement à base de
vitamines B1, B6 et PP est rapidement instauré par voie intra-
veineuse. Il conduit une semaine plus tard à une amélioration
majeure des déficits neurologiques, avec disparition de l’ensemble
des troubles neurologiques en deux semaines environ.
Discussion
L’encéphalopathie de Wernicke est caractérisée par la triade confu-
sion, ataxie et ophtalmoplégie. Les troubles oculaires, compor-
tant un nystagmus horizontal, représentent le désordre le plus
fréquemment retrouvé. En effet, ce syndrome intervient en cas de
carence en vitamine B1 (thiamine), une coenzyme qui intervient
dans le métabolisme des hydrates de carbone, des lipides et des
acides aminés.
Une forte prévalence de ce syndrome est retrouvée dans la popula-
tion alcoolique. Le taux de mortalité est compris entre 10 et 20 %
des cas, avec des complications infectieuses et hépatiques (1).
Par conséquent, chez le patient alcoolique, l’encéphalopathie de
Wernicke se complique d’un syndrome de Korsakoff dans 80 %
des cas (2).
L’encéphalopathie de Wernicke a également été rapportée dans
certains cas de toxicité liée à la chimiothérapie (3), de dénutri-
tion (1, 4), de vomissements gravidiques (5) et dans le cas d’une
alimentation parentérale non supplémentée en vitamine (6).
La place de l’IRM dans le diagnostic est majeure, avec une spéci-
ficité et une sensitivité de respectivement 93 et 53 % (7). Le trai-
tement curatif repose sur une supplémentation en vitamine B1.
La patiente ne présentait pas de toxicité alcoolique et ne rece-
vait pas de chimiothérapie anticancéreuse lors de l’apparition de
l’encéphalopathie de Wernicke. Néanmoins, sa maladie évolu-
tive, compliquée par des diarrhées consécutives au traitement
par l’erlotinib, et une alimentation parentérale à domicile non
supplémentée en vitamines sont probablement à l’origine du
déficit vitaminique responsable de l’apparition de ce syndrome.
L’amélioration des symptômes neurologiques après supplémen-
tation en vitamines B1, B6 et PP a ainsi confirmé le diagnostic
d’encéphalopathie de Wernicke évoqué par le radiologue.
Conclusion
Le diagnostic étiologique d’un syndrome confusionnel chez le
patient atteint de cancer n’est pas toujours facile à établir du
fait de l’implication de causes multiples telles qu’une métastase
cérébro-méningée, un trouble hydroélectrolytique, un syndrome
paranéoplasique, une intoxication médicamenteuse ou un trouble
nutritionnel.
L’encéphalopathie de Wernicke peut volontiers être recherché chez
les patients atteints de cancer, et particulièrement en situation
avancée. Une IRM avec injection de gadolinium et le dosage de
la vitamine B1 permettent de poser aisément le diagnostic. ■
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5. Spruill SC, Kuller JA. Hyperemesis gravidarum complicated by Wernicke’s encephalopathy.
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6. Attard O, Dietemann JL, Diemunsch P, Pottecher P, Meyer A, Calon BL. Wernicke
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7. Antunez E, Estruch R, Cardenal C, Nicolas JM, Fernandez-Sola J, Urbano-Marquez A.
Usefulness of CT and MR imaging in the diagnosis of acute Wernicke’s encephalopathy.
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Références bibliographiques