CAS CLINIQUE Mots-clés Encéphalopathie de Wernicke - Cancer - IRM. Keywords Wernicke’s encephalopathy - Cancer - RMI. Diagnostic par IRM d’une encéphalopathie de Wernicke chez une patiente atteinte de cancer broncho-pulmonaire avancé MRI diagnosis of Wernicke’s encephalopathy in patient with lung cancer K. Chouahnia*, A. Augier**, L. Joly*, V. Andreambololona*, G. Des-Guetz*, J.F.Morère* U ne femme âgée de 57 ans est atteinte d’un adéno­carcinome broncho-pulmonaire d’emblée métastatique évoluant depuis 2008. La patiente ne présente aucun antécédent clinique majeur en dehors d’une hypertension artérielle bien contrôlée. Elle a reçu, pour sa maladie tumorale, successivement une chimiothérapie par gemcitabine-carboplatine puis peme­ trexed et, en 3e ligne, de l’erlotinib. Au cours de ce dernier traitement, elle arrive aux urgences à la suite de l’apparition d’une désorientation temporo-spatiale accompagnée d’un trouble de la parole et de la marche consécutif à une somnolence évoluant depuis plusieurs semaines. E x a m e n e t o b s e r v a t i o n Figure 1. Séquence axiale pondérée T2 Flair. Hypersignal bilatéral et symétrique de la partie médiale des thalamis. L’examen neurologique retrouve une vigilance fluctuante avec clignement des paupières et prosopagnosie (trouble de la reconnaissance des visages) ; la nuque est raide. Les réflexes ostéotendineux sont normaux malgré un doute sur un signe de Babinski gauche. Le bilan biologique montre une urée à 15 h/l, une créatinine à 53 mg/dl, une natrémie à 136 mmol/l, une kaliémie * Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, Bobigny. ** Service de radiologie, hôpital Avicenne, Bobigny. 544 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 9 - novembre 2010 Figure 2. Séquence axiale pondérée T2 Flair. Hypersignal périacqueducal. CAS CLINIQUE à 4,9 mmol/l, des γ-glutamyl-transpeptidases à 124 μ/l avec transaminases normales, une bilirubine totale à 26 mg/l à prédominance libre, une CRP à 32 mg/dl, une hémoglobine à 8,3 g/dl, 4 600 leucocytes/­mm3, 138 000 plaquettes/mm3. L’hypothèse diagnostique évoquée par le neurologue dans ce contexte est une métastase cérébro-méningée avec une crise convulsive et un état de mal partiel. Le scanner cérébral avec et sans injection de produit de contraste ne montre pas d’anomalie particulière. L’IRM encéphalique et médullaire avec injection de gadolinium permet l’élimination d’une localisation secondaire cérébro-méningée. En revanche, un hyposignal Flair périacqueducal autour du 4e ventricule et de la partie interne des thalamis compatible avec une encéphalopathie de Wernicke est noté (figures 1 et 2). Conforté par le diagnostic radiologique, un traitement à base de vitamines B1, B6 et PP est rapidement instauré par voie intraveineuse. Il conduit une semaine plus tard à une amélioration majeure des déficits neurologiques, avec disparition de l’ensemble des troubles neurologiques en deux semaines environ. D i s c u s s i o n L’encéphalopathie de Wernicke est caractérisée par la triade confusion, ataxie et ophtalmoplégie. Les troubles oculaires, comportant un nystagmus horizontal, représentent le désordre le plus fréquemment retrouvé. En effet, ce syndrome intervient en cas de carence en vitamine B1 (thiamine), une coenzyme qui intervient dans le métabolisme des hydrates de carbone, des lipides et des acides aminés. Une forte prévalence de ce syndrome est retrouvée dans la population alcoolique. Le taux de mortalité est compris entre 10 et 20 % des cas, avec des complications infectieuses et hépatiques (1). Par conséquent, chez le patient alcoolique, l’encéphalopathie de Wernicke se complique d’un syndrome de Korsakoff dans 80 % des cas (2). L’encéphalopathie de Wernicke a également été rapportée dans certains cas de toxicité liée à la chimiothérapie (3), de dénutrition (1, 4), de vomissements gravidiques (5) et dans le cas d’une alimentation parentérale non supplémentée en vitamine (6). La place de l’IRM dans le diagnostic est majeure, avec une spécificité et une sensitivité de respectivement 93 et 53 % (7). Le traitement curatif repose sur une supplémentation en vitamine B1. La patiente ne présentait pas de toxicité alcoolique et ne recevait pas de chimiothérapie anticancéreuse lors de l’apparition de l’encéphalopathie de Wernicke. Néanmoins, sa maladie évolutive, compliquée par des diarrhées consécutives au traitement par l’erlotinib, et une alimentation parentérale à domicile non supplémentée en vitamines sont probablement à l’origine du déficit vitaminique responsable de l’apparition de ce syndrome. L’amélioration des symptômes neurologiques après supplémentation en vitamines B1, B6 et PP a ainsi confirmé le diagnostic d’encéphalopathie de Wernicke évoqué par le radiologue. C o n c l u s i o n Le diagnostic étiologique d’un syndrome confusionnel chez le patient atteint de cancer n’est pas toujours facile à établir du fait de l’implication de causes multiples telles qu’une métastase cérébro-méningée, un trouble hydroélectrolytique, un syndrome paranéoplasique, une intoxication médicamenteuse ou un trouble nutritionnel. L’encéphalopathie de Wernicke peut volontiers être recherché chez les patients atteints de cancer, et particulièrement en situation avancée. Une IRM avec injection de gadolinium et le dosage de la vitamine B1 permettent de poser aisément le diagnostic. ■ Références bibliographiques 1. Ogershok PR, Rahman A, Nestor S, Brick J. Wernicke encephalopathy in nonalcoholic patients. Am J Med Sci 2002;323(2):107-11. 2. Cook CC, Hallwood PM, Thomson AD. B vitamin deficiency and neuropsychiatric syndromes in alcohol misuse. Alcohol Alcohol 1998;33(4):317-36. 3. Cho IJ, Chang HJ, Lee KE et al. A case of Wernicke’s encephalopathy following fluorouracil-based chemotherapy. J Korean Med Sci 2009;24(4):747-50. 4. Flint AC, Anziska Y, Rausch ME, Herzog TJ, Williams O. A clinical and radiographic variant of Wernicke-Korsakoff syndrome in a nonalcoholic patient. Neurology 2006;67(11):2015. 5. Spruill SC, Kuller JA. Hyperemesis gravidarum complicated by Wernicke’s encephalopathy. Obstet Gynecol 2002;99:875-7. 6. Attard O, Dietemann JL, Diemunsch P, Pottecher P, Meyer A, Calon BL. Wernicke encephalopathy: a complication of parenteral nutrition diagnosed by magnetic resonance imaging. Anesthesiology 2006;105(4):847-8. 7. Antunez E, Estruch R, Cardenal C, Nicolas JM, Fernandez-Sola J, Urbano-Marquez A. Usefulness of CT and MR imaging in the diagnosis of acute Wernicke’s encephalopathy. Am J Roentgenol 1998;171(4):1131-7. 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