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Polyarthralgies inflammatoires révélatrices
d’une tuberculose pulmonaire : un rhumatisme de Poncet
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S. Ndongo*, S. Arrestier*, B. Fautrel*, P. Bourgeois*
a survenue d’arthrites ou d’arthralgies inflammatoires
dans un contexte évoquant une tuberculose doit suggérer une maladie de Poncet (1).
Nous en rapportons une observation chez un patient diabétique
de 43 ans, d’origine turque, qui présentait une tuberculose pulmonaire bacillifère associée à des manifestations articulaires inflammatoires qui ont évoqué ce diagnostic.
L
OBSERVATION
Il s’agissait d’un patient vivant en France depuis 20 ans,
diabétique insulinodépendant sous insuline depuis 17 ans. Il travaillait dans la confection, et avait un tabagisme actif de
17 paquets par année.
Il présentait depuis 4 mois une altération de son état général associée à des frissons, des sueurs nocturnes et une toux productive. Il
avait perdu 4 kg en 3 mois. Il ressentait également des arthralgies
inflammatoires intenses des poignets, des métacarpophalangiennes,
des interphalangiennes proximales, des genoux et des chevilles.
Devant cette altération de son état général et son caractère fébrile,
une radiographie thoracique a révélé une opacité excavée du lobe
supérieur droit évoquant une tuberculose pulmonaire (figure).
Les tubages gastriques et les expectorations ont permis d’isoler
Mycobacterium tuberculosis. Le patient a été mis sous traitement
antituberculeux : Rifater® 5 cp/j et Myambutol® 3 cp/j. En plus
du régime diabétique, il recevait de l’insuline au coucher.
Son transfert dans le service de rhumatologie a été décidé en
raison de l’exacerbation des arthralgies qui s’accompagnaient de
myalgies lors de la première semaine du traitement antituberculeux. Les articulations étaient sensibles à la palpation, mais il n’y
avait pas de synovite.
La biologie montrait un syndrome inflammatoire non spécifique
avec une protéine C réactive (PCR) à 90 mg/l et un taux de
globules blancs à 14, 1 G/l, une anémie normochrome, normocytaire (hémoglobine à 9,3 g/dl) et un taux de plaquettes à
479 G/l. Les enzymes musculaires étaient normales. Les bilans
hépatique et rénal étaient normaux.
* Service de rhumatologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
© La Lettre du Rhumatologue 2005;317:27-8.
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Figure. Radiographie du thorax : image excavée du lobe supérieur droit
évoquant une tuberculose.
Le bilan immunologique n’a objectivé ni facteurs rhumatoïdes
(test au latex et Waaler-Rose), ni anticorps anti-CCP. La
recherche d’anticorps antinucléaires, anti-ADN natif et anti-ENA
était négative.
Les radiographies des genoux, des pieds, des mains, du bassin et
du rachis n’ont pas montré d’anomalie. À la scintigraphie, il n’y
avait pas d’anomalie de la fixation ostéo-articulaire.
L’évolution a été favorable sur le plan articulaire, avec régression complète des manifestations articulaires après trois semaines
de traitement antituberculeux. La biologie était également favorable avec une baisse progressive de la PCR.
DISCUSSION
Le rhumatisme de Poncet constitue une entité originale, parfois
controversée, qui peut être évoquée chez les patients souffrant
d’arthrites ou d’arthralgies inflammatoires inexpliquées, associées à des signes généraux tels qu’une fièvre et/ou un amaigrissement. Cette hypothèse doit figurer dans la démarche diagnostique de polyarthralgies inflammatoires ou d’une polyarthrite
aiguë éventuellement fébrile. Le diagnostic est quelquefois difLa Lettre du Pneumologue - Volume IX - no 3 - mai-juin 2006
ficile car les étiologies sont nombreuses. L’enquête étiologique
est guidée par l’analyse soigneuse des signes articulaires, des
manifestations extra-articulaires, des signes radiographiques, des
anomalies biologiques et immunologiques mais aussi de la pathologie associée. Chez notre patient, l’apparition d’une véritable
crise de type réaction de Herxheimer au début du traitement antituberculeux a constitué un élément assez caractéristique. Cette
crise s’est manifestée par une exacerbation des arthralgies et des
myalgies et une aggravation de l’asthénie. C’est une réaction due
aux antigènes libérés qui aggravent ou induisent des symptômes
à type de malaise, sueurs, nausées, céphalées et asthénie. Elle
peut durer quelques heures ou quelques jours.
Les manifestations cliniques du rhumatisme de Poncet sont
variables, de même que les circonstances de sa survenue. Il s’agit
habituellement de polyarthralgies ou de polyarthrites touchant
les grosses articulations (2). La localisation de la tuberculose est
variable : pulmonaire, comme dans notre observation, ou
viscérale, ganglionnaire et même ostéo-articulaire. Ces différentes localisations n’influencent pas la sévérité du tableau clinique, ni la rapidité de la guérison. Le traitement de l’infection
mycobactérienne permet la guérison complète des signes articu-
laires entre cinq semaines et six mois après les observations (2).
Dans notre observation, les signes articulaires se sont estompés
après trois semaines d’antibiothérapie antituberculeuse. D’autres
formes de mycobactéries pourraient être en cause ; Maricic et al.
(3) ont décrit la survenue d’une arthrite temporo-maxillaire chez
une femme de 69 ans souffrant d’une pneumonie à Mycobacterium avium intracellulare.
Le rhumatisme de Poncet doit être évoqué dans la démarche diagnostique de tout tableau de polyarthralgie inflammatoire débutante, en particulier quand il y a des signes généraux pouvant
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orienter vers une tuberculose.
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1. Poncet MA. De la polyarthrite tuberculeuse déformante ou pseudorhumatisme chronique tuberculeux. Congr Fr Chir 1897;11:732-3.
2. Pugh MT, Southwood TR. Le rhumatisme tuberculeux de Poncet : une controverse stérile ? Rev Rhum 1993;60(12):855-60.
3. Maricic MJ, Alepa FP. Reactive arthritis after Mycobacterium avium intracellulare infection: Poncet’s disease revisited. Am J Med 1990;88:549-50.
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La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no 3 - mai-juin 2006
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