Sommaire Du coup de fourchette aux “coups de gueule” ÉDITORIAL

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ÉDITORIAL
La Lettre du Pneumologue Vol. XIII - n° 4 - juillet-août 2010 | 141
Vol. XIII - n° 4 - juillet-août 2010
ÉDITORIAL 141
Du coup de fourchette aux “coups de gueule”
From big hunger to big anger
P. Godard
MISES AU POINT 144
Obésité et asthme
Obesity and asthma
P. Godard
Tabagisme et poids
Smoking and weight
J.M. Lecerf
Syndrome d’apnées du sommeil chez l’obèse :
mécanismes et conséquences
Sleep apnoea in obese subjects: mechanisms and outcomes
I. Poirot
ONCO-PNEUMOLOGIE 158
L’évaluation cardio-pulmonaire avant la chirurgie:
recommandations ERS/ESTS pour le traitement
curatif d’un cancer bronchique non à petites cellules
Cardio-pulmonary assessment before surgery: ERS/ESTS recommendations
for radical therapy in non-small-cell lung cancer patients
A. Charloux
FICHE TECHNIQUE I-II
L’évaluation cardio-pulmonaire avant la chirurgie :
aspects pratiques
A. Charloux
CONGRÈS RÉUNION 164
Enjeux de la santé respiratoire et environnement
A. Roulet
EN PLUS…
Nouvelles de l’industrie pharmaceutique I 147, 157
Du coup de fourchette
aux coups de gueule
From big hunger to big anger
P. Godard*
* Service des maladies respiratoires, hôpital Arnaud-de-
Villeneuve, CHU de Montpellier.
Oui, l’obésité est la conséquence d’un
(bon) coup de fourchette suivi d’un (non
moins bon) “coup de gueule”, dans l’im-
mense majorité des cas. En réfl échissant
à l’orientation que je devais donner à cet
éditorial pour un numéro consacré à un
tel malheur de santé publique, j’hésitais
entre la tolérance et son contraire. La
première attitude irte bien souvent avec
le laxisme, même si un médecin se doit
de toujours être du côté de son malade,
compréhensif, sympathique, voire empa-
thique. Mais, en santé publique, comme
en politique, il faut parfois être excessif
et mettre les pieds dans le plat.
Les chiffres de l’obésité sont connus de
tous. Nos sociétés occidentales, après
avoir baigné puis s’être noyées dans le
Dès la rentrée, les Lettres écrivent pour vous
de nouvelles pages de votre spécialité.
Belle lecture, de toute l’équipe Edimark Santé
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cholestérol, niront-elles étouffées par ce même cholestérol ?
La progression des chiffres de prévalence est trop rapide pour
être honnête. Je ne m’appelle pas Émile Zola, mais j’accuse
malgré tout les industriels de ne pas faire ce qu’il faut pour
que nos enfants ne grossissent pas et pour que les adultes
ne leur emboîtent pas le pas.
Dans ce numéro de La Lettre du pneumologue, il y a un article
sur le poids et le tabagisme. Le parallèle est frappant ; en fait,
il s’agit plutôt d’une synergie ; le sevrage tabagique entraîne
une prise de poids, certes. Surtout, l’industrie du tabac est
pourvoyeuse de mort, de manière légale, en toute impunité.
L’industrie alimentaire fait de même. Comme tout un chacun,
j’allume la télévision, de temps en temps. Ma dernière expé-
rience, juste avant de commencer à écrire cet éditorial, s’est
soldée par une intoxication alimentaire... virtuelle ! Avec trois
publicités, l’une après l’autre, sur des produits plus riches les
uns que les autres… À consommer avec modération, bien
entendu. Je ne suis pas certain non plus que cette publicité
ne soit pas mensongère, orientée, parlant de pourcentages
plutôt que de données brutes, de chiffres absolus. Il n’y a
aucune pédagogie dans la publicité. Son objectif est de faire
consommer. Ne peut-on amener les industriels à consacrer
une partie de leur budget publicitaire à des actions d’éducation
nutritionnelle ? Voilà une proposition de loi qu’un dépubien
inspiré pourrait préparer.
Le (bon) coup de fourchette est sans aucun doute respon-
sable d’un grand nombre d’obésités. Une expérience est facile
à conduire, en ville, à l’heure du repas, mais aussi entre les
repas. Il existe une relation parfaite entre le tour de taille et
le contenu alimentaire de l’assiette des gens assis au restau-
rant, voire du contenu des mains des passants, quelle que soit
l’heure du jour ou de la nuit. Il y a des coups de gueule qui se
perdent. Mais ce ne serait probablement pas la meilleure péda-
gogie. Malheureusement la bonne pédagogie ne semble pas
encore avoir été mise au point vu la progression de lobésité.
Les pneumologues connaissent bien les conquences de l’obé-
sité. Les physiologistes ont beaucoup travaillé sur ce sujet.
Ils l’ont fait avec intelligence, compétence et persévérance.
Les cliniciens en ont gardé la substantifi que moelle et leur
pratique clinique s’en trouve grandement facilitée. Tout était
donc parfait dans un monde bien ordonné et bien compris. Mais
la situation est en fait plus complexe. Lexemple de l’asthme
est très typique de la confusion qui règne dans les esprits,
à cause – en partie, je vous l’accorde – des Américains. Un
autre coup de gueule” s’impose donc face à cet impérialisme
des publications anglo-saxonnes. Qui peut prétendre que les
obèses morbides qui prolifèrent de l’autre côté de l’Atlantique
ressemblent à nos compatriotes, plus âgés, mâles en général,
qui sont, certes, obèses, mais d’une obésité quasi exclusive-
ment abdominale ? Qui peut confondre l’obésité gynoïde et
l’obésiandroïde ? Aucune publication sur l’asthme et l’obé-
sine fait la différence, sans parler des autres facteurs confon-
dants. Les pneumologues sont donc confrontés tous les jours
à l’obésité et à ses conséquences, à commencer par la simple
dyspnée, qu’il faut savoir analyser d’un point de vue sémiolo-
gique mais aussi physiologique, en utilisant le vélo plutôt que
le tapis roulant. Le syndrome d’apes obstructives au cours du
sommeil est désormais bien connu, et les pneumologues sont
rompus à son diagnostic et à sa prise en charge. Mais je dirais
bien volontiers que nous pouvons mieux faire. Je suis en effet
persuadé que nous nous défaussons de notre responsabilité
de médecin quant à la prise en charge du poids, la laissant à
nos confrères nutritionnistes. C’est dommage. Mais il faut
aussi et maintenant aller plus loin. La graisse est un organe
in ammatoire. Lin ammotrie en est à ses balbutiements. Il
faut cependant développer la recherche clinique. Le phénotype
des malades sera ainsi mieux caractérisé. À n’en pas douter,
la prise en charge en sera d’autant meilleure.
La lutte contre ce fl éau de nos sociétés riches, surdotées,
trop nourries doit s’organiser. Actuellement, les étudiants
en médecine font des stages hospitaliers. C’est bien, mais
c’est de dénutrition dont on parle beaucoup, parce que c’est
fréquent à l’hôpital et parce que “ça” paye (T2A oblige !).
Dans les services spécialisés pour les obèses, les résultats
sont tellement décevants que l’étudiant en médecine est très
pessimiste quant aux succès des traitements ; c’est en tout cas
le souvenir que j’ai gardé de mon stage d’interne. La situation
a probablement évolué, je veux m’en persuader. Alors, comme
pour le tabac, il faut sortir l’artillerie lourde et pousser des
coups de gueule, non pas désordonnés et vulgaires, à tort et
à travers. Le plan gouvernemental* va dans le bon sens. Il est
de longue haleine ; comme pour le tabac, il faut maintenir la
pression médiatique, législative, nancière. Il ne portera des
fruits que dans trois ou quatre générations, mais ces fruits
seront beaux et bons… À consommer sans modération.
La lecture du Dictionnaire historique de la langue française,
d’Alain Rey, est toujours instructive. L’histoire de l’évolution du
mot obésitéest assez paradoxale. “Obesus, en latin, signifi e
“maigre” ; il vient du mot obedere”, qui veut dire “manger,
ronger”. Mais, au cours du temps, il a pris en sens actif : celui
qui ronge devient gras et replet. Il est temps d’inverser le cours
de l’histoire et de revenir à des valeurs vraies.
* Le 21 mai dernier, à l’occasion des Premières Journées européennes de l’obésité, le Président
de la République a confi é au Pr Arnaud Basdevant la mise en œuvre de ce plan sur 3 ans.
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