SENAT — SEANCE DU 11 SEPTEMBRE 1975
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fixé mie ligne directrice qu'il
a
suivie et:instamment en l'adap-
tant progressivement au vu des premiers résultats obtenus et de
l'évolution de la conjoncture intérieure et extérieure.
Voilà quinze mois, notre économie souffrait -- vous vous
en souvenez et nous avons eu, à cet égard, dans cette enceinte,
des
discussions d'une grande qualité — de deux sortes de désé-
quilibres : une hausse des prix qui, au mois d'avril 1974, avait
atteint 1,6 p. 100 par mois et un déficit du commerce extérieur
qui s'élevait, à la même époque, à 2
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500 millions de francs par
mois, dû, pour l'essentiel,
à
l'augmentation du prix du pétrole.
Le maintien de notre économie dans cette voie nous aurait
évidemment conduits à une situation très rapidement insuppor-
table : absence de contrôle de l'inflation, diminution rapide de
nos réserves de change, puis, à terme, nécessité, imposée de
l'extérieur, de recourir à une, politique déflationniste.
Aussi, dès sa constitution, le Gouvernement s'est-il fixé deux
objectifs qui, sur le plan national, étaient essentiels : le pre-
mier concernait les prix, le deuxième le commerce extérieur.
Beaucoup — vous vous en souvenez — considéraient
ces
objectifs
comme ambitieux, sinon irréalisables. Aujourd'hui, pour l'essen-
tiel, ils ont été atteints.
La décélération de l'inflation s'est poursuivie d'une manière
continue ; la hausse des prix, qui était de 4,2 p. 100 au premier
trimestre de 1974, a été ramenée à 2,2 p. 100 pour les trois
derniers mois connus.
Sans doute; notre tâche, dans ce domaine, est loin d'être
terminée : d'abord parce que l'inflation actuelle demeure trop
forte et constitue toujours le principal danger qui guette notre
économie ; ensuite parce que — la forte augmentation des taux
de salaire horaire au cours du deuxième trimestre 1975 le
montre — certaines tensions subsistent. Par conséquent, ces
résultats demeurent fragiles et la reprise de l'activité risque
forcément d'accentuer ces tensions.
Le Gouvernement, je le dis clairement, n'entend pas relâcher
son effort en ce qui concerne la lutte contre ce danger essen-
tiel qu'est l'inflation. Il se réserve de prendre de nouvelles
mesures s'il apparaissait que l'ensemble des agents économiques
ne se décident pas -à respecter la discipline à laquelle ils sont
conviés dans ce domaine.
En ce qui concerne notre commerce extérieur, les résultats
obtenus, vous le savez, ont été spectaculaires. Lorsque, de cette
tribune même ou de celle de l'Assemblée nationale, je disais
notre espoir, au mois de juin 1974, de voir rétabli au milieu
de l'année 1975 l'équilibre de notre balance commerciale, la
plupart des observateurs, notamment ceux qui nous critiquent
avec le plus de constance, exprimaient à la fois leur indignation
devant une telle prétention et leurs sarcasmes.
Eh bien ! ce mois-ci, pour le sixième mois consécutif, c'est-à-
dire depuis le début de cette année, le solde de nos échanges
commerciaux a été positif. Depuis le 1
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janvier, notre excédent
commercial a dépassé sept milliards de francs et non seulement
notre balance commerciale, mais notre balance des paiements
courants sont actuellement équilibrées.
Ces résultats, il est vrai, sont dus pour une large part à
une réduction de nos importations, elle-même liée à la réduction
de l'activité économique.
(Exclamations ironiques sur les tra-
vées communistes.)
Mais je voudrais observer que nos expor-
tations ont diminué moins que nos importations et moins que
celles des autres grands pays exportateurs du monde, ce qui
est un témoignage de notre dynamisme sur le plan industriel
et sur le plan commercial, mais aussi le résultat d'une poli-
tique d'entente et de coopération que nous conduisons avec
tous nos partenaires dans le monde.
Nous ne devons pas cependant ignorer — et c'est pour nous
le fait essentiel aujourd'hui — les conséquences de la réduction
de l'activité économique, car ces conséquences sont au premier
chef sociales ; elles sont liées au phénomène du chômage.
Le ralentissement de la production a eu un double effet
sur la situation de l'emploi : le nombre des demandeurs d'emploi
a
progressivement augmenté pour atteindre 765 600 personnes
à la fin du mois de juillet et le chômage partiel s'est développé.
Ce chômage, notamment celui des jeunes à la recherche d'un
premier emploi, demeure un sujet d'inquiétude, voire d'angoisse,
pour tous les Français et une préoccupation fondamentale pour
le Gouvernement.
Aussi, un effort important a-t-il été fait dès la fin de 1974
pour améliorer nos régimes d'indemnisation du chômage partiel
ou total et pour mettre en place un système qui, je le rappelle,
est
actuellement le plus élaboré, le meilleur de tous ceux que
connaissent les pays industriels.
Par ailleurs, le Gouvernement s'est attaché à soutenir l'activité
économique de façon sélective, secteur par secteur, région par
région,
là où
il pouvait le faire sans risquer de renforcer les
tensions inflationnistes et là où la crise se faisait le plus dure-
ment sentir.
Depuis la fin de l'année dernière, le Gouvernement a pris des
mesures de soutien à un certain nombre d'occasions : en jan-
vier, elles ont concerné le secteur du bâtiment et des travaux
publics ; en février, les revenus des agriculteurs, des personnes
âgées et des familles ; en mars, à nouveau le bâtiment et par
des crédits hors encadrement, l'exportation ; en avril, les inves-
tissements des entreprises nationales ainsi que des télécommu-
nications et par une déduction fiscale, les investissements des
entreprises ; enfin, en juillet, les particuliers eux-mêmes grâce
au remboursement d'une partie de la majoration fiscale de 1974.
Dans cette action, le Gouvernement a néanmoins tenu à
conserver une attitude prudente malgré de multiples pressions,
malgré des encouragements qui n'étaient pas toujours fondés
sur une connaissance approfondie
des
mécanismes économiques,
et a limité volontairement le volume et la nature de
ses
interventions.
Sans doute aurait-il été plus agréable pour nous de relancer
l'activité dès les premiers mois de cette année et d'ouvrir
très largement les vannes des crédits budgétaires, mais une
telle action aurait été, non seulement prématurée, mais surtout
inefficace et dangereuse. Elle aurait relancé l'inflation et, par
là, rendu plus difficile, voire impossible, une opération ulté-
rieure de relance car le rétablissement des équilibres écono-
miques n'était pas, à ce moment-là, encore suffisamment assuré.
Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une situation diffé-
rente. Divers indices laissent penser que la reprise est désor-
mais possible : l'indice de la production industrielle de juin
est en augmentation, les importations de juin et juillet marquent
une nette progression. Enfin, des indications provenant de
l'étranger, notamment des Etats-Unis et du Japon, semblent
confirmer actuellement cette tendance.
Compte tenu de
ces
éléments, le comportement des chefs
d'entreprise et des consommateurs, en France et à l'étranger,
devrait peu à peu se modifier et l'attentisme disparaître. Cette
évolution est d'autant plus vraisemblable que l'ensemble des
pays industrialisés pratique désormais des politiques parallèles
de soutien de l'économie dont les effets doivent normalement
se renforcer mutuellement.
Ainsi se trouvent effectivement réunies les conditions du
succès d'une intervention énergique des pouvoirs publics afin
de susciter et d'accompagner la reprise de l'activité. C'est
pourquoi le Gouvernement a estimé que le moment était venu
de vous présenter un programme important de développement
de l'économie.
Plusieurs traits essentiels se dégagent de ce programme
qui va vous être présenté par M. le ministre de l'économie et
des finances.
Le premier est, bien entendu, son importance. L'ensemble
des mesures arrêtées représente une masse de vingt milliards
de francs à laquelle s'ajouteront près de dix milliards de recettes
dont le recouvrement est reporté. Ces dépenses ne sont pas
financées par l'impôt car nous voulons qu'elles contribuent
réellement à l'expansion. Nous acceptons par conséquent un
déficit budgétaire pour l'exercice 1975 ; celui-ci sera de l'ordre
de quarante milliards de francs, c'est-à-dire à peu près 3 p. 100
de notre production intérieure brute. Il ne s'agit pas là d'un
déficit subi, résultant d'une augmentation incontrôlée ou désor-
donnée des dépenses de fonctionnement, mais d'un déficit décidé
compensant une réduction temporaire de l'activité nationale par
une augmentation exceptionnelle et non reconductible des dépen-
ses de l'Etat.
Ce programme donne également la priorité aux investisse-
ments. Telle est sa deuxième caractéristique. Le Gouvernement
a tenu à utiliser cette occasion pour préparer l'avenir et affirmer
clairement, par de grands projets, sa volonté d'accélérer l'équi-
pement et la modernisation de notre pays. Plus de dix milliards
de francs seront ainsi affectés à des équipements publics nou-
veaux concernant, soit de grandes infrastructures, soit des
équipements collectifs qui conditionnent la vie sociale et écono-
mique des Français.
Le Gouvernement a entendu également que la relance par
les investissements ne soit pas réservée à l'Etat, mais que les
collectivités locales y soient effectivement associées car elles
contribuent très largement à la réalisation des équipements
destinés à améliorer les conditions de vie et la qualité de vie
des Français.