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La Lettre du Gynécologue - n° 282 - mai 2003
DOSSIER
L’emploi de l’isosulfan bleu a démontré la présence de
101ganglions sentinelles chez 49patientes, alors qu’avec le
technétium99, 117ont été identifiés chez 61patientes; aucun
faux négatif n’a été détecté (figure 1). La combinaison des
deux techniques a permis d’identifier 100% des ganglions sen-
tinelles. Chez les patientes non traitées par radiothérapie et qui
ont subi une lymphadénectomie complète après le dépistage de
ganglion(s) sentinelle(s) négatif(s) lors de la congélation,
aucune métastase ganglionnaire n’a été trouvée à l’examen his-
topathologique final.
Ont été identifiés à la pathologie finale 134ganglions pour 124
sites, soit 1,08ganglion par site sentinelle (figure 2). Les gan-
glions sentinelles les plus fréquents se situent dans les bassins
suivants : interiliaque (60), obturateur (33) et iliaque externe
(19). Les sites les moins fréquents sont dans la région urété-
rique (3), périaortique basse (5) et présacrée ou iliaque com-
mune (8). Treize ganglions comportaient une métastase, soit
10 à la congélation et 3 à l’examen immunohistochimique
(figure 2).
DISCUSSION
Certes, il y a une courbe d’apprentissage dans la détermination
du ganglion sentinelle, quel que soit le type de pathologie.
Notre expérience avec le cancer de la vulve nous a permis
d’approfondir cette technique combinant le colorant bleu et le
technétium99. Ainsi, la courbe d’apprentissage a été plus
courte, et le chirurgien est plus averti des différentes difficultés
de la technique. Il est souhaitable que le chirurgien révise la
lymphoscintigraphie avant la chirurgie afin de voir s’il y a des
ganglions sentinelles dans des sites inusités, en particulier dans
les régions du présacré, périutérine, latérales au vaisseau
iliaque commun ou périaortiques basses. Récemment, un site
inusité, au niveau du ligament rond, a été documenté et publié.
Nous croyons que l’exploration des espaces rétropéritonéaux
et l’identification des espaces paravésicaux ou pararectaux doit
être faite, afin de bien identifier les vaisseaux lymphatiques
colorés et de déterminer avec le radiotraceur le ganglion senti-
nelle chaud, que ce soit par laparoscopie ou par laparotomie.
Nos échecs avec le radiotraceur chez quatre patientes sont res-
pectivement dus à la défectuosité de l’appareil, à une batterie à
plat, à une obésité trop importante ou à un délai de plus de
12heures entre l’injection du technétium99 et la chirurgie. Par
ailleurs, même si la lymphoscintigraphie ne démontrait pas de
ganglion sentinelle en phase préopératoire, le radiotraceur a
permis de dépister des sites chauds lors de la chirurgie dans
cinq cas. En ce qui concerne l’isosulfan bleu, il y a eu deux cas
d’injection par inadvertance dans la cavité intrapéritonéale,
chez des patientes qui avaient eu une conisation extensive du
col utérin. L’immunohistochimie s’avère utile, puisqu’elle
nous a permis d’identifier trois ganglions sentinelles qui
s’étaient révélés négatifs tant à la laparotomie exploratrice que
lors de la congélation. Selon notre expérience, la combinaison
de l’emploi du lymphazurin et du technétium99 nous a permis
d’identifier tous les ganglions sentinelles, sans cas de faux
négatif. Pour que la technique soit adéquate, il faut également
se rappeler que la lecture avec le radiotraceur in vivo du lit du
ganglion sentinelle doit être dix fois moindre que pour le gan-
glion lui-même. Nous estimons en outre que la palpation de
l’état des ganglions est importante, car, autrement, on risque de
manquer un ganglion sentinelle de premier niveau dans le cas
où il est totalement remplacé par la tumeur, ce qui amène à
dépister un ganglion sentinelle de deuxième niveau.
CONCLUSION
Notre expérience démontre que, lorsque le ganglion sentinelle
est négatif, aucune métastase ganglionnaire n’est identifiée lors
de l’étude finale histopathologique des ganglions de la lym-
phadénectomie radicale. Le drainage inusité du site du gan-
glion sentinelle a été documenté au niveau du présacré dans
sept cas, au niveau iliaque commun latéral au détroit supérieur
dans un cas, dans la région périaortique basse dans 3cas et
dans la région urétérique dans 3cas. À la suite de ces constats,
nous avons modifié notre plan du traitement radiothérapeu-
tique du col utérin lorsque indiqué, en incluant dans le champ
de traitement la région du présacré. Lorsqu’il y a une lympha-
dénectomie complète, l’évaluation de la région du présacré
doit être minutieuse et systématique. L’identification d’une
métastase sur 3ganglions sentinelles urétériques observés
amène à réévaluer certaines procédures radicales utilisées.
Grâce à une meilleure connaissance de cette technique et du
drainage lymphatique du cancer du col utérin, nous pourrons
demain atténuer le caractère radical de la chirurgie curative
pour le cancer du col utérin. En effet, en cas de ganglion senti-
nelle négatif, on ne procéderait qu’à une trachélectomie ou
même à une hystérectomie, mais moins radicale. Dans le cas
de ganglion(s) sentinelle(s) positif(s), la radiothérapie devien-
drait le traitement de choix. Toutefois, des études prospectives
multicentriques seront encore nécessaires avant qu’une telle
modalité thérapeutique soit acceptée comme procédure stan-
dard dans le traitement du cancer du col utérin de stadesIA2 et
IB1. #