30 | La Lettre du Sénologue • n° 42 - octobre-novembre-décembre 2008
Résumé
Les cancers du sein survenant dans un contexte familial concernent souvent des femmes jeunes. L’altération des méca-
nismes de réparation de l’ADN liée à une mutation de BRCA1 ou BRCA2 peut faire craindre une sensibilité particulière
des tissus sains chez ces femmes traitées par radiothérapie dans le cadre d’un traitement conservateur, ainsi qu’un
risque accru de récidive locale par induction d’un deuxième cancer. Les données de la littérature montrent que, dans
les 10 premières années qui suivent le traitement, la toxicité aiguë et à long terme du traitement n’est pas augmentée
chez les femmes à haut risque. Le risque de récidive locale est identique à celui des femmes sans histoire familiale alors
que, comme attendu, le risque de cancer controlatéral est significativement augmenté. Un traitement conservateur
du sein par chirurgie et radiothérapie peut donc être proposé à ces patientes, comme à celles qui n’ont pas de risque
familial identifié.
Mots-clés
Cancer du sein
Radiothérapie
Risque génétique
BRCA1
BRCA2
Highlights
Breast cancer in women with
a family history of breast or
ovarian cancers often occurs
at a young age. BRCA1 and
BRCA2 mutations are asso-
ciated with impairment of
DNA-repair capacity, which
raises concern on the risk of
increased toxicity of radio-
therapy in these women, as
well as on the increased risk
of local recurrence with radia-
tion-induced second cancers.
This review from published
results showed that in the first
10 years following irradiation,
acute and long-term toxicity
was not increased in women
with high familial risk compared
to women without a family
history. The rate of local recur-
rence was similar between both
groups, whereas as expected,
there was a significant increase
of contralateral breast cancer.
Therefore, breast-conserving
treatment with surgery and
radiotherapy is a valid option
of treatment in patients with
high familial risk, as well as
those without.
Keywords
Breast Cancer
Radiotherapy
Genetic risk
BRCA1
BRCA2
Tableau. Récidives locales et cancers controlatéraux après traitement conservateur du sein par chirurgie et radiothérapie.
Auteur,
période
Type
d’étude BRCA1/2 Témoins
Suivi
médian
(ans)
Récidive locale
(%) p
Cancer controlatéral
(%) p
Porteuses Témoins Porteuses Témoins
Háffty
(4)
1975-1998
Rétrospective
non appariée
22 105 13 49 21 0,007 42 9 0,001
Brekelmans
(5)
1980-2004
Appariée
109 410
6
14
12
0,64
15 3 < 0,001
Pierce
(6)
1980-1997
Appariée 160 445 7.9 12 9 0,19 26 3 < 0,0001
Kirova
(7)
1981-1999
Appariée 29 271 8,8 24 19 0,47 37 7 < 0,0001
Robson
(8)
1980-1995
Prospective 56 440 9,7 12 8 0,68 27 8 < 0,0001
12,7 ans. Une recherche de mutation a été effec-
tuée sur 127 patientes de cette population initiale
(44 %). Les 22 patientes qui avaient une mutation
de BRCA1 (15 patientes) ou BRCA2 (7 patientes) ont
été comparées aux 105 chez lesquelles ces mutations
n’avaient pas été retrouvées. Les résultats montrent
une augmentation du risque de récidive locale et
du risque de cancer controlatéral chez les femmes
porteuses. Le risque de récidive devient significatif
à partir de la huitième année.
Études rétrospectives appariées
L’étude de Rotterdam (5) a comparé 109 femmes
porteuses et 410 sporadiques, appariées selon l’âge
et l’année de traitement. Avec un recul médian de
4,3 ans, le risque de récidive locale était similaire
dans les deux groupes, alors que le risque de cancer
controlatéral était augmenté.
L.J. Pierce et al. (6) ont conduit une analyse multi-
centrique, comparant 160 femmes porteuses et
445 cas sporadiques appariées selon l’âge et l’année
de traitement, avec 7,9 ans de recul. Les taux de
récidive locale étaient de 12 % et 9 %, et les taux
de cancer controlatéral de 26 % et 3 %.
Une équipe de l’Institut Curie (7) a comparé dans
une étude cas-témoin 131 patientes à haut risque
familial (dont 27 étaient porteuses d’une mutation
de BRCA1 ou BRCA2) à 271 patientes sans histoire
familiale, appariées selon l’âge et l’année de trai-
tement. Les témoins avaient un recul depuis le
traitement au moins égal au délai écoulé entre le
traitement et le test génétique chez les femmes à
risque. Avec un recul médian de 9 ans, il n’a pas été
constaté d’augmentation significative du risque de
récidive chez les femmes à risque familial, qu’elles
soient ou non porteuses d’une mutation. De même,
aucune augmentation de ce risque n’a été observée
chez les femmes porteuses de mutation BRCA1/2
comparativement à leurs propres témoins. Il exis-
tait en revanche un risque accru de cancer du sein
controlatéral.
Étude prospective
M.E. Robson et al. (8) ont recherché les mutations
fondatrices de BRCA1 et BRCA2 dans une population
de 496 femmes ashkénazes à partir des prélèvements
histologiques conservés lors du traitement initial.
Avec un recul de presque 10 ans, aucune différence
significative n’a été observée entre les taux de réci-
dive locale des 56 femmes porteuses d’une mutation
et ceux des 440 autres, alors que le risque de cancer
controlatéral était significativement augmenté.