N° 267 SÉNAT SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1976-1977 Annexe au procès-verbal de la séance du 26 avril 1977. COMMUNICATION DU SUR GOUVERNEMENT SON PROGRAMME LUE AU NOM DE M. RAYMOND BARRE , Premier Ministre, Ministre de l'Économie et des Finances, PAR M. ALAIN PEYREFITTE , Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Politique économique. — Communication du Gouvernement . -2- Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, M. le Premier 'Ministre m'a demandé de donner lecture au Sénat, au cours de sa sé'ancë dé ·ce· j out, dê la déèlafa'tion suivante : Mesdames,· Messieurs· lHs· Sénateurs, conformément au vœu exprimé par M. le Président de la République et après délibération du Conseil des Ministres, j'ai décidé de soumettre au vote de l'Assemblée Nationale et du Sénat le programm'e d'action que le Gouvernement a établi pour les prochains mois. Eu égard 1à l'importance nationale des objectifs proposés, et tout en me réservant-de les···développer devant vous l(}rsque votre ordre du joûr'app'eliera leu\f·exàmen,d'aksoilhaitê'·queJé Senat puisse prendre connaissance de la déclaration que je fais en ce moment même devant l'Assemblée Nationale. Voici do'tîè le texte dë la· déclaration dù · Gouvernemént ': Mesdames, Messieurs les Sénateurs, en nommant, le 28 mars dernief'! urufhoüveàu Gonvernërnenfi, « choisi et C(}flÇU potœ raetio.n dës dôùze·pfochàihs mois »,le Président de la Républiquëiù.i a:assigné une double tâche : poursuivre le redressement économique en cours, présenter un programme dl action qui réponde par des mesures simples aux préoccupations concrètes des Français. C'est ce programme que je présente aujourd'hui au Sénat. Je voudrais, dès l'abord, souligner qu'il s'inscrit, par son esprit et par son contenu, dans la ligne de la politique élaborée en septembre dernier par le précédent Gouvernement et mise en œuvre depuis lors. Lorsqu'ont été exposées, le 5 octobre dernier, au Parlement, les orientations de politique générale du précédent Gouvernement, il a été souligné que son action, qui sè concentrait sur la lutte contre l'inflation et le redressement économique et financier de la France, n'était pas technique, mais fondamentalement politique et qu'elle devait s'inscrire dans la durée. Pourquoi cette action était-elle politique ? Parce qu'une économie forte est la condition du progrès, de la justice sociale et de l'indépendance nationale. — 3 — Pourquoi cette action devait-elle s'inscrire dans la durée ? Parce que la gravité de la crise, l'ampleur des déséquilibres à surmonter, exigeaient une politique s'étendant sur plusieurs années, comme le montre d'ailleurs l'exemple des pays qui se sont, avant nous, enga­ gés sur la voie du redressement. Fidèle à cette conception, le précédent Gouvernement a conduit, avec l'approbation et le soutien de la majorité parlementaire, une politique globale de redressement économique et financier, en dépit de difficultés de tous ordres et d'oppositions a priori. S'il a pu le faire, c'est, en fin de compte, parce que les Français ont compris, au fond d'eux-mêmes, que cette politique était nécessaire et qu'il y avait là un enjeu capital pour chacun d'entre eux comme pour la Nation. En témoignant de leur clairvoyance et de leur civisme, en apportant au redressement économique du pays, chacun à son niveau, une contribution active, ils ont permis d'enrayer l'aggra­ vation des déséquilibres qui nous menaçaient et d'obtenir des progrès réels et significatifs. Pourtant, chacun peut observer qu'un sentiment de malaise et même d'inquiétude persiste dans notre pays. Le nouveau Gouver­ nement est conscient de ce trouble, qui ne s'explique pas seulement par des raisons électorales ou politiques. La France n'a-t-elle pas enregistré de plein fouet les conséquences d'une crise mondiale sans précédent depuis trente ans ? Comment ne pas éprouver de l'inquiétude lorsque, tout à coup, le prix du pétrole est multiplié par cinq, lorsque le cours des denrées que nous consommons quotidiennement, comme le café, est multiplié par six, lorsque le plein emploi, auquel le pays s'était habitué depuis de très nombreuses années, apparaît comme un souvenir du passé, lorsque s'intensifie une concurrence internatio­ nale qui exige de nos entreprises un effort considérable d'adaptation, lorsque l'ombre du protectionnisme s'étend sur un monde dont la prospérité tenait, pour une grande part, à la libération croissante des échanges ? N'est-il pas naturel que cette prise de conscience des problèmes mondiaux et nationaux engendre craintes pour l'avenir et doutes sur la capacité de notre pays à surmonter ces problèmes ? — 4 — Comment ne pas être sensible aux difficultés qu'affrontent les Français les plus modestes et les plus vulnérables, qui ont été les principales victimes de l'inflation et du désordre économique et qui portent aujourd'hui leur part de l'effort national ? Faut-il alors s'étonner des soucis, des interrogations, des appréhensions, mais aussi de la tentation de céder à certaines illu­ sions et de se laisser séduire par les promesses d'un changement qui prétend abolir, comme par miracle et par sa seule vertu, les rudes contraintes du présent ? Pourtant, un pays comme le nôtre, habitué aux épreuves, mais toujours prêt à l'effort, ne doit se laisser conduire ni à un fatalisme résigné, ni à une fuite en avant désespérée. Le Gouvernement conduira, dans cette période difficile, une action de remise en ordre profonde de l'économie. Il le fait parce que c'est à cette seule condition que pourront progresser les conditions de vie des Français, que pourra être sauve­ gardé l'avenir de la France. Cette politique doit être menée dans un esprit de solidarité nationale, qui doit s'exprimer à l'égard des hommes et des femmes qui ne trouvent pas d'emploi, à l'égard des Français dont les condi­ tions de vie sont les plus durement touchées par les difficultés économiques. Redressement et solidarité : voilà les deux axes fondamentaux de la politique du Gouvernement au cours des mois à venir. L'effort engagé en septembre dernier, vous l'avez soutenu et approuvé, car vous avez compris que la situation économique dans laquelle se trouvait la France à l'été 1976 appelait une action vigou­ reuse, globale et cohérente. La dépréciation rapide du franc, le grave déséquilibre de la balance commerciale, l'accélération de la hausse des prix, le déficit budgétaire, les hausses de rémunérations sans rapport avec la pro­ ductivité nationale, tout cela conduisait inéluctablement à l'asphyxie de notre économie, à une baisse du niveau de vie, à un chômage durable, à l'isolement de la France. Aujourd'hui, les facteurs clés de l'inflation sont contrôlés, même s'ils ne sont pas complètement maîtrisés. La progression de la masse monétaire a été ramenée de 20 % à la fin de 1975 à 12 % à la fin de 1976 . - 5 — Depuis octobre dernier, la baisse du franc a été arrêtée et son cours a été stabilisé par rapport au dollar, monnaie dans laquelle nous payons nos importations de pétrole et de matières premières. La bonne tenue de notre monnaie a permis, depuis deux mois, une diminution progressive des taux d'intérêt favorable aux investis­ sements. Ce résultat a été obtenu tout en augmentant le niveau de nos réserves de change. Certes, la France a dû recourir, depuis 1974, à l'endettement extérieur pour financer le déficit de sa balance des paiements. Mais, je le rappelle à ceux qui critiquent cet endettement, il n'y avait pas d'autre moyen d'éviter une baisse profonde de notre taux de change ou une réduction draconienne de notre activité écono­ mique et de notre niveau de vie. Cet endettement n'est pas excessif si on le rapporte à nos réserves et aux capacités de notre économie. Le crédit international de la France reste intact. Enfin, la progression des revenus commence, depuis le dernier trimestre de 1976, à s'infléchir de façon sensible, sans que le pouvoir d'achat des rémunérations soit amputé comme dans des pays euro­ péens voisins. Déjà apparaissent les premiers fruits de nos efforts. Notre commerce extérieur s'améliore progressivement, mais régulièrement. Nous pouvons espérer que notre balance commer­ ciale sera équilibrée à la fin de l'année. La hausse des prix en 1976 a été contenue en-deçà de 10 %. Pour 1977, le taux d'inflation sera de nouveau réduit. Si les indices de prix des mois de mars et avril seront élevés, c'est parce qu'ils subiront l'incidence de trois facteurs considé­ rables : la hausse des prix des matières premières, qui a été de 95 % au cours des douze derniers mois ; la hausse des rémuné­ rations, qui a été, l'année dernière, de l'ordre de 15 %, hausse la plus élevée de tous les pays industrialisés à l'exception de l'Italie ; enfin, l'augmentation, au 1er avril, des tarifs publics qu'imposait le déficit de certaines entreprises nationales. Il y aura, bien entendu, de bons esprits pour conclure à l'inef­ ficacité de l'action gouvernementale. Mais il est vrai qu'en ce -6- id(}lnaine, lorsque les résultats sont bons, nos détracteurs affectent :de -suspecter les statistiques et, lorsque ·les indices sont élevés, ils ·trouvent dans ces mêmes statistiques la preuve de l'échec. Les mêmes bons esprits annonçaient une récession de l'éco· nomie. Ils ne peuvent cependant observer depuis septembre dernier aucune baisse de la production industrielle qui continue, au contraire, de croître, même si le rythme de progression est modéré. On s'attend ;maintenant à une ·augmentation de 4 % du volume. de l'investis.sement industriel privé. Le taux de progression de nos exportations est ·très satisfaisant : 11,5 % depuis septembre 1976. La croissance éco:no:rnique ·atteindra, sur l'ensemble de l'année, un rythme que ne permettaient pas d'escompter la gravité des déséquilibres initiaux et l~s multiples contraintes qui pèsent sur notre économie. Le ~point noir de·la situation,économique française reste èepen.dant l'évolution de l'emploi. Faut-il, pour y remédier, renoncer à l'orientation actuelle de la politique économique et, comme certains le suggèrent, prendre sans déiai des mesures de relance globale ? Le Gouvernement ne le pense pas. Puisqu'il s'agit là d'une question fondamentale Temploi .-··et d'un choix politique essentiel, je dois une e}Çplication au Sénat. Le Gouvernement est décidé à maintenir le cap de sa politique économique tout au long de l'année 1977, car les résultats obtenus jusqu'ici, pour encourageants qu'ils soient, restent fragiles. Il confirme les orientations arrêtées en matière de crédit, de budget, d'évolution des rémunérations. Il se refuse à une relance globale de l'économie pour deux raüwns de fond, qui expliquent d'ailleurs l'attitude prudente des pays qui opt déjà pourtant obtenu de grands succès dans la lutte contre l'inflation: je pense·· à l'Allemagne fédérale et aux Etats-Unis. Tout d'abord, comment effectuer une telle relance? En majorant inconsidérément le déficit des finances publiques ?·En acceptant un nouveau dérapage des revenus? En créant de la monnaie? Tous ces moyens signifient le retour à l'inflation. La hausse accrue des prix et la dépréciation nouvelle du franc qui en résulteraient — 7 — contraindraient, dès la fin de cette année, à prendre de nouvelles mesurés restrictives, bien plus rigoureuses, dont l'emploi serait la principale victime. N'oublions pas trop rapidement que l'inflation ne conduit pas au plein emploi, mais au chômage. Par ailleurs, l'expérience a montré qu'une action de relance globale a une efficacité douteuse sur l'emploi, car le chômage dans les sociétés modernes n'est pas seulement affaire de conjoncture. Le Gouvernement ne combat pas l'inflation en plongeant le pays dans la récession. Le niveau actuel de l'activité est là pour en témoigner. Après avoir mis depuis octobre dernier 11 milliards et demi de prêts à là disposition des entreprises, notamment petites et moyennes, le Gouvernement se propose maintenant d'augmenter le volume des équipements publics engagés en 1977. Des crédits de paiement supplémentaires d'un montant de 625 millions de francs serviront à accélérer l'engagement des auto­ risations de programme ouvertes dans les lois de finances récentes. D'autre part, des autorisations de programme supplémentaires de 1 250 millions de francs assorties de crédits de paiement seront ouvertes au 1er juillet prochain au titre du fonds d'action conjonc­ turelle. Les crédits de ce fonds seront notamment affectés à l'équipe­ ment, au logement, aux travaux ruraux, à l'aménagement du terri­ toire et à la protection de la nature et de l'environnement. Dès les prochains mois, l'effet de cette mesure sur les commandes passées aux entreprises du bâtiment et des travaux publics se fera sentir. Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de redressement économique et financier est à moyen terme la condition nécessaire d'un retour au plein emploi. Mais nous ne pouvons à court terme rester indifférents à l'accroissement du chômage, dont nous connais­ sons tous les lourdes conséquences sociales et humaines. Aussi, le Gouvernement entend-il mettre en œuvre sans retard un programme d'action qui soit susceptible de produire à brève échéance des effets positifs sur l'emploi et notamment sur l'emploi des jeunes. Pour le Gouvernement comme pour la majorité qui le soutient, notre société doit en effet se fixer comme objectif d'offrir un travail — 8 — à tous, car il s'agit de donner aux hommes et aux femmes de ce pays leur place dans la collectivité nationale, de leur permettre d'exercer leurs compétences et leurs talents, de respecter leur dignité. L'ampleur du chômage est aujourd'hui, hélas ! le trait commun de toutes les économies modernes, quels que soient leur régime politique ou leur système économique. Partout, au-delà des difficul­ tés conjoncturelles, la redistribution des richesses dans le monde et l'exigence d'une compétitivité accrue rendent plus difficiles les créations d'emploi ou même le maintien de certains emplois. Partout la distorsion qui se manifeste entre les aspirations dues au progrès du niveau de vie et à l'allongement de la scolarité, d'une part, et la nature des emplois offerts par l'économie, d'autre part, accroît l'insatisfaction de beaucoup de jeunes. Partout, on observe, avec l'évolution des esprits et des mœurs, une forte augmentation de la demande de travail de la part des femmes . Sept millions de demandeurs d'emploi aux Etats-Unis, 1 400 000 en Grande-Bretagne, 1 100 000 en Allemagne fédérale, un million en France, près d'un million au Japon : ces chiffres publiés par l'O . C. D. E. sont significatifs. Ils font apparaître comme illusoires les remèdes de ceux qui prétendent obtenir, dans un domaine aussi difficile, des résultats immédiats et spectaculaires. On peut, bien sûr, pratiquer une politique autoritaire de l'emploi en imposant aux jeunes leur métier, en assignant à tous les travailleurs leur résidence et leur lieu de travail en déguisant, enfin, la réalité du chômage . Mais, cela, les Français n'en voudront jamais . Dans une société de liberté, comme la nôtre, nous devons résoudre les problèmes de l'emploi en faisant appel à la solidarité nationale. Celle-ci doit s'exercer en priorité en faveur des jeunes dont une nouvelle classe d' âge va d'ailleurs se mettre à la recherche d'un emploi à partir de l'été. Nous devons répondre à leurs aspira­ tions ; pour eux-mêmes, qui en viennent à douter de l'efficacité de notre système économique et social ; pour les familles, qui voient avec inquiétude leurs fils et leurs filles condamnés au désœuvre­ ment et à l'incertitude . — 9 — Rien ne serait plus grave que de les décevoir. Telle est l'inspiration du programme pour l'emploi que je vous présente aujourd'hui, Mesdames, Messieurs les Sénateurs. Ce pro­ gramme poursuit deux objectifs différents, mais complémentaires. Il s'agit, en premier lieu, de mobiliser toutes les possibilités d'offrir un emploi aux jeunes . A cette fin, le Gouvernement vous propose un ensemble de mesures d'effet immédiat. Dès le vote de la loi qui sera nécessaire, tout employeur qui embauchera, au-delà de ses effectifs actuels, des jeunes de moins de vingt-cinq ans jusqu' au 31 décembre 1977, bénéficiera de l'exo­ nération de la part patronale des cotisations de Sécurité sociale jusqu'au 1"r juillet 1978. Cette mesure s'appliquera aux jeunes sortis depuis moins d'un an du système scolaire ou universitaire, d'un centre professionnel ou du service national. Un effort de même nature sera engagé en faveur de l'appren­ tissage. Les maîtres d'apprentissage qui embaucheront des appren­ tis avant le 31 décembre 1977 seront exonérés de la part patronale des cotisations de Sécurité sociale pendant toute la durée de l'appren­ tissage, soit deux années . Ils conserveront le bénéfice des ristournes. De plus, la qualité d'artisan sera maintenue aux employeurs dont l'effectif de salariés dépasserait le seuil de dix à la suite d'embauches nouvelles d'apprentis . Enfin, l'État contribuera, lui aussi, à l'effort national de création d'emplois . Le Gouvernement autorisera le recrutement à titre tem­ poraire de 20 000 personnes pour les affecter à des tâches à temps complet ou à temps partiel, dans des secteurs prioritaires comme les postes et télécommunications, l'action sociale, la jeunesse et les sports, le fonctionnement de la justice et notre représentation écono­ mique à l'étranger. Il s'agit, sur ce dernier point, de compléter l'effort que je demande aux entreprises d'accomplir en faveur du déploiement de notre économie sur les marchés extérieurs . Parallèlement à ces mesures, le Gouvernement a décidé de prendre deux initiatives. Il demande aux organisations profession­ -10- nelles et syndica.les de. re~hercher les çond~tions :4ans lesquelles, pendant la période de difficultés que nous traversons, des travailleurs .de moins ·de soixante-cinq ans pourraient bénéficier d'un régime de préretraite, excluant tout cumul avec un nouvel emploi. ,filr:. 1lill~1frs, Je ,Gou:ve1!n~n1ent sopp;üt~ .f11ciliter:. 11ux t;ravailleurs immigrés privés ·d'emploi le retour, ~t )a r~ins~rtion. dans leur pays d'origine, s'ils en expriment le désir. Une aide individuelle :;dont;Jenmontant,.pourraiLêtre :de 1:ordre.,de 10 000 Fleur sera accordée. Le deuxième objectif·du programme pour l'emploi est de mieux préparer les·demandeurs d'emploi àl'exercice de leur futur métier. Une part sans doute importante du chômage actuel tient, en effet, à l'inadaptation des emplois recherchés et des emplois offerts. Ceci est particulièrement vrai pour les jeunes et pour les femmes. Le Gouvernement se propose donc d:offTir à tous les jeunes qui le .souhaiteraient et qui n'auraient pu trouver un emploi de bénéficier, à partir de l'automne, soit de stages dans les entreprises, avec une possibilité de formation, spit d'une formation dans des centres, publics ou conventionnés. Ces jeunes recevront une indemnité mensuelle équivalant à 90 % du S. M. I. C. Les jeunes de moins de dix-huit ans pourront également accéder à ce dispositif et recevront une: ind~mnité,de 4JO F par,~mois. Par ailleurs, les femmes s~ules ayant ,au moins un E)nfant à charge et les veuves bénéficieront des contrats emploi-formation .réservés ju~qu'ici aux jeunes . . Ce ,p1;ogramme ppur l'emploi est, Mesdames, Messieurs les :.S~na.teurs, ,sans,.précéd~nt. Il a un .coût global de !:ordre de 3 milHards,._:P.e francs, ,dpnt 1700 millions de fnmcs à la charge de . r~tat. IL of(re, ;mx .jeunes à la r.eçherche d'un premier emploi de grandes possibilités supplémentaires d'insertion dans la vie professionnelle. La mise en œuvre de ce programme suppose que, dans chaque région et dans chaque département, tous les moyens .disponibles soient mobilisés et étroitement coordonnés. Les organismes de concertation ·existants seront simplifiés et rendus plus opérationnels. Les établissements publics régionaux devront jouer un rôle -11- accru dans la ·conduite de cet effort national. A ce titre ils disposeront de·nott.velles facultés définies dans le cadre de loi de 1972. Celles-ci 'leur·· permettront d'aider les entreprises à obtenir certains prêts et d'encourager la création d'entreprises industrielles nouvelles. Dans le même esprit, j'ai demandé au Gouverneur de la Banque de France de charger ·ses directeurs locaux d'Une mission d'information et d'orientation des petites et moyennes entreprises afin de leur permettre de bénéficier pleinement de toutes les facilités de· financement existantes. En outre, un comité départemental eeord6nnera l'action des différents organismes financiers afin de recherche! les solutions appropriées peur les em·trep:rises ayant à faire face- à un problème de financement spécifique. L'ensembl~ de ces mesures ne produira son pl-ein effet que si le: Gouvernement trouve un esprit de coepé:uation et un appui auprès des organisations professionnelles et syndicales, des entreprises et des Français eux-mêmes. Ce que le Gouvernement propose en fait au ·pays, c'est un pacte national pour l'emploi, et d'àbord poul" l'emploi des jeunes. Notre société ne serait pas· fidèle à l'idéal de: solidarité qui doit l'animer si elle n'apportait pas, dans les circonstances actuelles, un soutien accru aux catégories les plus épreuvées par les difficultés économJques. Aussi le Gouvernement estime-t-il nécessaire, conformément aux orienta'tioos ·anrêtéèS par le·· Président de· la République, de faire un· effoct imp0rtanit en faveur· des fam:itl.es et des personnes â.gées. A l'occasion de l'a revalorisation annueLle des prestations familiales, il a décidé, conformément au contrat ~i' progrès avec les familles, une majoration de ces prestations de 10,2 % dont 1,5 % au titre de' la progression du poüvoir d'achat. De plus, le Gouvernement a décidé d'avancer au p• juillet' la date· d·e prise d'effet de cette majoration ··qui intéressera 4 600 000' familles.· Je rappellerai que cette mesure vient s'ajouter à l'institution du complément familial et du congé de mère, qui donnent lieu à des pnjets. de lo± ..sol!lmis··à dvo.tre 'assemblée· d'bmam .. la- ..présente sessimr: · — 12 — Enfin, le Gouvernement autorisera la caisse nationale d'allo­ cations familiales à affecter en 1977 et 1978 une dotation supplé­ mentaire au fonds national d'action sanitaire et sociale en vue de développer les services collectifs mis à la disposition des familles, tels que les crèches et les travailleuses familiales. Une disposition analogue sera prise en faveur des familles d'agriculteurs. La solidarité nationale s'exercera aussi en faveur des personnes âgées. Nous devons leur assurer des conditions de vie qui garantis­ sent aux plus modestes d'entre elles sécurité et dignité. A la demande du Président de la République , le Gouverne­ ment avait déjà prévu un effort important pour la fin de l'année en fixant à 10 000 F le montant que devrait atteindre le minimum vieillesse à cette époque. Cette hausse est avancée au 1er juillet pro­ chain. En décembre, une nouvelle étape permettra de porter le mini­ mum vieillesse à 11 000 F. C'est ainsi une majoration de plus de 20 % qui aura été acquise en quelques mois par plus de deux mil­ lions de personnes. Par ailleurs, le Gouvernement entend améliorer les conditions de vie des personnes âgées en facilitant, si elles le souhaitent, leur maintien à domicile. Des projets de loi en ce sens vous seront soumis au cours de la présente session. En second lieu, la situation des veuves sera améliorée par l'augmentation en deux étapes du plafond des ressources au des­ sous duquel elles peuvent cumuler une pension qui leur est propre et une pension de réversion. En troisième lieu, les pensions des retraités du régime général qui ont liquidé leur retraite avant que n'entre en vigueur la loi du 31 décembre 1971 seront revalorisées de 5 % à compter du 1er octobre prochain. Enfin, pour atténuer les difficultés financières tenant au pas­ sage de l'activité professionnelle à la retraite, le Gouvernement proposera, dans la loi de finances pour 1978, d'instituer un abatte­ ment fiscal forfaitaire de 5 000 F sur le dernier revenu d'activité. Cet aménagement fiscal favorisera surtout les retraités dont le revenu est modeste. L'ensemble des dispositions à caractère social que je viens de présenter, qu'il s'agisse de l'emploi, des familles ou des personnes — 13 — âgées, est naturellement fort coûteux. En 1977, compte tenu des mesures relatives aux investissements prévus, les dépenses supplé­ mentaires pour le budget de l'État atteindront 3 300 millions de francs. La solidarité des Français doit donc s'exprimer aussi dans le financement de ces dépenses. Il ne saurait être question, en effet, de l'assurer par une création de monnaie. Le financement de ce programme sera obtenu pour partie par un effort fiscal, pour partie par une contribution des entreprises, pour partie par l'emprunt. Dans le cadre de la politique d'économie d'énergie, le Gou­ vernement propose de relever de façon modérée la taxe intérieure sur les produits pétroliers : 5 centimes par litre d'essence ordi­ naire, 6 centimes par litre de super-carburant, 4 centimes par litre de gazole. Le produit de cette mesure, qui doit s'élever à 860 millions de francs environ cette année et à 1 500 millions de francs l'an pro­ chain, permettra de financer la part des dépenses budgétaires qui ont un caractère permanent en 1978 et au-delà. De plus, une contribution exceptionnelle sera demandée en 1977 aux banques et aux assurances. Elle procurera une ressource de 650 millions de francs. Elle prendra la forme d'un raccourcis­ sement des délais de versement à l'État du produit de la taxe sur les conventions d'assurance et du prélèvement libératoire de 25 % perçu par les banques. Afin de financer le programme de formation et de stages en faveur des jeunes, dont une partie sera prise en charge par le budget de l'État, il est proposé au Parlement d'autoriser une majo­ ration exceptionnelle et non reconductible de la taxe d'apprentissage égale à 0,1 % des salaires. Le même projet de loi prévoira que les entreprises devront affecter également, à titre exceptionnel, aux dépenses d'adaptation des jeunes au premier emploi le cinquième de la contribution patronale à la formation continue. Ces mesures aboutissent, compte tenu de la ressource fiscale supplémentaire de 1 500 millions de francs, à un découvert budgé­ taire pour 1977 légèrement inférieur à 12 milliards de francs. Celui-ci sera financé par les moyens normaux de trésorerie à — 14 — hauteur de 6 milliards de francs. Pour couvrir le reste, le Gouver­ nement propose de lancer un emprunt d'État à long terme de 6 milliards de francs. Les souscripteurs de cet emprunt auront leur capital garanti par référence à l'ensemble des monnaies constituant l'unité de compte européenne. Dans la limite de 1 000 F par an et par déclarant, les intérêts de cet emprunt seront exonérés d'impôt sur le revenu. Cet abattement spécifique complétera celui qui, dans la limite de 3 000 F par an, est de droit commun pour les revenus des obligations. Ainsi le programme que propose le Gouvernement sera financé dans des conditions qui ne mettent pas en cause le rétablissement de nos équilibres. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le programme d'action que le Gouvernement a établi pour les prochains mois a pour objet de contribuer à faire sortir la France de la crise économique et sociale qui la frappe. Le Gouvernement ne l'a pas élaboré en limitant son horizon au terme de la présente législature. Il ne peut, certes, ignorer cette échéance ; mais, ainsi que je l'ai dit, une politique pour la France doit se concevoir en tenant compte de l'ampleur des problèmes intérieurs et extérieurs qui se posent à la nation. Aucun pays n'a relevé le défi de la crise qui frappe le monde depuis 1973 sans accepter un effort durable et soutenu. La France pas à pas domi­ nera, elle aussi, l'épreuve. A nous de lui indiquer la voie et de lui en fournir les moyens. Les mesures mises en œuvre en septembre dernier consti­ tuaient la première étape de notre redressement ; celles que le Gouvernement propose aujourd'hui en marquent une seconde. Mais, si la politique du Gouvernement doit suivre l'évolution des faits, elle ne saurait s'écarter de son inspiration profonde, ni renoncer à la continuité. Suspendre l'action entreprise pour retomber dans les facilités de l'inflation, ce serait condamner à brève échéance le pays à une période encore plus longue de rigueur et de contrainte. De plus, le monde dans lequel nous vivons est trop difficile et incertain pour que nous puissions penser avoir le temps devant nous et pour nous. Bien vite, le pays se rendrait compte qu'il a été abusé et il ne pardonnerait pas à ceux dont l'action l'aurait, plus encore, affaibli. — 15 — La politique du Gouvernement s'inscrit, d'autre part, dans le droit fil de celle qui a été poursuivie depuis vingt ans par les gouvernements successifs de la Ve République et par les majo­ rités parlementaires qui, de législature en législature, les ont fidè­ lement soutenus. Les principes de cette politique sont simples : assurer à la France la liberté, le progrès économique et social, l'indépendance ; édifier dans notre pays une société de participa­ tion, de responsabilité et de justice ; permettre à la France de jouer son rôle et de tenir son rang en Europe et dans le monde. Pour mener à bien sa tâche, le Gouvernement a besoin de la confiance du Parlement. Il la demande au Sénat, conformément à l'article 49, alinéa 4, de la Constitution. Dans les circonstances actuelles, il est indispensable que le pays sache que le Gouvernement est soutenu, sans arrière-pensée ni équivoque, par une majorité parlementaire unie et résolue. Je demande à la majorité de montrer au pays qu'elle ne doute pas d'elle-même. Elle peut mettre à l'actif de son bilan le remar­ quable développement économique et le considérable progrès social dont a bénéficié la France au cours des vingt dernières années. C'est à cette majorité que le pays doit le fonctionnement efficace de ses institutions. C'est à elle qu'il doit d'avoir pu affronter la plus sérieuse crise économique internationale depuis la fin de la seconde guerre mondiale sans désordre politique et social. Si la majorité écarte sans hésitation les surenchères démago­ giques, pour lesquelles elle trouvera toujours plus fort qu'elle, si elle défend avec fermeté les intérêts fondamentaux de la France et des Français, elle ralliera une fois de plus les Français autour d'elle . Ainsi évitera-t-elle à la France l'aventure politique, économique et sociale ; ainsi permettra-t-elle à la France de demeurer, dans le monde qui l'observe, un pays sûr de lui et respecté. La politique que doivent mener ensemble le Gouvernement et la majorité est la politique du courage. Il n'y en a d'ailleurs pas d'autre. Mais, si nous la menons, alors, je vous l'assure, la grande partie nationale et internationale où nous nous trouvons engagés sera une fois de plus gagnée par la France. Imprimerie des Journaux officiels, 26, rue Desaix, Paris (15')-