P Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques

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ONCO-PNEUMOLOGIE
Techniques innovantes
en radiothérapie
des cancers bronchiques
Innovative techniques in radiation oncology
for lung cancer
N. Pourel*
P
* Pôle Radiothérapie, Institut SainteCatherine, Avignon.
lus que jamais, la radiothérapie est un standard thérapeutique dans le traitement des
cancers bronchiques. Les années 1990 ont
permis de mieux connaître la toxicité du traitement et de limiter ses effets indésirables et ses
séquelles par la prise en compte du volume pulmonaire irradié et l’utilisation de techniques d’irradiation dites “conformationnelles”. Cependant, nous
restons confrontés à un taux élevé d’échec local,
en particulier en ce qui concerne les tumeurs les
plus volumineuses.
Figure 1. Système dédié à la radiothérapie en condition stéréotaxique (CyberKnife®,
société Accuray).
64 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011
La radiothérapie
hypofractionnée
en condition stéréotaxique
des stades précoces
Principes
La radiothérapie hypofractionnée en condition stéréotaxique (RTHS) consiste à délivrer un traitement
“concentré”, comportant peu de séances (3 à 10)
délivrant chacune une dose élevée d'irradiation (7,5 à
22 Gy) sur un “petit” volume tumoral (typiquement, un
cancer bronchique de stade IA) avec une précision millimétrique sur une durée de traitement de 1 à 2 semaines.
Cette technique d’irradiation fait appel à plusieurs faisceaux non coplanaires ou à de multiples arcs (selon
l’appareil employé), qui permettent de délivrer la dose
au sein du volume-cible avec une distribution dans
l’espace extrêmement précise ainsi qu’un gradient de
dose très marqué vers les tissus sains (1).
La dose délivrée par séance est élevée afin d’obtenir une
dose totale de l’ordre de 60 Gy en valeur arithmétique
mais qui représente en fait un équivalent biologique très
supérieur à 100 Gy en fractionnement classique (de type
2 Gy par séance, 4 à 5 jours par semaine) : une tumeur
périphérique de moins de 2 cm de diamètre pourra
recevoir 3 séances de 20 Gy en l’espace de 7 à 10 jours.
Du fait du risque de complications – en particulier de
saignement –, d’épanchement ou de pneumopathie, les
tumeurs centrales et/ou de volume important recevront
une plus faible dose par séance (7,5 à 12 Gy), étalée sur
un plus grand nombre de séances (5 à 8, réparties sur 2
à 3 semaines) [1-4].
Résumé
Les techniques innovantes en radiothérapie en 2011 s’orientent vers 2 directions principales : d’une part,
l’asservissement de la radiothérapie aux mouvements respiratoires, permettant de limiter le risque de
sous-dosage tumoral et de délivrer la dose la plus élevée possible en épargnant le parenchyme pulmonaire
sain, d’autre part le développement de techniques de traitement en conditions stéréotaxiques, permettant de délivrer l’irradiation avec une précision millimétrique, à des doses très élevées pour des tumeurs
de stade I. D’une manière plus générale, les oncologues-radiothérapeutes travaillent tous en réseau au
sein des réunions de concertation pluridisciplinaire et améliorent la prise en charge globale des patients
également par le biais de bilans d’extension plus précis, une stratégie thérapeutique concertée et un
travail de recherche clinique sur l’intégration des thérapies ciblées à la radiochimiothérapie concomitante.
Notion d’irradiation
en condition stéréotaxique
Fondamentalement, le terme “stéréotaxique” signifie
que l’accélérateur de particules est couplé à un
système de repérage dans l’espace permettant de
délivrer l’irradiation avec une précision millimétrique.
Ce système consistait historiquement en un cadre
fixé au patient, qui offrait la possibilité de repérer les
coordonnées de la cible dans l’espace avec la précision
requise. La nécessité de repérer la position de la cible
à tout moment de l’irradiation a conduit les constructeurs à enrichir leurs appareils de systèmes d’imagerie
disposés autour de la table de traitement et/ou embarqués sur l’appareil de traitement. On peut ainsi à tout
moment obtenir une image de la tumeur elle-même ou
d’un repère métallique implanté en son sein ou encore
de repères osseux à proximité : on parle alors de radiothérapie guidée par l’image, ou IGRT (image-guided
radiation therapy). Ces systèmes peuvent être intégrés
à un appareil dédié exclusivement à la radiothérapie
en condition stéréotaxique (CyberKnife®, société
Accuray, figure 1) ou s’additionner à un accélérateur
polyvalent (Novalis™, société Brainlab ; TrueBeam®,
société Varian ; Synergy®, société Elekta, figure 2).
Une des difficultés de ces traitements délivrant
une dose d’irradiation très élevée avec une grande
précision à chaque séance est la prise en compte des
incertitudes de position de la tumeur dans l’espace.
Ces incertitudes sont elles-mêmes liées à la mobilité
du patient sur la table de traitement mais surtout à
celle de la tumeur dans le corps du patient au cours
de la séance, en particulier pour des tumeurs T1-T2.
Les systèmes d’irradiation asservie à la respiration
(RAR) consistent en une irradiation dite “en 4 dimensions” (c’est-à-dire tenant compte de la position de la
tumeur dans les 3 dimensions de l’espace mais aussi
dans une partie du cycle respiratoire). Une deuxième
solution technique, plus élégante encore, consiste à
suivre les mouvements tumoraux par un système de
tracking (figure 3) permettant de repérer la position
de la tumeur par imagerie : les mouvements tumoraux
sont alors reproduits en temps réel par le bras articulé
de l’appareil – sorte de robot industriel capable de
reproduire en temps réel des mouvements très précis,
sur lequel est fixé un accélérateur de particules miniaturisé délivrant un fin faisceau de photons de haute
énergie (CyberKnife®, Accuray). Le robot effectue
alors l’irradiation, elle-même subdivisée en un très
grand nombre de faisceaux, en se déplaçant autour du
patient qui respire librement sans aucune contrainte.
L’inconvénient de cette technique reste cependant
un temps d’irradiation nettement supérieur à celui
que nécessite un accélérateur de particules classique.
Résultats
Nous disposons actuellement des résultats issus de
nombreuses séries historiques et études prospectives
Mots-clés
Cancer bronchique
Radiothérapie
Asservissement
à la respiration
Escalade de dose
Stéréotaxie
Abstract
In 2011, innovative radiation
oncology techniques are developed based on 2 main pathways.
Firstly, gating techniques allow
to limit the risk of geographic
miss due to respiratory shifts of
the tumoral volume. Secondly,
stereotactic body radiotherapy
allows to deliver higher doses
of radiation to the target volume
with a level of precision as low
as 2 mm or less, for limited-stage
disease or oligometastases to
the lung. More generally, radiation oncologists now work
within the frame of multidisciplinary committees, implement
more precise initial work-ups
and concerted treatment strategies and enroll their patients in
clinical trials integrating targeted
therapies into chemoradiation.
Keywords
Figure 2. Accélérateur modifié de type Novalis™,
sociétés Brainlab et Varian.
Lung cancer
Radiation oncology
Respiratory gating
Dose escalation
Stereotactic body
Figure 3. Système de tracking.
La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 |
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ONCO-PNEUMOLOGIE
Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques
Tableau I. Résultats d'études prospectives sur la RTHS pour des cancers bronchiques de stade I.
Étude
Dose totale
(Gy)
Fractionnement
(séances)
Effectif
(n)
Suivi médian
(mois)
Contrôle local
(%)
Survie globale
(%)
45
3
57
35
93,0
60,0 à 3 ans
30-70
2-10
115
14
T < 20 mm : 97
T > 20 mm : 95
89,8 à 3 ans
60,7 à 3 ans
60
3-8
206
12
93,0
64,0 à 2 ans
Fakiris AJ et al., 2009 (3)
60-66
3
70
50
88,1
42,7 à 3 ans
Onishi H et al., 2007 (7)
18-75
1-18
257
38
86,0
56,8 à 5 ans
Stephans KL et al., 2009 (6)
50-60
3-10
102
18
98,0
60,0 à 2 ans
54
3
59
34
98,0
55,8 à 3 ans
Baumann P et al., 2009 (9)
Inoue T et al., 2009 (5)
Lagerwaard FJ et al., 2008 (2)
Timmerman R et al., 2010 (8)
Tableau II. Complications aiguës et séquelles de la RTHS pour des cancers bronchiques de stade I.
Étude
Hémorragie
Épanchement
Pneumopathie
Fracture
de côte
Baumann P et al., 2009 (10)
Aucune
2
1
1
Inoue T et al., 2009 (5)
Aucune
1
4 (1 décès)
1
1
4
6
4
Fakiris AJ et al., 2009 (4)
1 (1 décès)
2
5 (3 décès)
Aucune
Onishi H et al., 2007 (7)
Aucune
Aucun
6
4
ND*
ND*
Aucune
ND*
2
Aucun
2
3
Lagerwaard FJ et al., 2008 (2)
Stephans KL et al., 2009 (6)
Timmerman R et al., 2010 (8)
* Données non disponibles.
de phase II portant sur la RTHS pour des tumeurs de
stade I (T1 ou T2N0M0, tableau I). Leurs résultats
sont globalement concordants : le taux de contrôle
local peut atteindre plus de 90 % (2, 3, 5-9).
Les déterminants du contrôle local sont essentiellement le volume tumoral et l’équivalent biologique de dose délivrée (Biological Equivalent Dose
[BED]) supérieure ou inférieure à 100 Gy (7), celle-ci
étant généralement inversement proportionnelle au
volume tumoral (plus le volume tumoral est élevé,
plus la dose délivrée doit être réduite du fait du
risque de complications) [2, 9].
La survie globale varie dans ces séries, mais elle
approche des résultats obtenus par la chirurgie :
elle est de l’ordre de 60 % à 3 ans, avec un plateau
au-delà ; elle semble surtout déterminée par le stade
tumoral (IA contre IB) [5] et corrélée à la fonction
respiratoire et/ou à l’opérabilité des patients avant
traitement (6, 7). Lorsqu’on regarde le détail de
la mortalité spécifique, on découvre que celle-ci
est faible, inférieure à 15 % à 3 ans (8, 9) et qu'elle
est également fortement déterminée par le stade
66 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011
tumoral, avec un risque d’échec local et de métastases significativement plus élevé pour les tumeurs
de stade IB (2, 9). De nombreux patients fragiles
traités dans ces séries meurent effectivement
d’autres causes, en particulier d’insuffisance respiratoire ou cardiaque et d’accidents vasculaires (6, 10).
Les complications aiguës et les séquelles tardives
graves sont rares dans les séries publiées récemment
(tableau II), ce qui dénote une bonne maîtrise de ces
risques dans la pratique actuelle. Ces derniers sont
essentiellement conditionnés par la fonction respiratoire du patient (2, 6, 7), par le volume tumoral
irradié (5, 6), mais également par la topographie
tumorale (2-4). La dose délivrée (dose par séance
moins élevée, nombre de fractions plus grand) est
à adapter selon qu’on traite une tumeur centrale ou
non, du fait du risque accru de complications (2-4).
La RTHS est-elle
un standard thérapeutique
au stade I en 2011 ?
Avec un taux de contrôle local de l’ordre de 85
à 90 % et une survie spécifique à long terme de
l’ordre de 55 à 60 %, la question se pose de faire
de la RTHS un standard thérapeutique pour des
tumeurs de stade I. En 2011, nous disposons de
résultats concernant la radiothérapie conformationnelle (RTHC), associée ou non à une chimiothérapie
concomitante, qui paraissent nettement inférieurs,
avec des taux de récidive locale atteignant 55 à
70 % et des taux de survie spécifique à 5 ans entre
13 et 39 % (4, 11).
Cependant, aucune étude randomisée RTHS
contre RTHC n’a jamais été publiée. De surcroît,
2 études rétrospectives monocentriques publiées
Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques
récemment (11, 12), utilisant une technique d’irradiation conventionnelle (de 2 à 4 faisceaux),
hypofractionnée et accélérée (2,5 à 4 Gy par séance,
5 séances par semaine) ou normofractionnée avec
chimiothérapie concomitante (2 Gy par séance,
5 séances par semaine) pour une dose totale de
48 à 66 Gy, semblent montrer des résultats similaires à la RTHS pour des tumeurs T1-T3N0M0.
Le taux de contrôle local à 2 ans est de l’ordre de
55 à 76 % selon le stade tumoral, et le taux de survie
spécifique semble pouvoir atteindre 67,6 % à 2 ans.
Les auteurs admettent cependant que le taux de
survie spécifique a pu être surestimé dans la mesure
où il s’agit d’une étude rétrospective fondée sur les
données disponibles dans les dossiers des patients. Il
est remarquable que ces résultats “encourageants” et
peu différents de ceux obtenus grâce à une technique
complexe de radiothérapie comme la RTHS aient été
obtenus grâce une irradiation conformationnelle
“classique” et simple (2 à 4 champs statiques coplanaires). Il semble donc qu’une irradiation conformationnelle hypofractionnée exclusive pour une tumeur
de stade I soit toujours une option thérapeutique
acceptable en 2011.
De manière assez étonnante, la radiothérapie a
évolué en précision et en efficacité au point de
rivaliser avec la chirurgie, en particulier en ce qui
concerne les tumeurs de stade IA (de moins de 3 cm
à leur plus grande dimension). I.S. Grills et al. (13)
ont publié une étude monocentrique comparative
(cependant non randomisée) concernant les résultats obtenus chez des patients opérés par wedge
resection (WR) entre février 2003 et août 2008
et chez des patients traités par RTHS pour cancer
bronchique non à petites cellules (CBNPC) de
stade IA. Tous ces patients sont fonctionnellement
éligibles pour une lobectomie ; parmi ceux qui ont
reçu une RTHS, 95 % sont inopérables en raison
de leurs antécédents et 5 % ont refusé la chirurgie.
Avec un recul médian de 2,5 ans, le taux de survie
sans récidive à 30 mois atteint 77 % pour la RTHS
et 65 % pour la WR (p = 0,16). En termes de récidive
locale à 30 mois, on observe une tendance en faveur
de la RTHS par rapport à la WR (2 % contre 4 %,
p = 0,07) ; en termes de survie spécifique à 30 mois,
on n’observe aucune différence entre les 2 (93 %
contre 94 %, p = non significatif) ; en revanche, la
survie globale est meilleure après une WR qu’après
une RTHS (87 % contre 72 %, p = 0,01), probablement du fait de l’excès de comorbidités et d’un âge
plus avancé chez les patients irradiés.
Les partisans les plus enthousiastes de la RTHS (1, 14)
en déduisent que celle-ci peut concurrencer la
ONCO-PNEUMOLOGIE
chirurgie dans cette indication, en particulier pour
des sujets âgés et/ou porteurs de comorbidités,
et des essais thérapeutiques randomisés sont en
cours (l’essai ROSEL en Europe, l’Accuray CyberKnife
Trial dans le monde et prochainement l’essai RTOG
en Amérique du Nord). Les détracteurs de cette
étude (13) soulignent les limites méthodologiques
de la comparaison rétrospective de 2 cohortes de
patients et le fait que la WR n’est pas un traitement
standard (taux de récidive locale attendu : de 25 à
40 %) mais plutôt la segmentectomie (15).
La radiochimiothérapie
concomitante
des stades avancés
Escalade de dose
La récidive locale après radiochimiothérapie reste
une cause majeure d’échec thérapeutique, avec des
taux de contrôle local très inférieurs à 50 % : il paraît
donc nécessaire de délivrer la dose la plus importante possible afin de limiter ce risque tout en tenant
compte de la toxicité de l’irradiation (en particulier
pulmonaire). Les techniques “classiques” de radiothérapie ne permettent pas de délivrer plus de 60 Gy,
en particulier du fait de l’irradiation prophylactique
des ganglions médiastinaux à la dose de 40 Gy, la
dose maximale tolérable délivrée aux poumons
étant souvent atteinte (volume pulmonaire recevant plus de 20 Gy [V20] < 35 % ou dose moyenne
pulmonaire < 20 Gy). La clé de l’escalade de dose
est de délivrer l’irradiation dans un volume restreint
à la tumeur primitive et aux adénopathies sans
irradiation ganglionnaire prophylactique médiastinale et/ou sus-claviculaire (appelée “radiothérapie
involved-field”, figure 4, p. 70) [16-18].
L’évolution actuelle des pratiques va vers l’abandon
de l’irradiation médiastinale prophylactique, pour les
tumeurs de stade III inopérables, dans un contexte
général de radiochimiothérapie concomitante dont
le volume cible est déterminé à l’aide du scanner
spiralé injecté mais également à l’aide d’images
TEP-TDM fusionnées. Sur le plan dosimétrique, il en
résulte que l’on peut en moyenne délivrer une dose
supérieure à la tumeur primitive et aux adénopathies sans augmenter significativement le risque de
récidive ganglionnaire ou à distance (17, 18). L’escalade de dose au sein de tumeurs inopérables jusqu’à
des valeurs de l’ordre de 84 Gy permet également
de porter le contrôle local au-delà de 50 % tout en
La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 |
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ONCO-PNEUMOLOGIE
Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques
Dose standard, volume étendu
Dose maximale, volume restreint
Tumeur
Tumeur
Figure 4. Concept de radiothérapie involved-field.
Tableau III. Études d’escalade de dose du RTOG (19) et de l’université du Michigan (20).
Étude RTOG
Étude de l’université
du Michigan
177 (46 % au stade III)
106 (57 % au stade III)
Suivi médian (mois)
13,4-24
103
Dose, min.-max. (Gy)
70,9-90,3
63-103
Survie médiane (mois)
ND*
19
Survie globale à 5 ans
(en fonction de la dose délivrée)
ND*
–
–
4 % (63-69 Gy)
22 % (74-84 Gy)
28 % (92-103 Gy)
Contrôle local à 2 ans
(en fonction de la dose délivrée) 50-68 % (70,9 Gy)
69-78 % (77,4 Gy)
55 % (83,8 Gy)
73 % (90,3 Gy)
–
34 % (63-69 Gy)
47 % (74-84 Gy)
49 % (92-103 Gy)
ND*
Dose totale, statut N
Patients (n)
Facteurs prédictifs de survie
* Données non disponibles.
respectant un taux acceptable (19) de complications
(tableau III), la dose délivrée et le statut ganglionnaire restant par ailleurs des facteurs prédictifs de
survie (20).
Un essai thérapeutique de phase III (21) illustre de
manière définitive l’intérêt d’une technique innovante
de radiothérapie conformationnelle involved-field
avec escalade de dose en la comparant à une technique classique avec irradiation médiastinale prophylactique. Les patients, tous atteints de CBNPC au
stade III inopérables, sont irradiés avec une chimiothérapie concomitante (à base de sels de platine, 4 à
6 cycles, l’irradiation débutant au deuxième cycle).
70 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011
Les patients sont randomisés dans un bras radiothérapie involved-field (dose délivrée : 68 à 74 Gy)
contre un bras radiothérapie médiastinale prophylactique (dose délivrée : 60 à 64 Gy). Avec un suivi de
45 mois des survivants, la survie globale à 2 ans est
de 39,4 % dans le bras radiothérapie involved-field
contre 25,6 % dans le bras radiothérapie médiastinale prophylactique (p = 0,048). L’analyse à long
terme des résultats met également en évidence une
différence significative en termes de contrôle local à
5 ans : 51 % contre 36 % (p = 0,032), sans toutefois
de différence significative en termes de survie globale
(25,1 % contre 18,3 %). Malgré une dose prescrite
supérieure (68 à 74 Gy), la radiothérapie involvedfield entraîne également moins de pneumopathies
radiques (17 % contre 29 %, p = 0,044).
L’ensemble de ces résultats paraît donc cohérent
et nous incite à délivrer la dose d’irradiation la plus
importante possible dans un volume cible restreint à
la tumeur primitive et aux adénopathies décelables
en imagerie (figure 4).
Évolutions techniques
La première étape de la radiothérapie reste le
contourage le plus précis possible du volume cible,
qui comprend la tumeur et les adénopathies hilaires
et médiastinales avoisinantes (22). Ce contourage
est actuellement effectué à partir d’une acquisition
par scanner dédié à la radiothérapie : le patient est
installé dans la position du traitement (c’est-à-dire
les bras relevés au-dessus de la tête) et placé dans un
dispositif de contention personnalisé, de type coque
ONCO-PNEUMOLOGIE
thermoformée, Alpha Cradle® ou autre (figure 5).
L’acquisition est spiralée, en coupes fines (2 à 3 mm) et
jointives, avec injection de produit de contraste iodé.
Les images sont transmises par un réseau informatique
vers une station de calcul dosimétrique. Le contourage du volume cible macroscopique (Gross Tumor
Volume [GTV]) est ainsi effectué coupe par coupe à
l’aide des images du PET scan du bilan d’extension
(qui peuvent éventuellement être fusionnées avec
les images du scanner de simulation). Le PET scan
permet notamment de distinguer la tumeur au sein
d’une zone d’atélectasie et d’inclure dans le GTV des
ganglions pathologiques qui n’auraient pas été considérés comme significatifs par le scanner (c’est-à-dire
ceux supérieurs à 1 cm de petit axe). Le volume cible
anatomoclinique (Clinical Target Volume [CTV]) prend
en compte les extensions microscopiques de la tumeur,
en particulier le long de l’arbre bronchique, et peut
être défini par l’addition d’un second contour manuel
autour du GTV et/ou par une expansion automatique
isotrope. L’ajout d’une marge de 6 à 8 mm selon le
type histologique de la tumeur est communément
admis (23). Enfin, le volume prévisionnel d’irradiation
(Planning Target Volume [PTV]) est obtenu par expansion isotrope autour du CTV, prenant ainsi en compte
les incertitudes de positionnement du patient et de la
tumeur : la marge nécessaire est de l’ordre 5 à 15 mm
selon qu’il s’agit de tumeurs de l’apex ou de ganglions
médiastinaux (les moins mobiles) ou de tumeurs du
lobe inférieur (les plus mobiles).
L’addition de ces différentes marges autour du
GTV conduit à une augmentation considérable
du volume d’organes sains irradiés et en particulier de parenchyme pulmonaire. Les techniques
modernes de radiothérapie visent donc à réduire
les incertitudes de positionnement tumoral liées à
la mobilité du patient, mais également à celle de la
tumeur (24, 25). Plus le volume du PTV est restreint,
plus la dose délivrée pourra ainsi être élevée sans
dépasser les seuils de risque de pneumopathie
radique communément admis (V20 < 35 % ou dose
moyenne pulmonaire < 20 Gy) [16, 22].
Les séances d’irradiation sont effectuées à l’aide
de moyens de contention personnalisés (figure 5)
permettant de réduire l’incertitude de positionnement du patient (24, 26). Ce type de dispositif a
plusieurs objectifs : réduire les incertitudes de positionnement mais également le temps de réalisation
de la séance en apportant de la précision aux manipulateurs et du confort aux patients. Ils permettent
de réduire la marge liée à l’incertitude de positionnement du patient à environ 5 mm en additionnant
les erreurs systématique et aléatoire.
Les incertitudes de positionnement de la tumeur
primitive sont liées aux mouvements respiratoires et
3 stratégies existent pour les compenser : la synchronisation de l’irradiation sur une partie du cycle respiratoire (“gating respiratoire”), l’irradiation en inspiration
bloquée et enfin le tracking qui consiste à faire suivre
les mouvements de la tumeur par l’accélérateur de
particules (plus adapté à l’irradiation en condition
stéréotaxique des cancers de stade précoce, cf. supra
et figure 3). Le gating respiratoire est effectué grâce
à l’acquisition des images du patient, à l’aide d’un
scanner en 4D, qui rend compte de ces mouvements
respiratoires et permet de déduire la position de la
tumeur sur une partie du cycle. Cette acquisition
offre la possibilté de pouvoir être réalisée sans la
participation active du patient mais l’inconvénient
est que, lors de la séance, le patient doit respirer de
manière “idéale”, avec une grande régularité, sans
altérer le bénéfice apporté par la synchronisation.
L’irradiation en inspiration bloquée présente l’avantage
clinique d’une plus grande reproductibilité séance
après séance, l’irradiation étant délivrée en inspiration maximale à l’aide d’un spiromètre et de lunettes
vidéo laissant percevoir au patient sa courbe spirométrique. L’irradiation est délivrée lorsque le volume
courant souhaité est atteint, la tumeur étant immobile
(figure 6, p. 72). Cependant, la réalisation de cette
technique est dépendante de l’état respiratoire et
Figure 5. Système de contention personnalisé.
La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 |
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Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques
de concentration du patient, qui peut s’altérer au
cours du traitement. Du point de vue dosimétrique,
cette technique présente un avantage définitif sur la
première : l’irradiation est délivrée alors que le volume
pulmonaire est maximal, ce qui permet d’obtenir la
dose moyenne pulmonaire la plus faible possible (27).
L’installation du système de blocage représente par
ailleurs un coût modique comparativement à la technique du gating (28).
Conclusion
Figure 6. Système d’asservissement de la radiothérapie en blocage inspiratoire.
Toutes les innovations en cours de déploiement en
radiothérapie oncologique en 2011 visent finalement à
un seul et même but : réduire le risque de récidive local
des cancers bronchiques irradiés, qui reste actuellement une cause majeure d’échec des traitements non
chirurgicaux des cancers bronchiques.
■
Références bibliographiques
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