ONCO-PNEUMOLOGIE Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques Innovative techniques in radiation oncology for lung cancer N. Pourel* P * Pôle Radiothérapie, Institut SainteCatherine, Avignon. lus que jamais, la radiothérapie est un standard thérapeutique dans le traitement des cancers bronchiques. Les années 1990 ont permis de mieux connaître la toxicité du traitement et de limiter ses effets indésirables et ses séquelles par la prise en compte du volume pulmonaire irradié et l’utilisation de techniques d’irradiation dites “conformationnelles”. Cependant, nous restons confrontés à un taux élevé d’échec local, en particulier en ce qui concerne les tumeurs les plus volumineuses. Figure 1. Système dédié à la radiothérapie en condition stéréotaxique (CyberKnife®, société Accuray). 64 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 La radiothérapie hypofractionnée en condition stéréotaxique des stades précoces Principes La radiothérapie hypofractionnée en condition stéréotaxique (RTHS) consiste à délivrer un traitement “concentré”, comportant peu de séances (3 à 10) délivrant chacune une dose élevée d'irradiation (7,5 à 22 Gy) sur un “petit” volume tumoral (typiquement, un cancer bronchique de stade IA) avec une précision millimétrique sur une durée de traitement de 1 à 2 semaines. Cette technique d’irradiation fait appel à plusieurs faisceaux non coplanaires ou à de multiples arcs (selon l’appareil employé), qui permettent de délivrer la dose au sein du volume-cible avec une distribution dans l’espace extrêmement précise ainsi qu’un gradient de dose très marqué vers les tissus sains (1). La dose délivrée par séance est élevée afin d’obtenir une dose totale de l’ordre de 60 Gy en valeur arithmétique mais qui représente en fait un équivalent biologique très supérieur à 100 Gy en fractionnement classique (de type 2 Gy par séance, 4 à 5 jours par semaine) : une tumeur périphérique de moins de 2 cm de diamètre pourra recevoir 3 séances de 20 Gy en l’espace de 7 à 10 jours. Du fait du risque de complications – en particulier de saignement –, d’épanchement ou de pneumopathie, les tumeurs centrales et/ou de volume important recevront une plus faible dose par séance (7,5 à 12 Gy), étalée sur un plus grand nombre de séances (5 à 8, réparties sur 2 à 3 semaines) [1-4]. Résumé Les techniques innovantes en radiothérapie en 2011 s’orientent vers 2 directions principales : d’une part, l’asservissement de la radiothérapie aux mouvements respiratoires, permettant de limiter le risque de sous-dosage tumoral et de délivrer la dose la plus élevée possible en épargnant le parenchyme pulmonaire sain, d’autre part le développement de techniques de traitement en conditions stéréotaxiques, permettant de délivrer l’irradiation avec une précision millimétrique, à des doses très élevées pour des tumeurs de stade I. D’une manière plus générale, les oncologues-radiothérapeutes travaillent tous en réseau au sein des réunions de concertation pluridisciplinaire et améliorent la prise en charge globale des patients également par le biais de bilans d’extension plus précis, une stratégie thérapeutique concertée et un travail de recherche clinique sur l’intégration des thérapies ciblées à la radiochimiothérapie concomitante. Notion d’irradiation en condition stéréotaxique Fondamentalement, le terme “stéréotaxique” signifie que l’accélérateur de particules est couplé à un système de repérage dans l’espace permettant de délivrer l’irradiation avec une précision millimétrique. Ce système consistait historiquement en un cadre fixé au patient, qui offrait la possibilité de repérer les coordonnées de la cible dans l’espace avec la précision requise. La nécessité de repérer la position de la cible à tout moment de l’irradiation a conduit les constructeurs à enrichir leurs appareils de systèmes d’imagerie disposés autour de la table de traitement et/ou embarqués sur l’appareil de traitement. On peut ainsi à tout moment obtenir une image de la tumeur elle-même ou d’un repère métallique implanté en son sein ou encore de repères osseux à proximité : on parle alors de radiothérapie guidée par l’image, ou IGRT (image-guided radiation therapy). Ces systèmes peuvent être intégrés à un appareil dédié exclusivement à la radiothérapie en condition stéréotaxique (CyberKnife®, société Accuray, figure 1) ou s’additionner à un accélérateur polyvalent (Novalis™, société Brainlab ; TrueBeam®, société Varian ; Synergy®, société Elekta, figure 2). Une des difficultés de ces traitements délivrant une dose d’irradiation très élevée avec une grande précision à chaque séance est la prise en compte des incertitudes de position de la tumeur dans l’espace. Ces incertitudes sont elles-mêmes liées à la mobilité du patient sur la table de traitement mais surtout à celle de la tumeur dans le corps du patient au cours de la séance, en particulier pour des tumeurs T1-T2. Les systèmes d’irradiation asservie à la respiration (RAR) consistent en une irradiation dite “en 4 dimensions” (c’est-à-dire tenant compte de la position de la tumeur dans les 3 dimensions de l’espace mais aussi dans une partie du cycle respiratoire). Une deuxième solution technique, plus élégante encore, consiste à suivre les mouvements tumoraux par un système de tracking (figure 3) permettant de repérer la position de la tumeur par imagerie : les mouvements tumoraux sont alors reproduits en temps réel par le bras articulé de l’appareil – sorte de robot industriel capable de reproduire en temps réel des mouvements très précis, sur lequel est fixé un accélérateur de particules miniaturisé délivrant un fin faisceau de photons de haute énergie (CyberKnife®, Accuray). Le robot effectue alors l’irradiation, elle-même subdivisée en un très grand nombre de faisceaux, en se déplaçant autour du patient qui respire librement sans aucune contrainte. L’inconvénient de cette technique reste cependant un temps d’irradiation nettement supérieur à celui que nécessite un accélérateur de particules classique. Résultats Nous disposons actuellement des résultats issus de nombreuses séries historiques et études prospectives Mots-clés Cancer bronchique Radiothérapie Asservissement à la respiration Escalade de dose Stéréotaxie Abstract In 2011, innovative radiation oncology techniques are developed based on 2 main pathways. Firstly, gating techniques allow to limit the risk of geographic miss due to respiratory shifts of the tumoral volume. Secondly, stereotactic body radiotherapy allows to deliver higher doses of radiation to the target volume with a level of precision as low as 2 mm or less, for limited-stage disease or oligometastases to the lung. More generally, radiation oncologists now work within the frame of multidisciplinary committees, implement more precise initial work-ups and concerted treatment strategies and enroll their patients in clinical trials integrating targeted therapies into chemoradiation. Keywords Figure 2. Accélérateur modifié de type Novalis™, sociétés Brainlab et Varian. Lung cancer Radiation oncology Respiratory gating Dose escalation Stereotactic body Figure 3. Système de tracking. La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 65 ONCO-PNEUMOLOGIE Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques Tableau I. Résultats d'études prospectives sur la RTHS pour des cancers bronchiques de stade I. Étude Dose totale (Gy) Fractionnement (séances) Effectif (n) Suivi médian (mois) Contrôle local (%) Survie globale (%) 45 3 57 35 93,0 60,0 à 3 ans 30-70 2-10 115 14 T < 20 mm : 97 T > 20 mm : 95 89,8 à 3 ans 60,7 à 3 ans 60 3-8 206 12 93,0 64,0 à 2 ans Fakiris AJ et al., 2009 (3) 60-66 3 70 50 88,1 42,7 à 3 ans Onishi H et al., 2007 (7) 18-75 1-18 257 38 86,0 56,8 à 5 ans Stephans KL et al., 2009 (6) 50-60 3-10 102 18 98,0 60,0 à 2 ans 54 3 59 34 98,0 55,8 à 3 ans Baumann P et al., 2009 (9) Inoue T et al., 2009 (5) Lagerwaard FJ et al., 2008 (2) Timmerman R et al., 2010 (8) Tableau II. Complications aiguës et séquelles de la RTHS pour des cancers bronchiques de stade I. Étude Hémorragie Épanchement Pneumopathie Fracture de côte Baumann P et al., 2009 (10) Aucune 2 1 1 Inoue T et al., 2009 (5) Aucune 1 4 (1 décès) 1 1 4 6 4 Fakiris AJ et al., 2009 (4) 1 (1 décès) 2 5 (3 décès) Aucune Onishi H et al., 2007 (7) Aucune Aucun 6 4 ND* ND* Aucune ND* 2 Aucun 2 3 Lagerwaard FJ et al., 2008 (2) Stephans KL et al., 2009 (6) Timmerman R et al., 2010 (8) * Données non disponibles. de phase II portant sur la RTHS pour des tumeurs de stade I (T1 ou T2N0M0, tableau I). Leurs résultats sont globalement concordants : le taux de contrôle local peut atteindre plus de 90 % (2, 3, 5-9). Les déterminants du contrôle local sont essentiellement le volume tumoral et l’équivalent biologique de dose délivrée (Biological Equivalent Dose [BED]) supérieure ou inférieure à 100 Gy (7), celle-ci étant généralement inversement proportionnelle au volume tumoral (plus le volume tumoral est élevé, plus la dose délivrée doit être réduite du fait du risque de complications) [2, 9]. La survie globale varie dans ces séries, mais elle approche des résultats obtenus par la chirurgie : elle est de l’ordre de 60 % à 3 ans, avec un plateau au-delà ; elle semble surtout déterminée par le stade tumoral (IA contre IB) [5] et corrélée à la fonction respiratoire et/ou à l’opérabilité des patients avant traitement (6, 7). Lorsqu’on regarde le détail de la mortalité spécifique, on découvre que celle-ci est faible, inférieure à 15 % à 3 ans (8, 9) et qu'elle est également fortement déterminée par le stade 66 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 tumoral, avec un risque d’échec local et de métastases significativement plus élevé pour les tumeurs de stade IB (2, 9). De nombreux patients fragiles traités dans ces séries meurent effectivement d’autres causes, en particulier d’insuffisance respiratoire ou cardiaque et d’accidents vasculaires (6, 10). Les complications aiguës et les séquelles tardives graves sont rares dans les séries publiées récemment (tableau II), ce qui dénote une bonne maîtrise de ces risques dans la pratique actuelle. Ces derniers sont essentiellement conditionnés par la fonction respiratoire du patient (2, 6, 7), par le volume tumoral irradié (5, 6), mais également par la topographie tumorale (2-4). La dose délivrée (dose par séance moins élevée, nombre de fractions plus grand) est à adapter selon qu’on traite une tumeur centrale ou non, du fait du risque accru de complications (2-4). La RTHS est-elle un standard thérapeutique au stade I en 2011 ? Avec un taux de contrôle local de l’ordre de 85 à 90 % et une survie spécifique à long terme de l’ordre de 55 à 60 %, la question se pose de faire de la RTHS un standard thérapeutique pour des tumeurs de stade I. En 2011, nous disposons de résultats concernant la radiothérapie conformationnelle (RTHC), associée ou non à une chimiothérapie concomitante, qui paraissent nettement inférieurs, avec des taux de récidive locale atteignant 55 à 70 % et des taux de survie spécifique à 5 ans entre 13 et 39 % (4, 11). Cependant, aucune étude randomisée RTHS contre RTHC n’a jamais été publiée. De surcroît, 2 études rétrospectives monocentriques publiées Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques récemment (11, 12), utilisant une technique d’irradiation conventionnelle (de 2 à 4 faisceaux), hypofractionnée et accélérée (2,5 à 4 Gy par séance, 5 séances par semaine) ou normofractionnée avec chimiothérapie concomitante (2 Gy par séance, 5 séances par semaine) pour une dose totale de 48 à 66 Gy, semblent montrer des résultats similaires à la RTHS pour des tumeurs T1-T3N0M0. Le taux de contrôle local à 2 ans est de l’ordre de 55 à 76 % selon le stade tumoral, et le taux de survie spécifique semble pouvoir atteindre 67,6 % à 2 ans. Les auteurs admettent cependant que le taux de survie spécifique a pu être surestimé dans la mesure où il s’agit d’une étude rétrospective fondée sur les données disponibles dans les dossiers des patients. Il est remarquable que ces résultats “encourageants” et peu différents de ceux obtenus grâce à une technique complexe de radiothérapie comme la RTHS aient été obtenus grâce une irradiation conformationnelle “classique” et simple (2 à 4 champs statiques coplanaires). Il semble donc qu’une irradiation conformationnelle hypofractionnée exclusive pour une tumeur de stade I soit toujours une option thérapeutique acceptable en 2011. De manière assez étonnante, la radiothérapie a évolué en précision et en efficacité au point de rivaliser avec la chirurgie, en particulier en ce qui concerne les tumeurs de stade IA (de moins de 3 cm à leur plus grande dimension). I.S. Grills et al. (13) ont publié une étude monocentrique comparative (cependant non randomisée) concernant les résultats obtenus chez des patients opérés par wedge resection (WR) entre février 2003 et août 2008 et chez des patients traités par RTHS pour cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) de stade IA. Tous ces patients sont fonctionnellement éligibles pour une lobectomie ; parmi ceux qui ont reçu une RTHS, 95 % sont inopérables en raison de leurs antécédents et 5 % ont refusé la chirurgie. Avec un recul médian de 2,5 ans, le taux de survie sans récidive à 30 mois atteint 77 % pour la RTHS et 65 % pour la WR (p = 0,16). En termes de récidive locale à 30 mois, on observe une tendance en faveur de la RTHS par rapport à la WR (2 % contre 4 %, p = 0,07) ; en termes de survie spécifique à 30 mois, on n’observe aucune différence entre les 2 (93 % contre 94 %, p = non significatif) ; en revanche, la survie globale est meilleure après une WR qu’après une RTHS (87 % contre 72 %, p = 0,01), probablement du fait de l’excès de comorbidités et d’un âge plus avancé chez les patients irradiés. Les partisans les plus enthousiastes de la RTHS (1, 14) en déduisent que celle-ci peut concurrencer la ONCO-PNEUMOLOGIE chirurgie dans cette indication, en particulier pour des sujets âgés et/ou porteurs de comorbidités, et des essais thérapeutiques randomisés sont en cours (l’essai ROSEL en Europe, l’Accuray CyberKnife Trial dans le monde et prochainement l’essai RTOG en Amérique du Nord). Les détracteurs de cette étude (13) soulignent les limites méthodologiques de la comparaison rétrospective de 2 cohortes de patients et le fait que la WR n’est pas un traitement standard (taux de récidive locale attendu : de 25 à 40 %) mais plutôt la segmentectomie (15). La radiochimiothérapie concomitante des stades avancés Escalade de dose La récidive locale après radiochimiothérapie reste une cause majeure d’échec thérapeutique, avec des taux de contrôle local très inférieurs à 50 % : il paraît donc nécessaire de délivrer la dose la plus importante possible afin de limiter ce risque tout en tenant compte de la toxicité de l’irradiation (en particulier pulmonaire). Les techniques “classiques” de radiothérapie ne permettent pas de délivrer plus de 60 Gy, en particulier du fait de l’irradiation prophylactique des ganglions médiastinaux à la dose de 40 Gy, la dose maximale tolérable délivrée aux poumons étant souvent atteinte (volume pulmonaire recevant plus de 20 Gy [V20] < 35 % ou dose moyenne pulmonaire < 20 Gy). La clé de l’escalade de dose est de délivrer l’irradiation dans un volume restreint à la tumeur primitive et aux adénopathies sans irradiation ganglionnaire prophylactique médiastinale et/ou sus-claviculaire (appelée “radiothérapie involved-field”, figure 4, p. 70) [16-18]. L’évolution actuelle des pratiques va vers l’abandon de l’irradiation médiastinale prophylactique, pour les tumeurs de stade III inopérables, dans un contexte général de radiochimiothérapie concomitante dont le volume cible est déterminé à l’aide du scanner spiralé injecté mais également à l’aide d’images TEP-TDM fusionnées. Sur le plan dosimétrique, il en résulte que l’on peut en moyenne délivrer une dose supérieure à la tumeur primitive et aux adénopathies sans augmenter significativement le risque de récidive ganglionnaire ou à distance (17, 18). L’escalade de dose au sein de tumeurs inopérables jusqu’à des valeurs de l’ordre de 84 Gy permet également de porter le contrôle local au-delà de 50 % tout en La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 69 ONCO-PNEUMOLOGIE Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques Dose standard, volume étendu Dose maximale, volume restreint Tumeur Tumeur Figure 4. Concept de radiothérapie involved-field. Tableau III. Études d’escalade de dose du RTOG (19) et de l’université du Michigan (20). Étude RTOG Étude de l’université du Michigan 177 (46 % au stade III) 106 (57 % au stade III) Suivi médian (mois) 13,4-24 103 Dose, min.-max. (Gy) 70,9-90,3 63-103 Survie médiane (mois) ND* 19 Survie globale à 5 ans (en fonction de la dose délivrée) ND* – – 4 % (63-69 Gy) 22 % (74-84 Gy) 28 % (92-103 Gy) Contrôle local à 2 ans (en fonction de la dose délivrée) 50-68 % (70,9 Gy) 69-78 % (77,4 Gy) 55 % (83,8 Gy) 73 % (90,3 Gy) – 34 % (63-69 Gy) 47 % (74-84 Gy) 49 % (92-103 Gy) ND* Dose totale, statut N Patients (n) Facteurs prédictifs de survie * Données non disponibles. respectant un taux acceptable (19) de complications (tableau III), la dose délivrée et le statut ganglionnaire restant par ailleurs des facteurs prédictifs de survie (20). Un essai thérapeutique de phase III (21) illustre de manière définitive l’intérêt d’une technique innovante de radiothérapie conformationnelle involved-field avec escalade de dose en la comparant à une technique classique avec irradiation médiastinale prophylactique. Les patients, tous atteints de CBNPC au stade III inopérables, sont irradiés avec une chimiothérapie concomitante (à base de sels de platine, 4 à 6 cycles, l’irradiation débutant au deuxième cycle). 70 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 Les patients sont randomisés dans un bras radiothérapie involved-field (dose délivrée : 68 à 74 Gy) contre un bras radiothérapie médiastinale prophylactique (dose délivrée : 60 à 64 Gy). Avec un suivi de 45 mois des survivants, la survie globale à 2 ans est de 39,4 % dans le bras radiothérapie involved-field contre 25,6 % dans le bras radiothérapie médiastinale prophylactique (p = 0,048). L’analyse à long terme des résultats met également en évidence une différence significative en termes de contrôle local à 5 ans : 51 % contre 36 % (p = 0,032), sans toutefois de différence significative en termes de survie globale (25,1 % contre 18,3 %). Malgré une dose prescrite supérieure (68 à 74 Gy), la radiothérapie involvedfield entraîne également moins de pneumopathies radiques (17 % contre 29 %, p = 0,044). L’ensemble de ces résultats paraît donc cohérent et nous incite à délivrer la dose d’irradiation la plus importante possible dans un volume cible restreint à la tumeur primitive et aux adénopathies décelables en imagerie (figure 4). Évolutions techniques La première étape de la radiothérapie reste le contourage le plus précis possible du volume cible, qui comprend la tumeur et les adénopathies hilaires et médiastinales avoisinantes (22). Ce contourage est actuellement effectué à partir d’une acquisition par scanner dédié à la radiothérapie : le patient est installé dans la position du traitement (c’est-à-dire les bras relevés au-dessus de la tête) et placé dans un dispositif de contention personnalisé, de type coque ONCO-PNEUMOLOGIE thermoformée, Alpha Cradle® ou autre (figure 5). L’acquisition est spiralée, en coupes fines (2 à 3 mm) et jointives, avec injection de produit de contraste iodé. Les images sont transmises par un réseau informatique vers une station de calcul dosimétrique. Le contourage du volume cible macroscopique (Gross Tumor Volume [GTV]) est ainsi effectué coupe par coupe à l’aide des images du PET scan du bilan d’extension (qui peuvent éventuellement être fusionnées avec les images du scanner de simulation). Le PET scan permet notamment de distinguer la tumeur au sein d’une zone d’atélectasie et d’inclure dans le GTV des ganglions pathologiques qui n’auraient pas été considérés comme significatifs par le scanner (c’est-à-dire ceux supérieurs à 1 cm de petit axe). Le volume cible anatomoclinique (Clinical Target Volume [CTV]) prend en compte les extensions microscopiques de la tumeur, en particulier le long de l’arbre bronchique, et peut être défini par l’addition d’un second contour manuel autour du GTV et/ou par une expansion automatique isotrope. L’ajout d’une marge de 6 à 8 mm selon le type histologique de la tumeur est communément admis (23). Enfin, le volume prévisionnel d’irradiation (Planning Target Volume [PTV]) est obtenu par expansion isotrope autour du CTV, prenant ainsi en compte les incertitudes de positionnement du patient et de la tumeur : la marge nécessaire est de l’ordre 5 à 15 mm selon qu’il s’agit de tumeurs de l’apex ou de ganglions médiastinaux (les moins mobiles) ou de tumeurs du lobe inférieur (les plus mobiles). L’addition de ces différentes marges autour du GTV conduit à une augmentation considérable du volume d’organes sains irradiés et en particulier de parenchyme pulmonaire. Les techniques modernes de radiothérapie visent donc à réduire les incertitudes de positionnement tumoral liées à la mobilité du patient, mais également à celle de la tumeur (24, 25). Plus le volume du PTV est restreint, plus la dose délivrée pourra ainsi être élevée sans dépasser les seuils de risque de pneumopathie radique communément admis (V20 < 35 % ou dose moyenne pulmonaire < 20 Gy) [16, 22]. Les séances d’irradiation sont effectuées à l’aide de moyens de contention personnalisés (figure 5) permettant de réduire l’incertitude de positionnement du patient (24, 26). Ce type de dispositif a plusieurs objectifs : réduire les incertitudes de positionnement mais également le temps de réalisation de la séance en apportant de la précision aux manipulateurs et du confort aux patients. Ils permettent de réduire la marge liée à l’incertitude de positionnement du patient à environ 5 mm en additionnant les erreurs systématique et aléatoire. Les incertitudes de positionnement de la tumeur primitive sont liées aux mouvements respiratoires et 3 stratégies existent pour les compenser : la synchronisation de l’irradiation sur une partie du cycle respiratoire (“gating respiratoire”), l’irradiation en inspiration bloquée et enfin le tracking qui consiste à faire suivre les mouvements de la tumeur par l’accélérateur de particules (plus adapté à l’irradiation en condition stéréotaxique des cancers de stade précoce, cf. supra et figure 3). Le gating respiratoire est effectué grâce à l’acquisition des images du patient, à l’aide d’un scanner en 4D, qui rend compte de ces mouvements respiratoires et permet de déduire la position de la tumeur sur une partie du cycle. Cette acquisition offre la possibilté de pouvoir être réalisée sans la participation active du patient mais l’inconvénient est que, lors de la séance, le patient doit respirer de manière “idéale”, avec une grande régularité, sans altérer le bénéfice apporté par la synchronisation. L’irradiation en inspiration bloquée présente l’avantage clinique d’une plus grande reproductibilité séance après séance, l’irradiation étant délivrée en inspiration maximale à l’aide d’un spiromètre et de lunettes vidéo laissant percevoir au patient sa courbe spirométrique. L’irradiation est délivrée lorsque le volume courant souhaité est atteint, la tumeur étant immobile (figure 6, p. 72). Cependant, la réalisation de cette technique est dépendante de l’état respiratoire et Figure 5. Système de contention personnalisé. La Lettre du Pneumologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 71 ONCO-PNEUMOLOGIE Techniques innovantes en radiothérapie des cancers bronchiques de concentration du patient, qui peut s’altérer au cours du traitement. Du point de vue dosimétrique, cette technique présente un avantage définitif sur la première : l’irradiation est délivrée alors que le volume pulmonaire est maximal, ce qui permet d’obtenir la dose moyenne pulmonaire la plus faible possible (27). L’installation du système de blocage représente par ailleurs un coût modique comparativement à la technique du gating (28). Conclusion Figure 6. Système d’asservissement de la radiothérapie en blocage inspiratoire. Toutes les innovations en cours de déploiement en radiothérapie oncologique en 2011 visent finalement à un seul et même but : réduire le risque de récidive local des cancers bronchiques irradiés, qui reste actuellement une cause majeure d’échec des traitements non chirurgicaux des cancers bronchiques. ■ Références bibliographiques 1. Senan S, Lagerwaard F. Stereotactic radiotherapy for stage I lung cancer: current results and new developments. Cancer Radiother 2010;14:115-8. 2. Lagerwaard F, Haasbeek CJA, Smit EF et al. Outcomes of risk-adapted fractionated stereotactic radiotherapy for stage I non-small-cell lung cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2008;70(3): 685-92. 3. Fakiris AJ, McGarry RC, Yiannoutsos CT et al. Stereotactic body radiation therapy for early-stage non-small-cell lung carcinoma: four-year results of a prospective phase II study. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2009;75:677-82. 4. Timmerman R, Mc Garry R, Yiannoutsos C et al. 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