L’hypogonadisme hypogonadotrope congénital chez l’adolescente
ADOLESCENCE & Médecine • Juin 2016 • numéro 11 11
LES HYPOGONADISMES
HYPOGONADOTROPES
ISOLÉS SANS ANOSMIE
Les premières mutations “perte de
fonction” du récepteur de la GnRH ont
été décrites en 1997 chez un homme
de 22 ans et sa sœur qui présentaient
un hypogonadisme hypogonadotrope
partiel. Cliniquement, le jeune homme
avait eu une puberté tardive et incom-
plète, et se plaignait de troubles de la
libido. Sa sœur aînée, âgée de 37 ans
présentait une aménorrhée primaire et
une infertilité. Le séquençage du gène
du récepteur de la GnRH a permis de
démontrer que ces deux patients étaient
hétérozygotes composites.
Depuis, d’autres mutations du récepteur
de la GnRH ont été décrites, qui altèrent
la liaison de la GnRH à son récepteur et/
ou la transduction du signal. Leur trans-
mission est autosomique récessive avec
des phénotypes variés.
Les familles porteuses d’une mutation
“perte de fonction” du gène codant pour
KISS1R ou son ligand KISS1 présentent
une absence de puberté liée à un déficit
de sécrétion des gonadotrophines d’ori-
gine hypothalamique. Les mutations de
TAC3 et TACR3 sont elles aussi respon-
sables d’HH congénital à odorat nor-
mal. Les mutations du gène LHb, indui-
sant un hypogonadisme sont très rares.
Par contre, plusieurs cas de mutation de
FSHb ont été décrits chez des femmes
avec aménorrhée primaire, estradiol bas
et une dissociation entre une FSH indé-
tectable et une LH élevée. Ces femmes
ont une adrénarche normale, mais une
absence de thélarche et de ménarche.
Leur fertilité peut être rétablie après ad-
ministration de FSH exogène.
LES HYPOGONADISMES
HYPOGONADOTROPES
SYNDROMIQUES SANS
ANOSMIE
Les hypogonadismes hypogonado-
tropes syndromiques sans anosmie sont
rares. Les mutations de DAX1 sont res-
ponsables d’une hypoplasie congénitale
des surrénales avec une insuffisance
surrénale néonatale, puis un déficit go-
nadotrope. Cette maladie est liée à l’X.
À ce jour, un seul cas de femme homo-
zygote DAX1, par duplication du gène,
avec une insuffisance gonadotrope, a
été rapporté. Cette patiente présentait
un HH isolé sans insuffisance surrénale.
Si l’hypogonadisme s’intègre dans un
tableau d’obésité, plusieurs étiologies
doivent être évoquées : le syndrome de
Prader-Willi, le syndrome de Bardet-
Biedl et les très rares mutations du gène
de la leptine et de son récepteur ou, de
manière encore plus exceptionnelle, des
mutations de la proconvertase de type 1.
LES HYPOGONADISMES
HYPOGONADOTROPES
FONCTIONNELS
Les hypogonadismes hypogonado-
tropes fonctionnels sont fréquents. Si
l’anorexie mentale est une cause clas-
sique d’hypogonadisme, les états de
dénutrition moins sévères, en particu-
lier les déficits de la masse grasse, sur-
tout dans le cadre d’activités sportives
intenses, sont souvent accompagnés de
déficit gonadotrope.
Les enfants atteints de maladie cœ-
liaque, de maladie de Crohn ou d’insuf-
fisance rénale chronique peuvent pré-
senter un impubérisme. L’utilisation
prolongée de glucocorticoïdes, tout
comme l’excès endogène (syndrome de
Cushing) est responsable d’un retard de
puberté par l’effet antigonadotrope du
cortisol sur la GnRH. Même si ce déficit
est réversible à l’arrêt de la corticothéra-
pie ou lors de la guérison du Cushing, il
doit être pris en compte comme facteur
potentiellement aggravant de l’ostéopo-
rose cortisonique.
CONCLUSION
Les causes génétiques d’hypogona-
dismes hypogonadotropes ont beau-
coup progressé depuis dix ans, même
si les mutations connues n’expliquent
encore que la moitié des HH.
L’utilisation des panels de gènes va
permettre l’amélioration du diagnos-
tic étiologique. L’identification des
gènes impliqués dans les HH permet
d’établir un conseil génétique et une
prise en charge précoce de la patho-
logie. Dans les formes partielles, diffi-
ciles à diagnostiquer, de GnRHR ou du
FGFR1, il faudra envisager systéma-
tiquement la possibilité que le déficit
gonadotrope soit réversible en faisant
une fenêtre thérapeutique. Les raisons
de cette réversibilité sont pour l’ins-
tant inconnues.
Cette observation appelle plusieurs
commentaires :
a) l’IRM hypophysaire est indispensable
devant un impubérisme à gonadotro-
phines basses,
b) un infléchissement statural évoquant
un retard pubertaire simple n’élimine
pas un hypogonadisme hypogonado-
trope congénital,
c) la classification des HH en fonction de
la présence ou non d’une anosmie n’est
pas parfaite !
✖L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
MOTS-CLÉS
Hypogonadisme hypogonadotrope
congénital, Hypogonadisme hypogona-
dotrope fonctionnel, Hypogonadisme
hypogonadotrope isolé, Syndrome de
Kallmann
• Boehm U, Bouloux PM, Dattani MT
et al. European consensus statement
on congenital hypogonadotropic
hypogonadism : pathogenesis, diagnosis
and treatment. Nat Rev Endocrinol 2015;
11: 547-64.
• Bry-Gauillard H, Trabado S, Boulignad
J et al. Congenital hypogonadotropic
hypogonadism in females: clinical
spectrum, evaluation and genetics. Ann
Endocrinol 2010; 71: 158-62.
RÉFÉRENCES