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La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002
DOSSIER
a pathologie du déclenchement pubertaire fait sou-
vent partie d’un tableau clinique polymalformatif
congénital dont l’origine moléculaire demeure
inconnue ou très complexe (tableau I). Néanmoins, dans un
nombre restreint de pubertés précoces ou de retards puber-
taires dus a un défaut de la commande hypothalamo-hypophy-
saire, la relation entre l’anomalie moléculaire et le phénotype
est clairement établie.
Récemment, des anomalies génétiques ont été décrites dans le
syndrome de Kallmann, l’hypogonadisme hypogonadotrope
idiopathique, le syndrome de McCune-Albright et la testotoxi-
cose familiale. Parmi ces quatre pathologies, trois gènes parti-
cipent directement à la signalisation hormonale, ce qui
confirme le rôle majeur de la pathologie de la transduction du
signal en endocrinologie de la reproduction. Les retards puber-
taires sont dus à des mutations “perte de fonction” alors que
les pubertés précoces sont dues à des mutations “gain de fonc-
tion”. Cet article abordera la génétique des retards pubertaires
isolés ayant une origine hypothalamo-hypophysaire et celle
des pubertés précoces.
MUTATIONS PERTE DE FONCTION
Le syndrome de Kallmann-de Morsier
Le syndrome de Kallmann a d’abord été décrit par Maestre de
San Juan en 1856 devant l’association d’une anosmie et d’un
hypogonadisme. Le caractère génétique de cette affection a été
proposé par Kallmann en 1944. C’est de Morsier qui a, le pre-
mier, rapporté une agénésie des bulbes olfactifs chez des
patients ayant un hypogonadisme. Cette association définit le
syndrome connu sous le nom de “syndrome de Kallmann”.
La fréquence du syndrome de Kallmann est proche de
1/10000 chez le garçon et de 1/50000 chez la fille. Il associe
un hypo-gonadisme hypogonadotrope avec une anosmie ou
une hyposmie. Des signes neurologiques sont parfois présents
ainsi qu’une agénésie rénale unilatérale. Les formes spora-
diques sont les plus fréquentes. Dans les formes familiales, des
transmissions autosomiques récessives, dominantes ou liées au
chromosome X sont décrites. L’expressivité du phénotype
peut être variable dans une même famille.
Seul un gène localisé sur le chromosome X est connu. Ce gène
a été caractérisé par clonage positionnel grâce à des patients
ayant un syndrome de gènes contigus (1). Ces patients sont
généralement fortement informatifs pour les maladies géné-
tiques monogéniques. En effet, les syndromes de gènes conti-
gus résultent d’une délétion très importante d’une région du
génome comprenant plusieurs gènes. Le tableau clinique est
composé de symptômes généralement évocateurs de plusieurs
maladies sans lien physiopathologique évident. Ces patients
sont comparés à ceux présentant les symptômes d’une seule de
ces pathologies, ce qui permet de définir par des études géné-
tiques une région candidate sur le génome. Pour le syndrome
de Kallmann, une région candidate a été définie en étudiant
Les anomalies moléculaires de la pathologie pubertaire
N. de Roux*
L
* INSERM U135, laboratoire d’hormonologie et de biologie moléculaire,
hôpital Bicêtre, Paris.
Phénotypes Gènes
Syndrome de Kallmann KAL
Hypogonadisme hypogonadotrope Récepteur de la GnRH
idiopathique
Déficit isolé en LH Sous-unité b de la LH
Déficit isolé en FSH Sous-unité b de la FSH
Hypoplasie congénitale Dax-1
des surrénales
Obésité et hypogonadisme Leptine, récepteur
hypogonadotrope de la leptine
Insuffisance antéhypophysaire Prop1, LHX-3
Syndrome de Charge ?
Syndrome de Laurence-Moon- ?
Bardet-Biedl
Syndrome de Prader-Willi Délétion du
chromosome 15
Dysplasie septo-optique ?
Retards Déficit de la synthèse 3b-hydroxystéroïde
pubertaires des androgènes déhydrogénase,
hypergonadotropes 17a-hydroxylase
Mutations du récepteur Récepteur aux
aux androgènes androgènes
Syndrome de Klinefelter ?
Déficit en 5a-réductase 5a-réductase
Syndrome de Turner ?
Diverses anomalies ?
chromosomiques
Puberté précoce :
• centrale Idiopathique et familiale
Anomalies du système nerveux central
• périphérique Testotoxicose familiale
Syndrome de McCune-Albright
Hyperplasie des surrénales
Retards
pubertaires
hypogonadotropes
Tableau I. Les pathologies génétiques de la puberté.
des patients ayant un syndrome de Kallmann associé à une
ichthyose et une forme clinique de chondrodysplasie. Le gène
de l’ichthyose était connu, ce qui a permis de définir une
région candidate en Xp22.3. Le clonage du gène a suivi cette
description. Le gène a été appelé KAL et la protéine anosmine.
L’anosmine contient des répétitions de type fibronectine, sou-
vent retrouvées dans la famille des protéines d’adhésion impli-
quées dans la migration neuronale. Elle possède également une
homologie avec la famille des inhibiteurs des sérine-protéases
par son domaine riche en cystéines, situé dans la région N-ter-
minale.
Le gène KAL comprend 14 exons. Il est situé dans la région
pseudo-autosomale du X, il échappe donc à l’inactivation du X.
Un pseudogène comprenant 11 exons est décrit sur le chromo-
some Y. Le gène KAL a été cloné chez le poulet et la caille
par hybridation croisée avec le cDNA humain. L’homologie
globale de ces deux cDNA avec le cDNA humain est de 75%.
Malgré de nombreuses tentatives, cette approche par hybrida-
tion croisée n’a jamais permis le clonage du gène KAL chez la
souris, ce qui est évocateur d’une faible homologie avec le
cDNA humain.
Depuis le clonage du gène KAL, des études par immunohisto-
chimie chez le poulet et l’embryon humain ont permis de
mieux comprendre le rôle de l’anosmine dans la pathogénie du
syndrome de Kallmann. Le syndrome de Kallmann est un
défaut de la synthèse de la GnRH dû à une absence de neu-
rones secrétant la GnRH dans l’hypothalamus. Une observa-
tion réalisée chez un fœtus de 19 semaines ayant une délétion
majeure du gène KAL a montré que les neurones secrétant la
GnRH étaient anormalement localisés chez ce fœtus à l’exté-
rieur du système nerveux central. Ce résultat suggérait une
étroite relation entre l’absence de bulbe olfactif et le défaut de
migration des neurones à GnRH. Ces neurones prennent ori-
gine dans l’épithélium olfactif, puis pénètrent dans le cerveau
par la lame criblée de l’ethmoïde et passent à travers le bulbe
olfactif avant de rejoindre l’hypothalamus. Cette migration
survient le long des neurones olfactifs, qui vont établir des
connexions avec les cellules mitrales du bulbe olfactif dont les
axones formeront le tractus olfactif. Cette jonction neuronale
est indispensable au développement normal du bulbe olfactif.
L’anosmine est retrouvée par immuno-histochimie dans les
cellules mitrales du bulbe olfactif chez l’embryon humain de
5semaines. Elle n’est jamais retrouvée dans les épithélia
olfactifs ou dans les neurones secrétant la GnRH. L’absence
de migration des neurones à GnRH observée dans le syndrome
de Kallmann est donc secondaire à un défaut de la migration
des neurones olfactifs de l’épithélium olfactif vers le système
nerveux central.
Des délétions, des mutations faux sens et non sens ont été
décrites chez plusieurs patients atteints de syndrome de
Kallmann. Ces mutations surviennent principalement dans les
régions répétées de type fibronectine.
L’expression de l’anosmine dans les cellules de Purkinje du
cervelet, dans les noyaux oculomoteurs et dans le méso- et le
métanéphros pourrait expliquer les signes cliniques souvent
associés à l’hypogonadisme. Des cas d’agénésie unilatérale du
rein isolée ont été décrits dans les familles de patients atteints
de syndrome de Kallmann. Une variabilité intrafamiliale de
l’expression du phénotype a été rapportée. Deux frères ont
reçu la même délétion partielle du gène KAL de leur mère (2).
Le propositus avait une anosmie associée à un hypogonadisme
hypogonadotrope, alors que son frère, bien qu’ayant une hypo-
smie, a développé une puberté normale. La fréquence des
mutations est faible dans les cas sporadiques de syndrome de
Kallmann. Dans les formes probablement liées au chromo-
some X, elle est proche de 50%.
Les mutations inactivatrices du récepteur de la GnRH
L’hypogonadisme hypogonadotrope idiopathique se différen-
cie du syndrome de Kallmann par l’absence d’anosmie chez le
propositus (figure 1). L’absence d’agénésie du bulbe olfactif
suggérait une anomalie de la synthèse de la GnRH par les neu-
rones hypothalamiques. Par analogie avec la souris hpg, plu-
sieurs groupes ont recherché des mutations du gène de la
GnRH sans succès. Le récepteur de la GnRH était le deuxième
gène candidat connu. Ce récepteur appartient à la super famille
des récepteurs couplés aux protéines G. Il est composé d’un
petit domaine extracellulaire, sept domaines transmembra-
naires reliés par des boucles intra- et extracellulaires mais ne
possède pas de domaine intracellulaire C-terminal. Il est cou-
plé à la phospholipase C par l’intermédiaire des protéines
Gq/G11. Il est exprimé dans les cellules gonadotropes de
l’hypophyse mais également dans le sein et les gonades. Le
gène de ce récepteur est localisé sur le bras long du chromo-
some 4. Il contient trois exons.
Les premières mutations inactivatrices de ce récepteur ont été
décrites dans un cas familial d’hypogonadisme hypogonado-
trope partiel (3). Le propositus était un homme de 20 ans dont
le phénotype correspondait à la description clinique des
eunuques fertiles”. Les gonadotrophines plasmatiques de ce
patient étaient dans les limites de la normale alors que la testo-
stérone plasmatique était franchement abaissée. L’amplitude
des pics pulsatiles de sécrétion de la LH était diminuée, alors
que la fréquence de la pulsatilité était normale.
Depuis cette première publication, plusieurs nouveaux cas ont
été relatés. Le tableau clinique s’étend en continuum entre les
formes complètes et les formes partielles (4). L’étude du phé-
notype des patients ayant les deux mutations (Gln106Arg,
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La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002
DOSSIER
Hypogonadisme hypogonadotrope
Anosmie
Syndrome de Kallmann
Sans anosmie
HH idiopathique
AutosomesChromosome X
KAL Gènes inconnus Récepteur de la GnRH
Phénotype
Mode de
transmission
Gènes
Figure1. Génétique de l’hypogonadisme hypogonadotrope isolé.
Arg262Gln) les plus fréquemment rencontrées (figure 2) dans
les populations étudiées montre que le déficit fonctionnel du
récepteur de la GnRH est le principal facteur déterminant la
sévérité de l’hypogonadisme.
En effet, plusieurs patientes hétérozygotes composites pour
ces deux mutations Gln106Arg, Arg262 Gln ont été rappor-
tées dans la littérature, notamment, le cas d’une femme ayant
des antécédents d’aménorrhée primaire chez qui une ovulation
a été obtenue grâce à une stimulation pulsatile de GnRH
(250hg/kg). Ce cas est comparable à celui d’une autre patiente
ayant un phénotype et un génotype identiques chez qui deux
grossesses ont été obtenues lors d’une stimulation par
Clomid®. Une troisième patiente ayant le même génotype avait
également un phénotype partiel. Les mutations homozygotes
qui inhibent complètement la fonction du récepteur de la
GnRH entraînent systématiquement un hypogonadisme complet.
Néanmoins, les formes partielles peuvent être aggravées par
des gènes modificateurs ou des facteurs épigénétiques. En
effet, il a été décrit une variabilité intrafamiliale de la sévérité
de l’hypogonadisme chez des patients hétérozygotes compo-
sites, dont au moins un allèle était partiellement fonctionnel.
Dans ces déficits partiels, le test à la GnRH n’est pas discrimi-
nant. En revanche, une fréquence normale associée à une
baisse de l’amplitude des pics de sécrétion de LH est forte-
ment évocatrice d’un déficit hypophysaire. La fréquence des
mutations inactivatrices du récepteur de la GnRH est faible
dans les cas sporadiques d’hypogonadisme hypogonadotrope
idiopatique. Elle est proche de 35% dans les formes familiales
avec une transmission récessive.
Les mutations des gonadotrophines LH et FSH
Les glycoprotéines hypophysaires FSH et LH sont composées
d’une sous-unité commune a et d’une sous-unité βspécifique
(1). Chaque sous-unité est codée par un seul gène. Une muta-
tion naturelle de la sous-unité βde la LH a été caractérisée
chez un homme de 17 ans qui présentait un retard pubertaire.
La LH plasmatique était augmentée, la FSH était normale et la
testostérone plasmatique basse. Les testicules étaient de petite
taille. Un traitement par hCG a permis d’obtenir une augmen-
tation de la taille des testicules, une virilisation normale et une
spermatogenèse. Le propositus était homozygote pour une
mutation qui substitue la glutamine 54 en une arginine. Cette
mutation inhibe la liaison de la LH sur un récepteur recombi-
nant exprimé dans des cellules CHO.
Quatre cas de mutations inactivatrices de la sous-unité βde la
FSH ont été rapportés. Une délétion homozygote de 2 bp au
codon 61 entraînant un décalage du cadre de lecture a été
caractérisée chez une patiente ayant une aménorrhée primaire
et une absence complète de caractères sexuels secondaires.
Cette délétion entraîne la synthèse d’une protéine tronquée de
86 acides aminés. La même délétion de 2pb associée à une
mutation faux sens sur l’autre allèle a été décrite chez une
autre patiente ayant un phénotype similaire.
Deux cas de déficit de la FSH ont été décrits chez l’homme.
Les deux patients avaient une azoospermie. En revanche, un
retard pubertaire a été rapporté chez un patient homozygote
pour la même délétion du codon 61 décrite auparavant. Ce
résultat semble suggérer que dans certaines conditions, la FSH
participe à la régulation de la synthèse de la testostérone par
les cellules de Leydig.
MUTATIONS GAIN DE FONCTION
Puberté précoce par mutation activatrice de la sous-
unité αde la protéine Gs
Les protéines G ont des fonctions physiologiques très diverses
ayant toutes en commun la capacité de lier le guanosine tri-
phosphate (GTP). Des protéines G monomériques et hétérotri-
mériques sont décrites. Ces dernières forment des relais
obligatoires entre les récepteurs à sept domaines transmembra-
naires et les “effecteurs” enzymatiques ou les canaux ioniques
(5). Les protéines G hétérotrimériques sont composées d’une
sous-unité a et de deux sous-unités βet γformant un dimère.
La sous-unité αlie le GTP et possède une activité GTPasique
qui permet l’hydrolyse du GTP en GDP. Les sous-unités βet γ
ne possèdent pas d’activité enzymatique. Les sous-unités α
sont codées par 16 gènes différents, mais au moins 20 iso-
formes sont décrites suite à la survenue d’épissage alternatif
pour certains gènes. Les sous-unités βet γsont codées respec-
tivement par 5 et 11 gènes. Il existe une spécificité cellulaire
de l’expression de certaines sous-unités responsable de la for-
mation de trimères spécifiques à certaines cellules. La spécifi-
cité fonctionnelle des protéines G hétérotrimériques dépend de
la sous-unité α. Chaque sous-unité a active spécifiquement un
effecteur qui peut être un enzyme ou un canal ionique.
L’activité des protéines G est régulée par la liaison et l’hydro-
lyse du GTP. À l’état inactif, une molécule de GDP est liée à
la sous-unité αqui interagit étroitement avec le dimère β-γ.
L’activation d’un récepteur à sept domaines transmembra-
naires par son ligand entraîne l’échange du GDP par un GTP
(figure 3). Cet échange provoque une dissociation de la sous-
unité αdu complexe β
-
γ. Le complexe sous-unité α-GTP et le
dimère β-γvont alors pouvoir interagir avec leurs effecteurs.
L’inactivation du signal survient grâce à l’hydrolyse par la
sous-unité αdu GTP en GDP, permettant la reformation du
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La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002
Asn 10 Lys1Ala 129 Asp1 Cys 200 Tyr1
Ser 168 Arg1
Ser 217 Arg1
Tyr 284 Cys1
Leu 314 X1
Arg 262 Gln5
Leu 266 Arg 2
Cys 279 Tyr 1
Gln 106 Arg 7
Figure 2. Localisation et fréquence des mutations inactivatrices du
récepteur de la GnRH. En exposant est indiqué le nombre de familles
décrites pour chaque mutation.
complexe trimérique inactif α-GDP-β-γ. Il a été récemment
montré que l’activité GTPasique de certaines sous-unités α
peut être activée par une protéine RGS (Regulating Gprotein
Signaling).
Plusieurs pathologies sont directement liées à des anomalies
moléculaires de l’activation ou de l’inactivation des
protéinesG hétérotrimériques. Les mutations entraînant une
diminution de l’activité GTPasique de la sous-unité αsont res-
ponsables de l’activation continue de la protéine G. Une muta-
tion “gain de fonction” est notamment l’anomalie moléculaire
du syndrome de McCune-Albright. Ce syndrome est défini par
l’association d’une dysplasie osseuse, des taches cutanées café
au lait et d’une puberté précoce indépendante des gonadotro-
phines. D’autres signes d’hyperactivité endocrinienne sont
parfois présents (hyperthyroïdie, acromégalie, syndrome de
Cushing). Tous ces systèmes endocriniens ont en commun
d’être régulés par la protéine Gs qui active l’adénylate cyclase.
Le syndrome de McCune-Albright est dû à une mutation
somatique de cette protéine Gs survenue très précocement au
cours de l’embryo-genèse. Les patients sont donc porteurs
d’une mosaïque avec des cellules ayant la mutation et d’autres,
un génotype normal. Cette mutation modifie l’arginine 201
située dans le site actif de la guanylate cyclase, ce qui entraîne
une diminution de l’activité GTPasique de la sous-unité αs.
La puberté précoce du syndrome de McCune-Albright est
observée préférentiellement chez la fille. Il s’agit habituelle-
ment de cas sporadiques. Le caractère somatique de la muta-
tion pourrait expliquer la variabilité de l’expression
phénotypique. La date de la survenue de la mutation au cours
de l’embryogenèse pourrait être un facteur déterminant cette
variabilité.
Puberté précoce familiale masculine par mutation
activatrice du récepteur de la LH
Une forme familiale de puberté précoce ne concerne que les
garçons. Elle est transmise selon un mode autosomal domi-
nant. Les patients ont une augmentation de la synthèse de la
testostérone, des valeurs prépubertaires des gonadotrophines et
une absence de réponse lors du test à la GnRH, ce qui
témoigne d’une origine indépendante des centres encépha-
liques. Cette forme particulière de puberté précoce est liée à la
présence de mutations activatrices du récepteur de la LH.
Ce récepteur appartient à la famille des récepteurs couplés aux
protéines G (6). Il est composé de sept domaines transmem-
branaires reliés par des boucles intra- et extracellulaires, un
domaine intracellulaire C-terminal et un long domaine extra-
cellulaire de 360 acides aminés. Ce long domaine extracellu-
laire est une caractéristique commune aux récepteurs des
hormones glycoprotéiques hypophysaires TSH, FSH et LH. La
LH et l’hCG sont les deux ligands physiologiques de ce récep-
teur. Il est exprimé principalement dans les cellules de Leydig
testiculaires, les cellules de la thèque interne de l’ovaire. Une
expression, dont la signification physiologique est mal connue,
a été décrite dans le sein, la peau, l’endomètre… Le gène de ce
récepteur est localisé sur le bras court du chromosome 2 à
proximité du récepteur de la FSH. Il est composé de 11 exons
dont 10 codent pour le domaine extracellulaire et le onzième
pour le domaine transmembranaire et le domaine intracellu-
laire. De nombreuses isoformes sont décrites. Elles résultent
d’un épissage alternatif. Notamment, des formes ne contenant
que le domaine extracellulaire sont retrouvées dans le milieu
interstitiel des testicules de porc. Ces formes solubles pour-
raient jouer un rôle dans la régulation physiologique de ce
récepteur. Ce récepteur n’est pas polarisé contrairement aux
récepteurs de la TSH et de la FSH. Une transcytose du récep-
teur de la LH du pôle vasculaire des cellules endothéliales vers
le milieu interstitiel a été décrite. Cela pourrait être le chemin
suivi par la LH ou l’hCG pour accéder aux cellules cibles.
Plusieurs mutations constitutives du récepteur de la LH sont
maintenant décrites dans la puberté précoce masculine et fami-
liale (1). Ce concept de mutation constitutive a été décrit dans
un premier temps par mutagenèse dirigée. Les récepteurs
constitutifs sont capables d’activer des protéines G et donc les
effecteurs en absence de ligand. Les effets obtenus sont simi-
laires à ceux observés lors d’une stimulation par le ligand phy-
siologique. Le récepteur de la LH active l’adénylate cyclase
par l’intermédiaire de la protéine Gs. Une mutation constitu-
tive de ce récepteur entraîne donc une augmentation perma-
nente de l’AMPc dans les cellules qui expriment ce récepteur,
dont les cellules de Leydig. Il en résulte une synthèse très pré-
coce de testostérone. Les mutations constitutives du récepteur
de la LH sont germinales. La transmission du phénotype suit
un modèle dominant de père en fils. Le caractère sporadique
ne permet pas d’éliminer l’étiologie, puisque la mutation peut
être transmise par la mère non atteinte.
La majorité des mutations activatrices de ce récepteur sont
localisées dans la troisième boucle intracellulaire du récepteur
de la LH et le sixième domaine transmembranaire (figure 4).
Un effet fondateur explique probablement la fréquence de
80% aux États-Unis de la mutation Asp578Gly. Les autres
mutations sont localisées dans les premier, deuxième, troi-
sième et cinquième domaines transmembranaires.
La pénétrance des mutations activatrices du récepteur de la LH
n’est pas complète, puisque trois patients porteurs d’une muta-
tion activatrice ont développé une puberté à un âge normal.
Récemment, une mutation somatique du récepteur de la LH a
été décrite chez deux enfants atteints d’un leydigiome (7).
Cette mutation substitue une histidine à la place de l’aspartate
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La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002
DOSSIER
Figure 3.
La voie de transduction du signal par un récepteur couplé à
la protéine Gs.
35
La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002
578. L’expression de ce récepteur muté dans des cellules hété-
rologues a montré l’activation de la phospholipase C en plus
de l’adénylate cyclase habituellement stimulée par les muta-
tions constitutives du récepteur de la LH. Cette activation
concomitante des deux voies pourrait expliquer les leydi-
giomes de ces enfants.
CONCLUSION
La pathologie du déclenchement pubertaire est maintenant
mieux comprise grâce à la génétique moléculaire. Plusieurs
gènes sont décrits. Néanmoins, plus de la moitié des hypogo-
nadismes hypogonadotropes idiopathiques familiaux ou les
formes autosomales du syndrome de Kallmann restent orphe-
lins de gène.
Les mutations de la protéine Gs et du récepteur de la LH expli-
quent deux formes cliniques de puberté précoce périphérique.
Toutefois, les formes familiales de puberté précoce centrale res-
tent inexpliquées. La description des gènes responsables de ces
pubertés précoces dépendantes des gonadotrophines permettra
de mieux comprendre les mécanismes initiateurs de la puberté.
L’étude de ces maladies génétiques par la méthode des gènes
candidats est pour l’instant limitée, puisque les gènes de toutes
les protéines connues de l’axe gonadotrope sont clonés et que
les partenaires de ces protéines ne sont pas encore identifiés.
La seule stratégie actuellement réalisable est le clonage posi-
tionnel. Elle impose de recruter de nombreux cas familiaux, de
définir avec précision les phénotypes, puis de réaliser une car-
tographie du génome.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Engl J Med 1999; 341: 1731-36.
NH2
HOOC
Figure 4. Localisation des mutations naturelles constitutives du récep-
teur de la LH.
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