Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 1 - janvier 2016
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Un hypogonadisme congénital à bascule
1. Aslanger AD, Altunoglu U,
Aslanger E, Satkın BN,
Uyguner ZO, Kayserili H. Newly
described clinical features in
two siblings with MACS syn-
drome and a novel mutation
in RIN2. Am J Med Genet A
2014;164A(2):484.
2. Pitteloud N, Acierno JS Jr,
Meysing AU, Dwyer AA, Hayes FJ,
Crowley WF Jr. Reversible
Kallmann syndrome, delayed
puberty, and isolated anosmia
occurring in a single family with
a mutation in the fibroblast
growth factor receptor 1
gene. J Clin Endocrinol Metab
2005;90(3):1317.
3. Sinisi AA, Asci R, Bellastella G
et al. Homozygous mutation
in the prokineticin-receptor2
gene (Val274Asp) presenting
as reversible Kallmann syn-
drome and persistent oligo-
zoospermia: case report. Hum
Reprod 2008;23(10):2380.
4. Laitinen EM, Tommiska J,
Sane T, Vaaralahti K, Toppari J,
Raivio T. Reversible congenital
hypogonadotropic hypogona-
dism in patients with CHD7,
FGFR1 or GNRHR mutations.
PloS One 2012;7(6):e39450.
Références
androgènes est initié, et la surveillance endocrinienne
poursuivie. Le dernier bilan en date, réalisé à l’âge
de 38 ans, confirme l’anosmie, avec une atrophie
des bulbes olfactifs bien identifiée par l’examen
IRM de l’encéphale (figure 2). L’ostéodensitométrie
objective une ostéoporose (T-score lombaire à −3,2).
LH et FSH sont respectivement à 30 et 68 U/l, et la
testostéronémie, mesurée à distance du traitement
androgénique substitutif, est de 0,29 ng/ml (N : 4 à 9).
Les résultats de l’exploration biologique des fonctions
thyroïdienne, surrénalienne et somatotrope ainsi que
la sécrétion de prolactine sont normaux.
Si le traitement à visée endocrinienne de monsieur M.,
qui comporte une substitution en testostérone et sa
surveillance, ne pose guère de questions, il n’en est pas
de même en ce qui concerne l’origine et l’évolution de
son hypogonadisme.
L’hyperlaxité ligamentaire et les troubles oculaires
peuvent faire évoquer un syndrome d’Ehlers-Danlos,
au cours duquel d’authentiques hypogonadismes
primaires ont été décrits (1). Au demeurant, l’absence
d’hématomes et l’hypogonadisme hypogonadotrope
initial avec anosmie ne permettent pas de retenir cette
hypothèse.
Ces 2 dernières caractéristiques, confortées par l’absence
de bulbes olfactifs sur l’IRM encéphalique, confortent le
diagnostic de syndrome de Kallmann-de Morsier. Celui-ci
est en accord à la fois avec les anomalies génitales
observées (cryptorchidie, micro-pénis, retard pubertaire)
et avec la réversibilité du déficit gonadotrope. Une telle
évolution a en effet été montrée chez des patients
dont l’hypogonadisme hypogonadotrope congénital
associé à un trouble olfactif (anosmie ou hyposmie)
était sous-tendu par des mutations des gènes codant
notamment FGFR1 (2), PROK2/PROKR2 (3) et CHD7 (4).
Cette réversibilité n’est cependant pas exclusive du
syndrome de Kallmann-de Morsier, puisqu’elle a été
observée chez des patients dont l’hypogonadisme
hypogonadotrope congénital était normosmique et
sous-tendu par des mutations des gènes codant Kiss1/
KissR1 (5), TAC3/TAC3R (6) et GnRHR (7, 8).
Si le diagnostic de syndrome de Kallmann-de Morsier
est bien celui qu’il convient de retenir chez monsieur M.,
il reste à expliquer pourquoi l’hypogonadisme hypo-
gonadotrope initial s’est transformé en hypogonadisme
primaire. On peut formuler l’hypothèse qu’en dépit de
son abaissement chirurgical à un âge adéquat, le tissu
testiculaire cryptorchide n’ait pu répondre correctement
au réveil tardif et spontané de la sécrétion hypophysaire
de gonadotrophines. Afin de tester cette hypothèse,
l’étude des gènes KAL1, FGFR1, FGF8, PROK2 et PROKR2
a été entreprise chez monsieur M. Aucune mutation
n’a été retrouvée sur ces différents gènes. Il n’est donc
pas exclu que cet hypogonadisme “à bascule”, à l’évi-
dence congénital, soit lié à la mutation d’un des autres
gènes (FGF17, FLRT3, DUSP6, IL17RD, SPRY4, CHD7,
SEMA3A, NELF, WDR11, HS6ST1) dont la responsabilité
dans un tel phénotype est connue (9) ou d’un autre gène
qui s’ajouterait à cette longue liste et resterait à découvrir.
Dans ce dernier cadre, on ne peut exclure l’inscription
du phénotype de monsieur M. dans celui d’un syndrome
de Johnson-McMillin. Cette entité, décrite en 1983,
associe alopécie, malformation des oreilles, trouble
de la conduction auditive, anosmie ou hyposmie et
hypo gonadisme hypogonadotrope (10). Peuvent s’y
associer une hypo- ou une anhidrose (11), des nævi,
une asymétrie faciale, un retard de croissance. Le
retard mental y est inconstant. L’ensemble du tableau
clinique observé chez ce patient, au QI parfaitement
normal, pourrait donc s’inscrire dans ce syndrome.
Si cette hypothèse était exacte, elle s’ajouterait à la
liste des causes d’hypo gonadisme hypogonadotrope
congénital spontanément réversible. L’affirmation de
ce diagnostic, ou au contraire sa réfutation, ne pourra
reposer que sur les résultats de l’étude génétique. Elle
devra néanmoins attendre, car le gène responsable du
syndrome de Johnson-McMillin, transmis sur un mode
autosomique dominant, n’a pas encore été précisément
identifié. Il existe cependant des pistes, et le gène codant
le récepteur de type A de l’endothéline, qui intervient
dans le développement embryonnaire du premier arc
branchial, pourrait en être un candidat potentiel (12).
En attendant, monsieur M., au prix du maintien d’une
substitution en testostérone, mène une vie personnelle
et professionnelle tout à fait normale.
■J.M. Kuhn déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.
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bibliographiques
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Figure 2. Résultat de l’examen encéphalique par résonance magnétique nucléaire. A. Coupe
sagittale T1 où l’on peut observer la dysmorphie faciale. B. Coupe coronale T2 confirmant
l’absence de bulbes olfactifs.
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