2003 : une année riche en nouveautés dans la génétique du déficit gonadotrope isolé N. de Roux* L’ intégrité de l’axe gonadotrope permet le déroulement normal de la différenciation sexuelle durant la vie fœtale, de la puberté et, par conséquent, une fertilité normale. Plusieurs anomalies génétiques entraînant l’absence de puberté ont été décrites dans les gènes codant pour les protéines connues de l’axe gonadotrope telles que le récepteur de la GnRH (1), les gonadotrophines LH et FSH et leurs récepteurs (2) ou bien les enzymes de la stéroïdogenèse (3). Dans le même temps, le clonage positionnel a permis la caractérisation de nouvelles protéines telles que DAX-1 (4), KAL1 (anosmine) (5, 6) et des facteurs de transcription participant au développement de l’hypophyse (7-9). Néanmoins, la fréquence de ces anomalies génétiques étant relativement faible, il a été suggéré le rôle majeur joué par d’autres protéines dans la physiologie de l’axe gonadotrope dont deux ont été caractérisées durant l’année 2003 par des approches de génétique humaine ou d’invalidation systématique chez la souris. L’hypogonadisme hypogonadotrope est défini par une diminution de la synthèse des hormones sexuelles associée à une diminution paradoxale de la concentration plasmatique des gonadotrophines LH et FSH (10). Le déficit gonadotrope peut être isolé ou faire partie d’un déficit antéhypophysaire impliquant d’autres hormones. Ce déficit peut également être syndromique, en étant le signe majeur révélé généralement pendant la puberté (syndrome de Kallmann), ou participer à un tableau clinique complexe présent à la naissance ou dans l’enfance. Le syndrome de Kallmann et le déficit gonadotrope dit idiopathique sont les deux formes d’hypogonadisme hypogonadotrope isolé. Ces deux formes se différencient essentiellement par la présence (syndrome de Kallmann) ou l’absence (idiopathique) d’une anosmie. Cette différence phénotypique est fondamentale puisque, jusqu’à présent, les gènes impliqués sont différents. Plusieurs mutations et délétions du gène Kal1 ont été décrites dans le syndrome de Kallmann depuis les premières descriptions en 1991 (5, 6). Ce gène est localisé sur le chromosome X, seuls les garçons sont malades et les femmes sont porteuses saines. En avril 2003, les premières mutations inactivatrices du gène du récepteur 1 du FGF ont été décrites par une équipe de l’Institut Pasteur dans une forme autosomale dominante du syndrome de Kallmann (11). Ce mode de transmission peut * Laboratoire d’hormonologie et de biologie moléculaire, hôpital de Bicêtre, INSERM U584, faculté de médecine Necker-Enfants malades. paraître paradoxal dans une maladie de la reproduction mais il est le reflet de l’hypogonadisme partiel parfois observé, notamment chez les femmes. Depuis 1997, plusieurs mutations inactivatrices du récepteur de la GnRH ont été décrites dans l’hypogonadisme hypogonadotrope isolé, dit idiopathique (12, 13). La fréquence de ces mutations dans les formes familiales est proche de 50 %. Il était donc justifié de rechercher le ou les autres gènes responsable du déficit gonadotrope isolé sans anosmie. L’un de ces gènes vient d’être caractérisé par une équipe de l’INSERM (14). Il code pour un récepteur couplé aux protéines G dont la seule fonction biologique connue était d’inhiber la capacité métastatique des cellules tumorales (15). Ce gène est devenu candidat grâce à la cartographie du génome réalisée au sein d’une seule famille comprenant cinq frères et sœurs ayant un déficit gonadotrope isolé, ce qui a permis de définir une région candidate sur le bras court du chromosome 19 (figure 1A). Plusieurs gènes de cette région ont été séquencés avant GPR54, car la relation entre sa fonction biologique et l’axe gonadotrope n’était pas évidente. Certains arguments plaidaient néanmoins en faveur d’une participation de ce récepteur dans des processus neuroendocriniens, dont son expresBSG NR3B FSTL3 EPLG6 A IHH2.1 D19S814 Chromosome 19 0 II Famille 1 D19S565 D19S878 D19S424* 3500 2000 IHH2.2 1000 Point de recombinaison GPR54 B IHH2.3 D19S883 D19S886* pTer Nouvelles approches Nouvelles approches 1 III 1 2 3 4 5 6 7 524 369 C Figure 1. Caractérisation de la délétion. A : Extrémité télomérique du bras court du chromosome 19. Les gènes séquencés sont indiqués. B : Amplification par PCR de l’exon 5 dans la famille 1 (symboles bleus : individus atteints). C : Conséquence théorique de la délétion de l’exon 5 sur la structure protéique du récepteur GPR54 (région délétée). Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 1, janvier/février 2004 39 Nouvelles approches Nouvelles approches sion dans l’hypothalamus et l’hypophyse ainsi que l’augmentation de la concentration plasmatique d’ocytocine après injection intraveineuse, de la souris, du ligand de GPR54. Le génotypage des cinq exons de ce gène à partir de l’ADN des individus malades de cette famille a mis en évidence une délétion homozygote comprenant l’extrémité 3’ de l’intron 4 et l’extrémité 5’ de l’exon 5 (figure 1B). Cette délétion est responsable de la synthèse d’un récepteur ne comprenant pas les deux derniers domaines transmembranaires (figure 1C). Il est bien connu que ces récepteurs tronqués ne sont pas fonctionnels. De plus, la recherche de cette délétion dans une population témoin a été négative, ce qui indique qu’il ne s’agit pas d’un polymorphisme. Ce travail a permis de démontrer le lien génétique entre une perte de fonction du récepteur GPR54 et l’hypogonadisme hypogonadotrope. Dans le même temps, une équipe américaine confirmait l’implication de GPR54 dans la génétique du déficit gonadotrope isolé grâce à une approche similaire dans une famille originaire d’Arabie saoudite très informative et l’étude d’un cas sporadique (16). Dans ce travail, trois mutations ponctuelles responsables d’une perte de fonction de GPR54 ont été décrites. Le dernier argument confirmant définitivement le rôle de GPR54 dans la régulation de la synthèse de la LH et de la FSH a été apporté par l’observation d’un déficit gonadotrope isolé chez les souris dont le gène GPR54 a été invalidé (16). Un nouveau chapitre de le physiologie de l’axe gonadotrope vient donc de s’ouvrir grâce à la génétique humaine. Le ligand de GPR54 est un peptide RF-amide dérivé de la protéine KiSS1 synthétisée notamment dans le système nerveux central et par le placenta (17). Ce peptide est également connu pour sa fonction inhibiteur de métastases (15). Les mécanismes moléculaires de la régulation de l’axe gonadotrope par GPR54 sont pour l’instant inconnus. Les modèles animaux ainsi que la comparaison des phénotypes observés dans l’espèce humaine devraient aider à mieux les comprendre. Ces travaux de génétique humaine combinés avec ceux de la souris indiquent que GPR54 ne participe pas à la différenciation sexuelle durant la vie fœtale mais qu’il joue un rôle majeur dans la régulation de la synthèse de la LH et de la FSH durant la puberté et probablement après la puberté. GPR54 pourrait donc devenir une cible thérapeutique majeure dans les maladies dépendant de l’axe gonadotrope. 40 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 1, janvier/février 2004 Références 1. 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