Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 1, janvier/février 2004
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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 1, janvier/février 2004
2003 : une année riche en nouveautés
dans la génétique du déficit gonadotrope isolé
N. de Roux*
L’
intégrité de l’axe gonadotrope permet le déroulement
normal de la différenciation sexuelle durant la vie fœ-
tale, de la puberté et, par conséquent, une fertilité nor-
male. Plusieurs anomalies génétiques entraînant l’absence de
puberté ont été décrites dans les gènes codant pour les pro-
téines connues de l’axe gonadotrope telles que le récepteur de
la GnRH
(1),
les gonadotrophines LH et FSH et leurs récep-
teurs
(2)
ou bien les enzymes de la stéroïdogenèse
(3).
Dans
le même temps, le clonage positionnel a permis la caractérisa-
tion de nouvelles protéines telles que DAX-1
(4),
KAL1 (anos-
mine)
(5, 6)
et des facteurs de transcription participant au dé-
veloppement de l’hypophyse
(7-9).
Néanmoins, la fréquence
de ces anomalies génétiques étant relativement faible, il a été
suggéré le rôle majeur joué par d’autres protéines dans la phy-
siologie de l’axe gonadotrope dont deux ont été caractérisées
durant l’année 2003 par des approches de génétique humaine
ou d’invalidation systématique chez la souris.
L’hypogonadisme hypogonadotrope est défini par une dimi-
nution de la synthèse des hormones sexuelles associée à une
diminution paradoxale de la concentration plasmatique des
gonadotrophines LH et FSH
(10).
Le déficit gonadotrope peut
être isolé ou faire partie d’un déficit antéhypophysaire impli-
quant d’autres hormones. Ce déficit peut également être syn-
dromique, en étant le signe majeur révélé généralement pen-
dant la puberté (syndrome de Kallmann), ou participer à un
tableau clinique complexe présent à la naissance ou dans
l’enfance. Le syndrome de Kallmann et le déficit gonadotrope
dit idiopathique sont les deux formes d’hypogonadisme hypo-
gonadotrope isolé. Ces deux formes se différencient essentiel-
lement par la présence (syndrome de Kallmann) ou l’absence
(idiopathique) d’une anosmie. Cette différence phénotypique
est fondamentale puisque, jusqu’à présent, les gènes impliqués
sont différents.
Plusieurs mutations et délétions du gène Kal1 ont été décrites
dans le syndrome de Kallmann depuis les premières descrip-
tions en 1991
(5, 6).
Ce gène est localisé sur le chromosome
X, seuls les garçons sont malades et les femmes sont porteuses
saines. En avril 2003, les premières mutations inactivatrices
du gène du récepteur 1 du FGF ont été décrites par une équipe
de l’Institut Pasteur dans une forme autosomale dominante du
syndrome de Kallmann
(11).
Ce mode de transmission peut
paraître paradoxal dans une maladie de la reproduction mais
il est le reflet de l’hypogonadisme partiel parfois observé,
notamment chez les femmes.
Depuis 1997, plusieurs mutations inactivatrices du récepteur
de la GnRH ont été décrites dans l’hypogonadisme hypogo-
nadotrope isolé, dit idiopathique
(12, 13).
La fréquence de ces
mutations dans les formes familiales est proche de 50 %. Il
était donc justifié de rechercher le ou les autres gènes respon-
sable du déficit gonadotrope isolé sans anosmie.
L’un de ces gènes vient d’être caractérisé par une équipe de
l’INSERM
(14).
Il code pour un récepteur couplé aux pro-
téines G dont la seule fonction biologique connue était d’in-
hiber la capacité métastatique des cellules tumorales
(15).
Ce
gène est devenu candidat grâce à la cartographie du génome
réalisée au sein d’une seule famille comprenant cinq frères et
sœurs ayant un déficit gonadotrope isolé, ce qui a permis de
définir une région candidate sur le bras court du chromosome
19
(figure 1A).
Plusieurs gènes de cette région ont été séquen-
cés avant GPR54, car la relation entre sa fonction biologique
et l’axe gonadotrope n’était pas évidente. Certains arguments
plaidaient néanmoins en faveur d’une participation de ce récep-
teur dans des processus neuroendocriniens, dont son expres-
* Laboratoire d’hormonologie et de biologie moléculaire, hôpital de Bicêtre,
INSERM U584, faculté de médecine Necker-Enfants malades.
BSG NR3B EPLG6
FSTL3
Chromosome 19
pTer
0
D19S814
IHH2.1
D19S886*
1000
D19S883
IHH2.2
IHH2.3
2000
D19S878
D19S565
D19S424*
3500
Point de recombinaison
GPR54
1
123 4 567
524
369
II
III
Famille
1
A
B
C
Figure 1. Caractérisation de la délétion. A: Extrémité télomérique
du bras court du chromosome 19. Les gènes séquencés sont indiqués.
B: Amplification par PCR de l’exon 5 dans la famille 1 (symboles
bleus : individus atteints). C : Conséquence théorique de la délé-
tion de l’exon 5 sur la structure protéique du récepteur GPR54 (ré-
gion délétée).
Nouvelles approches
Nouvelles approches
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Nouvelles approches
Nouvelles approches
sion dans l’hypothalamus et l’hypophyse ainsi que l’augmen-
tation de la concentration plasmatique d’ocytocine après injec-
tion intraveineuse, de la souris, du ligand de GPR54.
Le génotypage des cinq exons de ce gène à partir de l’ADN
des individus malades de cette famille a mis en évidence une
délétion homozygote comprenant l’extrémité 3’ de l’intron 4
et l’extrémité 5’ de l’exon 5
(figure 1B).
Cette délétion est
responsable de la synthèse d’un récepteur ne comprenant pas
les deux derniers domaines transmembranaires
(figure 1C).
Il est bien connu que ces récepteurs tronqués ne sont pas fonc-
tionnels. De plus, la recherche de cette délétion dans une popu-
lation témoin a été négative, ce qui indique qu’il ne s’agit pas
d’un polymorphisme. Ce travail a permis de démontrer le lien
génétique entre une perte de fonction du récepteur GPR54 et
l’hypogonadisme hypogonadotrope.
Dans le même temps, une équipe américaine confirmait l’im-
plication de GPR54 dans la génétique du déficit gonadotrope
isolé grâce à une approche similaire dans une famille origi-
naire d’Arabie saoudite très informative et l’étude d’un cas
sporadique
(16).
Dans ce travail, trois mutations ponctuelles
responsables d’une perte de fonction de GPR54 ont été
décrites. Le dernier argument confirmant définitivement le rôle
de GPR54 dans la régulation de la synthèse de la LH et de la
FSH a été apporté par l’observation d’un déficit gonadotrope
isolé chez les souris dont le gène GPR54 a été invalidé
(16).
Un nouveau chapitre de le physiologie de l’axe gonadotrope
vient donc de s’ouvrir grâce à la génétique humaine. Le ligand
de GPR54 est un peptide RF-amide dérivé de la protéine KiSS1
synthétisée notamment dans le système nerveux central et par
le placenta
(17).
Ce peptide est également connu pour sa fonc-
tion inhibiteur de métastases
(15).
Les mécanismes molécu-
laires de la régulation de l’axe gonadotrope par GPR54 sont
pour l’instant inconnus. Les modèles animaux ainsi que la
comparaison des phénotypes observés dans l’espèce humaine
devraient aider à mieux les comprendre. Ces travaux de géné-
tique humaine combinés avec ceux de la souris indiquent que
GPR54 ne participe pas à la différenciation sexuelle durant la
vie fœtale mais qu’il joue un rôle majeur dans la régulation de
la synthèse de la LH et de la FSH durant la puberté et proba-
blement après la puberté. GPR54 pourrait donc devenir une
cible thérapeutique majeure dans les maladies dépendant de
l’axe gonadotrope.
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