20 | La Lettre du Gynécologue • n° 376 - novembre 2012
DOSSIER Cancer du sein : peut-on influer sur son destin ?
Essais d’hormonothérapie séquentielle
◆Non programmée
Plusieurs essais randomisés ont comparé le
tamoxifène pendant 5 ans à une séquence
tamoxifène pendant 2 ou 3 ans suivie d’un IA. La
randomisation était effectuée après 2 à 3 ans de
tamoxifène (hormonothérapie séquentielle “non
programmée”). Le premier essai publié utilisait
l’exémestane (étude IES) [7, 10]. À 3 ans, un avan-
tage en survie sans récidive de l’ordre de 4,7 % en
faveur de l’exémestane a été observé, et l’actualisa-
tion à 55,7 mois de médiane de suivi (10) a retrouvé
un gain en survie globale pour les patientes dont
les RE étaient positifs ou inconnus (RR : 0,83 ; IC
95
:
0,69-0,99). Au vu de cet essai, le protocole TEAM
a donc été modifié et a finalement comparé 5 ans
d’exémestane à un traitement séquentiel de 2 à 3
ans de tamoxifène suivi de l’exémestane. Les résul-
tats présentés à San Antonio en 2009 (11) n’ont
pas montré de différence significative en survie
globale ni en survie sans récidive.
La supériorité de l’hormonothérapie séquentielle
avec anastrozole a également été mise en évidence
dans des essais numériquement plus petits (étude
ITA) [12] et la compilation des essais ABCSG 8 et
ARNO (13).
◆Programmée
Les premiers résultats des hormonothérapies
séquentielles programmées telles que prévues dans
le protocole BIG 1-98 ont été récemment rapportés
(6). Ce protocole comporte 4 bras permettant une
comparaison tamoxifène 5 ans versus létrozole
5 ans versus tamoxifène 2 ans suivi de létrozole
3 ans versus létrozole 2 ans suivi de tamoxifène 3
ans comme nous l’avons déjà mentionné. À 71 mois
de médiane de suivi, il n’y a pas de différence entre
les traitements séquentiels (létrozole versus tamoxi-
fène suivi de létrozole [HR : 1,05 ; IC95 : 0,84-1,32] ;
létrozole seul versus létrozole suivi de tamoxifène
[HR : 0,87 ; IC
95
: 0,75-1,02 ; p = 0,008]). Les bras
séquentiels n’apportent donc pas de bénéfice par
rapport au létrozole seul mais ne sont pas moins
efficaces.
Toutes ces études ont été poolées dans une méta-
analyse publiée en 2010 (14). Dans les essais d’hor-
monothérapie d’emblée, le bénéfice absolu des IA
par rapport au tamoxifène, en survie sans récidive
à 5 ans, était estimé à 2,9 %. La diminution de la
mortalité de 1,1 %, n’atteignait pas le seuil de signifi-
cativité. Dans les essais d’hormonothérapie séquen-
tielle (après 2 à 3 ans de tamoxifène), le bénéfice
des IA par rapport à la poursuite du tamoxifène était
évalué respectivement à 3,1 % (survie sans récidive),
et 0,7 % (survie globale ; p = 0,02).
Quel traitement proposer ?
Il existe un consensus pour proposer chez les femmes
ménopausées un IA à un moment quelconque de leur
traitement adjuvant. Cependant, le meilleur usage
et la meilleure molécule restent inconnus. Plusieurs
questions restent ouvertes. Faut-il commencer le
traitement adjuvant d’emblée par un IA et lequel ?
Est-il préférable de commencer par le tamoxifène
et de poursuivre par un IA ou l’inverse ? Doit-on
utiliser les IA après la chimiothérapie, en même
temps ? Leur efficacité diffère-t-elle en fonction
de celle-ci ? Les IA représentent une avancée dans
le traitement du cancer du sein mais nous ne savons
toujours pas quelles sont les patientes qui en béné-
ficient réellement. Par ailleurs, les modes de résis-
tance au tamoxifène sont de plus en plus étudiés
(polymorphismes individuels des cytochromes
métabolisant le tamoxifène [15], coprescriptions
médicamenteuses ayant pu diminuer son efficacité
[16]), et peuvent avoir eu un impact sur les résultats
des études précédemment citées. Il paraît important
de souligner l’enjeu économique majeur soulevé par
ces résultats, un traitement par IA coûtant environ
10 fois plus cher qu’un traitement par tamoxifène.
Il est actuellement impossible de conclure sur la
meilleure approche thérapeutique parmi les schémas
proposés. La tendance est cependant de proposer
les IA en première intention.
Hormonothérapie de la femme
non ménopausée
Tamoxifène
La méta-analyse de 2005, incluant 10 300 patientes
non ménopausées, a montré une diminution du
risque d’autant plus importante que les patientes
étaient jeunes. Ainsi, avant 40 ans, le tamoxifène
administré pendant environ 5 ans réduit le risque
relatif de récidive de 44 % et de décès de 39 % (3,2 %
et 12,2 % en valeur absolue) contre 29 % et 34 %
entre 40 et 50 ans (1,1 % et 3,7 % en valeur absolue).
Ce résultat était identique qu’une chimiothérapie
soit associée ou non.
Références
bibliographiques
1. Early Breast Cancer Trialists'
Collaborative Group. Tamoxifen
for early breast cancer: An overview
of the randomised trials. Lancet
1998;351:1451-68.
2. Mouridsen H, Gershanovich M,
Sun Y et al. Superior efficacy of
letrozole versus tamoxifen as first-
line therapy for postmenopausal
women with advanced breast
cancer: results of a phase III study
of the International Letrozole
Breast Cancer Group. J Clin Oncol
2001;19(10):2596-606.
3. Nabholtz JM, Buzdar A, Pollak M
et al. Anastrozole is superior to
tamoxifen as first-line therapy
for advanced breast cancer in
postmenopausal women: results
of a North American Multicenter
Randomized Trial. J Clin Oncol
2000;18(22):3758-67.
4. Forbes JF, Cuzick J, Buzdar A,
Howell A, Tobias JS, Baum M. Effect
of anastrozole and tamoxifen as
adjuvant treatment for early-
stage breast cancer: 100-month
analysis of the ATAC trial. Lancet
Oncol 2008;9(1):45-53.
5. Coates AS, Keshaviah A, Thurli-
mann B et al. Five years of letrozole
compared with tamoxifen as initial
adjuvant therapy for postmeno-
pausal women with endocrine-
responsive early breast cancer:
update of study BIG 1-98. J Clin
Oncol 2007;2:2.
6. Mouridsen H, Giobbie-Hurder
A, Goldhirsch A et al. Letrozole
therapy alone or in sequence
with tamoxifen in women with
breast cancer. N Engl J Med
2009;361(8):766-76.
7. Coombes RC, Hall E, Gibson
LJ et al. A randomized trial of
exemestane after two to three
years of tamoxifen therapy in
postmenopausal women with
primary breast cancer. N Engl J
Med 2004;350(11):1081-92.
8. Goss PE, Ingle JN, Martino S et
al. A randomized trial of letrozole
in postmenopausal women after
five years of tamoxifen therapy for
early-stage breast cancer. N Engl
J Med 2003;349(19):1793-802.
9. Goss PE, Ingle JN, Martino S
et al. Outcomes of women who
were premenopausal at diagnosis
of early stage breast cancer in the
NCIC CTG MA.17 trial. Cancer
Res Treat 2009;69 (suppl. SABCS
abstract 13):487s.