Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
Le syndrome de sevrage
aux antidépresseurs, qui a
longtemps été minimisé,
voire contesté, est aujourd’hui
démontré pour certains patients.
Pourtant, dès la mise sur le mar-
ché des premiers antidépres-
seurs, on notait des réactions par-
ticulières lors de l’arrêt brutal de
certaines molécules : des réac-
tions de sevrage, mais aussi de
dépendance. C’est dire l’impor-
tance d’informer les patients sous
traitement antidépresseur des
conséquences de la mauvaise
observance ou d’un arrêt intem-
pestif sans surveillance médicale.
Distinguer la rechute
On connaît bien la dépendance
aux benzodiazépines. En revanche,
les réactions de sevrage avec les
antidépresseurs, y compris les
nouvelles molécules sérotoniner-
giques, restent mal connues, bien
qu’elles aient été démontrées par
des études contrôlées. Cela peut
conduire à confondre la rechute
dépressive et le syndrome de
sevrage : alors que ce dernier sur-
vient le plus souvent entre le 2
e
et
5
e
jour après l’interruption d’un
antidépresseur (toutefois, des
réactions plus tardives, jusqu’à
quatre semaines, sont possibles),
la rechute apparaît entre quatre et
six semaines après l’arrêt du traite-
ment. On sait aussi que trois à
quatre semaines de traitement
continu suffisent pour induire un
syndrome de sevrage, dont l’inten-
sité dépend des posologie utili-
sées. Dans la plupart des cas, les
symptômes sont modérés et dis-
paraissent en une semaine ; plus
rarement, ils persistent jusqu’à la
sixième semaine. Il s’agit des
symptômes suivants : sensations
vertigineuses très brèves et sou-
daines, nausées, fatigue de type
“coup de pompe” à des moments
divers de la journée, rêves avec
des perceptions sensorielles inha-
bituelles, changements rapides
d’humeur d’une heure à l’autre,
tension intérieure avec agitation,
maux de tête, difficultés de
concentration, douleurs muscu-
laires, frissons, sueurs, paresthé-
sies (parfois l’impression de
décharges électriques dans la
tête), diarrhées.
De façon exceptionnelle ont été
décrites des réactions de sevrage
plus graves, telles que des symp-
tômes neurologiques évoquant
une attaque cérébrale, des états
confusionnels et délirants, des
dystonies, des réactions hypoma-
niaques, une akathisie (avec la
clomipramine).
Comme les antidépresseurs tricy-
cliques, tous les antidépresseurs
sérotoninergiques peuvent être
concernés par le syndrome de
sevrage, les molécules le plus
souvent mises en cause étant la
paroxétine et la venlafaxine, tandis
que la fluoxétine, dont la durée
d’élimination est longue (7 jours,
son métabolite 30 jours), pose
moins de problèmes. En ce qui
concerne les mécanismes sous-
jacents, on suppose que l’hyper-
sensibilité des récepteurs séroto-
ninergiques noradrénergiques et
cholinergiques, induite du fait de
la stimulation durable par des
antidépresseurs, pourrait expli-
quer le phénomène de sevrage.
On comprend qu’il n’est pas su-
perflu de rappeler aux patients à
plusieurs reprises qu’il ne faut
jamais arrêter brutalement un
antidépresseur. Une diminution
progressive de la molécule sur
deux semaines est souvent suffi-
sante. Cependant, chez certains
patients très sensibles, les délais
peuvent être plus longs. L’inten-
sité du sevrage impose parfois
une reprise de l’antidépresseur et
une diminution plus graduelle de
la posologie. Certaines études
recommandent d’utiliser la fluoxé-
tine plutôt que la molécule d’ori-
gine afin de se prémunir contre
un sevrage ultérieur.
Sevrage et grossesse
De même, les soignants ne doi-
vent pas perdre de vue que le
syndrome de sevrage aux antidé-
presseurs a des répercussions
chez le nouveau-né (exposé in
utero) peut donner lieu à des
erreurs diagnostiques. Avec les
antidépresseurs tricycliques, ce
sont surtout des difficultés respira-
toires qui ont été rapportées à la
naissance (jusqu’à une semaine
après l’accouchement). Avec les
antidépresseurs sérotoninergiques,
plusieurs symptômes peuvent
être observés chez le nourrisson,
à savoir : une hypotonie ou une
hypertonie, une somnolence, une
agitation, des troubles de la suc-
cion, des pleurs incessants, plus
rarement des troubles de la régu-
lation de la température ou des
convulsions.
LC
D’après la communication
des Drs P. Fossati, B. Claudel
et Pr J.F. Allilaire
(hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris)
lors des Entretiens de Bichat.
>> DOSSIER
Contrairement à ce que l’on croyait, le syndrome de sevrage aux antidépresseurs existe
bel et bien. Suivant les études et les molécules, il concerne entre 1O et 30 % des
patients à la suite de l’arrêt brutal d’un antidépresseur sérotoninergique. Il est plus
exceptionnel en cas de simple baisse de la posologie, ou encore d’oubli d’une seule
prise pour certains antidépresseurs.
Antidépresseurs
Le syndrome de sevrage existe
PSYCHIATRIE 35